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Archive pour la catégorie 'LANG Fritz'

Le Démon s’éveille la nuit (Clash by night) – de Fritz Lang – 1952

Posté : 6 août, 2014 @ 1:27 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, LANG Fritz, RYAN Robert, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Le Démon s'éveille la nuit

Le début des années 50 n’est pas la période la plus connue de Lang. Les films qu’il tourne à cette époque sont pourtant, pour la plupart, de grandes œuvres noires qui explorent la face la plus sombre de l’humanité. L’Ange des maudits côté western, Règlement de comptes côté film noir, et souvent de grands rôles de femmes pleines de douleurs renfermées (Marlene Dietrich dans le premier, Gloria Grahame dans le second) évoluant dans des univers trop machistes et violents.

Barbara Stanwyck, dans Clash by night, s’inscrit clairement dans cette belle lignée, mais sans le filtre du film de genre. Encore que… Drame intime, portrait fascinant et terrifiant d’êtres rongés par la solitude, le film utilise constamment les codes du film noir. Dès le générique de début, plans dramatiques d’une mer déchaînée avec une musique anxiogène à souhait, on s’attend à ce que l’issue soit tragique, pour cette poignée de personnages à l’horizon étriqué.

Lang s’amuse à surprendre. Il s’évertue aussi à mettre à mal les beaux rêves véhiculés par ce cinéma hollywoodien dont il a toujours été un électron libre. En dehors de cette petite ville portuaire où revient Barbara Stanwyck après dix ans de rêves brisés, il n’y a point d’avenir. La vie de famille est une épreuve angoissante, que ne surpasse que la peur de vieillir seul. Finalement, le plus heureux est ce frère macho qui s’est trouvé une jolie blonde (ben oui, c’est Marilyn Monroe) gentiment soumise…

Mais le drame se noue autour d’un triangle amoureux totalement inattendu : Barbara Stanwyck, trop consciente d’être soumise à ses rêves d’aventures et de liberté ; Paul Douglas, force de la nature, homme trop bon, trop incapable de voir la face caché de ceux qui l’entourent ; et Robert Ryan, immense comédien qui trouve un nouveau très grand rôle, celui d’un sale type qui cache mal, derrière un comportement souvent odieux, une solitude qu’il ne supporte plus.

Le romantisme hollywoodien en prend un sacré coup ici. Pathétiques, parfois minables, ces personnages sont terribles. Lang ne leur épargne rien dans ce grand cri de désespoir, parsemé de quelques éclaircies bouleversantes. Une belle manière de célébrer le 1000ème film de ce blog…

Cape et poignard (Cloak and Dagger) – de Fritz Lang – 1946

Posté : 27 juin, 2014 @ 5:42 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, COOPER Gary, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Cape et poignard

Sorti après la fin de la guerre, cet ultime film anti-nazi de Lang n’en est pas moins d’une noirceur totale, comme si le cinéaste n’avait pas voulu atténuer in extremis les angoisses du monde au moment où le film se préparait. L’ennemi nazi semble battu, mais le film est hanté par un autre danger : celui de la bombe atomique, nouvelle menace qui plane sur le monde et marquera d’ailleurs durablement le cinéma des deux décennies à venir, celles de la guerre froide que Cape et poignard préfigure en quelque sorte.

D’ailleurs, l’un des moments les plus forts du film, le meurtre d’un « garde du corps » par un Gary Cooper novice en la matière, forcé de tuer son adversaire discrètement, rappelle, avec vingt ans d’avance, le très douloureux assassinat du Rideau déchiré, film d’Hitchcock consacré à la guerre froide, sur un thème assez semblable (l’importance des connaissances scientifiques que se disputent les deux camps). Hitchcock ira plus loin encore, mais on jurerait qu’il s’est inspiré de cette mort brutale et interminable pour son propre film.

