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Archive pour la catégorie 'OZU Yasujiro'

Crépuscule à Tokyo (Tokyo boshoku) – de Yasujiro Ozu – 1957

Posté : 22 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Crépuscule à Tokyo

Un père dont les filles sont à l’âge de se marier, et qui se prépare à se retrouver dans une maison vide… Ozu reste fidèle à ses thèmes habituels. Mais ce film-ci, son dernier en noir et blanc, rompt assez radicalement avec la plupart de ses autres grandes réussites.

On y retrouve cette petite musique si typique de son cinéma : une langueur plus que de la lenteur, la confrontation de la tradition et de la modernité, les indispensables « Hmmm » de Chishu Ryu (le plus beau son de toute l’histoire du cinéma), les êtres qui vont et viennent et les objets qui restent, le saké qui réchauffent les soirées de solitudes, le temps qui passe, surtout…

Mais cette fois, la douce nostalgie d’Ozu laisse la place à une vraie gravité, voire à un pur mélodrame qui ne laisse guère de place à la légèreté. Le père (le grand Chishu Ryu, donc) a été abandonné par sa femme bien des années plus tôt. Sa fille aînée (la toute aussi indispensable Setsuko Hara) s’éloigne d’un mari alcoolique et sans doute violent. Et sa fille cadette (Ineko Arima, bouleversante) court désespérément après un amant qui l’a laissée enceinte…

Le cinéma d’Ozu est souvent fait de petites choses, de minuscules drames de la vie qui passe. Dans Crépuscule à Tokyo, on sent bien que le drame est inévitable. Jusqu’au titre, d’ailleurs, qui tranche avec les titres habituellement apaisants des films d’Ozu. Mais le mélo est d’une classe folle, et d’une grande pudeur qui ne fait que rendre le drame plus poignant.

Et que dire du personnage de la mère absente, cette femme qui a abandonné mari et filles, et qu’on découvre faisant son possible pour combiner sa volonté de vivre avec la douleur de ses regrets. De ce personnage très en retrait viennent peut-être les émotions les plus vives de ce film magnifique. Peut-être parce qu’elle concentre toute la complexité de l’âme humaine. En tout cas pour le regard que lui porte Ozu, cinéaste humaniste et précieux.

Fleurs d’équinoxe (Higanbana) – de Yasujiro Ozu – 1958

Posté : 9 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Fleurs d'équinoxe

Le thème revient de film en film, toujours le même : une jeune femme à l’âge de se marier, et de quitter le nid familial, laissant des parents pas si préparés que ça à affronter l’autre partie de leur vie. Toujours le même thème, toujours cette petite musique faite d’éclats sublimes, et pourtant toujours différent… Ozu tel qu’en lui-même, réussit néanmoins à surprendre, et surtout à séduire.

Fleurs d’équinoxe est une merveille. Le dire est presque une évidence, tant chacun des films d’Ozu est un enchantement. Celui-ci saisit par ses accès de sublime beauté, d’émotion qui vous étreint lorsque, derrière la légèreté d’un sourire, apparaît la simplicité nue d’un sentiment jusqu’alors voilé : la mère qui se réjouit, et dont le rictus se fige subrepticement. Puis un plan sur du linge qui sèche au vent. Ozu, dans toute sa beauté.

Ce film-ci a une saveur particulière, peut-être parce qu’il est le premier pour lequel Ozu choisit la couleur. Et peut-être parce qu’il fait preuve d’une incroyable maîtrise dans l’utilisation de cette couleur. Peut-être aussi parce qu’il est, sans donner l’air d’y toucher, son film le plus ouvertement féministe. Le plus ironique sans doute sur ce patriarcat si éhonté qui règne encore…

Ozu opte pour le point de vue du père, garant strict et austère d’une vieille tradition qui veut que les filles épousent les hommes qu’on choisit pour elles. Mais un garant pas totalement dupe, qui salue devant un jeune couple fraîchement marié la chance qu’ils ont de pouvoir se marier d’amour. Bon… La scène se passe dans un mariage particulièrement sinistre, et le discours se montre d’une incroyable cruauté sourde pour sa propre épouse, rabaissée à son statut de mariée subie.

Cette femme, cette épouse, cette mère… si effacée… si soumise en apparence. C’est pourtant à elle qu’Ozu réserve toutes les pulsions motrices du récit. Le progressisme et la passion des femmes, face au traditionalisme et au rigorisme des hommes. On retrouve le thème si cher à Ozu de la modernité face aux traditions, thème qui épouse ici les contours du féminisme.

