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Archive pour la catégorie 'par réalisateurs'

Le Monde perdu (Two Lost Worlds) – de Norman Dawn – 1950

Posté : 7 novembre, 2011 @ 12:16 dans 1950-1959, DAWN Norman, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Monde perdu 1950

Minuscule film, mais plutôt bonne surprise. L’affiche, outrageusement spectaculaire, montrait deux monstres préhistoriques s’entre-tuant sous le regard d’un couple en haillons. Fort heureusement, cette affiche est bien trompeuse : en guise de dinosaures et de créatures monstrueuses, on n’a droit qu’à quelques minutes d’un iguane filmé en transparence qui paraît immense par rapport aux acteurs. Et c’est bien suffisant : cette scène est à peu près ce qu’il y a de plus ennuyeux dans ce film par ailleurs fort sympathique et très riche en rebondissements…

Le scénario est proprement incroyable. En à peine une heure, un courageux armateur (Jim Aurness) a le temps d’échapper à deux attaques de pirates (la première en mer, la seconde sur terre), à un naufrage, à la traversée d’un désert arides, à l’apparition de monstres préhistoriques, à l’irruption d’un volcan, et même à un rival amoureux. Tout ça en 58 minutes, montre en main. Difficile de faire plus dense…

Le réalisateur Norman Dawn tire le meilleur d’un budget visiblement étriqué. Ce pionnier du cinéma australien (et spécialiste des effets visuels comme le matte painting), qui connaît son métier, fait illusion dans la plupart des scènes clés du film, et tout particulièrement lors d’une bataille en pleine mer plutôt impressionnante. Habile technicien, Dawn est aussi un raconteur d’histoires très efficace. Son film, si modeste soit-il, ne manque pas de rythme, grâce à une réalisation inspirée, tout particulièrement dans les scènes de nuit. Grâce aussi à une poignée de seconds rôles pittoresques (notamment le marin amateur de bons cigares) qui font oublier le manque d’aspérité des acteurs principaux.

The Artist – de Michel Hazanavicus – 2011

Posté : 4 novembre, 2011 @ 5:37 dans 2010-2019, FILMS MUETS, HAZANAVICUS Michel | Pas de commentaires »

The Artist

C’est beau quand un film ne vous déçoit pas. C’est encore plus beau quand il dépasse, et de loin, toutes les attentes… C’est rare, et The Artist est de ces films. Parce qu’il n’est ni une parodie, ni un pastiche des films muets des années 20, mais un « vrai » film muet. Mieux : The Artist n’est pas un film-événement parce qu’il est muet, mais parce que c’est un grand film, tout simplement.

En se privant de la parole (pas du son : il y a dans le film un ingénieux jeu sur le son, qui évoque Les Temps modernes, de Chaplin), Michel Hazanavicus semble renouer rien moins qu’avec le langage cinématographique. Et ça fait un bien fou. Sans dialogues (d’autant plus qu’il utilise les cartons avec une extrême parcimonie), le cinéaste mise avant tout sur la force de ses images pour raconter l’histoire, faire naître les sentiments, créer une atmosphère. On a l’impression qu’il en est à son cinquantième film muet, tant il maîtrise totalement cet art. Il y a notamment dans le film l’un des plus beaux coups de foudre qu’il m’est ait donné de voir sur un écran depuis bien longtemps : le coup de foudre entre George Valentin (Jean Dujardin), grande vedette du Hollywood de 1927, et Peppy Miller (Bérénice Béjo), alors simple figurante, vu à travers une série de prises d’une même scène…

Des grands moments de cinéma comme celui-là, il y en a dix, vingt, cinquante dans The Artist : Peppy Miller qui mime une étreinte avec le manteau de Valentin ; les deux se croisant dans un grand escalier symbolisant l’ascension de l’une, et la chute de l’autre ; le cauchemar d’un George Valentin muet dans un monde devenu hyper bruyant… Bien sûr, Hazanavicus n’a pas tout inventé, loin de là : le cinéaste-cinéphile s’est nourri de très nombreux classiques pour construire son film, et pas uniquement du cinéma muet d’ailleurs.