Gary Cooper est une nouvelle fois formidable dans le rôle d’un scientifique américain forcé de joindre l’OSS (l’ancêtre de la CIA) pour exfiltrer des homologues travaillant malgré eux pour l’ennemi en vue de fabrique « la » bombe. Inspiré de Robert Oppenheimer, le « père » de la bombe H, le personnage de Cooper est un homme hanté par l’horreur de ce à quoi sont destinés ses travaux, et ses actions derrière les lignes ennemies. Car le film n’a rien d’un hymne à l’armement nucléaire : Cooper, dans une diatribe désespérée, se désole de devoir travailler au « projet Manhattan », conscient des dégâts qu’il causera, mais aussi qu’il s’agit d’une course incontournable à l’armement.

Aucun héroïsme, donc, ici, même si le film ne manque ni de morceaux de bravoure, ni d’hommes et de femmes prêts à se sacrifier. D’ailleurs, lorsque le film s’achève, tout reste en suspense. L’heure n’est pas aux retrouvailles : ni pour le scientifique Polda (Vladimir Sokoloff) et sa fille, ni même pour le héros Gary Cooper et celle qu’il aime, Lilly Palmer. Tout est encore à reconstruire, et le regard amer de Lang donne au film une force assez rare. Encore un chef d’œuvre à mettre au crédit du cinéaste.

Le retour de Frank James (The Return of Frank James) – de Fritz Lang – 1940

Posté : 5 février, 2014 @ 2:31 dans 1940-1949, CARRADINE John, LANG Fritz, TIERNEY Gene, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Retour de Frank James

1939, année de la résurrection du western, a été marquée par de nombreux triomphes du genre, à la fois artistiques et populaires. C’est le cas de Jesse James, le brigand bien-aimé, chef d’œuvre signé Henry King à la distribution impressionnante. Un an après ce succès, Zanuck met en chantier une suite, qu’il confie à Fritz Lang, qui avait déjà dirigé Henry Fonda dans J’ai le droit de vivre.

Pas de tromperie sur la marchandise : Le Retour de Frank James est bien la suite directe du film de King. La toute première scène est d’ailleurs tirée de Jesse James : on y reconnaît Tyrone Power, lorsqu’il se fait tirer dans le dos par le lâche Bob Ford, joué par John Carradine. Le rôle de Power s’arrête là, bien sûr. Mais Lang retrouve une demi-douzaine de comédiens du premier film autour de Henry Fonda, personnage un peu en retrait dans le film de King qui prend une toute autre carrure ici : Carradine, Donald Meek, Henry Hull, J. Edward Bromberg, Ernest Whitman.

Pourtant, sur ce projet hyper balisé, dans un univers dont un autre que lui a posé les bases, Lang signe encore une fois un film qui porte indéniablement sa marque. De cette suite d’un western génial, le cinéaste fait une réflexion toute personnelle sur la justice, sur la place de l’individu face au poids de la société : des thèmes on ne peut plus langiens qui reviennent film après film, y compris dans ses premières années hollywoodiennes.

On retrouve aussi, très présent, un autre motif omniprésent dans le cinéma de Lang : l’importance de la presse, et la manipulation de la vérité. Pour son tout premier rôle au cinéma, la toute jeune Gene Tierney incarne ainsi une jeune journaliste qui se fait manipuler par Frank James. Quant à l’éditeur de journal déjà présent dans le premier film (Henry Hull), sa gazette semble n’être qu’une tribune très libre et très contestable qui fait bien de cas des faits…

Dans ce film, plus encore que dans le précédent, on joue avec l’Histoire, avec la réalité. Décidé à venger son frère, Frank James retrouve Bob Ford et son frère dans un petit théâtre où ils tiennent leurs propres rôles dans une pièce qui revisite très librement la mort de Jesse James. Cette séquence, superbement filmée et éclairée, est l’une des plus belles du film, confrontation dramatique entre la réalité et la fiction.

