Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'FORD John'

La Mascotte du régiment (Wee Willie Winkie) – de John Ford – 1937

Posté : 26 mars, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

La mascotte du régiment

Un film de commande, très librement adapté de Kipling ; un véhicule pour la toute mimi Shirley Temple, 9 ans à l’époque ; une comédie de régiment dans l’Inde coloniséeVoilà qui sent à plein nez le ratage, et pourtant, Ford fait de ce Wee Willie Winkie un très joli film, effectivement très mignon, mais aussi bien plus que ça.

Shirley Temple débarque dans l’Inde de la fin du XIXe siècle avec sa maman, devenue veuve et criblée de dettes en Amérique. Les voilà donc commençant une nouvelle vie dans le régiment dirigé par le grand-père paternel de la fillette, qu’elles n’ont jamais rencontré : un officier britannique raide et sévère qui a bien du mal à se comporter autrement que comme un officier raide et sévère. Tandis que la mère et la fille trouvent leurs marques, la révolte des Indiens gronde contre l’administration anglaise.

Rien ne devrait marcher dans ce film taillé pour Shirley Temple, où aucune occasion n’est ratée pour mettre en valeur sa bouille irrésistible. On a ainsi droit à une longue séquence de manœuvres avec la fillette marchant au pas au côté des soldats. Rien ne devrait marcher dans ce film qui oscille (ou hésite) constamment entre différents tons : comédie ou drame, avec une touche de romance et de suspense. Rien ne devrait marcher dans cette histoire où Ford a dû imaginer un personnage à confier à Victor McLaglen, alors que le scénario ne le prévoyait pas.

Rien ne devrait marcher, et pourtant tout fonctionne parfaitement. Peut-être parce que Ford glisse par ci par là de belles scènes intenses et sensibles comme il sait les faire. Celle de la mort de l’un des personnages notamment, moment bouleversant qui met en perspective l’innocence de la fillette et les regards d’adultes qui l’entourent. Ou, plus anodine mais également très belle, celle du bal derrière ce rideau de persiennes. Belle scène aussi où le vieil officier joué par C. Aubrey Smith baisse la garde face à sa petite-fille, révélant une humanité inédite.

L’histoire d’amour entre la mère (June Lang) et le jeune soldat (Michael Whalen) reste en second plan : c’est le point de vue de l’enfant qui prime. C’est son regard qu’adopte Ford : un regard innocent et pur, qui se garde bien de prendre parti ou de juger. Et qui conduit à une conclusion que seul un esprit enfantin pouvait imaginer.

Hitchin’ Posts (id.) – de John Ford – 1920

Posté : 9 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Hitchin' Posts

Je croyais ce Hitchin’ Posts totalement perdu, comme l’immense majorité des Ford de cette époque, voilà que je découvre qu’il n’en est rien… enfin pas totalement : de ce film qui devait durer quelque chose comme cinquante minutes, il en subsiste trois (minutes), précieusement conservées par la Library of Congress, et dans un état assez exceptionnel.

Trois minutes, c’est peu, et ça ne permet évidemment pas d’appréhender l’ensemble de l’histoire. Mais en l’état, ce fragment peut se suffire à lui-même. Le découvrir est en tout cas enthousiasmant… et très frustrant. Parce que ces trois minutes sont absolument magnifiques, laissant penser que Ford est déjà au sommet de son talent. Et que si tout le film était de ce niveau, alors Hitchin’ Posts avait tout du chef d’œuvre.

En quelques secondes seulement, Ford plante une atmosphère profondément nostalgique : celle du Sud de l’après-guerre civile, où les anciens riches propriétaires sont réduits à jouer leur avenir aux cartes. On découvre ainsi deux d’entre eux jouant une main fatidique. L’un gagne (beaucoup), l’autre perd (gros). Les deux hommes réagissent avec une même grandeur, une même humanité qui dit beaucoup de tout ce que la guerre leur a enlevés…

La scène se passe sur un bateau à vapeur avançant au rythme lent du fleuve, ce genre de bateaux et de rythmes que Ford retrouvera dans Steamboat Round the Bend quinze ans plus tard. Et le décor est tout sauf anodin. Après la défaite lourde de conséquence du propriétaire, un plan de coupe montre une jeune femme sur le bord du fleuve saluant le passage du bateau, geste léger qui contraste avec le drame qui se noue.