L’histoire elle-même (une vedette du muet tombe dans l’oubli à l’arrivée du parlant, tandis qu’une ancienne figurante amoureuse de lui devient une star) s’inspire nettement de celle d’Une Etoile est née, et on sent clairement l’influence du Lubitsch des années 20 (il y a quelque chose de l’élégance et de l’attention portée aux objets les plus anodins de L’Eventail de Lady Windermere) du Chaplin des années 30 : la scène où George Valentin, ruiné, tourne un coin de rue et découvre son ancien smoking dans une vitrine, évoque une scène magnifique des Lumières de la Ville.

Comment, aussi, ne pas penser aux films de Douglas Fairbanks (lui-même star du muet n’ayant pas franchi l’épreuve du son), à Sunset Boulevard quand Valentin déchu revoit ses vieux films, ou à Citizen Kane par la manière dont le réalisateur montre le couple Valentin (Mme étant jouée par une revenante, Penelope Ann Miller) se déliter jour après jour autour des petits déjeuners…

Il y a comme ça une cinéphilie gourmande qui nourrit continuellement le film, y compris avec l’apparition d’acteurs anglo-saxons qui parfois ne semblent être là que pour le plaisir (Malcolm McDowell surtout ; John Goodman, quant à lui, a un très beau rôle). Mais la force du film est de ne pas se laisser dévorer par ses références. The Artist est évidemment un hommage (et le plus beau qui soit) au cinéma muet, mais ce n’est pas un film mortifère, pas plus qu’un exercice de style vain. C’est un pur bonheur de cinéma, gourmand et généreux, porté par un duo d’acteurs épatants. Un film, et c’est rare aussi, qui donne envie de le revoir immédiatement…

Charlot dans le parc (In the park) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 2:52 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot dans le parc

• Titres alternatifs (VO) : Charlie on the SpreeCharlie in the Park

• Titres alternatifs (VF) : Charlot se promène, Charlot fait des siennes

Ce premier « film de parc » tourné par Chaplin pour la Essanay est très comparable à ceux qu’il a tourné pour la Keystone l’année précédente. D’ailleurs, c’est uniquement pour tenir ses engagements qu’il a produit ce In the Park tourné en une semaine seulement, pour rattraper le retard pris sur son film précédent, Charlot boxeur, autrement plus ambitieux.

Ici, Chaplin recycle en grande partie des gags qu’il utilisait déjà dans ses précédents films de parc (des jets de briques, un voleur volé…). D’ailleurs, Charlot est ici le goujat qu’il était à ses tout débuts, perturbant les embrassades d’amoureux, faisant des grimaces dans le dos de la belle Edna Purviance (désormais complice attitrée et officielle), faisant tomber ses cendres dans la bouche d’un homme endormi, et n’hésitant pas à voler.

Ce sentiment de déjà-vu n’enlève rien à la drôlerie de certains gags, et on prend toujours un plaisir certain (et un peu coupable) à voir la quasi-totalité de la distribution propulsée par le pied rageur de Charlot à la fin du métrage. Mais le film appartient déjà à une époque révolue pour Chaplin, qui ne tournera d’ailleurs plus de « film de parc ». Ses deux prochains films (Charlot veut se marier et Charlot vagabond) marqueront une nouvelle étape dans l’enrichissement de son personnage et de son style.

Le Dinosaure et le chaînon manquant (The Dinosaur and the Missing Link) – de Willis O’Brien – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 10:20 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, DESSINS ANIMÉS, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, O'BRIEN Willis | Pas de commentaires »

Le Dinosaure et le chainon manquant

Ce court court-métrage est une date dans l’histoire du cinéma d’animation : il est considéré comme le tout premier film animé entièrement image par image, pratique dont Willis O’Brien fut le premier maître : c’est à lui, notamment, qu’on doit les créatures, toujours impressionnantes, du Monde Perdu, le film de Harry Hoyt adapté de Conan Doyle en 1925.

Cela étant dit, The Dinosaur and the Missing Link n’a pas grand intérêt autre qu’historique, d’autant plus qu’il a énormément souffert des outrages du temps (en tout cas dans la copie utilisée pour le très sympathique coffret DVD « les dinosaures attaquent », édité chez Artus Films, et qui propose en bonus quatre courts métrages de O’Brien des années 10).

