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El Dorado – de Marcel L’Herbier – 1921

Posté : 23 janvier, 2012 @ 2:53 dans 1920-1929, FILMS MUETS, L'HERBIER Marcel | Pas de commentaires »

El Dorado

Eh ben voilà, bouleversé, que je suis, les larmes aux yeux, le nœud au ventre et la boule à la gorge… La totale, quoi. Il faut dire que le grand L’Herbier n’hésite pas à pousser très loin le bouchon du mélodrame avec cette pure merveille qui, comme L’Homme du Large un an plus tôt, a enthousiasmé la foule et les critiques de l’époque de sa sortie. En ce temps-là (le début des années 20, donc), on annonçait clairement la couleur : « mélodrame de Marcel L’Herbier », peut-on lire sur l’affiche d’El Dorado. Mais pas n’importe quel mélodrame : un chef d’œuvre qui a bouleversé l’art cinématographique de la narration.

Comme il avait magnifiquement porté à l’écran la nature sauvage de la côte bretonne dans L’Homme du large, L’Herbier plonge au cœur de l’Andalousie avec ce film tourné en grande partie en décors naturels. Un choix qui renforce l’aspect véridique d’un film qui joue constamment avec la réalité concrète des lieux : l’action se déroule notamment en partie dans la mythique Alhambra. Mais on n’est pas dans le documentaire : les décors réels ne sont qu’un élément parmi bien d’autres utilisés par un L’Herbier en constante recherche formelle.

Et son film est bourré de trouvailles d’autant plus géniales qu’elles tranchent avec à peu près tout ce qui a été fait auparavant au cinéma, y compris par les grands pionniers comme Griffith à qui on a trop vite attribué tout le langage cinématographique. Dès la première séquence – très longue – la réussite d’El Dorado est éclatante.
Dans L’Homme du large, L’Herbier avait glissé une scène osée pour l’époque, se déroulant dans un bar glauque abritant à peu près tous les vices et toutes les tentations. Mais les envies du cinéaste avait été bridées par la censure. Il va plus loin cette fois avec cette séquence qui se prolonge durant plus de quinze minutes, et au cours de laquelle L’Herbier multiplie les gros plans de visages très marqués, qui renforcent le côté « lieu de perdition » de ce cabaret qui donne son titre au film.

L’héroïne, danseuse vedette du cabaret, est un personnage complexe. La manière dont L’Herbier la présente au spectateur est à la fois brillante, inspirée, et d’une audace incroyable. Il y a d’abord ce flou qui l’isole du reste du cabaret. Et puis il y a surtout ce montage alterné, qui nous montre tour à tour la danseuse, Sibilla, arborant un large sourire sur scène, et son fils alité, malade, appelant sa mère avec le cri du désespoir… Mère indigne ? La réalité est bien complexe, et plus pathétique, encore.

Sibilla danse parce que c’est sa seule manière de gagner le peu d’argent qui pourrait sauver la vie de son garçon. Elle se souvient du père de l’enfant, un riche Espagnol qui les a abandonnés à la naissance du bébé, et qui refuse obstinément et froidement de les aider. Un pur monstre d’égoïsme, contrepoint parfait de la figure tragique de Sibilla. Cette tragédie en marche est renforcée par la présence de la fille du monstre, une jeune femme amoureuse d’un ami de Sibilla, et qui sera l’instrument de la vengeance de la mère bafouée.

Tragédie moderne, qui fait de L’Herbier (réalisateur et scénariste), l’un des grands auteurs du début du XXème siècle, El Dorado est un film bouleversant. Est-ce un hasard ? C’est dans ce film et Le Kid de Chaplin, sorti cette même année 1921, que l’on trouve les deux cris d’enfants (muets évidemment) les plus mémorables et insoutenables de l’histoire du cinéma. Deux films qui jouent à fond la carte du mélodrame, qui font pleurer à tous les coups, mais qui sont pourtant d’une pudeur extrême…

Cette pudeur, c’est à la réalisation de L’Herbier qu’on la doit. L’intelligence de la mise en scène, son sens du cadrage et du montage, l’utilisation des décors (un seul exemple, célèbre : Sibilla marchant au pied d’un immense mur qui renforce le sentiment d’accablement de la jeune femme). Il n’y a, dans El Dorado, pas la moindre image qui soit ne serait-ce que banale. L’Herbier utilise le montage, les clair-obscurs, les déformations de l’image, les travellings… avec une modernité exceptionnelle. Quatre-vingt-dix ans plus tard, ils ne sont pas nombreux à maîtriser à ce point le langage cinématographique !