Quant au vainqueur, Ford le film à la porte de la cabine, les rives du fleuve défilant lentement en arrière-plan dans une image visuellement splendide, qui dit aussi beaucoup du rythme de la vie, du temps qui passe lentement mais inexorablement. C’est beau, simple, et ça prend aux tripes. Enthousiasmant et hyper-frustrant, donc : un fragment fordien de plus dont on sort en espérant qu’un jour, peut-être, un miracle permette de découvrir la suite de cette merveille.

Deux femmes (Pilgrimage) – de John Ford – 1933

Posté : 20 juin, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

Deux femmes

John Ford a souvent filmé des mères courage, ou des mères martyrs. Pilgrimage semble ainsi être une espèce de variation sur le thème du très beau Four Sons. Dans les deux films, c’est la Grande Guerre qui arrache un fils à sa mère. Et dans les deux films, il faut toute la sensibilité de Ford pour ne pas sombrer dans le pathos le plus assommant, tant l’histoire est mélodramatique.

On a donc une mère vieillissante, qui refuse de voir son fils quitter la ferme qu’ils font tourner à eux deux. Et surtout pas pour le voir épouser la fille de son alcoolique de voisin. Alors quand le fiston décide de s’émanciper de la domination maternelle, elle décide de l’enrôler dans l’armée pour l’envoyer dans les tranchées. « Plutôt le voir mort que le voir épouser une traînée », lance-t-elle. Elle va être servie.

L’histoire est cousue de gros fil doré. On sent d’emblée le drame inéluctable. Et très vite, on entrevoit derrière l’égoïsme terrible de la mère (Henrieta Crosman, superbe) une humanité pleine de douleur. On voit bien, aussi, que ce pèlerinage en France, dix ans plus tard, sera le voyage de la rédemption. Sur le papier, donc, un mélo classique et sans surprise.

Pourtant, le film est beau, très beau même. Parce que Ford transforme ce mélo en une sorte d’allégorie, et qu’il fait de ses personnages des symboles : des affres de la guerre, du temps qui passe, de la difficulté à laisser partir ceux qu’on aime… Ford filme chaque scène comme s’il peignait un tableau universel, peaufinant ses cadrages et ses lumières, faisant de certains plans des images quasi-religieuses.

Pour autant, Pilgrimage n’a rien de désincarné. Le portrait qu’il fait de cette mère qui finit par percer sa carapace est juste, et très émouvant. Et le chemin qu’elle emprunte avec d’autres mères martyrs à travers l’Amérique, puis Paris, puis les lieux où sont tombés les fils, dit plus sur les horreurs de la guerre que n’importe quelle scène de bataille. La seule que filme effectivement Ford souligne d’ailleurs l’absurdité de ces morts, sans jamais verser ni dans le spectaculaire, ni dans l’héroïsme béat.

Joli film, donc, petite perle méconnue d’une période méconnue du grand Ford : cette première partie des années 1930 qui ne manque pas de belles surprises.

L’Aigle bleu (The Blue Eagle) – de John Ford – 1926

Posté : 2 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

L'Aigle bleu

Il y a un rythme fou dans ce muet méconnu de Ford. Moins ambitieux, certes, que les grands westerns épiques (Le Cheval de fer, Trois sublimes canailles) qu’il venait de tourner avec George O’Brien, une nouvelle fois tête d’affiche de ce qui s’apparente dans un premier temps à un drame naval sur fond de première guerre mondiale.

En fait, cette partie maritime n’est qu’un prologue, d’autant plus court que le film tel qu’il nous est parvenu est amputé d’une bobine, très prometteuse : une bataille navale qui semble fort spectaculaire, et qui se termine par un drame qui tiendra un rôle important dans la dernière partie du film.