Même en plaçant l’homme au cœur de son film, Ozu ne parle ici presque que des femmes, quel que soit leur âge, quel que soit leurs envies, leurs passions, leurs frustrations… Dans chaque scène, il semble le crier avec une émotion déchirante : le monde tel qu’on la connu touche à sa fin. L’avenir appartient aux femmes, mais pas sûr que les hommes y aillent de gaîté de cœur. C’est lumineux, et d’une beauté fulgurante. C’est Ozu.

Eté précoce (Bakushū) – de Yasujiro Ozu – 1951

Posté : 29 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Eté précoce

Ozu peaufine son style, et ses thèmes de prédilection dans ce film délicat, précis et d’une beauté envoûtante. Comme tout bon Ozu, bien sûr, mais celui-ci inaugure en quelque sorte la période des grands chefs d’œuvre, qui ne s’arrêtera plus avant la mort du cinéaste.

Tout l’univers cher à Ozu est en place : une famille réunie sous un même toit, la petite dernière qui a largement atteint l’âge de se marier, des enfants insupportables, le grand sourire de Setsuko Hara, des maisons traditionnelles comme un paradis sur le point d’être perdu, le temps qui passe, les petits grognements de Chishu Ryu…

On pourrait dire qu’on a vu ça dans dix autres films d’Ozu, au moins. Et c’est un peu vrai. Mais à chaque fois, le bonheur est renouvelé. A chaque film, Ozu se renouvelle tout en étant le même, en variant les saisons, en décalant un peu son point de vue…

Ici, l’histoire tourne autour de Norike, 28 ans et célibataire, qui vit dans la maison familiale avec ses parents, son frère et la famille de celui-ci : sept personnes sous le même toit, dans un va-et-vient qui semble ne jamais en finir. Jusqu’à ce que Norike décide de se marier.

Qu’importe avec qui : l’homme en question, personnage secondaire, disparaît totalement à partir du moment où le mariage est réglé. Seul compte pour Ozu cette famille sur le point de se séparer, la fin d’une époque qui sera symbolisée par une photo de famille, et soulignée par l’éternel mantra du patriarche : « il faut se contenter de ce qu’on a ».

Et c’est beau, ces petits riens qui font la beauté des films d’Ozu, et de la vie : un regard posé longuement sur des chapelets de nuage, la douceur d’un début d’été, les cerisiers à la fenêtre, les cris des enfants… Ces petits riens qui marquent l’insouciance, et dont on découvre le poids quand on est sur le point de les perdre.

Il est peu question de maris dans ce film, mais il est beaucoup question de mariage, en ce qu’il représente de révolution pour les femmes. Il y a ainsi quelque chose de très émouvant et nostalgique dans ces réunions entre quatre amies d’enfance, où deux clans se forment systématiquement : les femmes mariées d’un côté, les jeunes filles de l’autre. Comme si les unes appartenaient à une époque qui était bien révolue pour les autres.

Ozu est pour toujours le cinéaste du temps qui passe, des générations qui se suivent. Son film, comme d’autres avant, et surtout d’autres à venir, est une merveille. Des petites choses qui vous procurent une émotion folle, et ce mélange de bien-être absolu et de nostalgie qui est peut-être sa plus belle marque.

Va d’un pas léger / Marchez joyeusement (Hogaraka ni ayume) – de Yasujiro Ozu – 1930

Posté : 28 octobre, 2023 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Va d'un pas léger

Il y a du linge accroché entre les maisons, et c’est la preuve la plus flagrante que l’on est dans un film d’Ozu. Dès ses années de jeunesse, la signature du cinéaste est déjà bien là, dans sa manière de filmer les absences, et les objets du quotidien : une théière, une porte fermée, un poster sur le mur, un rideau tiré… Les objets ont une âme chez Ozu.

Ou plutôt : Ozu les filme comme s’il y captait l’âme des protagonistes, ce qui a quand même de la gueule. Va d’un pas léger (titre que l’on comprend dans les dernières – belles – minutes du film) est donc très manifestement un film d’Ozu. Pourtant, il est difficile d’y retrouver les thèmes, l’approche esthétique et le rythme qui marqueront ses chefs d’œuvre.