Le film n’est pas avare en poursuites, en fusillades et en action, mais le scénario prend une autre direction dans le dernier tiers, transformant le western en un film de prétoire où chaque personnage trouve sa place. Ce pourrait être bancal. Et le fait est que des trois westerns de Lang (il enchaînera avec Les Pionniers de la Western Union et tournera quelques années plus tard l’excellent L’Ange des maudits), celui-ci n’est pas le plus fort. Mais ce petit film langien, émaillé de belles idées, est passionnant.

• DVD dans la collection Western de Légende de Sidonis, avec des présentations par Bertrand Tavernier et Patrick Brion. Ce dernier évoque d’ailleurs le film de King, en affirmant qu’il ne montre pas la mort de Jesse James. Ce qui tend à démontrer qu’il existe plusieurs versions du film de King, puisque celle que j’ai vue récemment montre bel et bien Jesse James se faire tuer.

Les Pionniers de la Western Union (Western Union) – de Fritz Lang – 1941

Posté : 27 janvier, 2014 @ 5:49 dans 1940-1949, CARRADINE John, LANG Fritz, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Pionniers de la Western Union

Ce deuxième western de Lang s’inscrit dans une tradition particulièrement riche du genre : les wersterns consacrés à la construction de l’Union. Dans cette belle lignée, on retrouve surtout les grands films évoquant les débuts du chemin de fer. On pense d’ailleurs beaucoup à Pacific Express, chef d’œuvre tourné à la même époque, mais aussi aux films de Ford, du Cheval de fer à La Charge héroïque. Dans ce baptême du feu de Lang, dans un genre où on ne l’attendait pas forcément, on croise d’ailleurs des visages très fordiens : John Carradine et même Francis Ford au détour d’une scène.

Comme Ford, Lang met du pittoresque dans cette histoire d’honneur où la femme tente vainement de trouver sa place. Le contremaître chiqueur, le cuisinier au bout du rouleau, son « gardien » à moitié scalpé… autant de gueules qui semblent effectivement sorties d’un western du grand Ford.

Mais Les Pionniers… annoncent aussi, avec vingt-cinq ans d’avance, la vision qu’aura Leone du genre. Le (beau) personnage de Randolph Scott, surtout, préfigure d’une manière étonnante celui de l’homme sans nom. Même cigarillo, même mutisme, même mystère sur son passé, même aplomb face à quatre bandits armés. Le personnage est fascinant, face à un Robert Young dont l’interprétation inattendue est remarquable.

Western souvent mésestimé, Les Pionniers… est pourtant un pur Fritz Lang. Dès la première séquence, sa vision de l’humanité est là, sans concession. Dans ce grand pays ouvert à toutes les bonnes volontés, terre d’espérances pour les plus faibles, la loi du plus fort règne. Les êtres affaiblis sont condamnés. Le cheval boiteux, l’homme blessé… tous deux semblent condamnés à une mort certaine. Pire, même : une mort logique.

Le personnage de John Carradine participe du même principe cynique. Médecin dévoué et attachant, il voit tous les patients qu’il tente de soigner mourir les uns après les autres.

Quant au duel final, il est l’un des plus beaux que l’on ait pu voir. Parce qu’il ne ressemble à aucun autre. Spectaculaire et banal, jouissif et tragique.

• Le film est disponible dans la collection Westerns de légendes, chez Sidonis.

L’Ange des maudits (Rancho Notorious) – de Fritz Lang – 1952

Posté : 25 juin, 2013 @ 1:15 dans 1950-1959, DIETRICH Marlene, LANG Fritz, WESTERNS | Pas de commentaires »

L’Ange des maudits (Rancho Notorious) – de Fritz Lang – 1952 dans 1950-1959 lange-des-maudits

Retour au western pour Lang, dix ans après son diptyque des années 40 (Le retour de Frank James et Les Pionniers de la Western Union). Avec Rancho Notorious, sur le papier, c’est un sujet parfaitement classique qu’il aborde : une énième histoire de vengeance et d’amitié dangereuse, autour d’une ancienne chanteuse de cabaret. D’autant plus classique que cette dernière est interprétée par Marlene Dietrich, dont la filmographie est émaillée de ces chanteuses de cabaret.

