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Archive pour la catégorie 'par réalisateurs'

Un Monstre à Paris – de Eric Bergeron – 2011

Posté : 10 novembre, 2011 @ 12:13 dans 2010-2019, BERGERON Eric, DESSINS ANIMÉS, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Un monstre à Paris

Joli dessin animé, basé sur une histoire très, très classique, vaguement inspiré du mythe de Frankenstein (deux gentils maladroits s’amusent avec des produits chimiques, qui transforment une mite en un monstre qui sème la terreur à Paris ; sauf que le montre est gentil), mais rehaussé par un style visuel très séduisant. Eric Bergeron donne vie au Paris du siècle dernier, et plus précisément celui de 1910, l’année des grandes inondations dans la capitale. Voir la Seine déborder de son lit n’est pas juste un clin d’œil nostalgique au Paris de l’avant-guerre : ce fait historique est plutôt habilement intégré à l’histoire, puisque le « monstre » est vu par les autorités comme une opportunité pour divertir l’opinion publique, furieuse contre ses dirigeants…

Le meilleur, dans ce long métrage français qui vaut bien mieux que tous les derniers Disney réunis, c’est l’atmosphère « villageois » de Montmartre, joliment rendu par le beau coup de crayon de Bergeron.

C’est, aussi, le casting vocal, impeccable et intelligent. Les acteurs ne sont pas simplement choisis pour pouvoir mettre leur nom sur l’affiche : ils sont l’essence même de leurs personnages. Gad Elmaleh est irrésistible en frimeur au grand cœur ; mais c’est surtout Vanessa Paradis qui séduit, dans le rôle de l’ange de Montmartre, chanteuse de cabaret à la voix envoûtante, qui forme bientôt un duo scénique avec le monstre, qui chante et joue de la guitare comme Mathieu Chédid. Normal, c’est lui qui prête sa voix, et on regrette simplement que le réalisateur n’ait pas laissé davantage de place aux numéros musicaux.

On se console avec les clins d’œil rigolos à la culture française dans tous ses états, de la fameuse coiffure de M au « C’est mon vélo ! » d’un gendarme qui a les traits et la voix de Bourvil.

Tartuffe (id.) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1925

Posté : 9 novembre, 2011 @ 11:45 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Tartuffe

Décidément pas mon Murnau préféré… Tourné entre deux grands classiques (Le Dernier des Hommes et Faust), cet avant-dernier film allemand du cinéaste est une adaptation inattendue, et fidèle, de la pièce de Molière. Fidèle, à ceci près que la pièce en elle-même est présentée comme un « film dans le film », qu’un jeune homme déguisé en forain projette à son grand-père pour lui faire comprendre que sa fidèle servante est en fait une méchante femme qui le manipule pour toucher son héritage.

Il y a d’ailleurs dans Tartuffe, long métrage excédant à peine les soixante minutes, deux films bien distincts : la partie contemporaine (quinze minutes au début, cinq à la fin), qui se résume à trois personnages, et qui porte indéniablement la patte du futur cinéaste de L’Aurore, jeu brillant sur les ombres et les gros plans, merveille de montage, vif et enlevé, proche de l’expressionnisme. Et puis la partie « film dans le film », à la lumière vive, aux décors de carton-pâte qui semblent tout droit sortis des productions françaises des années 1900, comédiens outranciers…

En fait de comédiens qui en font trop, c’est surtout Emil Jannings qui porte les lauriers. Bouleversant dans Le Dernier des Hommes, Jannings est caricatural, ici : ogre libidineux et repoussant qui ne parvient à tromper que le naïf chef de maison, convaincu que ce Tartuffe est un homme saint, pur, et désintéressé. Sans doute les excès de l’acteur illustrent assez fidèlement le propos de Molière, mais quand même… ce drame bourgeois, sans ennuyer véritablement, finit par n’inspirer qu’un intérêt poli.

Reste quelques jolis plans (la scène du petit-déjeuner surplombant la propriété, Tartuffe découvrant le visage de son « disciple » dans un reflet alors qu’il s’apprêtait à sauter sur la femme de ce dernier…), et une charge virulente contre les intégristes de la religion.

