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Archive pour la catégorie 'SCORSESE Martin'

Shutter Island (id.) – de Martin Scorsese – 2010

Posté : 31 mars, 2016 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Shutter Island

Grand fan de Dennis Lehane, je dois avouer que Shutter Island est à peu près le seul de ses romans à m’être tombé des mains. Pas pour le style, impeccable, mais pour le fameux rebondissement final, très à la mode à l’époque après le succès de Sixième Sens (celui très oubliable de M. Night Shyamalan), le genre de trucs renversant qui doit t’arriver comme une claque, et que en l’occurrence j’avais senti dès la page 30.

Bref, un peu agacé d’emblée, l’adaptation qu’en avait signé Scorsese m’avait fait à peu près le même effet lors de sa sortie en salles. Le revoir quelques années après, en ayant bien assimilé le procédé narratif, m’oblige à revoir le jugement que j’en faisais. Justement parce que Scorsese, contrairement à Lehane, ne joue pas sur cette révélation finale. Son film, fascinant, est un voyage mental aux tréfonds de la folie. Un trip hallucinant et visuellement splendide.

J’essaye de ne point trop spoiler le film, qui est de ceux dont il est difficile de parler sans en dire trop, justement. Disons simplement que la première scène nous montre un bateau sortir de la brume. A son bord, le marshall Teddy Daniels et son nouveau partenaire, qui arrivent sur une île isolée sur laquelle est construit un asile qui abrite de dangereux pensionnaires instables. L’une de ces pensionnaires a disparu mystérieusement. Les deux flics enquêtent.

D’emblée, le comportement de Daniels est étrange : un homme dont la femme est morte et qui semble constamment sur le fil, au bord de la rupture. Soupçonnant tout le monde, doutant de tout. Leonardo DiCaprio est exceptionnel, d’une intensité ahurissante. Sa prestation ne trompe jamais le spectateur ; elle l’entraîne avec lui dans sa terrible descente aux enfers.

Tourné comme un film noir, truffé de costumes et de répliques trop clichés pour être honnêtes, Shutter Island est pur objet cinématographique. Scorsese y glisse des indices troublants et souvent à peine perceptibles, qui incitent à revoir et revoir le film, et qui laissent une sensation troublante. Le même trouble provient de la beauté des images, qui nous entraîne dans une contrée étrange entre réalisme et onirisme. Avec Shutter Island, Scorsese s’autorise un authentique exercice de style. Brillant, inquiétant et bouleversant.

La Valse des pantins (The King of Comedy) – de Martin Scorsese – 1983

Posté : 27 juin, 2014 @ 4:39 dans 1980-1989, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

La Valse des pantins

En filmant des personnages borderline, incapables de trouver leur place dans la société, ou à la frontière de la folie, Scorsese a souvent créé le malaise dans ses films, de Taxi Driver à Shutter Island. Mais c’est peut-être dans cette satire en apparence plus anodine que le malaise est le plus grand, dans ce portrait d’un apprenti comique trop sûr de lui, qui se heurte à la réalité d’un monde pour lequel il n’est pas taillé. Du moins de l’avis général…

Tourné après le phénomène Raging Bull, qui avait consacré Scorsese comme l’un des plus grands cinéastes du moment, et Robert DeNiro comme l’acteur le plus doué de sa génération, La Valse des pantins peut semble plus anecdotique. La forme est ainsi nettement plus classique, même si le réalisateur joue habilement avec les codes de la télévision et du cinéma pour explorer les fantasmes de son personnage. Et le sujet lui-même ne semble pas très sérieux.

Rupert Pupkin, donc, qui se rêve en nouvelle vedette du one-man-show, fait partie d’une meute de fans hystériques qui chassent les autographes, et parvient miraculeusement à approcher son idole, Jerry Langford (Jerry Lewis, qui parvient à insuffler une vraie humanité à ce personnage peu aimable, et réduit au rang d’icône désincarnée). Pour se débarrasser de cet emmerdeur, la star lui propose de prendre rendez-vous à son bureau. Sauf que, appel après appel, visite après visite, la porte reste fermée à Pupkin, dont personne ne parvient jamais à prononcer le nom.

Le film laisse entrapercevoir des bribes du quotidien solitaire de la star. Mais c’est surtout le personnage de Pupkin qui fascine Scorsese : ce type tellement persuadé de son destin, qui fantasme d’hypothétiques conversations à sa gloire, lance ses vannes devant le poster d’une foule en délire en imaginant ses applaudissements, et sourie seul à ses plaisanteries… Un homme si déterminé qu’il va toujours de plus en plus loin dans les situations embarrassantes. Pour le spectateur en tout cas, toujours plus mal à l’aise, à l’image de Rita, l’amour de jeunesse qui accepte de le suivre pour un week-end chez Jerry, où Rupert assure avoir été invité.