Les bases de l’histoire, toutefois, sont bien posées : deux hommes ennemis dans le civil, deux chefs de bandes, deux rivaux amoureux de la même jeune femme, doivent ravaler leur rancœur tant que la guerre dure, d’autant plus qu’ils sont tous deux enfermés dans la même cale, alimentant les chaudières d’un navire de la marine.

Dès ces premières images, on retrouve le goût de Ford pour les relations viriles d’univers très masculins. Il y a quand même un triangle amoureux au cœur du film, et Ford reforme qui plus est le couple inoubliable de L’Aurore. Mais Janet Gaynor a beau jouer un rôle important, au moins moralement (avant même qu’elle n’apparaisse à l’écran, elle attise bien innocemment les rancœurs en envoyant des lettres aux deux rivaux), elle est reléguée aux arrière-plans.

Ford semble à vrai dire ne pas bien savoir quoi faire de cette petite jeune femme si mimi, qu’il filme comme une enfant… comme d’ailleurs les rares autres personnages féminins, à qui il n’accorde que les quelques plans strictement nécessaires à son intrigue. The Blue Eagle s’annonçait comme un triangle amoureux, mais c’est la relation entre les deux hommes qui motive visiblement Ford, passionné par les rapports masculins conflictuels, qui débouchent souvent sur de grandes amitiés.

Ce n’est pas un cas isolé dans l’œuvre de Ford. Mais cette fascination atteint des sommets ici, où tout est fait pour plonger les deux hommes (O’Brien, donc, et William Russell) dans des rapports de violence qui devraient les opposer à jamais, mais qui ne tarde pas à les rapprocher : une bagarre à fond de cale, une poignée de combats de boxe, et une espèce d’ange gardien, le Père Joe, un aumônier qui croit visiblement à la vertu d’une bonne baffe dans la gueule.

C’est ainsi qu’ils renfileront les gants, après avoir affronté ensemble, à la demande de l’homme d’église, un gang de trafiquants de drogue dont on ne verra, à peu près comme de l’armée ennemie au début du film, qu’un sous-marin aussi mortel qu’anonyme. Janet Gaynor, au moins, à un visage. Mais guère plus de présence à l’écran que les méchants, qui ne sont que des prétextes pour faire avancer la relation entre les deux hommes. Presque une épure, clairement pas le plus abouti des Ford, mais pas un poil de temps mort.

Le Costaud (Strong Boy) – de John Ford – 1929

Posté : 19 mars, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

Strong Boy

Pas de miracle, hélas : ce film considéré perdu de John Ford a, jusqu’à présent en tout cas, bel et bien disparu. C’est même le plus récent des films de Ford à faire partie de cette triste liste des « lost films ». Mais une bande annonce d’époque a été retrouvée en 2010 dans les archives de la cinémathèque de Nouvelle Zélande avec une copie complète d’un autre film perdu de Ford, Upstream. Comme quoi d’heureuses surprises sont toujours possibles, même presque un siècle après l’avènement du parlant.

Cette bande annonce dévoile donc quelques images que l’on aurait pu ne jamais voir. Oh, pas grand-chose : cinquante secondes seulement, et encore y a-t-il dans cette poignée de secondes quelques intertitres accrocheurs qui nous promettent de la romance et de l’aventure. Et elles font envie ces images, qui semblent annoncer un film dans l’esprit d’un serial.

On y devine un Victor McLaglen mécanicien de train, confronté à des bandits, ou à une fiancée jouée par Leatrice Joy qui semble bien colère contre lui. Les images dévoilent ce qui doit être une grande scène d’action sur le toit du train en marche, dans des paysages spectaculaires, scène qui évoque celle des Mendiants de la vie, que Wellman a tourné un an plus tôt.

C’est bien peu, bien sûr : moins d’une minute pour un film qui durait un peu plus d’une heure. Mais c’est aussi beaucoup pour les amoureux de John Ford. De quoi inciter les cinémathèques du monde entier à continuer de fouiller dans leurs archives…

Chesty (Chesty, a tribute to a legend) – de John Ford – 1970-1976

Posté : 9 février, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Chesty

Quelle tristesse, quand même, d’imaginer que Ford a vécu les dernières années de sa vie sans pouvoir réaliser de nouveau film. A l’exception de ce documentaire, tourné en 1970, mais sorti six ans plus tard, bien après la mort de Ford.