El Dorado est une date dans l’histoire du cinéma pour une autre raison, encore : c’est pour ce film que la première bande originale a été composée. Jusqu’alors, les musiciens improvisaient dans les salles, au gré de leur inspiration. Pour El Dorado, Marcel L’Herbier a commandé une partition originale à Marius-François Gaillard. Une partition qui, aujourd’hui encore, est considéré comme l’une des plus belles de l’histoire. Elle pose en tout cas les bases de près d’un siècle de musiques de film.

La Femme du Vème (The Woman in the Fifth) – de Pawel Pawlikowski – 2011

Posté : 23 janvier, 2012 @ 12:23 dans 2010-2019, PAWLIKOWSKI Pawel | Pas de commentaires »

La Femme du Vème

Un choc ! En adaptant le roman de Douglas Kennedy, Pawel Pawlikowski fait son entrée, d’emblée, dans la cour des grands cinéastes à suivre. De ces réalisateurs qui peuvent se permettre de laisser des tas de questions en suspens, tout en conduisant le spectateur exactement là où il le voulait. En l’occurrence, dans le cœur à vif et l’esprit foutraque de Ethan Hawke, Américain à Paris qui trimballe une douleur et des démons insondables.

Que s’est-il passé exactement dans la vie de cet homme à qui tout devrait sourire ? Auteur d’un unique roman salué unanimement, professeur d’université qui menait visiblement une vie très confortable, il débarque à Paris « pour rejoindre sa femme et sa fille», comme il l’annonce d’entrée à un douanier soupçonneux. Sauf que cette femme n’attendait pas ce mari, dont elle s’est séparée à la suite d’un épisode apparemment douloureux, qui a conduit à une décision d’éloignement de la part de la justice. Et que leur fille le croit en prison.

Quel est son problème ? Est-il schizophrène ? Sort-il réellement de prison, ou d’une maison de santé ? On n’aura jamais de réponse claire à ces questions. Une seule chose compte : Ethan Hawke va très mal, il lutte contre ses démons, et ne vit que dans l’espoir, que l’on sait chimérique, de retrouver ce qu’il a perdu : sa famille.

Mais à Paris, il est constamment ballotté entre le fantasme et la réalité, entre un Paris de carte postale (cette terrasse à la vue incroyable d’où on peut quasiment toucher le pied de la Tour Eiffel, symbole absolu d’un Paris de rêve aux yeux des Américains), et un Paris bien plus tangible : ce quartier populaire inquiétant dans lequel il se retrouve sans argent, sans papiers, sans vêtements, et où il s’installe dans le premier hôtel miteux.

Dans le premier Paris, il rencontre une femme, belle et étrange, dont l’élégance et le port paraissent d’un autre temps. C’est Kristin Scott-Thomas, apparition presque irréelle qui guide Ethan Hawke vers un semblant d’espoir de retrouver sa vie perdue.

Dans le second, notre écrivain côtoie une faune interpole qui le tire vers le bas. C’est le personnage le plus charnel du film qui résume le mieux le film, en racontant un rêve : « j’ai rêvé de vous, vous étiez un peintre et vous vous enfonciez de plus en plus profondément dans la boue ». C’est la serveuse du café-hôtel, une immigré incarnée par Joanna Kulig, jeune actrice  polonaise pulpeuse et terriblement émouvante. Elle est LE personnage qui ancre le film dans la réalité, qui résume tout un pan du message de Pawlikowski : la réalité de Paris, quelque part entre l’espoir d’une vie meilleure, liée aux stéréotypes véhiculés notamment par le cinéma américain, et la froide désillusion des quartiers pauvres de la capitale. Ce tiraillement (ce double visage de la capitale) a-t-il déjà été mieux décrit que dans La Femme du Vème ? Pas sûr…

Dans ce film, la notion de réalité est d’ailleurs toujours contrebalancée par un doute. La rencontre avec Kristin Scott-Thomas n’est-elle pas trop belle pour être vraie ? Le « boulot » qu’Ethan Hawke accepte pour payer sa chambre n’est-il pas trop caricatural pour être authentique ? Il en va de même pour tous les ressors dramatiques a priori traditionnels du film : l’attente d’un nouveau roman de l’écrivain, la disparition de sa fille…

Tous les éléments qui semblent rapprocher La Femme du Vème d’un film de genre sont trompeurs. Tout ce qui semble vouloir apporter des réponses ne fait qu’accentuer le mystère. Mais qu’importe : plus les rebondissements deviennent nébuleux, plus le mystère s’épaissit, et plus la réalité du film devient flagrante. C’est le portrait intime (intérieur, même), d’un homme tiraillé entre ses rêves et ses démon ; un homme qui cherche simplement la meilleure manière de se dire que pour lui, le seul espoir est de trouver la paix intérieur, d’accepter la perte de son bonheur…

Pour porter un tel sujet, il fallait un grand acteur. Ethan Hawke est à la hauteur : vingt ans après Le Cercle des poètes disparus, le jeune ado mal dans sa peau semble toujours planer sur sa tête. Son interprétation, sensible et bouleversante, est inoubliable.