Sous-titré « une tragédie préhistorique », le film est un marivaudage en peau de bête, dont le point culminant est un combat entre un grand singe et un dinosaure (traité sur le mode comique), qui préfigure une scène mythique que Willis O’Brien animera lui-même quelque dix-huit ans plus tard, dans l’immense King Kong, de Cooper et Schoedsack.

La Fille des Marais (Das Mädchen vom Moorhof) – de Douglas Sirk (Detlef Sierck) – 1935

Posté : 3 novembre, 2011 @ 12:48 dans 1930-1939, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

La Fille des Marais (Das Mädchen vom Moorhof) - de Douglas Sirk (Detlef Sierck) - 1935 dans 1930-1939 la-fille-des-marais

Même si, visuellement, il y a un monde entre l’univers bucolique en noir et blanc proche du réalisme poétique alors en vogue en France, et les couleurs vives de ses grands mélos hollywoodiens des années 50, il y a déjà tout Sirk dans cette histoire d’amour entre deux êtres que tout sépare, et en particulier à travers le personnage de Helga, jeune servante prête à sacrifier son bonheur pour celui qu’elle aime en secret, et pour respecter les règles de la société. Un thème qui reviendra tout au long de l’œuvre sirkienne…

La Fille des marais est un film de jeunesse : c’est seulement le deuxième long métrage de Sirk (qui s’appelait encore Detlef Sierck), et son premier mélodrame. Le film est à l’époque une production importante pour la UFA, la plus célèbre des firmes de cinéma allemande de l’entre-deux-guerre, qui voulait en faire une adaptation de prestige d’un roman suédois de Selma Lagerlöf, première femme Prix Nobel de littérature. Le film suivant de Sirk-Sierck sera d’ailleurs une autre adaptation d’un classique suédois (Les Piliers de la Société, d’après Ibsen). Moins connus que les films qu’il tournera un peu plus tard en Allemagne avec la star de l’époque, Zarah Leander, ces deux adaptations littéraires sont pourtant bien plus passionnantes, et beaucoup plus personnelles.

La scène d’ouverture est un petit chef d’œuvre à elle seule. Sur une place de village, des fermiers viennent pour la foire aux servantes, variantes à peine plus humaine de la traditionnelle foire aux bestiaux. C’est là qu’on rencontre nos deux futurs tourtereaux : le fils de fermier Karsten Dittmar, venu recruter (ou acheter ?) une nouvelle servante, et la frêle Helga Christmann, venue non pas chercher un emploi, mais défendre son honneur. Elle est attendue au tribunal après avoir porté plainte contre son ancien employeur qui refuse de reconnaître qu’il est le père de son enfant.

Dans ce microcosme très traditionnel et très religieux, la jeune femme, qui a le double handicap d’être d’une famille pauvre, et d’être mère célibataire, est l’objet de toutes les railleries. Mais l’opinion change radicalement lors d’une scène typiquement sirkienne : alors que son ancien patron et amant s’apprête à jurer sur la bible qu’il n’est pas le père, Helga, paniquée, décide de retirer sa plainte pour empêcher le père de son enfant de blasphémer. Un geste salué par tout l’auditoire, et par Karsten qui, du coup, lui propose de venir travailler dans la ferme familiale. La rédemption par l’abnégation… Là aussi, un thème redondant dans la filmographie de Sirk.

Tout le film est aussi brillant que cette première séquence. On fait bientôt la connaissance de l’autre femme importante du film : Gertrud, la fiancée de Karsten, qui ne serait pas une mauvaise personne si elle ne pressentait pas le danger que représente Helga pour son couple. Et puis il y a le père de Karsten, un « taiseux » qui ne parle que quand c’est nécessaire, c’est-à-dire pas avant près d’une heure de film, n’ouvrant la bouche que quand il réalise qu’il a un rôle vital à jouer. On ne dira pas ici quel est ce rôle, mais il donne lieu à une série de retournements de situations qui oscillent constamment entre la légèreté et le désespoir.

Sirk réussit là un tour de force : signer un quasi-premier film qui porte déjà en germes tout son univers. C’est beau et romantique, et il y a dans ces paysages façonnés peu à peu par la main laborieuse de l’homme (c’est un pays de tourbiers) un souffle simple et frais, digne de la culture nordique.

