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Archive pour la catégorie 'SPIELBERG Steven'

Il faut sauver le soldat Ryan (Saving Private Ryan) – de Steven Spielberg – 1998

Posté : 10 août, 2014 @ 12:41 dans 1990-1999, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Il faut sauver le soldat Ryan

Les spectateurs qui découvriraient Il faut sauver le soldat Ryan aujourd’hui auraient sans doute du mal à en déceler l’importance. Depuis 1997, l’immersion totale voulue par Spielberg pour son extraordinaire séquence d’ouverture a plus que fait école : elle est quasiment devenue le passage obligé pour tout film de guerre. Mais jamais un réalisateur n’a réussi à renouveler l’impact de ces vingt premières minutes, durant lesquelles Spielberg place le spectateur dans la peau de ces jeunes Américains qui se retrouvent plongés soudainement, sans y être vraiment préparés, dans l’enfer des plages normandes du débarquement.

On sent bien que c’est cette longue séquence qui a donné envie au cinéaste de faire ce film. Caméra à l’épaule, sans le moindre plan d’ensemble, ne suivant que le strict point de vue de ces soldats qui voient leurs camarades tomber les uns après les autres, sans comprendre réellement ce qui se passe autour d’eux. Cette confusion jour pour beaucoup dans l’effet incroyablement immersif de cette longue introduction, si souvent copiée depuis.

L’histoire à proprement parler, inspirée d’un épisode authentique de la seconde guerre mondiale (un petit commando est chargé de retrouver et de rapatrier un soldat dont les trois frères ont été tués au combat, dans la campagne française), ne commence d’ailleurs que lorsque le calme est revenu, et que Spielberg prend le temps de présenter ses personnages.

C’est alors un autre film qui commence, passionnant, spectaculaire et très émouvant, mais aussi plus convenu dans son traitement. Spielberg y glisse toutefois une méditation plutôt inspirée sur l’absurdité de la guerre, et sur l’impossibilité de trouver des héros dans ces temps où se perdent des existences sacrifiées.

• Ce déjà classique a droit à une belle édition blue ray avec livret richement illustré, édité chez Paramount.

Rencontres du troisième type (Close Encounters of the third kind) – de Steven Spielberg – 1977 (et 1980 – 2007)

Posté : 1 juin, 2014 @ 6:22 dans 1970-1979, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Rencontres du troisième type

Après le triomphe de Jaws, le jeune Spielberg signe une nouvelle date importante dans l’histoire du cinéma populaire. Close encounters… n’est pas seulement un nouvel immense succès en salles : le film pose les bases de toute une imagerie encore vivace aujourd’hui. Dire que le film a inspiré Chris Carter pour X-Files relève ainsi de la pure évidence. La série culte reprendra des pans entiers du film de Spielberg : les étranges réapparitions qui émaillent la première partie seront ainsi largement empruntées pour les prologues de nombreux épisodes de la série. On y retrouvera aussi les mensonges d’état qui dissimulent la présence d’extraterrestres, et de nombreux détails qui seront repris tels quels (les vis qui s’enlèvent d’elles-même avant l’enlèvement du petit Barry seront copiés dans un célèbre épisode de la saison 1)… On a souvent dit que la série de Chris Carter avait été largement pillée par des dizaines de films et de séries par la suite. Mais lui-même avait largement recyclé…

Pour Spielberg, le film (dont il écrit lui-même le scénario, fait quasi unique dans sa filmographie) est né de la confluence de deux choses qui le fascinaient à l’époque : l’existence des OVNIS, et le scandale encore récent du Watergate. Les mensonges d’état, la théorie du complot… donnent au film quelques séquences particulièrement fortes, montrant des populations déplacées de force par l’armée, et parqués dans des trains bondés. Une imagerie qui évoque celle de la Shoah et d’un pays devenu totalitaire, que Spielberg retrouvera plusieurs fois par la suite, notamment dans La Guerre des Mondes, un autre film d’extraterrestres nettement moins apaisé…