Postman (id.) – de Kevin Costner – 1997

Posté : 8 novembre, 2011 @ 1:33 dans 1990-1999, COSTNER Kevin, COSTNER Kevin (réal.), FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Postman

On dira ce qu’on voudra de Kevin Costner, mais il faut lui reconnaître un courage, et une opiniâtreté peu courants dans le cinéma hollywoodien. Deux ans à peine après le flop de Waterworld, qui lui a coûté sa couronne de mégastar, voilà qu’il remet ça avec un nouveau film post-apocalyptique. La poussière a remplacé l’eau, certes, mais quand même. On ne peut pas dire que ce courage aveugle lui ait réussit : Costner a une nouvelle fois mordu la poussière (mouais…) avec cette grosse production malade, imparfaite, naïve… et profondément attachante.

En 1997, et malgré les bides de ses précédents films, Postman était un film très attendu : c’était la première mise en scène de Costner après le triomphe de Danse Avec les Loups, qui plus est avec un western futuriste. L’attente était grande, et la punition a été sévère. Echec sans appel dans les salles, lynchage aux oignons par des critiques très remontés… et l’oubli comme seul avenir pour ce chant d’amour aux glorieux services de la Poste. Wow, wow… Le film méritait-il vraiment un tel sort ? Quitte à passer (une nouvelle fois) pour un défenseur aveugle et obstiné du sieur Costner, je clame haut et fort : non, il ne méritait pas.

L’histoire n’est pas plus conne que celle de tous les autres films post-apocalyptiques (et il y en a eu un paquet depuis 1997). Une quinzaine d’années après une guerre mondiale, le monde est devenu un vaste désert, où les survivants vivent en petites communautés, alors que l’insécurité règne partout. Un homme solitaire échappe de peu à la bande du sinistre Béthléem, qui sème la terreur partout où il passe. Après avoir trouvé le cadavre d’un postier, il enfile ses vêtements et se fait passer pour un agent des « Nouveaux Etats-Unis », dans le seul espoir qu’on lui offre à manger. Mais sa supercherie va éveiller un espoir nouveau chez quelques personnes, puis chez d’autres…

Comme dans Danse Avec les Loups (et plus tard dans Open Range), il y a dans Postman des paysages somptueux. Comme ses deux autres réalisations, Postman est aussi un film qui évoque frontalement, et amoureusement, la construction des Etats-Unis : Costner rend hommage aux pionniers, et surtout aux cavaliers du pony express qui ont risqué leur vie pour unifier le pays. En faisant de ce western une fable futuriste, Costner n’a pas évité toutes les maladresses, certes, et son film paraît parfois bien naïf, et dégage par moments un patriotisme un peu exaspérant. Mais ces défauts révèlent aussi l’honnêteté d’un cinéaste qui aime son pays et son histoire. Et le western, bien sûr.

Gonflé, aussi, Costner fait de son héros une icône bien malgré lui, qui aurait bien passé le reste de sa vie à s’occuper de lui seul. Il a enfin le culot de priver le spectateur (et le grand méchant Béthléem) du grand affrontement final vers lequel toute l’action semblait se diriger…On ne peut pas non plus nier qu’il y a derrière ces paysages grandioses et ces scènes spectaculaires un souffle lyrique et romantique devenus bien rares. Ben oui, même avec ce grand film malade, Kevin Costner prouve qu’il est immense…

Le Monde perdu (Two Lost Worlds) – de Norman Dawn – 1950

Posté : 7 novembre, 2011 @ 12:16 dans 1950-1959, DAWN Norman, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Monde perdu 1950

Minuscule film, mais plutôt bonne surprise. L’affiche, outrageusement spectaculaire, montrait deux monstres préhistoriques s’entre-tuant sous le regard d’un couple en haillons. Fort heureusement, cette affiche est bien trompeuse : en guise de dinosaures et de créatures monstrueuses, on n’a droit qu’à quelques minutes d’un iguane filmé en transparence qui paraît immense par rapport aux acteurs. Et c’est bien suffisant : cette scène est à peu près ce qu’il y a de plus ennuyeux dans ce film par ailleurs fort sympathique et très riche en rebondissements…

Le scénario est proprement incroyable. En à peine une heure, un courageux armateur (Jim Aurness) a le temps d’échapper à deux attaques de pirates (la première en mer, la seconde sur terre), à un naufrage, à la traversée d’un désert arides, à l’apparition de monstres préhistoriques, à l’irruption d’un volcan, et même à un rival amoureux. Tout ça en 58 minutes, montre en main. Difficile de faire plus dense…

Le réalisateur Norman Dawn tire le meilleur d’un budget visiblement étriqué. Ce pionnier du cinéma australien (et spécialiste des effets visuels comme le matte painting), qui connaît son métier, fait illusion dans la plupart des scènes clés du film, et tout particulièrement lors d’une bataille en pleine mer plutôt impressionnante. Habile technicien, Dawn est aussi un raconteur d’histoires très efficace. Son film, si modeste soit-il, ne manque pas de rythme, grâce à une réalisation inspirée, tout particulièrement dans les scènes de nuit. Grâce aussi à une poignée de seconds rôles pittoresques (notamment le marin amateur de bons cigares) qui font oublier le manque d’aspérité des acteurs principaux.

The Artist – de Michel Hazanavicus – 2011

Posté : 4 novembre, 2011 @ 5:37 dans 2010-2019, FILMS MUETS, HAZANAVICUS Michel | Pas de commentaires »

The Artist

C’est beau quand un film ne vous déçoit pas. C’est encore plus beau quand il dépasse, et de loin, toutes les attentes… C’est rare, et The Artist est de ces films. Parce qu’il n’est ni une parodie, ni un pastiche des films muets des années 20, mais un « vrai » film muet. Mieux : The Artist n’est pas un film-événement parce qu’il est muet, mais parce que c’est un grand film, tout simplement.

En se privant de la parole (pas du son : il y a dans le film un ingénieux jeu sur le son, qui évoque Les Temps modernes, de Chaplin), Michel Hazanavicus semble renouer rien moins qu’avec le langage cinématographique. Et ça fait un bien fou. Sans dialogues (d’autant plus qu’il utilise les cartons avec une extrême parcimonie), le cinéaste mise avant tout sur la force de ses images pour raconter l’histoire, faire naître les sentiments, créer une atmosphère. On a l’impression qu’il en est à son cinquantième film muet, tant il maîtrise totalement cet art. Il y a notamment dans le film l’un des plus beaux coups de foudre qu’il m’est ait donné de voir sur un écran depuis bien longtemps : le coup de foudre entre George Valentin (Jean Dujardin), grande vedette du Hollywood de 1927, et Peppy Miller (Bérénice Béjo), alors simple figurante, vu à travers une série de prises d’une même scène…

Des grands moments de cinéma comme celui-là, il y en a dix, vingt, cinquante dans The Artist : Peppy Miller qui mime une étreinte avec le manteau de Valentin ; les deux se croisant dans un grand escalier symbolisant l’ascension de l’une, et la chute de l’autre ; le cauchemar d’un George Valentin muet dans un monde devenu hyper bruyant… Bien sûr, Hazanavicus n’a pas tout inventé, loin de là : le cinéaste-cinéphile s’est nourri de très nombreux classiques pour construire son film, et pas uniquement du cinéma muet d’ailleurs.

L’histoire elle-même (une vedette du muet tombe dans l’oubli à l’arrivée du parlant, tandis qu’une ancienne figurante amoureuse de lui devient une star) s’inspire nettement de celle d’Une Etoile est née, et on sent clairement l’influence du Lubitsch des années 20 (il y a quelque chose de l’élégance et de l’attention portée aux objets les plus anodins de L’Eventail de Lady Windermere) du Chaplin des années 30 : la scène où George Valentin, ruiné, tourne un coin de rue et découvre son ancien smoking dans une vitrine, évoque une scène magnifique des Lumières de la Ville.

Comment, aussi, ne pas penser aux films de Douglas Fairbanks (lui-même star du muet n’ayant pas franchi l’épreuve du son), à Sunset Boulevard quand Valentin déchu revoit ses vieux films, ou à Citizen Kane par la manière dont le réalisateur montre le couple Valentin (Mme étant jouée par une revenante, Penelope Ann Miller) se déliter jour après jour autour des petits déjeuners…

Il y a comme ça une cinéphilie gourmande qui nourrit continuellement le film, y compris avec l’apparition d’acteurs anglo-saxons qui parfois ne semblent être là que pour le plaisir (Malcolm McDowell surtout ; John Goodman, quant à lui, a un très beau rôle). Mais la force du film est de ne pas se laisser dévorer par ses références. The Artist est évidemment un hommage (et le plus beau qui soit) au cinéma muet, mais ce n’est pas un film mortifère, pas plus qu’un exercice de style vain. C’est un pur bonheur de cinéma, gourmand et généreux, porté par un duo d’acteurs épatants. Un film, et c’est rare aussi, qui donne envie de le revoir immédiatement…

Charlot dans le parc (In the park) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 2:52 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot dans le parc

• Titres alternatifs (VO) : Charlie on the SpreeCharlie in the Park

• Titres alternatifs (VF) : Charlot se promène, Charlot fait des siennes

Ce premier « film de parc » tourné par Chaplin pour la Essanay est très comparable à ceux qu’il a tourné pour la Keystone l’année précédente. D’ailleurs, c’est uniquement pour tenir ses engagements qu’il a produit ce In the Park tourné en une semaine seulement, pour rattraper le retard pris sur son film précédent, Charlot boxeur, autrement plus ambitieux.

Ici, Chaplin recycle en grande partie des gags qu’il utilisait déjà dans ses précédents films de parc (des jets de briques, un voleur volé…). D’ailleurs, Charlot est ici le goujat qu’il était à ses tout débuts, perturbant les embrassades d’amoureux, faisant des grimaces dans le dos de la belle Edna Purviance (désormais complice attitrée et officielle), faisant tomber ses cendres dans la bouche d’un homme endormi, et n’hésitant pas à voler.

Ce sentiment de déjà-vu n’enlève rien à la drôlerie de certains gags, et on prend toujours un plaisir certain (et un peu coupable) à voir la quasi-totalité de la distribution propulsée par le pied rageur de Charlot à la fin du métrage. Mais le film appartient déjà à une époque révolue pour Chaplin, qui ne tournera d’ailleurs plus de « film de parc ». Ses deux prochains films (Charlot veut se marier et Charlot vagabond) marqueront une nouvelle étape dans l’enrichissement de son personnage et de son style.

Le Dinosaure et le chaînon manquant (The Dinosaur and the Missing Link) – de Willis O’Brien – 1915

Posté : 4 novembre, 2011 @ 10:20 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, DESSINS ANIMÉS, FANTASTIQUE/SF, FILMS MUETS, O'BRIEN Willis | Pas de commentaires »

Le Dinosaure et le chainon manquant

Ce court court-métrage est une date dans l’histoire du cinéma d’animation : il est considéré comme le tout premier film animé entièrement image par image, pratique dont Willis O’Brien fut le premier maître : c’est à lui, notamment, qu’on doit les créatures, toujours impressionnantes, du Monde Perdu, le film de Harry Hoyt adapté de Conan Doyle en 1925.

Cela étant dit, The Dinosaur and the Missing Link n’a pas grand intérêt autre qu’historique, d’autant plus qu’il a énormément souffert des outrages du temps (en tout cas dans la copie utilisée pour le très sympathique coffret DVD « les dinosaures attaquent », édité chez Artus Films, et qui propose en bonus quatre courts métrages de O’Brien des années 10).

Sous-titré « une tragédie préhistorique », le film est un marivaudage en peau de bête, dont le point culminant est un combat entre un grand singe et un dinosaure (traité sur le mode comique), qui préfigure une scène mythique que Willis O’Brien animera lui-même quelque dix-huit ans plus tard, dans l’immense King Kong, de Cooper et Schoedsack.

La Fille des Marais (Das Mädchen vom Moorhof) – de Douglas Sirk (Detlef Sierck) – 1935

Posté : 3 novembre, 2011 @ 12:48 dans 1930-1939, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

La Fille des Marais (Das Mädchen vom Moorhof) - de Douglas Sirk (Detlef Sierck) - 1935 dans 1930-1939 la-fille-des-marais

Même si, visuellement, il y a un monde entre l’univers bucolique en noir et blanc proche du réalisme poétique alors en vogue en France, et les couleurs vives de ses grands mélos hollywoodiens des années 50, il y a déjà tout Sirk dans cette histoire d’amour entre deux êtres que tout sépare, et en particulier à travers le personnage de Helga, jeune servante prête à sacrifier son bonheur pour celui qu’elle aime en secret, et pour respecter les règles de la société. Un thème qui reviendra tout au long de l’œuvre sirkienne…

La Fille des marais est un film de jeunesse : c’est seulement le deuxième long métrage de Sirk (qui s’appelait encore Detlef Sierck), et son premier mélodrame. Le film est à l’époque une production importante pour la UFA, la plus célèbre des firmes de cinéma allemande de l’entre-deux-guerre, qui voulait en faire une adaptation de prestige d’un roman suédois de Selma Lagerlöf, première femme Prix Nobel de littérature. Le film suivant de Sirk-Sierck sera d’ailleurs une autre adaptation d’un classique suédois (Les Piliers de la Société, d’après Ibsen). Moins connus que les films qu’il tournera un peu plus tard en Allemagne avec la star de l’époque, Zarah Leander, ces deux adaptations littéraires sont pourtant bien plus passionnantes, et beaucoup plus personnelles.

La scène d’ouverture est un petit chef d’œuvre à elle seule. Sur une place de village, des fermiers viennent pour la foire aux servantes, variantes à peine plus humaine de la traditionnelle foire aux bestiaux. C’est là qu’on rencontre nos deux futurs tourtereaux : le fils de fermier Karsten Dittmar, venu recruter (ou acheter ?) une nouvelle servante, et la frêle Helga Christmann, venue non pas chercher un emploi, mais défendre son honneur. Elle est attendue au tribunal après avoir porté plainte contre son ancien employeur qui refuse de reconnaître qu’il est le père de son enfant.

Dans ce microcosme très traditionnel et très religieux, la jeune femme, qui a le double handicap d’être d’une famille pauvre, et d’être mère célibataire, est l’objet de toutes les railleries. Mais l’opinion change radicalement lors d’une scène typiquement sirkienne : alors que son ancien patron et amant s’apprête à jurer sur la bible qu’il n’est pas le père, Helga, paniquée, décide de retirer sa plainte pour empêcher le père de son enfant de blasphémer. Un geste salué par tout l’auditoire, et par Karsten qui, du coup, lui propose de venir travailler dans la ferme familiale. La rédemption par l’abnégation… Là aussi, un thème redondant dans la filmographie de Sirk.

Tout le film est aussi brillant que cette première séquence. On fait bientôt la connaissance de l’autre femme importante du film : Gertrud, la fiancée de Karsten, qui ne serait pas une mauvaise personne si elle ne pressentait pas le danger que représente Helga pour son couple. Et puis il y a le père de Karsten, un « taiseux » qui ne parle que quand c’est nécessaire, c’est-à-dire pas avant près d’une heure de film, n’ouvrant la bouche que quand il réalise qu’il a un rôle vital à jouer. On ne dira pas ici quel est ce rôle, mais il donne lieu à une série de retournements de situations qui oscillent constamment entre la légèreté et le désespoir.

Sirk réussit là un tour de force : signer un quasi-premier film qui porte déjà en germes tout son univers. C’est beau et romantique, et il y a dans ces paysages façonnés peu à peu par la main laborieuse de l’homme (c’est un pays de tourbiers) un souffle simple et frais, digne de la culture nordique.

Espions sur la Tamise (Ministry of Fear) – de Fritz Lang – 1944

Posté : 2 novembre, 2011 @ 3:22 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LANG Fritz | 1 commentaire »

Espions sur la Tamise (Ministry of Fear) - de Fritz Lang - 1944 dans * Films noirs (1935-1959) espions-sur-la-tamise

Graham Greene, l’un des plus grands romanciers du XXème siècle, est aussi celui, sans doute, qui a été le mieux servi au cinéma. De Tueur à gages de Frank Tuttle à La Fin d’une liaison de Neil Jordan, l’œuvre de l’auteur de Rocher de Brighton a inspiré un nombre assez impressionnant de chef d’œuvre. Celui de Fritz Lang n’est pas des moindres. Tourné un an à peine après la sortie du roman, Ministry of Fear est le troisième film de propagande antinazi d’affilée tourné par Lang, après Chasse à l’homme et Les Bourreaux meurent aussi, déjà deux chef d’œuvre. Lang a souvent eu la dent dure contre cette adaptation du roman de Greene, estimant avoir été étouffé par le scénariste et producteur Seton J. Miller, qui refusait qu’on modifie une ligne de son script.

Pour le cinéaste, Ministry of Fear n’était ni un film personnel, ni même un bon film. Le moins qu’on puisse dire est qu’il a l’autocritique un peu sévère… Non seulement le film est brillant en terme de style, mais c’est aussi un film très langien, que ce soit pour son personnage principal, monsieur tout le monde confronté au regard inquisiteur de la société entière, ou à travers une multitude de petits motifs visuels ou thématiques qui semblent répondre à d’autres films de Lang.

A peine sorti d’un asile où il était enfermé depuis deux ans, notre héros, avide de se plonger de nouveau au cœur de la population, se dirige vers une fête foraine. Dès qu’il entre, un ballon rebondit vers lui… Comment ne pas penser au ballon de la fillette, au début de M le maudit : avec ce ballon, symbole de l’innocence perdue, l’homme a fait son entrée dans un monde de faux semblants et de menaces. Cette voyante qu’il consulte alors, stéréotype ambulant qui semble tout droit sortie de l’univers du Docteur Mabuse, représente un autre pas franchi vers le cauchemar qui se dessine peu à peu autour de lui…

Le film rappelle aussi à quel point les univers de Lang et Hitchcock ont été proches, à cette époque (c’est d’ailleurs à Hitchcock qu’on avait d’abord proposé le scénario de ce qui allait devenir Chasse à l’homme). Le personnage de cet homme plongé malgré lui dans une sombre affaire d’espionnage, ce pourrait être le Robert Donat des 39 Marches. Ce faux aveugle, que notre héros rencontre dans un train, pourrait lui aussi sortir d’un film de Hitchcock… Sans oublier l’incontournable macguffin, objet de toutes les convoitises dont on se fiche de savoir ce que c’est, dont Hitchcock a fait l’une de ses marques de fabrique, et qui trouve ici une forme particulièrement anodine : un gâteau…

Hitchcock et Lang ne sont cependant pas interchangeables, loin s’en faut. Il y a chez Hitch une légèreté, une ironie, qui se transforment chez Lang en inquiétude plus marquée. L’ironie est là, aussi, mais plus sombre, plus cynique aussi. Le personnage interprété par le grand Ray Milland est à la fois un faux coupable et un homme sans histoire plongé au cœur d’un mystère (thèmes chers à Hitchcock), mais c’est surtout un héros profondément Langien : un homme marqué par son passé, à la fois avide de renouer avec le genre humain, dont il a été privé pendant deux ans, et conscient qu’il doit se méfier de tous. Comme tant d’autres héros de Lang, à commencer par Spencer Tracy dans Furie.

L’histoire en elle-même ressemble à bien d’autres films de propagandes de cette époque : notre  héros va mettre à jour l’existence d’un réseau d’espions au cœur de Londres. La principale force du film repose sur le style visuel de Lang, éblouissant : il fait de son film antinazi une pure gourmandise de cinéma, un film de genre bourré de rebondissements et sublimement filmé. Lang joue avec les ombres, avec l’obscurité, la brume… Moins on en voit, et plus c’est spectaculaire.

Il joue aussi sur la possible schyzophrénie de son héros, tout juste sorti d’un asile de repos et dont le premier acte d’homme libre est d’aller se mêler aux enfants d’un parc d’attraction, avant de raconter une histoire incroyable aux forces de l’ordre. Ce héros, que l’on confond avec un authentique espion, évoque avant l’heure le Robert Townsend qu’interprétera Cary Grant quinze ans plus tard dans La Mort aux trousses… d’Hitchcock, bien sûr.

Rio Grande (id.) – de John Ford – 1950

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:49 dans 1950-1959, FORD John, O'HARA Maureen, WAYNE John, WESTERNS | 2 commentaires »

Rio Grande

Après Le Massacre de Fort-Apache et La Charge héroïque, Ford boucle sa sublime trilogie de la cavalerie avec ce Rio Grande, nouvelle grande réussite même s’il s’agit incontestablement du plus faible des trois films. Plus encore que dans les deux films précédents, Ford se désintéresse clairement de la trame dramatique pour se concentrer sur ce qui fait tout le sel de cette trilogie unique : les hommes qui composent cette cavalerie qui le fascine visiblement, mais sur laquelle il pose un regard à la fois admiratif et respectueux, mais aussi parfois critique et ironique.

John Wayne est une nouvelle fois au cœur du film. Et une nouvelle fois, c’est un homme confronté aux horreurs de la guerre avec les Indiens, autant qu’à l’imbécillité de ses supérieurs, à qui il obéit aveuglement en dépit de tout. C’est ça la cavalerie : un sens du devoir et de l’obéissance qui doit dominer tout le reste… y compris la famille.

Le rôle des épouses de soldats avait été évoqué joliment, par quelques plans particulièrement marquants, dans Fort Apache… Il est ici au cœur de Rio Grande, à travers le beau personnage de Maureen O’Hara (qui donne pour la première fois la réplique à Wayne), mère désespérée qui a quitté son John Wayne de mari des années plus tôt après qu’il a brûlé leur propre maison sur les ordres de son supérieur (ah ben oui, il a le sens du devoir !), et qui vient aujourd’hui pour le convaincre de renvoyer à la vie civile leur fils, qui vient de s’enrôler après avoir raté le concours d’officier.

Incontestablement, l’alchimie est parfaite entre les deux acteurs (alchimie qui explosera littéralement deux ans plus tard avec L’Homme tranquille), dont toutes les confrontations sont baignées par un mélange d’animosité et d’attirance. On peut juste regretter que Ford n’ait pas exploré davantage cette dualité : très vite, on sent bien que le sens du devoir de Wayne va emporter les dernières réticences de la maternelle Maureen.

Dommage, mais c’est bien la seule réserve que je fais à ce film passionnant dans lequel John Wayne est une nouvelle fois épatant en héros fatigué par les longues chevauchées autant que par l’impuissance à laquelle le soumettent ses supérieurs.

Mais le film vaut avant tout pour ses nombreux moments en creux. Une chorale militaire qui chante une ballade irlandaise qui plonge soldats du rang et officiers dans une douce mélancolie… Un sous-off fort en gueule (incontournable Victor McLaglen, dans son avant-dernier rôle pour Ford, avant L’Homme tranquille) qui entraîne de jeunes recrues… Deux vieux de la vieille qui évoquent autour d’un café et à mots feutrés la bataille qui les a marqués bien des années plus tôt… Le regard inquiet de Wayne veillant sans en avoir l’air sur son rejeton… La complicité évidente entre Ben Johnson et Harry Carey Jr, duo que Ford venait de diriger dans Le Convoi des baves, son précédent chef d’œuvre.

Bref, un pur John Ford pas tout à fait aussi ambitieux que les précédents (visuellement, même, le noir et blanc de Rio Grande est bien moins spectaculaire que le technicolor sublime de La Charge héroïque). Mais c’est un bon Ford. Et un bon Ford, c’est un grand film…

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