Sauf que Lang prend ici le contre-pied de tous les poncifs, et signe un film aussi surprenant que politiquement incorrect. Le héros d’abord (Arthur Kennedy, inattendu dans un tel rôle), ivre de vengeance, n’hésite pas à utiliser Marlene en jouant sur ses sentiments, et sa sensibilité, avec une cruauté parfois impressionnante.

Marlene qui, derrière ses aspects de femme forte, est un être perdu, que l’on découvre d’abord (racontée par ceux qui l’ont rencontrée comme Kane l’était dans le film de Welles, avec toute l’aura de mystère que cela implique) au bord du désespoir, prête à troquer sa sécurité contre son corps, offerte au hors-la-loi jouée avec élégance par Mel Ferrer. Il y a dans le regard dur et les poses dominantes de la belle une fêlure déchirante.

Le film de Lang est constamment hors des sentiers battus. Par de petits détails parfois (la politesse et la gentillesse des shérifs), mais aussi par la construction du film, et ses ruptures de ton, qui le font passer de la farce (la ‘‘course’’ avec Marlene chevauchant un cow-boy) à une bagarre particulièrement rude filmée caméra à l’épaule.

Par l’utilisation de la chanson « Legend of Chuck-a luck » qui revient régulièrement, tenant lieu de chœur antique, servant de transition et faisant avancer l’histoire. Cette chanson, comme l’enquête d’Arthur Kennedy dans la première partie, réhabilite la tradition orale et souligne l’aspect mythique et légendaire de l’histoire… un thème qui sera une nouvelle fois au cœur de Moonfleet quatre ans plus tard.

J’ai le droit de vivre (You only live once) – de Fritz Lang – 1937

Posté : 3 juin, 2013 @ 10:13 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BOND Ward, LANG Fritz, SIDNEY Sylvia | Pas de commentaires »

J’ai le droit de vivre (You only live once) – de Fritz Lang – 1937 dans * Films noirs (1935-1959) jai-le-droit-de-vivre

Deuxième film américain de Fritz Lang après le formidable Furie, et toujours le même thème : celui de l’innocent condamné et lynché. Mais il y a une différence de taille : cette fois, ce n’est pas la foule, incontrôlable et inhumaine, qui lynche l’innocent, mais la société dans tout ce qu’elle a d’organisée et d’officielle.

Henry Fonda, mauvais garçon libéré de sa troisième peine de prison et bien décidé à marcher droit et à mener une vie décente auprès de sa fiancée, la jolie Sylvia Sidney. Sauf que la rédemption est une chimère, et que cette société américaine, à peine sauvée par quelques grandes âmes (le prêtre, l’avocat, deux belles personnes qui risquent leur intégrité, leur bonheur et leur vie pour le bonheur des amoureux), ne laisse guère d’espoir à un condamné en quête d’une deuxième chance.

Alors que le terme n’a pas encore été inventé, J’ai le droit de vivre est un vrai film noir, dans la lignée du génial Je suis un évadé, et avec tout ce que cela implique de tragédie, de mauvaises décisions, et de contexte social.

Ce film est un chef d’œuvre, un de plus pour Lang. De cette histoire simple et tragique, Lang fait une formidable version moderne de Roméo et Juliette, avec deux personnages d’univers très différents, que l’amour conduit vers une apothéose fatale absolument sublime.