La dernière partie, qui traîne un peu en longueur, est sans doute la moins passionnante : la rencontre finale sonne d’une manière étrangement naïve, d’un angélisme qui colle mal avec l’atmosphère qui baigne le film, angoissé, cynique et même cruel. L’un des aspects les plus réussis, au contraire, concerne l’implosion de la famille de Richard Dreyfuss, cet homme ordinaire transformé par ce qu’il a vu, et qui retrouve la foi d’un enfant. Mais cette pureté d’esprit colle mal avec les obligations d’un père de famille, et le fait passer pour fou…

Il y a quelque chose de bouleversant dans les rapports de ce père avec ses fils qui semblent réaliser qu’il ne pourra plus être leur père. Spielberg, tiraillé entre ses fantasmes de Peter Pan et sa volonté d’être un homme, semble lui trouver le choix bien cruel. Le regard plein de larmes de ce fils qui observe son père lâcher prise est l’exact inverse de cette belle scène dans Jaws, où le fils imitait son père et le sortait de sa torpeur.

Visuellement aussi, le film est une grande réussite. Pas forcément grâce aux effets spéciaux, impressionnants mais revus tellement de fois depuis. Mais plutôt grâce aux effets les plus simples, notamment de lumière. La première « rencontre » dans la voiture de Richard Dreyfuss est un modèle de mise en scène. Et l’enlèvement de Barry est filmé avec des jeux de lumière éblouissants.

Je ne peux pas ne pas évoquer François Truffaut. Sa présence est suffisamment étonnante en soi, mais sa prestation l’est tout autant. Visiblement très impliqué, il est assez fascinant. Et irrésistible lorsque, le gigantesque vaisseau survolant leur base, tous les scientifiques lancent des « Holy shit ! » tandis que lui, en français, lâche un « mince alors ». Mythique !

• Le film a eu droit à plusieurs versions, toutes réunies dans un triple DVD édité chez Columbia Tristar. C’est la version « définitive » que j’ai vue : en 2007, Spielberg a supervisé un montage conforme à ce qu’il souhaitait, à partir des deux premières versions. Dans la première, sortie en 1977, les contraintes de production l’avaient obligé à renoncer à plusieurs scènes qu’il voulait inclure dans son film. Trois ans plus tard, le triomphe du film lui a donné l’opportunité de tourner ces scènes (notamment la découverte du bateau dans le désert de Gobi), à condition qu’il accepte de filmer Richard Dreyfuss à l’intérieur du vaisseau, ce qu’il a fait à contre-cœur. Elle ne figure donc pas dans la version « director’s cut ».

La Guerre des mondes (War of the Worlds) – de Steven Spielberg – 2005

Posté : 4 juillet, 2013 @ 4:37 dans 2000-2009, CRUISE Tom, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven | 1 commentaire »

La Guerre des mondes (War of the Worlds) - de Steven Spielberg - 2005 dans 2000-2009 la-guerre-des-mondes

Remake d’un classique un peu cheap des années 50, nouvelle adaptation d’un roman très daté de HG Wells, cette Guerre des mondes version 2005 est sans doute la plus grosse production de Spielberg, le film le plus démesuré de sa filmographie. Mais c’est aussi, grâce à un paradoxe qui colle parfaitement à sa filmo, le plus personnel de ses films, celui dans lequel se retrouvent toutes ses obsessions, toutes ses figures récurrentes, et toute sa sensibilité…

Impossible de faire le tour de ce chef d’œuvre impressionnant, qui est non seulement l’un des sommets de sa carrière, mais aussi l’un des meilleurs films de la décennie, tout simplement. Notons juste que le film est peut-être celui qui illustre le mieux la rupture qu’a marqué, à Hollywood aussi, le 11 septembre. Des dizaines de films (post)apocalyptiques suivront, mais jamais avec autant de subtilité que celui-ci, et jamais avec un tel ancrage dans le quotidien de l’Amérique « normale ».

