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Archive pour la catégorie 'par réalisateurs'

Girls in Chains (id.) – de Edgar G. Ulmer – 1943

Posté : 7 février, 2012 @ 5:27 dans 1940-1949, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Girls in chains

La filmographie d’Ulmer est décidément passionnante, autant que déstabilisante… Sur un thème quasiment similaire à celui de So young so bad, réalisation de Bernard Vorhaus à laquelle Ulmer participera en 1950, ce Girls in Chains est une curiosité qui aurait pu être un petit film sympathique et bien troussé (ce qu’il est en partie), mais qui marque surtout les esprits par l’utilisation qu’il fait de la musique : l’une des plus idiotes (et bizarres) de l’histoire du cinéma.

Pourtant signée Leo Erdody qui, à défaut d’être un immense compositeur, est un artisan solide et très aguerri, cette musique n’est pas ratée en soi. C’est son utilisation qui est totalement incompréhensible, totalement à contre-courant. Totalement absente d’une scène d’exposition ou d’une autre pleine de suspense, elle apparaît soudain, romantique alors qu’elle devrait être oppressante, ou à l’inverse festive lorsque deux êtres se déclarent leur flamme. Et plus le film avance, plus elle devient insistante, rendant l’intrigue parfois inutilement obscure. Gênante, et incompréhensible, cette utilisation de la musique démontre par la négative toute la force que peut avoir une bande originale de film. J’en suis en tout cas toujours à me demander s’il y a derrière ce décalage total une justification qui m’aurait échappée… Pas sûr. En tout cas, Ulmer et Erdody travailleront de nouveau ensemble, notamment sur les excellents Barbe-Bleue, Détour et Strange Illusion, les trois films suivants du cinéaste.

Pour le reste, Girls in Chains est une petite production honnête et efficace, qui aborde un thème plutôt fort et original : celui des centres de redressement pour jeunes filles. Jeunes filles d’ailleurs toutes interprétées par des actrices pas terribles qui ne semblent pas avoir moins de 35 ans chacune… C’est le même thème qui sera au cœur de So young so bad, et qui sera alors traité de manière beaucoup plus engagée et frontale.

Ici, on sent bien que Ulmer se désintéresse assez vite de la condition de ces jeunes laissées pour compte. Son film s’attache bien davantage à l’histoire policière parallèle, avec un grand gangster urbain bien machiavélique, dans la tradition des grands films de gangster. On en est loin ici, mais rien de honteux non plus : Girls in chains se regarde comme un petit plaisir de fin de soirée…

Goodbye, Mr. Germ (id.) – de Edgar G. Ulmer – 1940

Posté : 7 février, 2012 @ 5:17 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Goodbye Mr Germ

Quand je dis que la filmographie de Ulmer est passionnante… Des films en yiddish, en ukrainien ou en espagnols, un autre joué uniquement par des acteurs noirs (Moon over Harlem), d’autres encore commanditée par le Ministère de la Santé… et parmi eux ce court métrage rigolo à visée documentaire : un scientifique y explique à ses enfants les dangers de la tuberculose.

Ce pourrait n’être qu’une commande anonyme tournée à la va-vite, une simple curiosité dont on ne se souviendrait que parce qu’elle est réalisée par Ulmer. Mais Goodbye Mr Germ vaut franchement le coup d’œil : car figurez-vous que la tuberculose apparaît sous les traits d’un petit démon animé, avec lequel le scientifique discute aimablement.