Etonnant de voir à quel point Lang, jeune exilé accueilli comme un roi à Hollywood, se montre critique et cynique envers la société américaine. Son film est d’une ironie cruelle, à l’image d’une scène assez incroyable : à quelques heures de son exécution, Fonda est soigné dans l’infirmerie de l’hôpital, les médecins s’affairant pour s’assurer qu’il sera en bonne santé pour subir son châtiment…

Cette ironie vire au cynisme absolu lors de l’évasion, moment de bravoure annoncé qui vire au tragique absurde. Lang signe une œuvre d’une noirceur abyssale, évitant toute facilité, et tout sentimentalisme : ses personnages sont des victimes, dans une certaine manière, mais Lang ne leur enlève par leur libre arbitre, et n’en fait pas de simples pions manipulés par le destin. Fonda a sa part d’ombre : il suffit de le voir chuchoter avec hargne, les yeux exorbités, « Give me a gun », pour s’en convaincre. Et Sidney abandonne tout, jusqu’à ce qu’elle a de plus innocent en elle (son bébé) pour son homme…

On s’en doute dès les premières images : tout ça finira très mal. Après Furie, les premiers pas de Lang à Hollywood sont décidément très, très, très sombres… Et Lang a une vision de l’innocence et de la culpabilité très personnelle.

La Rue rouge (Scarlet Street) – de Fritz Lang – 1945

Posté : 6 avril, 2013 @ 9:08 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, LANG Fritz | Pas de commentaires »

La Rue rouge (Scarlet Street) – de Fritz Lang – 1945 dans * Films noirs (1935-1959) la-rue-rouge

Un an après La Femme au portrait, Fritz Lang en signe un film jumeau, reprenant le même trio d’acteurs (Edward G. Robinson, Joan Bennett, Dan Duryea), la même atmosphère de film noir, la même construction, et la même importance de la peinture.

En l’occurrence : un employé de banque sans histoire, qui s’ennuie dans sa vie, rencontre une jeune femme qu’il croit sauver d’un malfrat. Séduit par cette beauté, et cédant à la folle pensée qu’il pourrait lui plaire aussi, lui qui n’a jamais pris dans ses bras une jeune beauté, il s’attache à elle. Mais elle et son ami (le malfrat) profitent de sa gentillesse, jusqu’au point de non retour.

L’une des scènes clés du film est la première discussion, anodine, entre Robinson et Bennet. Mais de cette discussion anodine va naître une double confusion, qui sera fatale à tous les protagonistes. Lui, peintre du dimanche, se persuade qu’elle est une pauvre actrice célibataire et courageuse. Elle croit comprendre qu’il est un artiste très côté dont il peut soutirer l’argent sans risque. Cette séquence, d’une simplicité totale, est aussi d’une grande intelligence : rares sont les quiproquos qui ont été amenés avec une telle évidence…

La construction du film, d’ailleurs, est l’une des plus brillantes de toute l’histoire du cinéma, transcendant La Chienne de Jean Renoir, dont le film est un remake. D’un acte héroïque un peu grotesque (Robinson défend Bennet et se cache derrière son parapluie, persuadé qu’il va se prendre une raclée), Lang décrit la trajectoire tragique d’un monsieur tout le monde.

C’était déjà le cas dans La Femme au portrait, mais il y a des différences aussi énormes que les similitudes, entre les deux films. Là où il y avait encore un peu d’optimisme (le rebondissement final du précédent film) et de bonté (le personnage de Joan Bennett était bien différent), Lang n’adopte plus qu’un noir abyssale. Bennett et Duryea sont des monstres d’insensibilité, et la descente aux enfers de Robinson est sans retour possible.

Lang, mine de rien, donne une dimension extraordinaire à ses personnages. Il excelle ainsi à filmer le mal-être de ce type trop normal, lors d’une scène d’ouverture qui, pour une raison obscure, fait froid dans le dos : une fête de travail où toute la gentillesse, toute la bonté, paraissent étouffer ce quinquagénaire plein de regrets, mais qui n’attend plus grand-chose de la vie.

C’est un chef d’œuvre, avec des acteurs fabuleux, et quelques séquences d’anthologie (le crime d’Edward Robinson, inoubliable), qui se termine par la représentation la plus traumatisante de la culpabilité. Lang, même lorsqu’il se répète (volontairement), est un cinéaste immense.