Car le point de vue adopté par Spielberg ici n’a rien « d’extraordinaire » : jamais la caméra ne s’éloigne de ce père de famille divorcé, un type on ne peut plus ordinaire interprété par un Tom Cruise qui n’a jamais été aussi bien. Non seulement ce mec n’est pas un surhomme (il ne jouera d’ailleurs aucun rôle dans le dénouement de cette guerre), mais il n’est même pas un type remarquable (genre James Stewart dans les films de Capra). Non, c’est un homme un peu immature, père pas terrible, ex-mari détesté par ses anciens beaux-parents, un type qui n’a à peu près rien réussi, surtout pas d’être respecté par qui que ce soit…

Et c’est son point de vue d’homme ordinaire que le film va suivre de bout en bout, nous plongeant ainsi véritablement au cœur de la population d’abord, puis au cœur de la masse des survivants en exode. Il y a dans ce personnage de père, qui révèle peu à peu ses failles terribles et sa détermination plus forte que tout à sauver ses enfants (dont la petite Dakota Fanning, dans l’une des meilleures prestations d’enfants qui soit), quelque chose de bouleversant. On sent Spielberg, lui dont la filmographie est marquée par la décomposition de sa propre famille lorsqu’il était enfant, particulièrement attaché dans ce combat du père.

Il y a des passages déchirants : le moment où Tom Cruise qu’il doit tuer froidement Tim Robbins s’il ne veut pas mettre sa fille en danger ; et celle où, dans le chaos de la guerre qui l’entoure, il doit choisir de laisser partir l’un de ses enfants pour ne pas perdre l’autre. Un passage qui fait furieusement penser au Choix de Sophie

Si l’ombre du 11 septembre plane évidemment sur le film, c’est surtout celle de la deuxième guerre mondiale qui domine cette Guerre des mondes, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres films de Spielberg. L’occupation, l’extermination d’un peuple, mais aussi le cycle de la vie, qui reprend immanquablement ses droits, même après les périodes les plus barbares… L’inspiration de Spielberg est évidente, mais traitée avec une parfaite intelligence.

Faisons-nous mal, et imaginons deux secondes ce que Michael Bay aurait fait d’un tel scénario, avec de tels moyens… Assurément pas la même chose ! Avec le plus imposant de ses blockbusters, avec des effets spéciaux omniprésents, des décors gigantesques, des tas de figurants… Spielberg, lui, signe son film le plus intime, le plus intelligent, et le plus émouvant.

Et il le fait avec un style ébouriffant. Pas le moindre plan anodin ici, pas la plus petite baisse de régime. Dès les premières images, la mise en scène de Spielberg est absolument exceptionnelle, très longs plans (souvent aidés par les effets numériques) d’une fluidité hallucinante qui suivent au plus près des personnages ballottés par le cours dramatique de l’histoire.

C’est du très grand art, et un plaisir de cinéma immense.

Les Aventures de Tintin : le Secret de la Licorne (The Adventures of Tintin : The Secret of the Unicorn) – de Steven Spielberg – 2011

Posté : 4 avril, 2012 @ 9:53 dans 2010-2019, DESSINS ANIMÉS, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Les Aventures de Tintin

Il y a dans la carrière récente de Steven Spielberg une notion d’urgence qui me semble bien proche de la nostalgie. Après une décennie (les années 2000 grosso modo) de maturité artistique et d’expérimentation constante (avec quelle réussite !), Spielberg renoue avec ses rêves de jeunesse et concrétise ses projets les plus anciens, ceux qui lui étaient les plus chers mais qu’il ne cessait de remettre à plus tard : après un quatrième Indiana Jones annoncé pendant plus de quinze ans, et avant un Lincoln en préparation depuis à peu près aussi longtemps (et un Cheval de guerre qui renoue avec des thèmes qui étaient les siens dans les années 80), le cinéaste porte enfin les aventures de Tintin à l’écran. Un rêve qu’il portait en lui depuis… trente ans.