Mélange de dessin animé et de prises de vue réelles, ce petit film n’est pas une œuvre révolutionnaire, mais la démarche pédagogique est assumée avec une jovialité un peu naïve, et très attachante. Ulmer, rappelons-le, avait déjà œuvré pour la santé publique quelques années plus tôt : en 1933, l’un de ses premiers très bons films, Damaged Lives (un long métrage, cette fois), mettait en garde les spectateurs de l’époque contre les dangers de la syphilis…

A Dangerous Method (id.) – de David Cronenberg – 2011

Posté : 7 février, 2012 @ 5:09 dans 2010-2019, CRONENBERG David | 2 commentaires »

A Dangerous Method

C’est un film curieusement sage que nous offre Cronenberg. En abordant de front le thème de la psychanalyse, déjà sous-jacente dans toute son œuvre, on pouvait attendre de l’auteur de Crash l’un de ces chocs percutants et dérangeants où sexe, violence, désir et pulsion de mort ne font qu’un. Hors, avec A Dangerous Method, Cronenberg signe peut-être son film le moins dérangeant. Ses thèmes de prédilection sont bien là, mais filmés avec une économie de moyens déconcertante.

Alors que Cronenberg a l’habitude de plonger sa caméra dans la chair de son histoire (et de ses personnages), il ne fait ici qu’effleurer les visages, et illustrer avec beaucoup de retenue les névroses de ses personnages. Avec élégance, et avec un classicisme étonnant : les seuls effets de mise en scène qu’il se permet consistent à placer l’un des protagonistes en gros plan, et l’autre à l’arrière plan avec un petit jeu sur la profondeur de champs. A un bref moment, lors de l’arrivée du Transatlantique en Amérique, on pense même au cinéma de John Ford, lorsque la Statue de la Liberté se dessine derrière les silhouettes des deux personnages principaux.

Et quels personnages : Freud en personne, et son « fils spirituel » Jung, les deux pères de la psychanalyse moderne, dont on suit l’attirance-répulsion sur près de dix ans, jusqu’à la veille de la Grande Guerre. A travers leur amitié, puis leur brouille ; à travers surtout la relation amoureuse compliquée entre Jung et l’une de ses patientes qui devient sa maîtresse… c’est la naissance de la psychanalyse qui est le vrai sujet de ce film bavard, tantôt ennuyeux (toute la première partie manque cruellement de flamme), tantôt passionnant.

Le film décolle vraiment lorsqu’arrive un troisième psychanalyste, Otto Gross, interprété par Vincent Cassel. Ce psy névrosé ivre de liberté et de jouissance vient remettre en question les certitudes de Jung et son approche clinique de la psychanalyse, et de la vie. Il apporte aussi beaucoup de nuances à l’opposition grandissante entre les deux grands maîtres, Freud et Jung. Le jeu tout en retenue et élégance de Michael Fassbender (Jung) est parfait, mais les apparitions de Viggo Mortensen sont autrement plus marquantes.

Déjà à l’affiche des deux précédents films de Cronenberg (A History of Violence et Les Promesses de l’Ombre), l’ex Aragorn du Seigneur des Anneaux donne une vraie épaisseur (et un accent viennois très suave), à ce « monstre » qu’est Freud, patriarche controversé d’une famille (les psychanalystes) qui se déchirent autour de ses thèses. Sans en faire trop, il donne corps à tout ce que Freud a de séduisant, tout en faisant apparaître les failles de l’homme, cet aveuglement et cette fierté qui en font, déjà, un dinosaure peu désireux de céder sa place.

Selon Freud, la fâcherie avec Jung serait une volonté de ce dernier de « tuer le père » spirituel. Et si, plutôt, c’était Freud qui tuait ce fils brillant qui, en franchissant une porte ouverte par le père, risquait de dépasser celui-ci…

Le Dernier des Hommes (Der Letzte Mann) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1924

Posté : 7 février, 2012 @ 4:54 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Le Dernier des Hommes

Règle numéro 1 : ne jamais revoir un film qu’on a adoré lorsqu’on est au fond du trou. Fatigué, malade (z’inquiétez pas, j’ai survécu !), je suis cette fois passé un peu à côté de ce film que j’ai toujours considéré comme l’un des sommets du muet. Et le jeu de Emil Jannings (dont le cabotinage m’avait déjà agacé dans Tartuffe, du même Murnau) m’a paru trop excessif, alors qu’il m’avait jusqu’à présent emballé.