Chesty : surnom de Lewis B. Puller, officier multi-décoré de l’armée américaine, héros de Guadalcanal et de Corée. Un dur. Le genre a dire, lorsqu’il réalise que son unité est encerclée : « Tant mieux, maintenant on peut tirer sur ces enfoirés dans toutes les directions ». Est-ce que l’anecdote est authentique ? Relève-t-elle de la légende ? Qu’importe : le film s’appelle « a tribute to a legend ». Et quand la légende est plus belle que la réalité, qu’est-ce qu’on imprime, déjà ?

Ici, elle est racontée par John Wayne lui-même, qui lui aussi joue avec sa légende, mine de rien. Parce qu’il porte ses habits de cow-boy, dans un décor de western. Et parce qu’il raconte, devant la caméra de son ami John Ford, sa rencontre avec Chesty durant la seconde guerre mondiale, laissant croire avec beaucoup d’affectation que lui aussi était au plus près du feu.

Un hommage, plus qu’un documentaire. D’ailleurs, Ford utilise tous les effets du cinéma traditionnel, avec une surabondance de bruits de coups de feu sur des images muettes, notamment celles tournées dans les années 20 au Nicaragua (images impressionnantes, nonobstant). Des effets parfois faciles, mais qui donnent du rythme et un aspect vraiment spectaculaire.

Beaucoup d’images d’archives, certaines montrant Chesty sur ses différents fronts, beaucoup de simples illustrations. Le travail de montage et le sens de la narration de Ford font le reste. C’est une curiosité, qui vaut surtout d’être vu parce qu’il s’agit du baroud d’honneur du cinéaste. Mais le film prend une dimension particulière dans ses dernières minutes, qui prennent une dimension presque crépusculaire.

Le temps de très courtes scènes, Ford met vraiment en scène son ami Chesty, filmant le vieil homme accoudé à la roue d’un canon dans la cour de l’école militaire où il a fait ses premiers pas de soldats, ou traînant ses pas lourds dans l’allée de son pavillon de retraité. Là, les réminiscences de ses années glorieuses ressurgissent en flash-backs, comme sortis de l’esprit de Chesty… Ultimes images du dernier film d’un géant.

Tête brûlée (A gun fightin’ gentleman) – de John Ford – 1919

Posté : 7 février, 2021 @ 8:00 dans 1895-1919, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

A gun fightin' gentleman

Harry retrouvera-t-il sa terre ? Partira-t-il avec la jolie fille de son riche ennemi ? Pour les réponses, il faut sans doute se plonger dans les archives papiers des vieux studios hollywoodiens, si elles existent. La fin de ce western de jeunesse de John Ford a, elle, disparu corps et bien. A peu près toute la seconde moitié du film est manquante, et c’est évidemment un crève-cœur. Non pas que A gun fightin’ gentleman ait l’intensité de certains autres films à moitié perdus de Ford (The Village Blacksmith, North of Hudson Bay, Mother Machree), mais il porte bien la marque du réalisateur.

Au programme : du western pur et dur, avec une séquence d’ouverture pleine de plans larges et fusillades, avec une belle utilisation de la profondeur de champs. Au programme aussi, et c’est là que le film est le plus passionnant : la confrontation de deux mondes, celui des « demi-sauvages » que sont les cow-boys, et celui dit de la civilisation. Avec une frontière bien trouble, que Ford s’amuse à contourner allégrement.

Le héros, c’est Harry Carey, incontournable compagnon des premières années de Ford. Il incarne ici le propriétaire d’un ranch qui refuse de vendre ses terres à un riche producteur de viandes. Après plusieurs tentatives violentes, ce dernier finit par trouver un moyen apparemment légal d’expulser Harry. C’est là que le cow boy débarque dans la belle demeure du riche industriel, pour une sorte de dîner de cons dont il serait l’invité d’honneur.