Dans ce film de jeunesse, on ne peut pas dire qu’Ozu est déjà totalement Ozu. Il flirte avec le polar, genre qu’il abordera plus frontalement encore quelques mois plus tard avec l’excellent L’Epouse de la nuit, adoptant les codes visuels du film de genre, mais se focalisant sur la rédemption par amour d’un anti-héros très touchant.

Un petit caïd, chef d’un gang de petits voleurs de rue, dont la vie bascule lorsqu’il croise la route d’une jeune employée du bureau aussi paumée que lui, dont il tombe raide dingue. Au point de renoncer à la vie facile de truand pour se trouver un job assez peu glorieux mais honnête. Et là, ce sont des thèmes que l’on retrouve souvent dans le Ozu des premières années qui apparaissent : les difficultés de la jeunesse, l’humiliation, le sort des femmes…

C’est Ozu sans être totalement Ozu, mais c’est déjà formidable : cadrage, timing, sens du détail, profondeur des personnages… Ce faux film noir est passionnant, et dévoile en passant une facette légère et même très drôle d’Ozu. Un aspect de son talent qui est rarement mis en valeur à ce point.

J’ai été diplômé, mais… (Daigaku wa deta keredo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 19 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

J'ai été diplômé mais

Fraîchement diplômé, un jeune homme n’ose pas avouer à sa mère qu’il ne trouve pas de travail. Sa fiancée, à qui il finit par se livrer, décide de travailler dans un bar pour subvenir à leurs besoins…

Voilà résumé en deux phrases, et en onze minutes de fragments survivants, l’histoire de ce long métrage dont l’essentiel a disparu. Mais les onze minutes qui restent retracent à grands traits toutes les étapes du scénario, et suffisent à comprendre que, même si le film n’atteignait sans doute pas les sommets de tant de chefs d’œuvre à venir, il ne manquait pas d’intérêt.

La scène d’ouverture est forte : un entretien d’embauche, entouré par deux plans qui se répondent montrant les pieds du jeune diplômé franchir le pas de porte du potentiel employeur, plein d’entrain en entrant, plein de dépit en sortant.

De ce qu’on peut en voir, Ozu met l’accent sur le mal-être de ce jeune homme et sa honte de voir la femme qu’il aime se montrer dans des bars…ce qui pouvait être bien audacieux dans le Tokyo de 1929. La jeune femme, c’est Kinuyo Tanaka, grande star de l’âge d’or du cinéma japonais (et future grande cinéaste éphémère), qu’Ozu dirige pour la première fois : dix films suivront au total, pendant plus de vingt-cinq ans.

Le Galopin / Un garçon honnête (Tokkan kozo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 14 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Un garçon honnête

Il ne subsiste qu’un bon quart de ce moyen métrage qui durait à l’origine une quarantaine de minutes. Le montage pour le moins serré s’en ressent, avec de longues séquences manquantes ou écourtées, mais le film n’en reste pas moins parfaitement compréhensible, et assez charmant. Une pure comédie pour le coup, genre pas si courant dans le cinéma d’Ozu : une histoire d’enlèvement d’enfant que le cinéaste tourne en dérision avec un esprit très slapstick américain.

L’enfant en question est joué par Tomio Aoki, que l’on reverra beaucoup dans le cinéma d’Ozu (dans Gosses de Tokyo notamment), mais aussi chez Naruse (La Rue sans fin) ou plus tard chez Kon Ichikawa (La Harpe de Birmanie). Sa bouille ronde et son air sérieux font merveille dans ce film, où il fait tourner en bourrique l’homme qui l’enlève et celui qui l’emploie… deux « méchants » pas très sérieux pour le coup.

Les premières minutes ont un petit côté étrangement amateur, qu’Ozu rattrape bien vite lorsque la pure comédie se met en place, et que la jeune victime commence à martyriser ses bourreaux. C’est alors vif et drôle, toujours très léger, une petite chose bien sympathique qui n’annonce pas vraiment les grands chefs d’œuvre à venir du cinéaste, mais que l’on découvre avec une curiosité réjouie.

Bonjour (Ohayō) – de Yasujiro Ozu – 1959

Posté : 19 mai, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Bonjour

Parce que leurs parents refusent de leur acheter une télévision, deux enfants décident de faire la grève de la parole. Le thème était déjà présent dans Gosses de Tokyo, film muet qu’Ozu a tourné en 1932, et dont Bonjour est, sinon un remake, au moins un prolongement. Une vraie comédie, où le rire prend des voies parfois inattendues, faites de postures de gamins et de pets sonores et foireux…

Comme dans Gosses de Tokyo, Ozu s’amuse à dresser le parallèle entre adultes et enfants. D’une manière sans doute moins évidente ici, mais quand même : ce silence que s’imposent les enfants ressemble fort à une réponse aux phrases vides de sens des adultes.

Ces phrases vides de sens pour lesquelles Ozu a visiblement beaucoup d’affection : quand il y a du sens, c’est souvent à mots cachés, et à mots cinglants. Les échanges entre ces femmes qui vivent dans un quartier japonais traditionnel se font de grands sourires, mais pour mieux sortir des horreurs. Les phrases « pour ne rien dire », elles, sont chargées d’émotion, de bienveillance et d’amour.

Comme souvent chez Ozu, il y a l’irruption de la modernité dans un Japon traditionnel. Si cette opposition est nuancée, Ozu affiche quand même une certaine attirance pour les modes occidentales (la télévision ici, mais aussi l’immeuble en béton, filmé comme un havre de sérénité loin des ragots), tout en ayant une certaine tendresse pour la tradition.

Ce décor de maisons japonaises que surplombe un immense talus, relié à la ville par des câbles électriques, on l’a vu plus d’une fois dans le cinéma d’Ozu. C’est aussi ce qui est beau chez lui : cette capacité à nous emmener dans son univers, de nous y mettre à l’aise, en terrain connu, mais pour mieux nous y bousculer, à petites touches.

En l’occurrence, il le fait avec beaucoup d’humour. C’est très drôle, mais c’est aussi plus que ça. C’est la vie, avec ses faux-semblants, ses moments d’angoisse, ses accès de bien-être. C’est la vie de ce quartier que narre Ozu à sa manière si simple en apparence, mais si pleine de vie justement, avec ses personnages qui se croisent constamment. C’est visuellement somptueux avec ses lignes verticales omniprésentes. Du grand art.

L’Epouse de la nuit (Sono yo no tsuma) – de Yasujiro Ozu – 1930

Posté : 2 mars, 2020 @ 8:00 dans * Polars asiatiques, 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

L'Epouse de la nuit

Associer Ozu au polar est loin d’être une évidence, au vu des chefs d’œuvre prestigieux du maître. Pourtant, le cinéaste a bien tourné quelques films de genre durant sa période muette. L’Epouse de la nuit fait ainsi figure de curiosité, assez loin de l’univers d’Ozu a priori. Mais finalement pas tant que ça…

L’influence de la culture américaine a souvent été très présente dans le Japon que filme Ozu. Celle du cinéma hollywoodien l’est particulièrement ici, par les affiches de films accrochés sur les murs de l’appartement où se jouera l’essentiel de l’action. Mais aussi par cette longue première séquence, que l’on croirait tout droit sortie d’un film de gangsters de la Warner. Ça se passe la nuit (ce qui est déjà une rareté chez Ozu), ça se passe même sur une seule nuit (encore une curiosité), et un matin.

Les dix premières minutes sont remarquables, et dénuées de tout carton. Dans cette nuit très profonde, Ozu filme un braquage, puis une fuite désespérée à travers les rues de la ville. Des détails : une main sur une épaule, une silhouette à travers une porte vitrée, l’empreinte d’une main, un combiné de téléphone qui pend… Ozu, qui a déjà une quinzaine de films à son actif, maîtrise parfaitement le cadre et le montage pour cette narration précise et intense à la fois, qui révèle ses talents de réalisateur américain !

Du pur film de gangster, Ozu nous emmène vers un drame plus intime, avec une transition par montage parallèle. On comprend alors que le voleur est un père de famille désespéré, qui avait besoin d’argent pour soigner sa fillette malade, entre la vie et la mort.
Et le voilà chez lui, avec sa femme, et bientôt un policier qui l’a suivi… trio inattendu autour du lit de la fillette. Le film reste alors tout aussi intense, mais change de ton, et de rythme. Le style d’Ozu n’est pas tout à fait celui de sa grande période à venir, où la caméra sera souvent au niveau du sol. Mais sa manière de filmer les objets comme les témoins du temps qui passe, est déjà là. Le linge qui pend aussi.

Et la figure du père, bien sûr, centrale et bouleversante. Celle de la mère aussi d’ailleurs, qui, même en retrait, est aussi intense que celle du mari. Une constante aussi, dans l’œuvre d’Ozu.

L’Epouse de la nuit est une curiosité, mais c’est déjà un très beau film, intime et intense. Même dans un film de genre, Ozu sait avec de petits rien faire éclater la plus forte des émotions.

Gosses de Tokyo (Otona no miru ehon – Umarete wa mita keredo) – de Yasujiro Ozu – 1932

Posté : 28 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Gosses de Tokyo

Délicieuse comédie de l’enfance, qui d’emblée marque par son rythme, son montage, et ses cadres dynamiques et ses nombreux travellings. La caméra d’Ozu est particulièrement mobile dans ce film de jeunesse, et le ton est clairement à l’optimisme et à la légèreté. Teinté d’une certaine amertume, tout de même : on est chez Ozu.

Et on l’est complètement. Les thèmes chers au cinéaste sont là, à commencer par la figure du père, si important pour le réalisateur. Ce père dont les deux fils découvrent cruellement qu’il n’est pas l’homme le plus important du monde comme ils le pensaient. Comme tous les enfants le pensent, comme le confirme une sorte de « combat de coqs » entre les enfants qui comparent les mérites de leurs pères respectifs. Lui a la plus belle voiture, lui est le plus costaud… Mais le mien est capable d’enlever et de remettre ses dents !

Les vrais héros, ce sont ces enfants. Les deux frères, petits durs fiers et bagarreurs, qui éclatent en sanglots lorsqu’ils ne peuvent plus retenir leurs larmes, et qui décident de se lancer dans une gréve de la faim pour protester contre leur père qu’ils jugent trop obséquieux avec son patron. Une idée qui sera de nouveau au cœur de Bonjour, près de trente ans plus tard.

On est chez Ozu aussi pour ses motifs incontournables : cette banlieue de Tokyo où la famille vient de s’installer, et qui ressemble à une succession de terrains vagues un peu tristes, où les trains et les lignes téléphoniques sont omniprésents, dans chaque plan ou presque, comme pour rappeler que la vie, l’avenir, sont au bout de la ligne.

Avec un humour irrésistible, Ozu dresse aussi d’inattendus ponts entre le monde des enfants et celui des adultes, tous deux également régis par des rituels de domination. Où la légèreté, la gravité, la tendresse et l’amertume sont intimement liés. Une petite merveille, déjà.

Voyage à Tokyo (Tōkyō monogatari) – de Yasujiro Ozu – 1953

Posté : 27 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Voyage à Tokyo

Un vieux couple part à Tokyo rendre visite à leurs enfants, qu’ils voient rarement. Trois fois rien : une longue et lente suite de scènes anodines, sans rien de spectaculaire, sans éclat, même.

Alors d’où vient l’émotion, immense, qui jaillit quand on s’y attend le moins ? D’où vient, aussi, ce bien-être teinté de nostalgie, que l’on ressent ? Voyage à Tokyo est un film dur, qui évoque le temps qui passe et le poids des séparations qui en découlent. C’est surtout un film dont la durée (2h15) est précieuse.

Ozu y met en scène avec une extrême simplicité des moments quotidiens, laissant systématiquement durer ses plans un peu trop longtemps que nécessaire à l’action, cadrant les pièces vides des maisons après le départ des personnages, comme s’il voulait ainsi mettre en évidence le fait que ces personnages n’ont pas vraiment d’emprise sur ce qui les entoure.

Le film nous installe dans une sorte de rêverie qui serait délicieuse s’il n’y avait cette amertume. A Tokyo, les parents ne se cachent pas longtemps que leurs enfants les déçoivent : pas aussi bien installés qu’ils l’imaginaient, et plus aussi gentils qu’autrefois… flanqués qui plus est de gosses horribles.

Seule leur belle-fille, veuve de leur fils mort à la guerre, se montre heureuse de leur présence, et vraiment aimante. La famille japonaise n’est plus ce qu’elle était. Le Japon non plus d’ailleurs, encore tant marqué par la guerre. Et paradoxalement, alors qu’ils ne trouvent dans les maisons traditionnelles qu’une forme de froideur, c’est chez Noriko, dans un immeuble en béton de la reconstruction, qu’ils sont le mieux reçus.

Un Japon en pleine mutation, la cellule familiale en crise, la figure du père… On est bien chez Ozu, et en compagnie de l’immense Chishu Ryu, son acteur fétiche, dont les petits grognements et la douceur du regard sont décidément précieux. Il est magnifique. Le film est magnifique.

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