Je ne m’étendrai donc pas cette fois-ci sur ce Dernier des Hommes, film d’une grande simplicité, qui évoque la chute d’un homme dans l’Allemagne des années : un petit homme dont la grande gloire est de porter l’uniforme de portier d’un grand hôtel. Lorsque cet homme vieillissant est défait de son uniforme et contraint à travailler dans les toilettes de l’hôtel, c’est tout son univers qui s’effondre, toute sa grandeur qui disparaît, et toute la honte qui le submerge, et qui l’oblige à mentir à sa famille et à ses voisins, dans un quartier populaire où il faisait figure de notable.

De cette histoire simple, Murnau fait un film ample et novateur dans la forme. Au-delà de l’expressionnisme, le cinéaste signe une mise en scène dynamique et inventive, où les mouvements de caméra et le montage sont enfin considérés comme des éléments fondateurs du langage cinématographique. Des éléments qui, s’ils sont utilisés intelligemment, permettent à l’image de se comprendre par elle-même : pas le moindre intertitre pour couper le film (excepté deux cartons qui ouvrent de nouveaux « chapitres » de l’histoire).

Mais le film mérite bien mieux que tout ce que je pourrais en dire après l’avoir revu dans un tel état. De toute façon, Murnau, quand on y a goûté, on finit toujours par y revenir…

La Femme à abattre (The Enforcer) – de Bretaigne Windust et Raoul Walsh – 1951

Posté : 30 janvier, 2012 @ 11:46 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, BOGART Humphrey, WALSH Raoul, WINDUST Bretaigne | 2 commentaires »

La Femme à abattre

Comment un réalisateur aussi obscur que Bretaigne Windust, qui n’a à son actif qu’une série de comédies à la pauvre réputation, a-t-il pu signer un polar aussi efficace et moderne que The Enforcer ? L’immense Raoul Walsh a apporté la réponse en en revendiquant la paternité, ce qu’on n’a aucun mal à croire, tant on sent derrière ce chef d’œuvre tendu et violent la patte du cinéaste de White Heat, autre polar qui, deux ans plus tôt, modernisait radicalement le genre.

La construction du film est formidable, avec une habile superposition de flash-backs qui permettent de concentrer l’action en une seule nuit, tout en résumant une très longue enquête criminelle. Et quelle enquête : le procureur Humphrey Bogart (d’une puissance inégalable) enquête sur d’étranges meurtres, et découvre peu à peu l’existence d’une véritable entreprise basée sur le crime, et dirigée par un mystérieux patron.

Le film commence en pleine nuit, avec l’arrivée sous bonne garde dans les locaux du tribunal de Rico, un gangster qui, le lendemain matin, doit témoigner à la barre et faire condamner son ancien patron. La première partie du film nous montre un Rico terrorisé par un chef à l’aura diabolique, qui préfigure avec près d’un demi-siècle d’avance le Keyser Soeze de Usual Suspects : il finira par se tuer (involontairement, certes) plutôt que d’affronter une vengeance bien pire que tout ce que la justice peut lui faire…

On ne sait alors rien des crimes commis auparavant. Et c’est en replongeant dans son dossier pour tenter d’en sortir le détail qui fera condamner le prisonnier, que le proc Bogart revit les grandes étapes de cette enquête hallucinante. Tranchant avec les grands films de gangster des années 30, ou avec le film noir des années 40, The Enforcer adopte un rythme et une surenchère de violence d’une incroyable modernité. Les meurtres se succèdent, la violence va crescendo, et la tension est hallucinante.

La construction en flash backs permet de doser parfaitement ces moments de tension et ces accès de violence, avec une brutalité constante et une absence totale de bons sentiments. Si les méchants sont vraiment méchants, ou totalement pathétiques, les « héros » n’ont rien de chevaliers blancs non plus. Pour obtenir ce qu’il veut, Bogie n’hésite pas à menacer de placer l’enfant d’un complice, ou à acculer un autre à se tuer, tandis que son bras droit menace de faire sauter la tête d’un prévenu… Elle est belle, la police !