Longtemps, Spielberg voulait faire de ce Tintin un film « live », avec des acteurs de chair et d’os. Des essais ont même été réalisés peu avant le tournage, pour voir comment un Milou de synthèse pouvait interagir avec de vrais acteurs. Finalement, suivant l’exemple d’un Robert Zemeckis qui fut longtemps sont élève le plus doué, il choisit la motion capture. Mouais… Cette approche bâtarde ne m’a jamais vraiment convaincu : à quoi bon utiliser des acteurs connus que l’on ne reconnaît pas.

Là encore, il faut une vraie bonne volonté pour reconnaître Daniel Craig en Sakharine, ou Jamie Bell en Tintin. Seul Andy Serkis, dans le rôle du capitaine Haddock, est clairement identifiable. Logique, l’acteur est moins connu pour son visage que pour sa manière toute particulière de se mouvoir : spécialiste de la motion capture, il a interprété King Kong dans le film de Peter Jackson (co-producteur et réalisateur de la seconde équipe, et vraisemblable réalisateur du prochain Tintin), et surtout Gollum dans Le Seigneur des Anneaux du même Jackson.

Cette réserve posée, reconnaissons que Spielberg utilise merveilleusement le procédé. Après un générique d’anthologie, qui rend à l’œuvre d’Hergé le plus sublime des hommages (il faut voir le film, ne serait-ce que pour ce générique qui surpasse encore celui de Arrête-moi si tu peux), la première séquence est un petit chef d’œuvre à elle-seule. Par la virtuosité de sa réalisation, avec cinquante idées géniales dans le moindre plan, Spielberg brise la frontière entre cinéma traditionnel et animation : ce qu’il propose est une plongée au cœur même de son univers à lui. Et c’est avec un plaisir immense qu’on le suit.

Amoureux de l’œuvre d’Hergé, Spielberg fait sien l’esprit du dessinateur. Tout en prenant d’immenses libertés avec l’histoire des albums qu’il adapte (en particulier Le Crabe aux pinces d’or pour la rencontre entre Tintin et Haddock, et Le Secret de la Licorne pour l’intrigue principale), le cinéaste reste on ne peut plus fidèle aux bandes dessinées. Certains personnages secondaires prennent une dimension inédite (c’est le cas de Sakharine), de nombreux éléments sont imaginés pour le film (la malédiction qui pèse sur la lignée des Haddock), mais qu’importe : Spielberg a parfaitement assimilé l’esprit des BD, et peut ainsi prendre toutes les libertés du monde.

D’ailleurs, le résultat est brillantissime : rythme effréné, intelligence de la narration, cadre hyper travaillé, clins d’œil omniprésents… On ressent à peu près la même excitation à voir le film qu’à lire un album de Tintin. Dans la première partie en tout cas.

Parce qu’après quarante-cinq minutes d’anthologie, durant lesquelles Spielberg prouve qu’une adaptation fidèle et intelligente de Tintin est possible, le cinéaste nous livre une seconde partie certes ébouriffante, mais sans grand rapport avec Hergé. C’est du Indiana Jones qu’on découvre alors, avec une surenchère constante dans l’action et un rythme qui n’en finit plus de s’emballer. Comme s’il avait voulu se rattraper des erreurs consentis sur Le Royaume du Crâne de Cristal, Spielberg nous rappelle qu’il a toujours l’imagination juvénile et folle qui était la sienne en 1981, lorsqu’il tournait Les Aventuriers de l’Arche perdue.

Ce n’est pas un hasard : Indiana Jones et Tintin sont deux personnages intimement liés dans sa vie et sa carrière. En bon Américain qu’il est, Spielberg n’avait en effet jamais entendu parler de Tintin avant de découvrir ce nom dans une critique française de ses Aventuriers de l’Arche perdue, qui comparait les deux personnages. C’est après avoir lu ce papier que Spielberg s’est plongé dans l’œuvre d’Hergé, et qu’il a obtenu sa bénédiction pour une adaptation, peu avant la mort du Belge.

Hélas, dans la seconde partie, on sent que Spielberg ne fait plus vraiment la différence entre les deux personnages. Cette dernière heure aurait fait un sublime Indiana Jones. Mais elle désarçonne l’amoureux de Tintin que je suis, qui assiste avec un regard de plus en plus médusé à cette grande folie qui ne prend plus en compte l’essence de la bande dessinée qui, derrière ses plus grands excès, gardait continuellement une approche réalisme et un ancrage profond dans son époque.

Le sentiment final est forcément mitigé. Mais Spielberg réussit tout de même son pari. Le temps lui a permis d’assimiler parfaitement l’univers d’Hergé. Jusqu’à ne plus vraiment faire la différence avec le sien. On attend tout de même la suite avec impatience…

Les Dents de la mer (Jaws) – de Steven Spielberg – 1975

Posté : 12 février, 2012 @ 11:24 dans 1970-1979, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Les Dents de la mer (Jaws) – de Steven Spielberg – 1975 dans 1970-1979 les-dents-de-la-mer

« We’re gonna need a bigger boat »

Trente-sept ans après, Les Dents de la Mer n’a pas pris une ride. Chef d’œuvre signé par un jeune cinéaste qui ne savait pas encore qu’il allait révolutionner le cinéma populaire, le film reste un modèle absolu pour d’innombrables réalisateurs, une source d’inspiration inépuisable qui n’a, sans doute, jamais été égalé. Et certainement pas par les trois suites très dispensables qu’il a généré jusqu’en 1987 (Jaws 2, réalisé par Jeannot Szwarc, est très honnête, mais les deux nanars suivants atteignent des sommets de nullité : le n°3 surfant sur la furtive réapparition de la 3D au début des années 80, et le n°4 représentant un abysse sidérant dans la carrière de Michael Caine).

Considéré, à juste titre, comme un modèle pour le cinéma de terreur, Les Dents de la Mer est aussi l’œuvre d’un amoureux du cinéma, qui modifie profondément le paysage cinématographique, tout en se nourrissant des grands maîtres classiques d’antan. Ce sera le cas pour la plupart des films à venir de Spielberg (jusqu’à aujourd’hui). C’est déjà le cas avec ce Jaws qui, s’il représente une date dans l’histoire du cinéma (c’est le premier « blockbuster » officiel, le premier film à avoir bénéficié d’une sortie massive estivale, battant des records au box-office), étonne aussi par sa facture très classique, et ses longs plans parfois fixes qui évoquent le cinéma de Ford.

Mais la référence la plus frappante, c’est l’œuvre d’Hitchcock, et en particulier Les Oiseaux, dont Les Dents de la Mer est le rejeton le plus génial. C’est peut-être le seul film (avec le Fog de John Carpenter, dans une moindre mesure) à retrouver l’esprit et l’ambiance du chef d’œuvre d’Hitchcock : même volonté de transformer l’environnement le plus paisible (un tranquille port de pêche là, une jolie station balnéaire ici) en une terrible menace ; même approche de l’angoisse qui s’installe peu à peu avant que l’horreur ne prenne tardivement une forme concrète (les oiseaux là, le requin ici) ; mêmes personnages ordinaires ne disant pas tout de leur passé (les frasques de Mélanie là, les traumatismes de Brody ici) ; et même petite ville de bord de mer, dont le film tire une dimension profondément humaine, à l’opposée des thrillers urbains alors en vogue à Hollywood.

Autre point commun avec Hitchcock, qui ne doit sans doute rien au hasard : Spielberg est l’un des rares cinéastes à avoir utilisé aussi bien que Hitch le procédé associant travelling avant et zoom arrière, qui isole le visage d’un acteur en donnant une sensation de vertige. C’était génial dans Sueurs froides, ça l’est tout autant ici, lorsque le chef Brody (Roy Scheider) découvre avec terreur l’attaque du requin dans une eau de baignade bondée.