La première heure est absolument formidable, mais totalement inconfortable, tant Scorsese filme des personnages navrants : une star du rire trop seule et trop aigrie, une groupie prête à tout et hystérique (Sandra Bernhard, hallucinante), une ex-reine de beauté sans un avenir dans un rade paumé, et cet apprenti comique ridicule et totalement inadapté à la société.

Sauf que tout n’est pas si simple. Pupkin / De Niro est bien prêt à tout, et enlèvera cette star qui lui a refusé la chance qu’il espérait, et ira au bout de sa « folie » pour obtenir ce qu’il veut. Cynique, Scorsese clôt son film sur une victoire inattendue, sorte de miroir inversé de la fin de Raging Bull, et porte ouverte vers une nouvelle ère pour le cinéma et la télévision, d’une froide modernité. De Niro, qui a porté le projet du film pendant dix ans, est exceptionnel dans le rôle de ce faux ringard à la folie déstabilisante.

• Carlotta vient d’éditer un double DVD du film (restauré en 2013), et des bonus passionnants : un documentaire dans lequel Scorsese et Sandra Bernard reviennent sur le tournage ; une interview passionnante de Thelma Schoonmaker, la monteuse attitrée de Scorsese ; plus d’une demi-heure de scènes coupées ; et une longue conversation entre De Niro, Scorsese et Jerry Lewis filmée en 2013 en clôture du festival de Tribeca, où la version restaurée du film avait été présentée.

Les Nerfs à vif (Cape Fear) – de Martin Scorsese – 1992

Posté : 25 août, 2012 @ 1:41 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, DE NIRO Robert, MITCHUM Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Les Nerfs à vif 92

Tout juste trente ans après le classique de Jack Lee Thompson, Martin Scorsese en tire un remake remarquablement fidèle dans la trame. A quelques nuances près, l’histoire est la même. Mais ces nuances ne sont pas anodines.

La raison de la colère de Max Cady est, en particulier, nettement plus trouble. Alors qu’il voulait se venger du type qui avait témoigné contre lui dans le film de 62, il s’en prend cette fois à l’avocat qui l’a mal défendu, dissimulant volontairement un rapport qui aurait pu lui éviter la prison, choisissant de bafouer les droits de son client pour éviter qu’un monstre soit remis en liberté.

Cela ne change pas fondamentalement le film, mais cela renforce le personnage de Max Cady, personnification du mal qui résume à lui seul toutes les limites (incontournables) de la loi et de la justice humaines.

Dans le rôle, Robert DeNiro en fait des tonnes (un personnage excessif qu’il ne cessera de singer par la suite, hélas), mais il est absolument terrifiant, à l’image du Robert Mitchum de La Nuit du Chasseur, dont il reprend la folie apparente et l’imagerie biblique (c’est à ce rôle du grand Mitchum, plus qu’à son Max Cady de 62, que ce Max Cady-là fait penser).

La force du personnage, comme dans le film original, réside dans le fait qu’il est à la fois horrible et repoussant, et très attirant (le Mal est souvent séduisant, et c’est ici tout le sujet du film). La fille de Sam Bowden en fera les frais, dans une relation d’attirance-répulsion bien plus sexuellement explicite et dérangeante que dans le film de Thompson. Il faut dire que Juliette Lewis est l’actrice idéale pour lui apporter le trouble qui manquait trente ans plus tôt.

Plus appuyés aussi, les défauts de Sam Bowden, ici interprété par un Nick Nolte parfait, dans un rôle pas facile face au numéro de De Niro. Arrogant et peu aimable sous les traits de Gregory Peck, il est ici un véritable manipulateur un rien méprisable, qui a fait condamner son client sans lui dire ce qu’il pensait de lui, et qui agit avec la même lâcheté dans sa vie privée : un type qui n’a ni le cran de quitter sa femme avec qui il ne s’entend plus, ni celui de coucher avec la jeune femme qui est tombée amoureuse de lui, et avec laquelle il se contente de flirter, pour le plus grand malheur de la jeune femme, et pour le plus bonheur de son ego à lui…

Une évidence : Scorsese est bien meilleur réalisateur que Jack Lee Thompson. Mais le talent du cinéaste ne se sent vraiment que dans la dernière partie, variation nettement plus spectaculaire de celle de 62, climax apocalyptique à couper le souffle.

La première moitié du film est moins concluante : Scorsese donne l’impression d’hésiter entre différents styles, et peine un peu à vraiment installer l’angoisse (qui finit quand même par devenir franchement oppressante).

Mais il y a l’immense plaisir, que nous réserve Scorsese, d’avoir offert de petites apparitions à Martin Balsam et Gregory Peck, et un rôle un peu plus consistant à Robert Mitchum. Une manière pour lui, qui signait son premier film de genre, de dresser un pont avec le Hollywood de sa jeunesse…

Gangs of New York (id.) – de Martin Scorsese – 2002

Posté : 11 octobre, 2011 @ 1:11 dans 2000-2009, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Gangs of New York

Scorsese l’a porté pendant des années, ce film monstrueux qui ne pouvait sans doute être réalisé que par lui. Un film qui complète avec panache et une extrême brutalité son anthologie de l’histoire de l’Amérique vue par le prisme du crime. New York a toujours été son terrain de jeu de prédilection : Scorsese a réalisé quelques-uns des plus grands films consacrés à la grosse pomme, de Mean Streets aux Affranchis en passant, bien sûr, par Taxi Driver. Dans tous ces chef d’œuvre, le cinéaste en disait plus sur la ville avec ces portraits de gangsters que la plupart des autres réalisateurs.

Avec Gangs of New York, Scorsese remonte aux sources de tout, en plongeant au cœur d’un New York encore très jeune (nous sommes en pleine guerre civile), dont les quartiers populaires sont le lieu de guerres de gangs d’une violence inouïe. Ce qui donne lieu à quelques batailles de rue hyper sanglantes et rageuses. Le film commence d’ailleurs par l’une de ces bagarres. La plus sauvage de toutes peut-être : c’est avec cet affrontement entre deux clans pour la suprématie sur le quartier, que le cinéaste présente ses personnages, en particulier les deux principaux antagonistes : Bill le Boucher, saisissant « native » au regard fou, et un jeune garçon dont le père (joué brièvement par Liam Neeson) est tué par Bill. L’enfant réapparaîtra bien des années après sous les traits de Leonardo DiCaprio, bien décidé à venger son père.

Mais rien n’est aussi simple dans les films de Scorsese. DiCaprio (qui tournait là le dos à ses rôles de beau gosse, et révélait la grande puissance qu’on ne faisait que pressentir jusqu’alors) voulait tuer l’assassin de son père, mais il trouve dans cet assassin un père de substitution. Il y a du Freud dans ce Scorsese-là, qui repose sur un trio de personnages étonnamment complexe. DiCaprio, donc, déchiré par sa relation d’amour-haine avec son nouveau mentor, mais aussi entre son désir de se venger et sa tentation de profiter de la vie qui lui est offerte…

Face à lui, Daniel Day Lewis. Pas besoin de rappeler à quel point son interprétation est bluffante, d’une puissance exceptionnelle : il a d’ores et déjà marqué toute une génération d’acteurs, comme l’avait fait avant lui DeNiro dans les films de Scorsese.

Et puis Cameron Diaz, qui trouve là, et de loin, son rôle le plus fort (et sa meilleures interpretation). Scorsese fait pour elle ce qu’il avait fait pour Sharon Stone dans Casino. L’histoire d’amour qu’elle vit avec DiCaprio, jamais convenue et toujours explosive, là aussi marquée par un mélange de désir et de révulsion, est l’une des grandes forces du film.

La reconstitution historique en est une autre. Scorsese a les moyens de ses ambitions : le New York du milieu du XIXème siècle est impressionnant, que ce soit dans sa peinture des bas-fonds ou dans les quartiers huppés. Mais le cinéaste ne se laisse pas tenter par un esthétisme qui aurait été déplacé dans ce monde troublé : le film n’est pas à proprement parler « beau ». A vrai dire, il est même franchement laid, parce que ce que filme Scorsese, mélange de débauche, de corruption, de violence et de cynisme, n’a rien de franchement romantique.

Fasciné par l’Amérique et ses racines, et par ces anonymes venus de tous horizons qui ont fait l’histoire de ce pays, Scorsese n’en est pas moins dupe. Pour témoin cette séquence un peu schématique, mais d’une grande force visuelle, qui montre l’arrivée dans le port de New York de migrants sans avenir, qui sont mobilisés par l’armée dès qu’ils débarquent, et ne sont naturalisés que pour pouvoir revêtir l’uniforme et repartir, vers le front cette fois, tandis que les cercueils morts au combat sont débarqués… Comment raconter en quelques secondes le destin tracé des milliers d’Irlandais qui venaient chercher une autre vie en « terre promise ». Scorsese a parfois fait plus nuancé, mais rarement plus puissant.

Ces migrants/combattants qui ne vont pas plus loin que le port symbolisent bien ce New York qui croit pouvoir vivre loin de la guerre civile, mais qui finira par être rattrapé par l’histoire. Et rarement la petite histoire et la grande histoire n’auront été aussi étroitement liées. Alors que l’affrontement final se prépare entre les antagonistes, l’armée décide de réprimer la révolte qui agite les petites gens, qui refusent d’aller mourir pour une cause dont ils se contrefoutent. Cette double explosion de violence est édifiante. Comme le générique de fin, qui nous montre l’évolution de New York en un peu plus d’un siècle, et nous fait ressentir la modestie de la condition humaine face au destin d’une ville, et s’achève par une image hantée par l’ombre des twin towers…

Gangs of New York, ou un chant d’amour morbide et sans détour à une ville à la fois magnifique et horrible.

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