Le Tombeau hindou (Das Indische Grabmal) – de Fritz Lang – 1959

Posté : 10 mars, 2013 @ 11:22 dans 1950-1959, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Le Tombeau hindou (Das Indische Grabmal) – de Fritz Lang – 1959 dans 1950-1959 le-tombeau-hindou

Seconde partie d’un diptyque entamé par Le Tigre du Bengale. Renouant avec l’esprit feuilleton du cinéma muet, Lang avait laissé son couple vedette au bord de la mort : inconscients au milieu du désert, en pleine tempête de sable. Un cliffhanger que n’aurait pas renié le Lang du Docteur Mabuse.

Ce n’est d’ailleurs pas la seule réminiscence de l’œuvre muette du cinéaste. Les intrigues et complots qui agitent la ville  indienne d’Eschnapur, dirigée par un maharadjah prêt aux pires atrocités pour assouvir sa vengeance, rappellent la seconde partie d’un autre diptyque de Lang : Les Niebelungen. Et les lépreux réduits à vivre enfermés sous la cité font évidemment penser aux ouvriers de Metropolis.

Sauvés de la mort, nos amoureux restent étrangement au second plan, durant la plus grande partie de ce second film. Pourtant, Debra Paget dévore l’écran. Sa beauté lumineuse transforme en chef d’œuvre une scène qui aurait pu tomber dans le grotesque : lorsque, quasiment nue, elle danse face à un serpent de caoutchouc mal animé par deux câbles bien visibles. Sa beauté et sa grâce sont telles qu’on est fasciné. Un rien troublé, même.

Mais l’actrice n’est pas qu’une beauté. La manière dont elle marche vers son mariage forcé, fière et titubant à la fois, est digne des plus grandes actrices.

Les autres acteurs ne sont pas tout à fait à la hauteur, peut-être. Mais la mise en scène de Lang est constamment inspirée, faite de fulgurances (magnifique plan à travers une toile d’araignée) et de longues séquences qui étirent au maximum le suspense, notamment dans les souterrains, formidables décors de cinéma magnifiquement utilisés par Lang.

Le retour du cinéaste en Allemagne est décidément une opportunité pour lui de renouer avec sa jeunesse : après ce diptyque indien, Lang ne tournera plus qu’un seul film, un troisième Mabuse.

Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur) – de Fritz Lang – 1958

Posté : 10 mars, 2013 @ 11:17 dans 1950-1959, LANG Fritz | Pas de commentaires »

Le Tigre du Bengale (Der Tiger von Eschnapur) – de Fritz Lang – 1958 dans 1950-1959 le-tigre-du-bengale

Un architecte allemand est invité par un maharadjah pour construire des hôpitaux. Les deux hommes deviennent amis, mais sont amoureux de la même femme : une danseuse sacrée que le maharadjah, pas aussi sympa qu’il n’en a l’air, enferme dans une cage dorée en attendant qu’elle se décide à l’aimer…

Après vingt-cinq ans d’exil, Fritz Lang retrouve l’Allemagne, et concrétise enfin un projet qu’il avait initié avec Thea Von Harbou près de quarante ans plus tôt : cette histoire qui se déroule dans une Inde encore traditionnelle, c’est le jeune couple qui l’avait écrite vers 1920. Mais Lang n’avait pas encore réalisé Les Trois Lumières ou Docteur Mabuse. Et malgré le succès des Araignées, les studios avaient estimé qu’il n’était pas de taille à se voir confier une telle production, lui préférant le plus chevronné Joe May. Ce sera un gros succès pour ce diptyque sorti en 1921, et une blessure pour Lang.

Forcément, en 1958, il saute sur l’occasion, et semble retrouver une jeunesse éclatante avec ce film d’aventure à l’ancienne qui renoue avec tout ce qui faisait la richesse de l’époque muette de Lang : un esprit feuilletonnant, avec de multiples rebondissements, un sens du rythme et du spectaculaire imparable… C’est bien simple, on a la nette sensation que, tourné par Lang dans les années 20, le film n’aurait pas été très différent. Muet et en noir et blanc, bien sûr, mais filmé de la même manière, avec les mêmes cadres, les mêmes personnages, la même rapidité.