Bien sûr, Ford renverse les rôles. Les convives richement habillés croient singer l’homme des grandes plaines en mangeant avec leurs couteaux, devant le regard surpris d’un Harry aux manières parfaites… qui ne prend son couteau que pour se plier aux coutumes de ses hôtes, ces derniers éclatant alors de rire avec mépris. Sans surprise, on voit bien où va la sympathie de Ford.

Ce choc des mondes donne aussi une scène étonnante, et très brève : le riche industriel pense au cow-boy, qui apparaît alors en miniature sur un meuble, trucage déjà présent dans The Craving, tourné l’année précédente et attribué au frère de Ford, Francis. La suite est plus foutraque, la pellicule très abîmée, et l’issue très incertaine. Harry prend au mot un comte qui lui demande d’enlever la fille de l’industriel, et… la copie existante se termine à table, avec Harry et la belle qui confrontent une nouvelle fois leurs manières. Frustrant.

La Fille de Négofol (Kentucky Pride) – de John Ford – 1925

Posté : 6 février, 2021 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

Kentucky Pride

Un an avant le très beau Shamrock Handicap, John Ford s’intéressait déjà au monde des courses avec cette curiosité aussi improbable que charmante. Il y a déjà une particularité mise en avant dès le nom des acteurs (ceux des chevaux, d’abord) dans le générique : le film est raconté à la première personne… par un cheval, nommée Virginia’s Future, la fille du champion Négofol, donc. Et on n’échappe à la voix off que parce qu’on est en 1925, et que le cinéma est toujours muet.

Un procédé douteux sur le papier, qui annonce avec vingt-cinq d’avance un certain Francis pas franchement glorieux, à ceci prêt que John Ford n’est pas Arthur Lubin, et que son Kentucky Pride est certes une étape mineure dans sa filmographie, y compris à cette époque (Le Cheval de fer l’année précédente, Trois sublimes canailles l’année suivante), mais fort sympathique, et jalonnée de très jolis moments.

Côté émotion, Ford filme une scène de retrouvailles entre un père et sa fille absolument magnifique, d’une simplicité et d’une pudeur extrêmes : la petite approche doucement et cache les yeux de son père, devant le regard humide du brave J. Farrel MacDonald. Côté humour : MacDonald, indispensable Irlandais fordien, toujours excellent et irrésistible, qu’il fasse les cent pas avec ses deux comparses dans une sorte de chorégraphie millimétrée, ou qu’il se transforme en policier très approximatif.

Côté suspense : deux séquences de courses hippiques parfaitement filmées, réservant leur lot de ressors dramatiques. La première, surtout, dont l’issue inattendue provoque la chute (au figuré) du premier propriétaire du cheval, joué par Henry B. Walthall. Et, plus tard, une rencontre fortuite entre son dernier et son cheval, qu’il croise sans le reconnaître au cœur d’une ville grouillante de vie. Moment aussi improbable que superbe.

Dans cette scène, plus que dans beaucoup d’autres où le procédé touche à sa limite avec un anthropomorphisme trop naïf, Ford tire le meilleur de son parti-pris narratif, rendant intenses et très émouvants les efforts désespérés du cheval pour être reconnus par ses anciens maîtres. Petit film, oui, mais que Ford réalise avec une belle conviction.

It’s your America (id.) – de John Ford – 1946

Posté : 30 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, FORD John | Pas de commentaires »

It's your America

De 1942 à 1945, John Ford a consacré toute son énergie à l’effort de guerre de l’armée américaine, s’engageant physiquement dans le conflit et signant quelques documentaires marquant. Son retour à la fiction sera d’ailleurs une sorte d’aboutissement de cette période : Les Sacrifiés, le meilleur de ses films de guerre.

It’s your America est un film plus obscur, dont la paternité n’est pas absolument certaine. Le générique ne fait mention d’aucun réalisateur, le film n’est pas évoqué dans la précieuse biographie que consacre Joseph McBride à Ford… Mais ce court métrage est souvent attribué au cinéaste, ce qui paraît très raisonnable.