Espions sur la Tamise (Ministry of Fear) – de Fritz Lang – 1944

Posté : 2 novembre, 2011 @ 3:22 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LANG Fritz | 1 commentaire »

Espions sur la Tamise (Ministry of Fear) - de Fritz Lang - 1944 dans * Films noirs (1935-1959) espions-sur-la-tamise

Graham Greene, l’un des plus grands romanciers du XXème siècle, est aussi celui, sans doute, qui a été le mieux servi au cinéma. De Tueur à gages de Frank Tuttle à La Fin d’une liaison de Neil Jordan, l’œuvre de l’auteur de Rocher de Brighton a inspiré un nombre assez impressionnant de chef d’œuvre. Celui de Fritz Lang n’est pas des moindres. Tourné un an à peine après la sortie du roman, Ministry of Fear est le troisième film de propagande antinazi d’affilée tourné par Lang, après Chasse à l’homme et Les Bourreaux meurent aussi, déjà deux chef d’œuvre. Lang a souvent eu la dent dure contre cette adaptation du roman de Greene, estimant avoir été étouffé par le scénariste et producteur Seton J. Miller, qui refusait qu’on modifie une ligne de son script.

Pour le cinéaste, Ministry of Fear n’était ni un film personnel, ni même un bon film. Le moins qu’on puisse dire est qu’il a l’autocritique un peu sévère… Non seulement le film est brillant en terme de style, mais c’est aussi un film très langien, que ce soit pour son personnage principal, monsieur tout le monde confronté au regard inquisiteur de la société entière, ou à travers une multitude de petits motifs visuels ou thématiques qui semblent répondre à d’autres films de Lang.

A peine sorti d’un asile où il était enfermé depuis deux ans, notre héros, avide de se plonger de nouveau au cœur de la population, se dirige vers une fête foraine. Dès qu’il entre, un ballon rebondit vers lui… Comment ne pas penser au ballon de la fillette, au début de M le maudit : avec ce ballon, symbole de l’innocence perdue, l’homme a fait son entrée dans un monde de faux semblants et de menaces. Cette voyante qu’il consulte alors, stéréotype ambulant qui semble tout droit sortie de l’univers du Docteur Mabuse, représente un autre pas franchi vers le cauchemar qui se dessine peu à peu autour de lui…

Le film rappelle aussi à quel point les univers de Lang et Hitchcock ont été proches, à cette époque (c’est d’ailleurs à Hitchcock qu’on avait d’abord proposé le scénario de ce qui allait devenir Chasse à l’homme). Le personnage de cet homme plongé malgré lui dans une sombre affaire d’espionnage, ce pourrait être le Robert Donat des 39 Marches. Ce faux aveugle, que notre héros rencontre dans un train, pourrait lui aussi sortir d’un film de Hitchcock… Sans oublier l’incontournable macguffin, objet de toutes les convoitises dont on se fiche de savoir ce que c’est, dont Hitchcock a fait l’une de ses marques de fabrique, et qui trouve ici une forme particulièrement anodine : un gâteau…

Hitchcock et Lang ne sont cependant pas interchangeables, loin s’en faut. Il y a chez Hitch une légèreté, une ironie, qui se transforment chez Lang en inquiétude plus marquée. L’ironie est là, aussi, mais plus sombre, plus cynique aussi. Le personnage interprété par le grand Ray Milland est à la fois un faux coupable et un homme sans histoire plongé au cœur d’un mystère (thèmes chers à Hitchcock), mais c’est surtout un héros profondément Langien : un homme marqué par son passé, à la fois avide de renouer avec le genre humain, dont il a été privé pendant deux ans, et conscient qu’il doit se méfier de tous. Comme tant d’autres héros de Lang, à commencer par Spencer Tracy dans Furie.

L’histoire en elle-même ressemble à bien d’autres films de propagandes de cette époque : notre  héros va mettre à jour l’existence d’un réseau d’espions au cœur de Londres. La principale force du film repose sur le style visuel de Lang, éblouissant : il fait de son film antinazi une pure gourmandise de cinéma, un film de genre bourré de rebondissements et sublimement filmé. Lang joue avec les ombres, avec l’obscurité, la brume… Moins on en voit, et plus c’est spectaculaire.