Un retour aux sources qui réussit pleinement à Lang, qui retrouve une vraie jeunesse (alors qu’il ne tournera plus que deux films, dont la suite de celui-ci : Le Tombeau hindou). Mais entre ses débuts et son retour en Europe, le cinéaste est passé par Hollywood, où il ne s’est jamais senti tout à fait chez lui. D’où cette impression étrange, comme si cet architecte allemand qui découvre l’Inde et ses mystères, c’était Lang lui-même face à l’Amérique : d’abord attirante et belle, accueillante et pleine de promesses ; puis les différences de culture se creusent, l’hôte devient un étranger ; les manœuvres et les bassesses enfin… Difficile de ne pas y voir un parallèle…

Passionnant et franchement fascinant, le film ne souffre pas vraiment du manque de charisme de son acteur principal, Paul Hubschmid (qui a fait une petite carrière américaine sous le pseudo de Paul Christian). Faut dire que Debra Paget compense nettement la fadeur de son amoureux de cinéma. Belle à damner, elle est aussi émouvante et d’une intensité rare. Bizarrement, ce sera son dernier grand rôle au cinéma…

La Femme au Gardenia (The Blue Gardenia) – de Fritz Lang – 1953

Posté : 26 février, 2013 @ 2:06 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, LANG Fritz | Pas de commentaires »

La Femme au Gardenia (The Blue Gardenia) – de Fritz Lang – 1953 dans * Films noirs (1935-1959) la-femme-au-gardenia

Lang a mis une nouvelle fois toutes ses obsessions dans ce petit film noir passionnant, qui évoque deux paires de films jumeaux : La Rue Rouge et La Femme au portrait d’un côté, pour la manière dont la personne la plus innocente du monde peut être amenée à commettre un crime ; La Cinquième Victime et L’Invraisemblable Vérité de l’autre, pour le cynisme avec lequel il évoque le monde de la presse américaine… Dans La Femme au Gardenia, le cinéaste semble faire un résumé de tout ce qui est au cœur de tant de ses films.

Celui-ci est clairement divisé en deux parties, à peu près égales. La première concerne le long processus qui conduit au crime : une jeune femme romantique sans problème qui, parce qu’elle a eu une grande déception amoureuse, accepte l’invitation d’un séducteur très entreprenant (Raymond Burr, excellent dans un rôle plus nuancé que ses éternels gros durs)… qui se révèlera trop entreprenant. On imagine la suite : on l’a vue des centaines de fois. En faisant du séducteur un artiste peintre, Lang dresse (volontairement ?) un nouveau pont avec l’œuvre d’Hitchcock : difficile de ne pas penser à la même scène dans Chantage.

La seconde partie est plus cruelle, plus cynique. Le personnage principal devient alors un journaliste (Richard Conte) qui tend la main à la mystérieuse meurtrière, prêt à lui sortir n’importe quel boniment et à la livrer à la police pour s’assurer un gros titre. Pas plus que dans ses deux derniers films américains, qu’il tournera avec Dana Andrews, Lang ne se fait d’illusion sur les grands devoirs de la presse.

Il y a une rupture de ton marquante entre ces deux parties, qui forment pourtant un tout d’une remarquable cohérence. L’évolution du personnage d’Anne Baxter, le cauchemar dans lequel elle se jette presque délibérément avant de s’y débattre désespérément, correspondent exactement avec l’état d’esprit dans lequel nous plonge le film.

Le rebondissement final, sans doute une concession faite au studio, fait cependant perdre de sa force au film. Lang, cette fois, donne l’impression d’avoir eu peur de son sujet, qui méritait sans doute une approche plus extrême. Celle qu’il adoptera dans Beyond a reasonable doubt et While the City sleeps le sera bien davantage. Reste que ce Blue Gardenia est une œuvre noire prenante et intelligente, comme on les aime.

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