The Mystery of the leaping fish (id.) – de John Emerson – 1916

Posté : 23 janvier, 2012 @ 10:21 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, EMERSON John, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Mystery of the leaping fish

Ecrit par Tod Browning, mais réalisé par John Emerson (cinéaste qui dirigera Douglas Fairbanks dans plusieurs longs métrages à la fin des années 10), ce court métrage culte est une curiosité dans la filmographie de Fairbanks, qui incarne un détective alcoolique et cocaïnomane, constamment sous l’emprise de substances illicites. Près d’un siècle plus tard, cette espèce de parodie des Sherlock Holmes (autre célèbre cocaïnomane) de Conan Doyle fait figure d’OVNI cinématographique : l’outrance des personnages, l’absurdité de l’humour et les rebondissements incroyables sont absolument sans équivalents.

Fairbanks est presque méconnaissable, constamment grimé et le visage dissimulé derrière d’épaisses moustaches. On ne le reconnaît vraiment que dans la première image et l’épilogue du film, décalé et inattendu, qui donne un éclairage nouveau sur la folie à laquelle on vient d’assister : cette improbable histoire de détective complètement loufoque est le fruit de l’imagination de Douglas Fairbanks qui, las de son statut de star de l’écran, veut se lancer dans une carrière de scénariste…

Avant cette conclusion, le moins que l’on puisse dire est que le trio Browning – Fairbanks – Emerson se lâche totalement dans ce film. On a ainsi droit aux déguisements les plus improbables, à une curieuse voiture à carreaux qui se transforme en pleine filature en un échiquier géant ; à une poursuite à dos de poissons gonflables (l’intrigue se dénoue dans une baraque de locations de poissons gonflables en bord de mer, d’où le titre curieux : « le mystère du poisson gonflable »)…

Super détective, malgré ses addictions multiples (il s’appelle Coke Ennyday, soit phonétiquement « de la coke chaque jour »), le personnage de Fairbanks sort une photographie de son maillot de bain alors qu’il est dans l’eau, transforme son chapeau en longue vue, saute hors de l’eau comme par magie, et réalise comme ça toutes sortes de prouesses, venant à bout d’une bande de malfaiteurs à lui seul… sans oublier de se shooter régulièrement à tout ce qu’il trouve…

Cultissime, ce petit film d’une demi-heure ne ressemble décidément à rien de connu. C’est un pur délire évidemment d’une autre époque, mais à consommer (comme toutes les drogues de Coke Ennyday) sans la moindre modération…

J. Edgar (id.) – de Clint Eastwood – 2011

Posté : 20 janvier, 2012 @ 6:56 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

J Edgar

De film en film, Eastwood trace son chemin avec une force tranquille et une cohérence qui forcent le respect. Depuis quelques films déjà (depuis sa « mort » dans Gran Torino, disons), on sent bien que les dernières velléités qu’il avait à donner au public ce qu’il attendait avaient totalement disparu. Son cinéma n’en est que plus passionnant, attachant, et unique dans le paysage actuel. Loin de toutes les modes, Eastwood fait le cinéma qu’il veut. Ni plus, ni moins. Et il le fait avec un classicisme qui frôle parfois l’académisme, mais qui ressuscite au final l’esprit des grands maîtres qui ont raccroché quand lui faisait de pénibles débuts devant la caméra, au milieu des années 50.

Avec J. Edgar, fresque colossale et pourtant intimiste, Eastwood renoue d’ailleurs une nouvelle fois avec une époque qui lui est chère. Car même si le film raconte l’histoire du FBI et de son créateur de 1919 à 1972, l’une des périodes charnières est bien l’Amérique de la Grande Dépression : ces années 30 qui lui avaient déjà inspiré deux de ses plus beaux films, Honkytonk Man et L’Echange (son film récent le plus sous-estimé). Une décennie qui fut celle de son enfance (il est né en 1930), mais aussi celle d’un cinéma qui continue à le nourrir, en particulier à travers James Cagney, acteur dont le parcours au cours de ces années d’avant-guerre illustre bien le chemin parcouru par Hoover.