Il joue aussi sur la possible schyzophrénie de son héros, tout juste sorti d’un asile de repos et dont le premier acte d’homme libre est d’aller se mêler aux enfants d’un parc d’attraction, avant de raconter une histoire incroyable aux forces de l’ordre. Ce héros, que l’on confond avec un authentique espion, évoque avant l’heure le Robert Townsend qu’interprétera Cary Grant quinze ans plus tard dans La Mort aux trousses… d’Hitchcock, bien sûr.

Rio Grande (id.) – de John Ford – 1950

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:49 dans 1950-1959, FORD John, O'HARA Maureen, WAYNE John, WESTERNS | 2 commentaires »

Rio Grande

Après Le Massacre de Fort-Apache et La Charge héroïque, Ford boucle sa sublime trilogie de la cavalerie avec ce Rio Grande, nouvelle grande réussite même s’il s’agit incontestablement du plus faible des trois films. Plus encore que dans les deux films précédents, Ford se désintéresse clairement de la trame dramatique pour se concentrer sur ce qui fait tout le sel de cette trilogie unique : les hommes qui composent cette cavalerie qui le fascine visiblement, mais sur laquelle il pose un regard à la fois admiratif et respectueux, mais aussi parfois critique et ironique.

John Wayne est une nouvelle fois au cœur du film. Et une nouvelle fois, c’est un homme confronté aux horreurs de la guerre avec les Indiens, autant qu’à l’imbécillité de ses supérieurs, à qui il obéit aveuglement en dépit de tout. C’est ça la cavalerie : un sens du devoir et de l’obéissance qui doit dominer tout le reste… y compris la famille.

Le rôle des épouses de soldats avait été évoqué joliment, par quelques plans particulièrement marquants, dans Fort Apache… Il est ici au cœur de Rio Grande, à travers le beau personnage de Maureen O’Hara (qui donne pour la première fois la réplique à Wayne), mère désespérée qui a quitté son John Wayne de mari des années plus tôt après qu’il a brûlé leur propre maison sur les ordres de son supérieur (ah ben oui, il a le sens du devoir !), et qui vient aujourd’hui pour le convaincre de renvoyer à la vie civile leur fils, qui vient de s’enrôler après avoir raté le concours d’officier.

Incontestablement, l’alchimie est parfaite entre les deux acteurs (alchimie qui explosera littéralement deux ans plus tard avec L’Homme tranquille), dont toutes les confrontations sont baignées par un mélange d’animosité et d’attirance. On peut juste regretter que Ford n’ait pas exploré davantage cette dualité : très vite, on sent bien que le sens du devoir de Wayne va emporter les dernières réticences de la maternelle Maureen.

Dommage, mais c’est bien la seule réserve que je fais à ce film passionnant dans lequel John Wayne est une nouvelle fois épatant en héros fatigué par les longues chevauchées autant que par l’impuissance à laquelle le soumettent ses supérieurs.

Mais le film vaut avant tout pour ses nombreux moments en creux. Une chorale militaire qui chante une ballade irlandaise qui plonge soldats du rang et officiers dans une douce mélancolie… Un sous-off fort en gueule (incontournable Victor McLaglen, dans son avant-dernier rôle pour Ford, avant L’Homme tranquille) qui entraîne de jeunes recrues… Deux vieux de la vieille qui évoquent autour d’un café et à mots feutrés la bataille qui les a marqués bien des années plus tôt… Le regard inquiet de Wayne veillant sans en avoir l’air sur son rejeton… La complicité évidente entre Ben Johnson et Harry Carey Jr, duo que Ford venait de diriger dans Le Convoi des baves, son précédent chef d’œuvre.

Bref, un pur John Ford pas tout à fait aussi ambitieux que les précédents (visuellement, même, le noir et blanc de Rio Grande est bien moins spectaculaire que le technicolor sublime de La Charge héroïque). Mais c’est un bon Ford. Et un bon Ford, c’est un grand film…

Jugé coupable (True Crime) – de Clint Eastwood – 1999

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:44 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Jugé coupable

Un film qui commence avec un médecin qui examine un condamné à mort sur le point d’être exécuté en lui lançant  « Vous avez une santé de fer ! » ne peut pas être un film comme les autres. Et effectivement. Si Jugé coupable est un film mineur dans la filmo de Clint réalisateur, c’est aussi, sans doute, le plus étonnant et le plus déroutant. Eastwood semble en profiter pour dire : « bon, maintenant j’ai 69 ans, je n’ai plus rien à prouver et je vais faire exactement ce que je veux. Tant pis si ça ne vous plaît pas… »

Et tant pis si le suspense repose sur une intrigue totalement incroyable, qui permet au journaliste Steve Everett de résoudre une enquête en douze heures montre en main, alors que tout le monde s’y était cassé les dents depuis six ans. Mais attention, pas douze heures à temps plein : durant cette demi-journée, Steve a le temps de se fâcher avec sa femme, de se faire virer par son patron, de coucher avec la femme de son rédacteur en chef, de se saoûler… et même d’emmener sa fille (jouée par la propre fillette d’Eastwood) visiter le zoo, dans une scène aussi inattendue qu’irrésistible de « rapido-zoo »…

Quel homme, quand même… Evidemment, l’histoire est idiote, et l’incroyable rebondissement qui permet à Clint de sauver in fine le condamné à mort au tout dernier moment (suspense oblige) est totalement incroyable. Mais justement, on s’en fout. Les moments en creux ont toujours été la grande force des films d’Eastwood (et cette tendance ne fera que croître dans les films à venir). Alors cette fois, le cinéaste a décidé d’aller au bout de cette logique, et de se désintéresser totalement de tout ce qui n’est pas « en creux », évacuant l’intrigue à proprement parler par des rebondissements énormes.

Non pas, d’ailleurs, que le suspense ne fonctionne pas. Mais c’est dans tous les à-côtés qu’on prend un plaisir presque enfantin à voir ce film. La scène du zoo, donc, la plus drôle de l’histoire du cinéma ; les derniers soubresauts d’un Clint dragueur qui réalise trop tard qu’il n’est plus le séducteur qu’il était ; l’humanité troublante et touchante d’un directeur de prison trop confronté à la mort (Bernard Hill) ; les gardiens mobilisés pour retrouver le crayon vert d’une fillette ; ou surtout ces trop rares tête-à-tête entre Clint et James Woods, patron de journal au langage pour le moins fleuri, et qui relèvent du pur plaisir de comédie (aussi réjouissante que la rencontre entre Clint Eastwood et Ed Harris dans Les Pleins Pouvoirs).

C’est aussi, presque accessoirement, un film mititant contre la peine de mort (mais ce n’est ni le premier, ni le plus efficace), et un film qui s’inscrit nettement dans la mythologie eastwoodienne : la dernière image, belle et mélancolique, renvoie à l’image du cavalier solitaire campé par Clint dans tant d’autres films du passé…

La Rivière sauvage (The River Wild) – de Curtis Hanson – 1994

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:42 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ACTION US (1980-…), HANSON Curtis | Pas de commentaires »

La Rivière sauvage (The River Wild) - de Curtis Hanson - 1994 dans * Thrillers US (1980-…) la-riviere-sauvage

Avoir revu l’excellent Wonder boys m’a donné envie de replonger dans cette Rivière sauvage, du même Curtis Hanson, que je n’avais plus fréquentée depuis sa sortie en salles. Ça nous rajeunit pas, ma brave dame. Le film, en tout cas, tient plutôt bien l’épreuve du temps : seul le jean délavé trop large de Meryl Streep est là pour nous rappeler que le film est bientôt majeur !

L’histoire est très simple : une famille de New Yorkais part décompresser quelques jours en descendant en bateau les eaux agitées d’une rivière sauvage (eh oui, d’où le titre). Ils rencontrent des étrangers avec qui ils sympathisent, mais qui se révèlent être de dangereux malfaiteurs… Difficile de voir le film sans penser à Délivrance ou à Rivière sans retour, deux chef d’œuvre d’un autre temps auxquels Hanson rend hommage, sans se laisser étouffer par la double comparaison.

Rien à dire sur le sens de la narration du cinéaste, qui sait décidément y faire avec le film de genre : après une première partie toute en douceur, Hanson fait monter la pression autour du personnage de Kevin Bacon, jeune homme sympathique qui révèle sa vraie nature de monstre prêt à tout, même à tuer un chien de sang froid (mais rassurez-vous, on est à Hollywood, où il est plus facile de tuer un enfant qu’un chien). Ce thriller au grand air est particulièrement flippant.