Pas la moindre trace d’humour à l’horizon, et c’est une bonne chose : on sort du film haletant et les muscles noués. Même si la résolution de l’enquête est un peu tirée par les cheveux, la séquence finale tournée en extérieurs dans des rues bondées est un sommet de suspense et d’efficacité, grâce à un scénario malin, et surtout à une mise en scène et un montage hyper percutants…

Les Espions (Spione) – de Fritz Lang – 1928

Posté : 27 janvier, 2012 @ 12:47 dans * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, LANG Fritz | 2 commentaires »

Les Espions

Dans l’Allemagne des années 20, la police semble totalement dépassée par une mystérieuse organisation criminelle qui s’adonne à l’espionnage en recourant au meurtre, au vol, et aux méthodes les plus spectaculaires… Le Docteur Mabuse aurait-il encore frappé ? Pas tout à fait… Six ans après le triomphe de son premier chef d’œuvre, Fritz Lang (toujours avec son épouse-alter ego Thea Von Harbou au scénario) donne bien l’impression d’offrir une variation sur le même thème. Il y a d’ailleurs dans Les Espions le même esprit feuilletonesque, le même rythme trépidant, et la même volonté d’en mettre plein les mirettes à des spectateurs qui n’en demandaient pas tant (et qui ont évidemment fait un nouveau triomphe au film).

Il y a toutefois une différence de taille entre les deux films : le second degré politique du Docteur Mabuse a en grande partie disparu. Même si on peut se passionner ici aussi pour la vision que le film donne de son époque, et même si on peut y déceler la trace des menacent qui pèsent sur l’Allemagne de Weimar, Les Espions est bien plus que Mabuse un pur plaisir sans réelle arrière-pensée. Un divertissement gourmant aussi exceptionnel que populaire.

Ce choix peut paraître curieux, de la part d’un Fritz Lang qui vient d’enchaîner deux des films les plus importants du cinéma allemand des années 20 (Les Niebelungen et Metropolis). Déjà considéré comme le plus grand cinéaste du pays, Lang n’en est pas pour autant un homme libre : ses deux monuments n’ont pas connu le succès escompté, et ont tous deux battu des records de coût de production. Un double-constat qui n’est pas du goût de la UFA, la plus importante société de production de l’époque : conscient qu’il n’est pas à l’abri d’un renvoi, Lang se lance avec sa compagne dans un projet dont il sait qu’il sera rassurant pour tous…

De ce point de vue, Les Espions est bien une concession de la part du cinéaste. Mais le résultat est absolument exceptionnel, et n’a rien d’une œuvre de commande anonyme. Au contraire : on retrouve dans ce film de genre génial l’obsession de Lang pour le mouvement, la folie ou le mystère, thèmes qu’il ne cessera de décliner de film en film jusqu’à la fin de sa carrière.

Loin de constituer un carcan, les codes du film de genre (l’espionnage, ici) ont toujours donné à Lang l’occasion de laisser libre cours à son imagination, dépassant tout ce qui a été fait avant lui. Avec Les Espions, son inspiration est à son zénith. Visuellement, film est une splendeur : pas un plan qui ne soit pertinent et inattendu, pas la moindre image quelconque. Le film dure deux heures et demi, dans la moindre faute de goût.

Côté rythme, Lang en remontrerait à la quasi-totalité des cinéastes d’aujourd’hui. Alors qu’il a a priori le temps de planter son décor et de présenter ses personnages, le cinéaste nous happe littéralement dès les premières images : en trois minutes seulement, on assiste à un cambriolage, un attentat (extraordinaire plan en extérieur dans une voiture en pleine course), et au meurtre d’un policier… Après un tel début, on se dit que le rythme va ralentir, forcément.

Mais non : Thea Von Harbou et Fritz Lang ont concocté un scénario totalement abracadabrant, aux innombrables rebondissements. Un policier infiltré dans les bas-fonds (Willy Fritsch, l’une des stars du cinéma allemand de l’époque), un criminel machiavélique (Rudolf Klein-Rogge, de nouveau méconnaissable dans un rôle proche de Mabuse), un officier à la solde de l’ennemi, une espionne russe au grand cœur, un agent asiatique perdu par une tentatrice… Tous ces personnages (et bien d’autres) se croisent, se menacent ou se sauvent dans un vertigineux chassé-croisé, parsemé de moments de bravoure inoubliables.