Les Dents de la Mer est un film exceptionnel, qui dévoile déjà le talent inouï d’un jeune cinéaste qui n’est jamais aussi passionnant que quand il plonge dans le cinéma qui a bercé son enfance : Les Aventuriers de l’arche perdue, hommage aux serials des années 30 et 40, et La Guerre des Mondes, remake d’un classique de la SF des années 50, seront d’autres sommets dans sa riche carrière. Visuellement, c’est une splendeur : il y a dans ce film de jeunesse un sens du cadre digne des grands maîtres de l’âge d’or, et une manière merveilleuse d’alterner longs plans et plans plus courts, et les différences de cadrage (ces plans successifs qui se rapprochent peu à peu et de manière saccadée d’un Brody inquiet…).

La grande force du film, ce que la plupart des imitateurs de Spielberg ne comprendront pas dans les décennies à venir, ce sont ses personnages. Jusqu’au plus petit second rôle, tous ont une vraie profondeur, et le film est émaillé de petits moments apparemment anodins, mais qui lui donne toute sa force. Un seul exemple : cette petite scène profondément émouvante et pourtant si simple de Brody avec son plus jeune fils, qui imite le moindre de ses mouvements, lui redonnant ainsi du baume au cœur.

Dans la seconde partie, la donne change, mais ce sont une nouvelle fois les personnages qui font la différence. Rompant avec la ville terrorisée de la première moitié, le film se transforme alors en un huis-clos en pleine mer, et se limite à trois personnages : le chef Brody luttant contre sa phobie de l’eau ; le jeune spécialiste passionné par les requins (génial Richard Dreyfuss) ; et le chasseur de squales grande gueule (Robert Shaw, imbibé d’alcool mais inoubliable). L’alchimie entre ces trois-là est exceptionnelle, et domine lors de la fameuse scène de calme avant la tempête, autour de la table.

Quant au requin, qui a posé tant de problème durant le tournage (causant des semaines de retard et des cheveux blancs au jeune réalisateur), il fait effectivement carton-pâte. Lorsqu’il apparaît enfin clairement aux deux-tiers du métrage, il devrait même faire sourire. Mais non : le génie de Spielberg suffit à faire passer la pilule. Le signe d’un grand, capable d’amener le public exactement là où il le souhaite.

Minority Report (id.) – de Steven Spielberg – 2002

Posté : 23 février, 2011 @ 11:23 dans 2000-2009, CRUISE Tom, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Minority Report

Une affiche de rêve : Tom Cruise, superstar à la carrière passionnante, dirigée pour la première fois par Steven Spielberg, cinéaste génial quand il s’attaque au film de genre, dans l’adaptation d’une nouvelle de science fiction du grand Philip K. Dick, à qui on doit quand même des œuvres comme Total Recall (voir ici pour la version 2012) et Blade Runner… Les promesses d’une telle affiche pouvaient-elles être tenues ? Eh bien oui, à 100% oui. Minority Report est l’un d’un meilleurs films de SF de la décennie (disons avec Les Fils de l’homme), et l’un des meilleurs Spielberg tout court (disons, après Les Dents de la mer et Les Aventuriers de l’arche perdue). Ce n’est quand même pas rien.

Côté SF pure, Spielberg nous offre une vision audacieuse, mais pourtant terriblement crédible de ce que le futur nous prépare. Les publicités personnellement interactives, les écrans tactiles, les véhicules guidés par satellites… on est réellement dans un cinéma d’anticipation « sérieux », et documenté. Bref, cet aspect du film est franchement bluffant, et assez fascinant. Pourtant, le principal intérêt de Minority Report n’est pas là, mais dans tout le reste.

Le film est en partie une variation passionnante autour d’un thème classique du film noir, qui a déjà donné lieu à quelque chef d’œuvre (La Grande Horloge en tête) : l’enquêteur qui devient le principal suspect. Ici, c’est Tom Cruise, charismatique et puissant, qui se retrouve la victime d’un système miraculeux et effrayant dont il était jusqu’alors le principal ambassadeur.

C’est aussi l’un des plus complexes de tous les films de Spielberg, basé sur une idée (imaginée par Dick, donc) formidable : Cruise est flic en chef d’une unité expérimentale chargée d’arrêter les meurtriers… avant qu’ils commettent leurs crimes. Pas besoin d’avoir une maîtrise de philo pour imaginer la question sous-jacente : même si le système est infaillible, un meurtrier doit-il être puni avant d’avoir commis un meurtre ? Il y a là-dessous l’enjeu du destin et du libre-arbitre, thèmes maintes fois rabachés, certes, mais traités ici avec une intelligence et une ouverture d’esprit assez rare.

Le piège, avec de tels thèmes, serait de tomber dans la tentation du film à thèse. On en est loin, fort heureusement : Spielberg ne donne pas plus de leçon qu’il n’apporte de réponses aux questions qu’il laisse en suspens. Ce système de « precrime », qui fonctionne grâce à trois jeunes gens dotés de pouvoirs médiumniques et présentés comme des demi-divinités privées de leur humanité, est à la fois parfait (pas un seul meurtre commis depuis sa mise en place six ans plus tôt), et rappelle les méthodes des pires régimes totalitaires. La sécurité, oui, mais à quel prix.

La toile de fond suffit, et Spielberg n’en rajoute pas, se concentrant plutôt sur la fuite en avant désespérée de ce flic du futur, qui semble lui aussi sortir d’un film noir d’antan : embarqué dans une course-poursuite qui le dépasse un peu, John Anderton est aussi un homme dévasté par ses démons intérieurs, le souvenir de ce fils disparu des années plus tôt, sans doute enlevé par un tueur, et dont on ne retrouvera jamais la piste. Un homme vrai, un héros à l’ancienne. Parce que peu importe les révolutions techniques, la variable humaine, elle, ne change pas.

C’est sans doute ce qu’il y a de plus beau dans Minority Report (comme dans Les Fils de l’homme, tiens) : la toile de fond a beau être futuriste, les personnages, eux, pourraient être ceux d’un film des années 40. Anderton/Cruise, donc, mais aussi l’ex-femme (Kathryn Morris, future Lily Rush de la série Cold Case), le flic ambitieux de la police des polices (Colin Farrell, détestable comme il le faut) et le mentor qui cache un trouble secret (l’inoxydable Max Von Sydow).

Tom Cruise et Steven Spielberg avaient mis des années avant de se trouver enfin. Leur rencontre tient toutes ses promesses. La seconde sera pour La Guerre des Mondes. Pas exactement un nanar non plus…

Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal (Indiana Jones and the Kingdom of the Crystal Skull) – de Steven Spielberg – 2008

Posté : 14 août, 2010 @ 3:42 dans 2000-2009, FORD Harrison, SPIELBERG Steven | Pas de commentaires »

Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal

Dire qu’on attendait ce film avec impatience serait un euphémisme absolu. Depuis quinze ans, Harrison Ford, George Lucas et Steven Spielberg nous annonçaient que le scénario était prêt, que le tournage était imminent… Et puis rien… Alors forcément, quand on l’a annoncé une dernière fois, on attendait de voir pour y croire. Et puis on a vu. On a vu des images de tournage, forcément excitantes. On a vu une première image d’Harrison Ford en Indiana Jones, et là on s’est dit que, vingt ans après, il avait encore la classe, papy… Et puis on a appris que Karen Allen revenait dans le rôle de Marion, et là on s’est dit que waouh… Et puis on a vu la bande annonce, avec cet immense hangar qui nous replongeait d’un coup dans l’atmosphère des Aventuriers de l’Arche Perdue. Alors forcément, on avait hâte, et on avait conscience. Restait une épreuve, forcément risquée : voir le film.