Le parallèle est joliment montré dans le film : Hoover a définitivement réussi à imposer « son » FBI lorsque Cagney incarne enfin l’un de ces « G-Men » (les hommes du gouvernement), et non plus l’un de ces gangsters qui ont fait sa gloire. Bref : quand le peuple américain considère que les héros sont les agents du FBI, et plus les gangsters romantiques comme Dillinger, qui fut l’une des premières « proies » du « bureau ». Mine de rien, cette place donnée au cinéma dans le film d’Eastwood n’est pas anodine : elle illustre bien l’une des obsessions de Hoover, qui était son combat du bien contre le mal.

Le Bien étant la sécurité et la survie de l’Amérique, il lui fallait un Mal à la hauteur : les attentats « bolcheviks » de 1919 (un épisode méconnu de l’histoire américaine du XXème siècle, qu’Eastwood utilise avec intelligence) offrent au jeune Hoover à la fois un ennemi tangible, une mission quasi-sacrée, et un point de départ inespéré pour le projet d’agence gouvernementale dont il deviendra le père et l’âme maudite durant un demi-siècle. Ce Mal qu’il n’aura de cesse de retrouver au fil des décennies et des bouleversements politiques, sous les traits du « communiste », cette menace directe face à laquelle le crime organisé n’a que peu d’importance.

Sans jamais en rajouter, et avec une reconstitution historique d’un réalisme incroyable, c’est cette obsession d’une vie qu’Eastwood raconte dans cette biographie qui dépasse largement le cadre souvent réducteur et gonflant du biopic. J. Edgar est le portrait d’un homme habité et malade, passionné et manipulateur, ambitieux et complexé. Il offre aussi une vision éclairée et passionnante de la naissance du FBI, et à travers elle de la partie la plus controversée de l’histoire américaine, faite de mensonges, d’assassinats, de coups-bas et d’écoutes illégales.

Il vaut mieux avoir quelques connaissances de base de cette période pour bien apprécier le film : les allers-retours continuels entre les différentes époques ne facilitent pas vraiment les choses. Mais Eastwood choisit de mettre en avant quelques épisodes particulièrement fondateurs, comme l’enlèvement tragique du petit Lindbergh, ou le comportement « inapproprié » de Mme Roosevelt, qui illustrent efficacement les grandes étapes du FBI et de son patron historique.

Cette construction complexe, sous forme de puzzle, est l’un des aspects les plus réussis du film : mieux qu’avec un film chronologique, la complexité de Hoover s’enrichit de ces époques qui se répondent, dressant le portrait d’un homme qui, toute sa vie, a répondu aux mêmes obsessions. Eastwood présente un homme qui fut sans doute le plus puissant du monde, mais qui pourtant vivait la plus rangée et la plus monotone des vies, mangeant toujours au même endroit, avec la même personne, aimant séduire mais terrorisée par les femmes ou le sexe, et n’étant entouré que d’une poignée de personnes avec lesquelles il entretenait des rapports pour le moins ambigus.
Sa relation homosexuelle mais visiblement platonique avec son bras droit Clyde Tolson (joué par un Arnie Hammer tout en séduction trouble) ; celle avec une mère castratrice (Judi Dench) ; celle encore avec sa fidèle secrétaire (Naomi Watts) qu’il aurait pu épouser… La vie privée de ce « grand homme corrompu », selon Eastwood en tout cas, ne dépasse jamais le cadre de ce triangle qui tourne exclusivement autour de sa mission, son FBI.

Très inspiré, Eastwood signe son meilleur film depuis longtemps. Encore fallait-il trouver un interprète à la hauteur du rôle, monstrueux. Di Caprio, qui décidément ne cesse de gagner en épaisseur, est totalement à la hauteur de l’enjeu. Immense, sans jamais cabotiner, il se glisse dans la peau de Hoover sans le singer, et son interprétation est d’une force assez hallucinante. Plus encore que sous la direction de Scorsese (notamment pour Aviator, où il interprétait un Howard Hughes déjà très obsessionnels), l’ex-jeune premier de Titanic prouve qu’il est devenu l’un des très grands acteurs d’aujourd’hui.

Mission : Impossible – le protocole fantôme (Mission : Impossible – Ghost Protocole) – de Brad Bird – 2011

Posté : 20 janvier, 2012 @ 6:49 dans 2010-2019, BIRD Brad, CRUISE Tom | Pas de commentaires »

Mission Impossible 4

Après trois petites merveilles du cinéma d’action, ce quatrième volet des aventures d’Ethan Hunt, le super espion qui a ringardisé James Bond (jusqu’à l’arrivée de Daniel Craig, en tout cas), avait tout de la mauvaise idée. Pire, même : les premières images qui semblaient recycler, en moins bien, tout ce qu’on avait déjà vu dans les films précédents, semblaient enfin donner raison aux détracteurs de Tom Cruise, ceux qui annoncent la fin de sa carrière depuis le milieu des années 90. Mais voilà, une fois encore, celui qui restera à jamais la plus grande star de sa génération prouve qu’il faut encore compter sur lui. Ce M : I 4 est bien plus qu’un baroud d’honneur, et certainement pas un bâton de maréchal qui assurerait à l’acteur les derniers éclats d’une gloire vacillante.

Le Protocole fantôme n’est pas tout à fait aussi enthousiasmant que les trois films précédents, c’est vrai. Mais il y a dans ce pur film d’action un parti-pris aussi fort et abouti que l’élégance classique de De Palma (ici), le romantisme maniéré de John Woo (ici), ou le rythme télévisuel trépidant de JJ Abrams (ici). Le choix de Brad Bird, réalisateur jusqu’alors spécialisé dans l’animation (Ratatouille et Les Indestructibles) pouvait paraître très étonnant ; c’est un nouveau pari réussi pour la star-producteur, amateur de signatures fortes (il n’y a qu’à voir les noms qui marquent sa filmographie : Kubrick, Stone, Scorsese, Spielberg, Crowe, Anderson…).

Car Mission Impossible 4 est un cartoon. On le voit dès la toute première séquence (avec un acteur venu de Lost, la série de JJ Abrams…), le réalisateur et son producteur n’ont pas l’intention de se laisser contraindre par les limites des prises de vue réelles. Bird vient du dessin animé ? C’est exactement pour ça que Tom Cruise l’a choisi : pour faire du quatrième volet de sa franchise l’une de ces folies que seule l’animation permet généralement.

Le film évoque souvent les premiers films de la série (l’intrusion dans le Kremlin qui remplace le siège de la CIA à Langley dans le film de De Palma, ou le Vatican dans celui d’Abrams ; l’entrée par une bouche d’aération comme dans tous les précédents films…), et plus encore les vieux James Bond par la démesure de l’intrigue (c’est rien moins qu’une guerre nucléaire totale que Hunt et ses comparses doivent éviter) et par l’absurdité des rebondissements. Mais il fait aussi très souvent penser aux folies de Tex Avery…

Lorsque les personnages, bon ou mauvais, se lancent dans le vide, s’accrochent à une façade (celle du Burj Khalif à Dubai, le plus grand immeuble du monde, dans une séquence qui file le vertige) ou disparaissent par des trous dans le sol, on ne serait pas étonner de voir apparaître Will Coyotte ou Bugs Bunny. Cette tendance trouve son apogée avec l’extraordinaire poursuite dans une tempête de sable, ou dans l’hallucinante dernière scène de baston de Cruise, dans une usine automobile où Hunt et sa nemesis passent constamment d’un niveau à l’autre, grâce à un improbable va-et-vient de plate-formes qui rappellent, pour prendre un exemple très récent, les rouages de Big Ben dans Cars 2

Les personnages ne sont pas oubliés dans ce divertissement irréel, avec des seconds rôles particulièrement réussis : Jeremy Renner en alter ego de Cruise (lorsque la star peinait à convaincre les producteurs de le suivre sur ce nouveau volet, Renner avait été envisagé pour le remplacer), ou Simon Pegg (déjà présent plus brièvement dans MI3) en caution humoristique assez irrésistible. Ethan Hunt lui-même a évolué, comme il le fait film après film. Il semble ici revenir de l’enfer… Mais la noirceur que Bird laisse poindre ne dure pas vraiment. S’il réussit à nous convaincre que les personnages sont hantés par leurs fantômes, et que la survie du monde est en jeu, c’est aussi pour mieux nous rappeler à la fin que tout ça était pour rire, et qu’au cinéma on peut tout se permettre : y compris ressusciter des personnages que l’on croyait mort ou disparu. Comme Tom Cruise, que l’on nous dit fini depuis une demi-douzaine d’années, et qui renaît de ses cendres film après film.

Singapour (Singapore) – de John Brahm – 1947

Posté : 20 janvier, 2012 @ 6:34 dans 1940-1949, BRAHM John | Pas de commentaires »

Singapour (Singapore) – de John Brahm – 1947 dans 1940-1949 singapour

Fred MacMurray, aventurier par goût du risque, revient à Singapour cinq ans après son départ pour la guerre. Revient-il pour retrouver les perles de contrebande qu’il avait planquées dans sa chambre d’hôtel à la veille de la guerre ? Revient-il pour retrouver une trace de son bonheur passé au bras de la belle Ava Gardner, disparue la veille de son départ ? Un peu tout ça à la fois, sans doute. Dès son arrivée, les surprises se suivent : ses anciens complices sont toujours sur la piste des perles, la police locale le surveille de près… et Ava réapparaît comme par miracle, sans le moindre souvenir de leur idylle passée.

On pourrait croire qu’il y a beaucoup de choses dans Singapour. Mais à vrai dire, il n’y a rien, ou si peu… Aucune atmosphère, un scénario minimaliste qui hésite continuellement entre une piste et une autre : film romantique ? film d’aventure ? film noir ? le film ne va au bout d’aucune de ses pistes. Le sentiment qui s’en dégage est celui d’un grand vide. Pas un ratage, non : il n’y avait visiblement à l’origine de ce projet pas l’ombre d’une bonne idée. Rien à rater, donc…

Le film est court – 75 minutes – mais l’ennui a bien le temps de s’installer tout au long de cette production proprette et sans relief. Même les comédiens sont agaçants : Ava Gardner qui minaude et fait de grands yeux de diva ; et Fred MacMurray qui se contente d’afficher un petit sourire même pas carnassier, quelle que soit la situation. Il est bien loin d’un Gary Cooper qui aurait peut-être apporté un peu d’âme à cette série B sans intérêt.

Brahm, pourtant, n’est pas un manchot. Quelques plans, d’ailleurs, sont plutôt jolis : MacMurray à la proue d’un bateau ; une scène de rue nocturne dans un quartier humide de Singapour ; un temple sous le feu d’un bombardement… Des plans fugitifs qui rappellent que le réalisateur a à son actif de beaux films noirs d’atmosphère (Jack l’Eventreur et Hangover Square, en particulier). L’atmosphère, c’est ce qui fait le plus cruellement défaut ici…

Time Out (id.) – de Andrew Niccol – 2011

Posté : 20 janvier, 2012 @ 6:28 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, NICCOL Andrew | Pas de commentaires »

Time Out (id.) – de Andrew Niccol – 2011 dans 2010-2019 time-out

Dire qu’on attendait le nouveau film d’Andrew Niccoll avec impatience relève de l’euphémisme. Scénariste de Truman Show, réalisateur de Bienvenue à Gattacca et Simone, Niccoll s’est imposé depuis plus de dix ans comme l’auteur de SF le plus percutant, le plus intelligent et le plus passionnant de sa génération. Mais depuis Lord of War, son chef d’œuvre absolu (dans un autre genre), plus de nouvelle. Encensé par une partie de la critique, le cinéaste ne rencontre en salles qu’un succès d’estime, sans commune mesure avec ses ambitions. Time Out, qui nous arrive cinq ans après son précédent film, a tout du projet de rechange…

L’idée de départ, cela dit, est passionnante : dans un futur indéfini, l’argent est remplacé par du temps. Après 25 ans, chaque homme et chaque femme ont en poche un an de vie, qui s’échappe seconde après seconde. Leur salaire (minable dans les petits quartiers) leur apporte du temps supplémentaire, tandis que la moindre de leur dépense (hors de prix dans les petits quartiers) réduit leur capital comme peau de chagrin. Ce concept, typique de la SF, permet de symboliser jusqu’à l’extrême le fossé entre les riches exploiteurs et les pauvres laborieux. Pendant un temps (la première demi-heure, disons), cela donne lieu à quelques séquences fortes et bouleversantes qui laissent augurer du meilleur pour la suite.

Mais la suite, hélas, n’est jamais au niveau. Le scénario n’évite pour ainsi dire jamais les stéréotypes les plus éculés. D’un côté, le quartier des riches quasi-immortels, qui construisent leur fortune sur l’exploitation-du-petit-peuple-qui-mène-une-vie-de-con. De l’autre, le quartier populaire où les gens crèvent (littéralement) de misère, mais où tous se serrent les coudent. Voler le temps d’autrui est on ne peut plus simple, mais cela ne viendrait à l’esprit de personne dans ce quartier où tout le monde aime tout le monde. Si le film se veut le symbole du monde actuel, la pilule a un peu de mal à passer, faut reconnaître…

Cette naïveté n’est rien à côté de l’impression de gâchis qui règne sur l’ensemble du film. Niccoll ne manque pas d’idées, c’est même le principal problème du film : les idées qui auraient pu être géniales s’accumulent, mais pas la moindre d’entre elles n’est exploitée correctement. Le héros (Justin Timberlake, très bien), qui jure de renverser ce système injuste avec l’aide d’une fille de riche dans une sorte de remake futuriste de Bonnie and Clyde, est le fils d’un homme dont il ignore tout et qui cachait bien des secrets. Ces secrets donnent-ils lieu à des révélations tonitruantes ? Ben non, pas plus que la mélancolie du riche las de vivre n’est exploité, pas plus que la théorie du complot, pas plus que le terrible rapport père-fille entre la rebelle et le milliardaire, pas plus que les effets ravageurs d’une richesse trop subite…

Même les personnages les plus troubles (celui du gardien du temps, interprété par l’excellent Cillian Hinds) sont traités par-dessus la jambe… Comme si les scénaristes s’étaient dit, en plein milieu de l’écriture : « Oh, et puis merde, on arrête là ! » Reste une petite série B qui aurait été réjouissante si, justement, il n’y avait pas autant de bonnes idées qui ne laissaient cet arrière-goût persistant d’inachevé.

L’Homme du large – de Marcel L’Herbier – 1920

Posté : 20 janvier, 2012 @ 3:28 dans 1920-1929, FILMS MUETS, L'HERBIER Marcel | Pas de commentaires »

L'Homme du large

Henri Langlois, qui avait vu quelques films, considérait L’Homme du large comme « le premier exemple d’écriture cinématographique ». Un commentaire qui suffit à souligner l’importance de ce film dans l’histoire du cinéma en tant qu’art ; l’importance, aussi, de Marcel L’Herbier, immense réalisateur français qui signe ici son cinquième long métrage, et dont on ne vantera jamais assez la richesse de ses films, en particulier de sa période muette (son dernier film muet, L’Argent, peut d’ailleurs être considéré comme le sommet de sa carrière).

Adapté d’un roman méconnu de Balzac (Un drame au bord de la mer), ce splendide mélodrame rompt en effet de manière flagrante avec la production des années 10, en multipliant notamment les effets de caméra : une utilisation savante des caches ; des dialogues qui s’écrivent directement sur l’image, soulignant ainsi les sentiments des personnages et évitant les ruptures de rythme ; des parties de l’image floues pour mettre un personnage en valeur ou pour accentuer le malaise… Il y a chez L’Herbier la même richesse de construction que chez les glorieux cinéastes des années 10, mais le Français va bien plus loin : la moindre de ses images est évocatrice, et ne se contente pas d’illustrer les intertitres.

D’ailleurs, L’Homme du large aurait pu se passer d’intertitres : sa force inouïe réside dans les images, dans ce qu’elles racontent de plus, dans les sentiments et les émotions qu’elles éveillent chez le spectateur. Raconté « platement », le film aurait sans doute été un mélo un peu imbuvable. L’histoire elle-même, en effet, utilise des ficelles qui ne sont pas de la plus grande finesse.

Le film est en fait un long flash-back : les souvenirs d’un marin vieillissant qui a fait vœu de silence, et qui se remémore ses heureuses années. Il y a bien longtemps, Nolff (Roger Karl) était marié et avait une fille et un fils. Ce fils (interprété par la vedette de la plupart des films muets de L’Herbier, Jaque-Catelain), qu’il destinait à devenir un fier marin comme lui, grandit avec la haine de la mer, et une attirance trouble pour les plaisirs coupables de la ville, attirance que son meilleur ami (interprété par un tout jeunôt Charles Boyer, encore loin de ses années de gloire) est là pour attiser…

A l’opposée de son frère fainéant et égoïste, la fille de Nolff (Marcelle Pradot, la femme de L’Herbier) fait tout pour ramener son petit frère à la raison. Mais lorsque le jeune homme se laisse aller à la luxure dans un cabaret glauque où tous les vices sont permis et pratiqués, alors que sa mère (Claire Prélia, la véritable mère de Marcelle Pradot) est sur son lit de mort, la famille atteint le point de non-retour…

On pourrait s’amuser des personnages souvent caricaturaux, ou de l’épilogue miraculeux (dans le sens premier du terme)… Mais non, la mise en scène de L’Herbier est d’une beauté telle que ces caricaturent deviennent terriblement touchants, voire inquiétantes quand le jeune homme se laisse dominer par ses démons. L’interprétation exceptionnelle de tous les comédiens fait aussi beaucoup pour la force du film.

Fiction magnifique, L’Homme du large est aussi l’un des films qui illustrent le mieux la Bretagne des pêcheurs (avec l’impressionnant Finis Terrae de Jean Epstein, peut-être) : L’Herbier a choisi de tourner en décors naturels, sur les côtes bretonnes et dans la campagne alentour, et ce choix lui inspire des plans d’une beauté rude et familière à la fois. C’est cette manière de mêler un réalisme extrême à une stylisation toujours inspirée qui fait de ce film l’un des chef d’œuvre du cinéaste, et du cinéma du début des années 20.

Sunshine Dad (id.) – de Edward Dillon – 1919

Posté : 20 janvier, 2012 @ 3:21 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, DILLON Edward, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Sunshine Dad

Des individus patibulaires qui convoitent un objet inestimable, des course-poursuites, des quiproquos, des va-et-vient dans un parc… On pourrait être dans un court métrage de Charlot, mais non : même s’il ne se prend pas vraiment au sérieux, ce court métrage penche plutôt vers le mystère. Encore scénariste à tout faire, pas encore cinéaste, Tod Browning donne l’impression de s’être débarrassé de pleins d’idées dont il ne savait que faire en écrivant ce film.

On trouve donc, pêle-mêle, des voleurs, une caste mystérieuse et mystique, un détective vieillissant qui tombe sous le charme d’une jeune femme superstitieuse… et des tas de rebondissements qui s’enchaînent sans que le réalisateur (Edward Dillon, qui avait commencé sa carrière hollywoodienne en jouant de petits rôles dans les courts métrages de D.W. Griffith) parvienne à créer un semblant de logique.

Inutilement confus, ce petit film sans grande ambition finit par lasser. Heureusement, il y a la sympathique et imposante silhouette de Dewolf Hopper, dont le fils William, qui fait sa première apparition dans ce court métrage du haut de ses 4 ans, aura une solide carrière de second rôle, interprétant notamment le père de Natalie Wood dans La Fureur de Vivre.

Détour (Detour) – de Edgar G. Ulmer – 1945

Posté : 20 janvier, 2012 @ 3:04 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Détour (Detour) – de Edgar G. Ulmer – 1945 dans * Films noirs (1935-1959) detour

C’est le film le plus célèbre d’Ulmer, mais aussi la quintessence du film noir. Qui mieux que l’anti-héros de Détour incarne mieux le poissard absolu qui, de Fred MacMurray dans Assurance sur la mort à Nicolas Cage dans Red Rock West, est au cœur de nombreux films du genre ? Pas de suspense : dès les premières images, montrant notre héros le visage hagard, visiblement résigné, battu, déjà mort… on sait que l’histoire se termine mal, et que ce personnage de pianiste fauché mais plein d’avenir, que l’on découvre alors dans un long flash-back, se dirige vers un destin fatal.

Le périple qu’il entreprend à travers le pays pour rejoindre sa fiancée à Los Angeles, lui sera fatal.
Cette Amérique qui ressemble à celle des Raisins de la Colère, c’est en stop que le personnage (interprété par Tom Neal, déjà vu dans un épisode de la série L’Introuvable : Nick joue et gagne) veut la traverser. Et aller de New York à L.A. en autostop quand on est un homme, cela peut être très, très long. Et quand la chance semble enfin tourner pour lui, lorsqu’il tombe sur un automobiliste prêt à l’emmener jusqu’à la Côte Ouest, c’est en fait pour lui le début d’une série de malchances comme on en a rarement vu au cinéma…

L’automobiliste providentiel se transforme en ange maudit, lorsqu’il meurt pour une raison mystérieuse. En plein milieu de nulle part, Tom Neal prend la pire des décisions. Convaincu que personne ne croira la vérité, et qu’il sera inévitablement accusé de meurtre, il cache le cadavre et prend l’identité de son bienfaiteur, avant de reprendre la route… L’histoire aurait pu s’arrêter là, s’il ne proposait pas à une autostoppeuse de monter à ses côtés. Destin, encore… cette jeune femme reconnaît la voiture qui l’avait prise en stop quelque temps avant, et accuse aussitôt Tom Neal d’avoir tué le chauffeur, avant de le faire chanter… Et le coup de grâce, pour le personnage, n’est pas encore arrivé…

Allure de monsieur tout le monde, version un peu cheap de John Garfield (même colère renfermée, même propension à enchaîner les mauvaises décisions, que le héros du Facteur sonne toujours deux fois), Tom Neal trouve évidemment le rôle le plus marquant de sa vie. Il est excellent en pauvre type un peu lâche, victime idéale tyrannisée par une « vamp » incroyable, jouée par Ann Savage, la révélation du film. Visage ingrat, regard méchant, Ann Savage n’a rien en commun avec les Lana Turner ou Barbara Stanwyck qui peuplent les films noirs. Elle est une femme détestable que l’on prend plaisir à détester (comme on prend plaisir à la voir martyriser ce pauvre Tom Neal), mais qui cache une détresse et une solitude insondables. Son humanité effleure par moments, dans les rares moments où une issue heureuse paraît possible.

Mais l’illusion ne dure jamais bien longtemps. On est dans le noir absolu, et même le « héros » en a conscience dès les premiers instants. Pas d’issue possible à ce détour fatal, et génial.

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