Le point d’orgue du film est une catastrophe ferroviaire à couper le souffle. Durant de longues minutes, grâce à un montage alterné de plus en plus rapide, et à des inserts obsédants sur l’image, Lang fait monter le suspense jusqu’à un point rarement égalé… jusqu’à l’accident de train lui-même, filmé avec beaucoup d’économie et pourtant hyper spectaculaire. Cette longue séquence résume à elle seule la démarche de Lang : nous entraîner dans un grand-huit jouissif. C’est tellement bon…

Marché de brutes (Raw Deal) – de Anthony Mann – 1948

Posté : 27 janvier, 2012 @ 10:14 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANN Anthony | Pas de commentaires »

Marché de brutes

Quelle année pour Anthony Mann et le film noir : en quelques mois seulement, il enchaîne He walked by night (officiellement signé Alfred Werker), et surtout T-Men et ce Raw Deal, deux films sombres et brutaux interprétés par l’excellent Dennis O’Keefe, et photographiés par l’immense John Alton, chef opérateur qui, pour reprendre le titre de son propre texte, « peignait avec la lumière ». Le génie d’Alton est encore une fois éclatant ici, associé avec le sens incroyable du cadrage et du rythme de ce Mann première génération.

Comme dans T-Men, Mann filme un univers d’hommes violent et enragé, où les gros plans sur des visages déformés par la grimace et la haine renforcent l’absurdité des situations. Mais Raw Deal est très différent. Parce qu’il n’est pas une description presque clinique d’une enquête de police, adoptant le point de vue d’un gangster. Et surtout parce que ce monde d’hommes est curieusement dominé par deux femmes…

O’Keefe incarne une petite frappe condamné à trois ans de prison, qui s’évade grâce à l’aide de sa petite amie et, croit-il, de l’ami qu’il a refusé de dénoncer. Ce qu’il ignore, c’est que ce dernier (interprété par le massif Raymond Burr, secondé par le toujours sadique John Ireland) espère bien que la police le tuera avant qu’il puisse réaliser qu’il l’a trahi. Dans sa cavale, le fugitif embarque l’assistante de son avocat, dont il est secrètement amoureux.

La petite amie du gangster, un peu vulgaire, soumise et sans scrupule… L’apprentie avocate, douce et élégante, pleine de principes… Avec ces deux-là, on peut s’attendre à un triangle amoureux assez classique. Que nenni : Mann brouille les pistes et s’applique à compliquer la situation. La douce jeune femme (Marsha Hunt) n’est pas si innocente que ça, et s’amourache elle aussi du fugitif. Et surtout, la petite amie, jouée par Claire Trevor, stéréotype du personnage que l’on aime généralement mépriser, est bien plus complexe que prévu…

C’est d’ailleurs elle le véritable personnage central du film. Elle qui raconte le film avec une voix off très présente, qui souligne ses propres sentiments, ses doutes, ses espoirs… et révèle une humanité inattendue, et une sensibilité à fleur de peau. Cette petite amie aux allures vulgaires se révèle être une amoureuse prête à tout subir pour celui qu’elle aime, jusqu’au sacrifice. C’est un destin de tragédie que Mann filme ici, et c’est ce choix (on s’attendrait davantage à ce que la voix off soit celle du fugitif, ou de la jeune innocente) qui fait la grande force du film.

Ça, et la tension grandissante qui ne nous lâche pas, et que l’on partage constamment avec le personnage de Claire Trevor : lorsque la caméra la filme en gros plan alors qu’elle attend l’évasion de son ami ; lorsqu’elle se demande, soumise, si sa rivale va descendre de la voiture ou partir avec Dennis O’Keefe ; ou, surtout, lors de cette superbe scène sur le bateau, où Claire Trevor touche enfin du doigt son rêve absolu, tout en réalisant qu’elle se doit de dire la vérité à son homme, et que cette vérité la privera de lui… Ce plan sublime, gros plan immense qui envahit l’écran sur un fond noir dont ne ressort qu’une horloge implacable, est bouleversant.