Rien à dire non plus sur la manière dont il filme les descentes de rapides… Nettement plus spectaculaire que Rivière sans retour, La Rivière sauvage est un pur plaisir de cinéma très impressionnant visuellement. D’autant plus que tout le film est dominé par les décors naturels absolument époustouflants dans lesquels il a été tourné. Cours d’eau calme ou gorges profondes entourées de montagnes boisées, chaque image est d’une beauté à couper le souffle. A tel point qu’on souhaiterait presque, par moments, que les personnages disparaissent pour mieux profiter de cette nature sublimissime.

Mais Hanson ne se contente pas de raconter une histoire inquiétante dans un décor de rêve : il fait de la nature un élément essentiel de son film. Comme John Boorman dans Délivrance, mais surtout comme Anthony Mann dans ses westerns (en particulier L’Appât). C’est un personnage à part entière, peut-être le plus riche et surprenant de tous.

Bon point aussi pour les acteurs, et surtout pour les deux personnages les plus en retraits : le mari (David Strathairn) et le complice de Kevin Bacon (John C. Reilly, espèce de gros nounours toujours très juste et surprenant). Finalement, le principal défaut du film, c’est sa star : Meryl Streep, qui en fait des tonnes dans le côté « je suis une grande actrice bien au-dessus de mes partenaires ». On l’a connue plus sobre et plus convaincante…

La Maison des Sept Péchés (Seven Sinners) – de Tay Garnett – 1940

Posté : 22 octobre, 2011 @ 10:48 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, GARNETT Tay, WAYNE John | Pas de commentaires »

La Maison des Sept Péchés (Seven Sinners) - de Tay Garnett - 1940 dans 1940-1949 la-maison-des-sept-peches

Une bien belle surprise que ce film exotique bourré de bagarres de marins, de bons mots et de romance faussement légère… Réalisé par Tay Garnett six ans avant qu’il ne signe le plus connu de ses chef d’œuvre (Le Facteur sonne toujours deux fois), le film est un mélange très convaincant de comédie enlevée et de gravité. La toute première séquence donne le ton : dans son éternel rôle de chanteuse de cabaret, Marlene Dietrich déclenche sans même apparaître une bagarre homérique qui termine par une descente de police.

On est sur une île de l’océan Pacifique, et Marlene, le regard incendiaire et la jambe interminable, est expulsée avec ses compagnons, un voleur pulsionnel et un gros bras bas du front. Toute cette première partie est traitée avec un humour ravageur et un second degré réjouissant. Mais sur le bateau qui emmène cette petite troupe vers une autre île, le ton s’avère un peu moins léger qu’il ne paraissait : la rencontre de Marlene avec un médecin légèrement alcoolo et très seul révèle les failles de la jeune femme, ses blessures cachées et son envie secrète de se fixer quelque part.

Cette faille va croître lorsque, arrivée à destination, la chanteuse va tomber amoureuse d’un beau marin promis à la fille du gouverneur (jouée par la Fordienne Anna Lee) : c’est John Wayne dans un rôle amusant et plutôt léger. Très convaincant lorsqu’il fait le dur, Wayne est quand même un peu limite lorsqu’il se transforme en amoureux très fleur bleue… Ajoutons à cette galerie déjà bien fournie un dangereux arnaqueur, joué avec froideur par l’inquiétant Oscar Homolka, qui était le Verloc du Sabotage de Hitchcock.

En apparence, on est en terrain très connu : un film d’aventure romantique et exotique, genre très en vogue à l’époque, avec des personnages qui semblent proches de la caricature. Sauf que, justement, la force du film, outre son rythme exceptionnel, réside sur les contre-pieds absolus pris pour à peu près tous les personnages : celui de Marlene, bien sûr, dont la force et le recul ne sont qu’apparences ; il y le médecin alcoolique et désagréable, qui se révélera être un fidèle ami ; le gros bras un peu idiot qui révélera sa sensibilité et sa clairvoyance…

Le personnage de John Wayne est un peu plus convenu, mais se sentiment de douce mélancolie qui reste après avoir vu le film repose en partie sur la décision inattendue qu’il prendra. Loin, très loin de ce qu’on pouvait attendre de ce film drôle et énergique, qui est finalement aussi amer et mélancolique.

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