Et on l’a vu. Trois fois déjà, pour être sûr de l’apprécier à sa juste valeur. Et alors ? Alors il y a deux films dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal : il y a la première demi-heure, et il y a le reste. Le reste, d’abord, est franchement décevant. Spielberg n’y est pour rien, d’ailleurs : très inventif sur le plan visuel (Spielberg n’est jamais aussi inspiré que quand il s’attaque au vrai cinéma populaire), il donne un rythme fou à un film qui, forcément, rempli son cahier des charges formidablement bien. Quelques séquences sont un peu molles du genou (le passage obligé du serpent, par exemple, ne restera pas dans les mémoires), mais c’est du vrai bon divertissement, avec des scènes d’action extraordinaires. Le principal problème, alors ? Il a un nom : George Lucas. Le producteur, qui n’a plus rien du génial artisan qu’il était au moment des Aventuriers de l’Arche perdue, a déjà plombé en partie son « autre » saga, Star Wars, avec une débauche d’effets numériques… Il n’est pas loin de recommencer avec Indiana Jones, ce qui est évidemment une erreur grossière, et en opposition avec l’esprit-même de cette série, qui rend hommage aux serials « bricolés » des années 30 et 40. Trop de numérique dans Indiana Jones, c’est aussi con qu’un exposé géopolitique dans James Bond. Et le problème, c’est que ça se voit très nettement dans quelques scènes d’action qui, du coup, ne dégagent pas cette impression de fraîcheur et de folie qui caractérisait les trois premiers volets.

Au rayon des (petites) déceptions, notons aussi le personnage incarné par Shia LaBeouf (qui n’y est pour rien d’ailleurs), dont l’alchimie avec Indy/Harrison Ford est loin d’être aussi enthousiasmante que celle entre Indy et son père (génial Sean Connery) dans La Dernière Croisade. Mais là, franchement, on chipote.

Je chipote d’autant plus que, avant cette heure et demie plutôt très sympathique, il y a la première demi-heure, qui est à classer dans le panthéon du cinéma spielbergien. Dès la première image (là aussi, un passage obligé : comme dans tous les volets de la franchise, le logo Paramount se fond dans un élément du décor ; ici : le monticule d’une taupe), Spielberg nous replonge dans une époque où il donnait ses lettres de noblesse au « pop corn movie ». A grands renforts de panoramiques magnifiques, de plongées-contre plongées étonnantes, avec une inventivité de chaque plan et un rythme ébouriffant, il nous ressuscite Indiana Jones, comme si les années n’avaient pas eu d’impact sur Harrison Ford, qui redevient celui qu’il était dans les années 80 dès qu’il enfile son fameux chapeau (dans un plan à montrer dans toutes les écoles de cinéma).

Face à lui, plus de Nazis, bien sûr : les années ont quand même passé, et on est désormais dans les années 50, en pleine guerre froide. Les méchants sont donc les Russes, et en particulier une femme officier droite dans ses bottes, incarnée avec un réjouissant second degré par Cate Blanchett, que l’on découvre dès cette première séquence. Mais que ce soit les Nazis ou les Russes, rien n’arrête Indy, qui finit par fausser compagnie à ses ennemis dans une poursuite en trois dimensions. Pas la 3D à la mode, avec des-lunettes-et-une-technique-géniale-qui-fait-qu’on-peut-oublier-d’avoir-un-scénario-on-s’en-fout-puisque-les-gens-viendront-quand-même-pour-voir-les-images-sortir-de-l’écran, mais une séquence au cours de laquelle Indy se déplace avec une aisance incroyable dans tous les sens : vers la gauche, la droite, le haut, le bas. Indy vole littéralement grâce à son fouet ; il chute de quinze mètres à travers une verrière ; court à dix mètres au-dessus du sol ; se balance en avant avant d’être propulsé en arrière ; il slalome, grimpe, saute… avant d’être éjecté à trois cents kilomètres-heure. Fin de la première séquence ? Pas tout à fait : il lui reste à être soufflé par une explosion nucléaire, et à admirer le champignon radioactif qui s’élève, dans un plan à couper le souffle.

Et là, c’est un autre film qui commence. Sympa et bien foutu certes, mais loin, très loin du vertige de cette première demi-heure d’anthologie.

* Voir aussi : Les Aventuriers de l’Arche perdueIndiana Jones et le Temple maudit, Indiana Jones et la Dernière Croisade et Indiana Jones et le cadran de la destinée.

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