On ne s’attend pas à une fin heureuse, bien sûr, et le dénouement est à la hauteur de ce petit chef d’œuvre : une explosion de violence où un homme sort de nulle part (dans une ruelle baignée dans la brume) pour affronter son destin qui a tous les atours de l’Enfer, avec des flammes qui annoncent le climax du White Heat. Comme James Cagney dans le film de Raoul Walsh, Dennis O’Keefe aura touché son rêve du doigt (« j’ai eu ma bouffée d’air frais »). C’est la fin la plus heureuse dont on pouvait rêver…

La Brigade du Suicide (T-Men) – de Anthony Mann – 1948

Posté : 26 janvier, 2012 @ 3:58 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANN Anthony | Pas de commentaires »

La Brigade du Suicide

Tourné la même année que He walked by night, T-Men participe de la même démarche : également produit par la Eagle Lion, petite firme à cette époque particulièrement prolifique et passionnante, les deux films décrivent avec un réalisme cru et une approche quasi-documentaire la réalité du terrain pour les forces de l’ordre américaine. D’ailleurs, T-Men est clairement placé sous le patronage du Département du Trésor, dont l’ancien patron apparaît face caméra pour introduire l’histoire, tirée des archives du fisc américain. Alors forcément, les flics ont le beau rôle, et apparaissent clairement comme des héros prêts à se sacrifier pour la bonne cause. Placé dans les mains de n’importe qui, une telle démarche pourrait donner un résultat lénifiant.

Mais Anthony Mann n’est pas n’importe qui (il l’avait déjà prouvé en signant officieusement les plus belles scènes de He walked by night). Pas plus que son chef opérateur, le génial John Alton. Ensemble, les deux hommes font des merveilles, dans ce film âpre et violent, qui transcende largement son sujet par la grâce d’images parfois proches de l’expressionnisme. Gueules cadrées en gros plan sentant la rage et la sueur, ombres inquiétantes, silhouettes qui se dessinent dans la nuit… L’approche est quasi documentaire, mais le style est impressionnant, et implacable.

Il contrebalance parfaitement la construction du film, basée non pas sur les rebondissements ou le suspense (encore que suspense il y a !), mais sur la méticulosité de la reconstitution. Mann n’évite rien dans sa description du quotidien de deux agents chargés d’infiltrer un gang de faux-monnayeurs : ni les scènes de documentation dans l’atmosphère anti-spectaculaire au possible d’une bibliothèque ; ni les longues scènes de filature…

Pourtant, Mann parvient à instaurer un climat d’angoisse permanent sur son film, alimenté par de nombreuses explosions de violence, ou des séquences où la tension devient presque insoutenable. Cette tension trouve son apogée avec cette inoubliable scène au cours de laquelle l’un des flics est assassiné devant le regard impuissant de son partenaire, qui ne peut que baisser la tête et laisser l’ombre de son chapeau l’entraîner dans ses ténèbres….

T-Men est un film fauché, mais il fait partie de ces petites productions qui tirent le meilleur de leurs contraintes budgétaires. Mann n’a pas les moyens de montrer des quantités de détails ou des décors spectaculaires ? Il multiplie les séquences nocturnes à peine éclairées, qui renforcent à la fois l’aspect réaliste du film, et son côté percutant et inquiétant. Dennis O’Keefe en est l’incarnation parfaite.

Il marchait dans la nuit (He walked by night) – de Alfred Werker (et Anthony Mann) – 1948

Posté : 26 janvier, 2012 @ 1:25 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, MANN Anthony, WERKER Alfred | Pas de commentaires »

Il marchait dans la nuit

A en croire Stéphane Bourgoin, grand spécialiste du film noir (et observateur obsessionnel de la noirceur de l’âme humaine), Anthony Mann aurait réalisé la plus grande partie de ce polar sombre, réaliste et très percutant. En tout cas toutes les séquences les plus marquantes du film. En réalité, chaque spécialiste a son opinion, et il est bien difficile de savoir ce qu’a réellement tourné Anthony Mann de ce film officiellement réalisé par Alfred Werker, cinéaste à la mauvaise réputation : Werker est surtout resté dans l’histoire pour avoir accepté de terminer Hello Sister (et d’en retourner la majorité des scènes), dénaturant ainsi totalement ce qui devait être le dernier film de Erich Von Stroheim. On fait mieux, comme carte de visite.

Alors évidemment, la paternité de Mann fait peu de doute, d’autant que le film évoque furieusement un autre film tourné (officiellement cette fois) par le cinéaste cette même année : La Brigade du Suicide. Il y a dans He walked by night la même approche quasi-documentaire, et la même ambition esthétique, avec une nuit qui dévore l’écran et n’en laisse ressortir que les éléments essentiels. La Brigade du Suicide raconte à grand renfort de détails authentique l’enquête en sous-marin d’un flic du fisc américain ; Il marchait dans la nuit sort des cartons une enquête également authentique concernant un mystérieux tueur en série.

Là aussi, le film évite au maximum toute tentation sensationnaliste. Collant le plus fidèlement possible à la réalité d’une enquête de police (pas toujours spectaculaire, ni glorieuse), le film met en valeur ces petites détails souvent passés sous silence dans les films policiers. On y voit notamment (avant L’Enfer est à lui de Walsh) l’importance grandissante donnée à la police scientifique. Il marchait dans la nuit peut ainsi être vu comme le précurseur, avec plus d’un demi-siècle d’avance, de la série Les Experts.

Le film a d’ailleurs eu un impact important sur le petit écran, puisqu’il a directement inspiré Dragnet, qui reste l’une des séries policières les plus célèbres et les plus populaires en Amérique. Son créateur et acteur principal, Jack Webb, apparaît d’ailleurs ici dans le rôle du flic de labo.

L’aspect réaliste et cru du film est frappant, d’autant qu’il est servi par une caméra souvent virtuose. Paradoxalement, c’est lorsqu’il s’éloigne du strict point de vue de la police que le film devient le plus passionnant, et le plus impressionnant : lorsqu’il suit le personnage du tueur en série, interprété avec une froideur jubilatoire par Richard Basehart. Cela donne notamment une très longue séquence finale hallucinante, qui commence par la maison du tueur encerclée par la police, et se termine par une course-poursuite dans les égouts qui évoquent évidemment Le Troisième homme de Carol Reed et Orson Welles, tourné… l’année suivante.

Les deux mousquetaires (The Two Mouseketeers) – de Joseph Barbera et William Hanna – 1951

Posté : 26 janvier, 2012 @ 12:21 dans 1950-1959, BARBERA Joseph, COURTS MÉTRAGES, DESSINS ANIMÉS, HANNA William | Pas de commentaires »

Les deux mousquetaires

Au XVIIIème siècle, en France, Tom est garde du cardinal. Il est chargé de veiller sur la nourriture préparée pour un grand banquet. Mais la table attire la convoitise de Jerry et de son compagnon, le petit Nibbles, deux apprentis mousquetaires bien décidés à faire main basse sur ce festin miraculeux…

La série des Tom et Jerry est sans doute la plus récompensée de l’histoire du cinéma d’animation : cette parodie des Trois Mousquetaires fut, en 1952, le sixième épisode de la série à décrocher l’Oscar depuis 1944. L’année suivante, ce sera encore un Tom et Jerry (Johann Mouse) qui décrochera la statuette.

Ce Two Mouseketeers est aussi le premier de plusieurs épisodes dans lesquels le chat et la souris se retrouvent dans le Paris de Louis XIII. Sans autre rapport avec les aventures de D’Artagnan, ce court métrage n’est pas le plus inventif de la série, loin s’en faut.

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