On retrouve le style du Ford de ces années là, sa manière de plonger ses personnages à moitié dans l’ombre, et de filmer les hommes entre eux, avec ce sens immédiat de la camaraderie. On retrouve aussi Preston Foster, que Ford avait dirigé dans Le Mouchard ou Révolte à Dublin.

Le film fait partie de ces œuvres qu’Hollywood enchaînait pendant et juste après la guerre, pour encourager le patriotisme des Américains. Une fiction, certes, mais avant tout une leçon de citoyenneté, très didactique, et très américaine.

Narrateur et personnage principal, Arthur Kennedy apparaît en soldat américain sur le point de rentrer chez lui après plusieurs années sur le front européen. Il raconte : comment il était un Américain comme tant d’autres, et comment la guerre l’a transformé.

Les séquences de flash-back s’enchaînent, c’est un peu grandiloquent, mais c’est aussi un modèle de construction : chaque étape évoque l’un des détails figurant sur une pièce d’un penny. Et à chaque fois, c’est une révélation pour le personnage de Kennedy, qui comprend peu à peu ce que c’est que l’Amérique, et la démocratie.

La Route au Tabac (Tobacco Road) – de John Ford – 1941

Posté : 22 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

La Route au tabac

Sur le papier, Tobacco Road est une sorte de film jumeau des Raisins de la colère, un an après le succès de ce dernier. C’est l’histoire d’une famille miséreuse qui se débat pour garder sa terre sur « Tobacco Road », ancienne route fertile à la grande époque du Sud producteur de coton, où survivent dans des taudis ou dans les ruines des grandes propriétés les descendants de vieilles familles jadis prospères.

Mais le film est adapté d’une pièce de théâtre, elle-même tirée d’un roman. L’origine théâtrale se fait étrangement sentir dans les premières scènes, avec un jeu outré et des dialogues qui semblent ne pas tenir compte des grands espaces qu’offre le cinéma. « Faisons comme si on ne l’avait pas vu, soyons naturels », crient les personnages à portée de voix du nouveau venu…

Surtout, il y a un humour décalé qui vient probablement de la pièce, en tout cas en partie, et qui donne au film un ton étrange, déroutant. Ford filme ça avec une certaine légèreté, voire avec une franche dérision. Pourtant, la misère qu’il décrit est par certains aspects plus terrible encore que dans son adaptation de Steinbeck, qui au moins révélait une superbe humanité collective.

Il n’en est rien ici. Derrière la farce, Ford met en scène de vrais dégénérés qui passent leur vie à hurler, mentir, se voler, se tromper, s’humilier. Quelle famille ! Le père et la mère se cachent pour ne pas partager leur nourriture avec les enfants. La fille, jouée par Gene Tierney, est une sorte de nympho attardée. Le fils, lui, est un gamin demeuré et odieux, que veut épouser une veuve bigote, et qui hurle des horreurs au nez de ses parents… On est loin de la famille Joad !

S’il faut résumer, Tobacco Road est plutôt un ratage pour Ford, miné par quelques moments gênants : Gene Tierney et Ward Bond rampant dans la poussière l’un vers l’autre, dans une sorte de danse de pré-accouplement motivée par des navets… Un moment qu’on découvre avec des yeux ronds d’étonnement, disons.

Mais il faut aussi rendre au film une certaine justice. Il y a dans Tobacco Road quelques très belles scènes. Les larmes dans les yeux de Charley Grapewin (déjà Grandpa Joad dans Les Raisins…, et formidable dans un rôle typique du cinéma de Ford), le face-à-face silencieux avec sa femme (jouée par Elizabeth Patterson), le regard bienveillant de « l’ange gardien » (court rôle pour Dana Andrews)…

Esthétiquement, c’est même une réussite éclatante. Les images sont superbes, Ford filmant ces taudis comme les symboles d’un paradis perdu. La scène où le couple Lester quitte la maison et se dirige, le pas lourd, vers l’hospice, longeant en ombres chinoises des clôtures tellement fordiennes, est une image belle et déchirante.

12345...9
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr