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Archive pour la catégorie 'EASTWOOD Clint (réal.)'

Créance de sang (Blood Work) – de Clint Eastwood – 2002

Posté : 13 février, 2013 @ 12:57 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, ACTION US (1980-…), EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Créance de sang (Blood Work) – de Clint Eastwood – 2002 dans * Thrillers US (1980-…) creance-de-sang

Il y a tout juste dix ans, Eastwood offrait à ses fans de la première heure un ultime polar pur et dur. Un beau cadeau qui ne s’apparente pas aux combats de trop d’un Charles Bronson. Depuis le début des années 90, Eastwood prend un malin plaisir à souligner son âge, jouant avec délectation de ses rides et des limites de son corps.

Pour ce retour à un genre qu’il connaît par cœur (les premières images, plans nocturnes d’une grande ville filmée d’hélicoptère, rappellent le début de Dirty Harry et ses suites, et d’autres polars comme La Corde raide), Eastwood trouve le matériau idéal  dans l’excellent roman de Michael Connelly. Le personnage de Terry McCaleb est vieilli d’une trentaine d’années (Clint a 72 ans), mais le film reste globalement fidèle au roman.

Ce qui a attiré l’acteur de Dans la ligne de mire dans cette histoire est évidente : McCaleb est un super flic à la Dirty Harry, mais dont le cœur lâche alors qu’il est sur la piste d’un tueur en série. On le retrouve deux ans plus tard, fraîchement transplanté, et reprendre du service quand il apprend que celle qui lui a donné son cœur a été assassinée.

Eastwood joue avec son âge, son corps abîmé, qu’il exhibe avec pudeur, dans de très belles séquences nocturnes, où sa longue cicatrice semble sortir de la pénombre.

Mais son film est aussi un vrai polar, qui porte clairement la marque d’Eastwood : le rythme, volontiers lent, est à l’opposée de la norme hollywoodienne. Il ne prend par l’enquête policière à la légère, comme il l’avait fait avec Jugé coupable, mais il la mène à son rythme, à l’image de la force tranquille du personnage. S’autorisant même une improbable pause beignets dans une salle d’interrogatoire, l’action et les dialogues s’arrêtant durant de longues secondes. Typiquement eastwoodien.

Créance de sang n’est pas un chef d’œuvre. Le scénario de Brian Helgeland est efficace, mais assez convenu, et les dialogues parfois stéréotypés. Mais ce polar hors du temps est une gourmandise indispensable pour les amoureux du grand Clint : ses adieux à un genre dont il est indissociable.

L’Echange (Changeling) – de Clint Eastwood – 2008

Posté : 6 février, 2013 @ 10:44 dans * Thrillers US (1980-…), 2000-2009, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

L'Echange

Il m’a fallu quatre ans avant d’avoir le courage de revoir ce film, tant il m’avait bouleversé lorsque je l’avais découvert au cinéma. Eh bien même en étant préparé, difficile de ne pas craquer avec ce destin terrible. Pourquoi L’Echange est à ce point passé inaperçu, et ce dès sa sortie, surtout en comparaison avec Gran Torino, sorti quelques mois plus tard ? Ca restera à jamais un mystère pour moi.

Changeling est ’un des plus beaux films d’Eastwood, une œuvre d’une incroyable générosité, où le cinéaste fait cohabiter des tas de thèmes très forts qui auraient pu, chacun d’entre eux, être la base d’un film différent. Un « faits divers » authentique, une histoire de tueur en série, une ville gangrenée par une police corrompue, un asile où on enferme des femmes saines d’esprit pour les faire taire…

Ce pourrait être trop, mais non. De cette histoire (vraie, donc) de Christine Collins, jeune mère célibataire dans le L.A. de 1928, dont le fils disparaît, et à qui la police rend un autre gosse en lui affirmant que c’est le sien, le film fait le symbole d’une époque qui va changer. Christine Collins, mère qui ne demande qu’à retrouver son enfant, devient malgré elle l’incarnation des victimes de cette corruption galopante. C’est évidemment édifiant.

Eastwood, comme dans tous ses grands films, ne force jamais le trait. Difficile de ne pas pleurer, bien sûr, mais le réalisateur n’en rajoute jamais, pas plus dans la manière de filmer ses personnages qu’avec la musique, minimaliste, que Clint signe lui-même.

Et puis il y a la prestation d’Angelina Jolie, sobre et juste, qui aurait largement mérité l’Oscar (qui est finalement revenu à Kate Winslet pour The Reader). Elle est l’âme de ce film magnifique, bouleversante.

Bronco Billy (id.) – de Clint Eastwood – 1980

Posté : 11 décembre, 2012 @ 2:09 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Bronco Billy

“I am who I want to be”

J’ai toujours eu une tendresse particulière pour ce Clint modeste et d’une liberté absolue. Qui sait s’il ne s’agit pas tout simplement du plus personnel de ses films, celui dans lequel il se dévoile avec le plus d’honnêteté. « Je suis celui que je veux être », clame son personnage avec l’air de sortir la plus grande évidence. Bronco Billy est un film peut-être imparfait : visuellement, il y a un côté années 80 très daté, et le jeu des comédiens un rien outrancier peut désarçonner. Mais Eastwood semble jouer de son image de star de l’écran avec une sincérité et une bienveillance qui réchauffent le cœur.

Son personnage, Bronco Billy McCoy, est le patron d’un petit cirque itinérant entièrement dédié à la culture western. Un cirque minuscule : un couple d’Indiens que Billy a sorti de l’alcoolisme, un monsieur loyal… loyal (une très belle année pour Scatman Crothers, qui tourne également Shining), un homme à tout faire râleur mais grand cœur (Bill McKinney, un habitué de l’univers Eastwood), un as du lasso, et Bronco Billy lui-même, tireur d’élite qui galère à trouver une partenaire digne de son numéro. Jusqu’à ce qu’il tombe sur une riche héritière mauvaise comme une teigne, que tout le monde croit morte, assassinée par son mari Geoffrey Lewis (encore un habitué des films de Clint).

La belle héritière, c’est Sondra Locke bien sûr, dans son plus beau rôle eastwoodien : une pétasse des beaux quartiers qui s’encanaille et tombe sous le charme de ce type qui n’a rien d’autre qu’un cœur énorme et un sens de l’amitié et de la loyauté plus fort que tout. Un homme modeste qui trouve son bonheur en divertissant le public et en faisant revivre les grandes heures du Far West… Difficile de ne pas voir en ce Bronco Billy un double un rien excessif de Clint lui-même, vedette qui n’a jamais rien fait d’autre que ce qu’il avait vraiment envie d’être.

Bronco Billy est le fleuron de la veine purement country/Amérique profonde de Clint (tout un pan de sa filmo, de Doux, dur et dingue au pitoyable Pink Cadillac). C’est aussi l’un des hommages les plus vibrants d’Eastwood aux grands maîtres d’Hollywood dont il est à peu près l’unique héritier. Sa troupe improbable s’inscrit dans la lignée des communautés improvisées qui sont au cœur de tous les grands films de John Ford par exemple… Ce n’est pas un hasard si le garagiste du film est interprété par Hank Worden, l’un des grands seconds rôles des films de Ford (celui qui rêve d’un rocking chair dans La Prisonnière du Désert, c’est lui).

La réalisation suivante d’Eastwood approfondira encore cette filiation : ce sera Honkytonk Man, autre histoire basée sur la constitution d’un groupe improbable. L’un de ses chefs-d’œuvre.

Ai-je mentionné que Bronco Billy est aussi l’un des films les plus joyeux et insouciants de Clint ?

Les Pleins pouvoirs (Absolute Power) – de Clint Eastwood – 1997

Posté : 18 septembre, 2012 @ 1:53 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Les pleins pouvoirs

« What a stimulating discussion »

J’ai toujours énormément aimé ce film, peut-être le plus « pictural » de tous les Eastwood (avec Minuit dans le jardin du bien et du mal, tourné peu après). Tourné entre deux films « importants » (avant, c’était Sur la route de Madison) qui lui ont valu les faveurs de la critique, ce polar classique sur le fond fait apparemment figure de parenthèse, voire de retour en arrière dans sa filmographie, au cœur d’une décennie particulièrement faste pour l’acteur-réalisateur. A tort.

Les premières images du film, furtive rencontre de Clint et de sa fille Alison reproduisant les œuvres d’art d’un grand musée, donnent le ton d’un film qui donne constamment la sensation d’être un tableau de maître en mouvement. Il y a dans la mise en scène d’Eastwood, dans son sens du cadre, et dans la lumière (signée Jack Green), une beauté et une élégance rares dans le cinéma américain contemporain, une image au grain d’une belle finesse, et un jeu sur les couleurs plutôt rare dans l’œuvre d’Eastwood, qui se détournera de plus en plus de la couleur après ce très beau film.

Mais Absolute Power reste un vrai film de série, un pur suspense d’une belle efficacité avec une intrigue certes un peu tirée par les cheveux, mais captivante. Eastwood lui-même interprète un cambrioleur de haut vol, qui assiste à un crime qui va lui changer la vie : alors qu’il est en pleine action dans une riche demeure, l’arrivée impromptue de mystérieux visiteurs le pousse à se réfugier dans une chambre forte secrète, dotée d’un miroir sans teint. Il ne perd rien de la scène qui suit : le président des Etats-Unis qui maltraite la jeune épouse de son mentor, cette dernière étant finalement abattue par les garde-corps de l’homme le plus puissant du monde.

Traqué par les services secrets, il sait qu’il doit disparaître, et tente de renouer contact avec sa fille, jouée par Laura Liney. Si Eastwood traite l’intrigue policière avec moins de désinvolture  que dans Jugé coupable, on sent qu’il est bien plus intéressé par les relations entre les personnages : entre le cambrioleur et sa fille ; entre le président (Gene Hackman, dans un décalque du rôle qu’il jouait dans Sens unique) et son bras droit (Judy Davis, inquiétante) ; entre l’un des garde du corps (l’excellent Scott Glenn) et sa conscience…

Ma préférée : la relation entre Eastwood et le flic interprété par Ed Harris. Le plaisir manifeste que les deux hommes ont à se retrouver face à face, dans une poignée de scènes bien plus longues que nécessaires, mais qu’on aimerait voir se prolonger encore plus, est particulièrement communicatif. « Plaisir » : c’est ce qui guide visiblement Eastwood dans ce film chaleureux et généreux. Le réalisateur prend plaisir à enrichir sa palette ; l’acteur prend plaisir à partager ses scènes avec des seconds rôles exceptionnels.

« Quelle discussion excitante ! » s’enthousiasme d’ailleurs Clint après un dialogue avec Ed Harris, ponctué par de grands sourires de l’un et de l’autre. Des sourires que l’on partage, et comment, devant ce film totalement décomplexé d’un cinéaste arrivé à un stade où il peut tout se permettre, et qui choisit de rester un artisan à l’ancienne, d’une époque où la richesse des seconds rôles faisait aussi la valeur d’un film.

La Relève (The Rookie) – de Clint Eastwood – 1990

Posté : 21 août, 2012 @ 6:18 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ACTION US (1980-…), EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Relève

Ça n’intéressera personne, mais La Relève est le premier Eastwood que j’ai vu au cinéma. J’avais 14 ans, j’étais déjà un grand fan, et je me souviens avoir adoré ça. Plus de vingt ans après, le revoir montre bien à quel point la sensibilité de spectateur évolue avec le temps : difficile de reconnaître la touche Eastwood derrière ce polar efficace et explosif, mais dénué d’une quelconque originalité.

Echaudé par les échecs (francs ou relatifs) de ses derniers films, et alors qu’il venait de raccrocher le Smith et Wesson de Calahan à l’issue d’un cinquième volet un peu poussif, Eastwood est à la croisée des chemins. Il a 60 ans, et sait qu’il ne pourra plus longtemps jouer les gros bras. Cette Relève, qui porte bien son nom, sonne ainsi comme un baroud d’honneur pour un acteur populaire qui allait de plus en plus se tourner vers sa casquette de cinéaste, et qui n’allait pas tarder à sortir des cartons le scénario qu’il gardait depuis plus d’une décennie : celui de Impitoyable.

C’est d’ailleurs étonnant de constater qu’Eastwood réalisateur a enchaîné son plus mauvais film et son plus grand chef d’œuvre. Comme si, avant de signer son grand-œuvre (et d’obtenir enfin la récompense de ses pairs), il lui fallait prouver qu’il pouvait encore être dans l’ère du temps. C’est d’ailleurs la dernière fois (la seule, d’ailleurs) que le réalisateur Eastwood se plie à la mode du moment. Dans la lignée de L’Arme fatale et de nombreux autres polars de la fin des années 80, La Relève est en effet un « buddy movie » très classique (un vieux flic irrascible, une jeune recrue trop bien élevée), qui joue sur l’opposition des caractères et sur la surenchère spectaculaire.

Dans le domaine du spectaculaire, il faut reconnaître que le film est très convaincant, dominé par quelques séquences très originales et très impressionnantes, en particulier une course poursuite sur l’autoroute avec un camion transportant des voitures de luxe, et l’hallucinante explosion d’un immeuble dont les deux héros échappent en sautant du cinquième étage à bord d’une décapotable. Même à une époque où on a à peu près tout vu en matière de cascades pyrotechniques, ce moment reste réellement bluffant.

Pour le reste, à part quelques séquences nocturnes où on retrouve vaguement le style Eastwood, le film est très oubliable. Dans les rôles des méchants, Sonia Braga et Raul Julia sont aussi truculents et démodés qu’Alan Rickman dans Piège de Cristal : c’était génial en 1990, c’est à peine supportable aujourd’hui. Charlie Sheen, dans le rôle du « rookie » du titre, n’a pas le quart de la moitié du charisme d’Eastwood, qui lui se contente de recycler ses rôles passés, de Dirty Harry au Tom Highway du Maître de guerre. Pas vraiment glorieux, mais pas honteux non plus.

Pale Rider, le cavalier solitaire (Pale Rider) – de Clint Eastwood – 1985

Posté : 12 août, 2012 @ 6:28 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Pale Rider

Neuf ans après Josey Wales, Clint Eastwood revenait enfin au western avec ce Pale Rider qui passe admirablement bien l’épreuve du temps. Pas par calcul, assurait-il alors, mais par simple envie, comme il a toujours choisi ses projets. Au milieu des années 80, on ne peut pas dire que le western était un genre porteur. D’ailleurs, Eastwood prend le contre-pied des films sortis à cette époque qui tentaient de moderniser le genre (Silverado, Young Guns…). Lui préfère revenir aux sources du genre qui lui a mis le pied à l’étrier.

Plus vraiment sous l’influence de Sergio Leone (comme il l’était clairement pour L’Homme des hautes plaines, son premier western en tant que réalisateur, dont la construction est curieusement semblable à celle de Pale Rider), pas encore tout à fait dans la lignée des grands maîtres classiques comme Ford (il le sera davantage avec Impitoyable), Clint trace son propre sillon : cette patte inimitable qui était la sienne dans les années 80, mélange de ses différentes influences cinématographiques, et surtout musicales.

Même si la musique de ce Pale Rider, pourtant signée Lennie Niehaus, est l’une des moins intéressantes de toute sa filmographie, le ton que Eastwood donne à son film trouve ses racines à la fois dans le jazz et la country, les deux « mamelles » musicales qui nourrissent la plus grande partie de l’œuvre eastwoodienne (jusqu’à ces dernières années en tout cas). Le jazz pour le rythme à la fois libre et entraînant, la country pour l’attachement à la terre, à la famille, et aux racines.

Pale Rider est sans doute celui de ses films qui s’attache le plus à la nature, le plus écolo de ses films qui dénonce (dans un western !) les méfaits de l’industrialisation sur l’environnement. Il utilise pour cela une pratique qui a réellement existé, et qui a effectivement fait polémique vers la fin du 19ème siècle : l’utilisation de la force hydraulique pour extraire l’or de la terre, et qui dévastait totalement les sols.

L’histoire, elle, est à peu près la même que celle de L’Homme des hautes plaines. Eastwood y incarne une nouvelle fois un mystérieux étranger qui semble revenir de l’au-delà pour aider une communauté menacée. Eastwood joue à fond la carte de l’ambiguïté, plus encore que dans son premier western. Le Preacher qui arrive, comme une réponse à la prière d’une jeune fille belle comme un ange, est-il lui-même un ange exterminateur ? Ou un simple pistollero qui trouvera sa revanche ? Libre au spectateur de choisir sa propre interprétation, Clint ne tranchera jamais…

Qu’importe, ou plutôt tant mieux : cette ambiguïté contribue à la réussite d’un film hors des modes et donc intemporel. Eastwood cinéaste n’y est sans doute pas aussi sensible et personnel que dans le sublime Honkytonk Man, mais le plaisir est immense.

J. Edgar (id.) – de Clint Eastwood – 2011

Posté : 20 janvier, 2012 @ 6:56 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

J Edgar

De film en film, Eastwood trace son chemin avec une force tranquille et une cohérence qui forcent le respect. Depuis quelques films déjà (depuis sa « mort » dans Gran Torino, disons), on sent bien que les dernières velléités qu’il avait à donner au public ce qu’il attendait avaient totalement disparu. Son cinéma n’en est que plus passionnant, attachant, et unique dans le paysage actuel. Loin de toutes les modes, Eastwood fait le cinéma qu’il veut. Ni plus, ni moins. Et il le fait avec un classicisme qui frôle parfois l’académisme, mais qui ressuscite au final l’esprit des grands maîtres qui ont raccroché quand lui faisait de pénibles débuts devant la caméra, au milieu des années 50.

Avec J. Edgar, fresque colossale et pourtant intimiste, Eastwood renoue d’ailleurs une nouvelle fois avec une époque qui lui est chère. Car même si le film raconte l’histoire du FBI et de son créateur de 1919 à 1972, l’une des périodes charnières est bien l’Amérique de la Grande Dépression : ces années 30 qui lui avaient déjà inspiré deux de ses plus beaux films, Honkytonk Man et L’Echange (son film récent le plus sous-estimé). Une décennie qui fut celle de son enfance (il est né en 1930), mais aussi celle d’un cinéma qui continue à le nourrir, en particulier à travers James Cagney, acteur dont le parcours au cours de ces années d’avant-guerre illustre bien le chemin parcouru par Hoover.

Le parallèle est joliment montré dans le film : Hoover a définitivement réussi à imposer « son » FBI lorsque Cagney incarne enfin l’un de ces « G-Men » (les hommes du gouvernement), et non plus l’un de ces gangsters qui ont fait sa gloire. Bref : quand le peuple américain considère que les héros sont les agents du FBI, et plus les gangsters romantiques comme Dillinger, qui fut l’une des premières « proies » du « bureau ». Mine de rien, cette place donnée au cinéma dans le film d’Eastwood n’est pas anodine : elle illustre bien l’une des obsessions de Hoover, qui était son combat du bien contre le mal.

Le Bien étant la sécurité et la survie de l’Amérique, il lui fallait un Mal à la hauteur : les attentats « bolcheviks » de 1919 (un épisode méconnu de l’histoire américaine du XXème siècle, qu’Eastwood utilise avec intelligence) offrent au jeune Hoover à la fois un ennemi tangible, une mission quasi-sacrée, et un point de départ inespéré pour le projet d’agence gouvernementale dont il deviendra le père et l’âme maudite durant un demi-siècle. Ce Mal qu’il n’aura de cesse de retrouver au fil des décennies et des bouleversements politiques, sous les traits du « communiste », cette menace directe face à laquelle le crime organisé n’a que peu d’importance.

Sans jamais en rajouter, et avec une reconstitution historique d’un réalisme incroyable, c’est cette obsession d’une vie qu’Eastwood raconte dans cette biographie qui dépasse largement le cadre souvent réducteur et gonflant du biopic. J. Edgar est le portrait d’un homme habité et malade, passionné et manipulateur, ambitieux et complexé. Il offre aussi une vision éclairée et passionnante de la naissance du FBI, et à travers elle de la partie la plus controversée de l’histoire américaine, faite de mensonges, d’assassinats, de coups-bas et d’écoutes illégales.

Il vaut mieux avoir quelques connaissances de base de cette période pour bien apprécier le film : les allers-retours continuels entre les différentes époques ne facilitent pas vraiment les choses. Mais Eastwood choisit de mettre en avant quelques épisodes particulièrement fondateurs, comme l’enlèvement tragique du petit Lindbergh, ou le comportement « inapproprié » de Mme Roosevelt, qui illustrent efficacement les grandes étapes du FBI et de son patron historique.

Cette construction complexe, sous forme de puzzle, est l’un des aspects les plus réussis du film : mieux qu’avec un film chronologique, la complexité de Hoover s’enrichit de ces époques qui se répondent, dressant le portrait d’un homme qui, toute sa vie, a répondu aux mêmes obsessions. Eastwood présente un homme qui fut sans doute le plus puissant du monde, mais qui pourtant vivait la plus rangée et la plus monotone des vies, mangeant toujours au même endroit, avec la même personne, aimant séduire mais terrorisée par les femmes ou le sexe, et n’étant entouré que d’une poignée de personnes avec lesquelles il entretenait des rapports pour le moins ambigus.
Sa relation homosexuelle mais visiblement platonique avec son bras droit Clyde Tolson (joué par un Arnie Hammer tout en séduction trouble) ; celle avec une mère castratrice (Judi Dench) ; celle encore avec sa fidèle secrétaire (Naomi Watts) qu’il aurait pu épouser… La vie privée de ce « grand homme corrompu », selon Eastwood en tout cas, ne dépasse jamais le cadre de ce triangle qui tourne exclusivement autour de sa mission, son FBI.

Très inspiré, Eastwood signe son meilleur film depuis longtemps. Encore fallait-il trouver un interprète à la hauteur du rôle, monstrueux. Di Caprio, qui décidément ne cesse de gagner en épaisseur, est totalement à la hauteur de l’enjeu. Immense, sans jamais cabotiner, il se glisse dans la peau de Hoover sans le singer, et son interprétation est d’une force assez hallucinante. Plus encore que sous la direction de Scorsese (notamment pour Aviator, où il interprétait un Howard Hughes déjà très obsessionnels), l’ex-jeune premier de Titanic prouve qu’il est devenu l’un des très grands acteurs d’aujourd’hui.

Jugé coupable (True Crime) – de Clint Eastwood – 1999

Posté : 23 octobre, 2011 @ 5:44 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Jugé coupable

Un film qui commence avec un médecin qui examine un condamné à mort sur le point d’être exécuté en lui lançant  « Vous avez une santé de fer ! » ne peut pas être un film comme les autres. Et effectivement. Si Jugé coupable est un film mineur dans la filmo de Clint réalisateur, c’est aussi, sans doute, le plus étonnant et le plus déroutant. Eastwood semble en profiter pour dire : « bon, maintenant j’ai 69 ans, je n’ai plus rien à prouver et je vais faire exactement ce que je veux. Tant pis si ça ne vous plaît pas… »

Et tant pis si le suspense repose sur une intrigue totalement incroyable, qui permet au journaliste Steve Everett de résoudre une enquête en douze heures montre en main, alors que tout le monde s’y était cassé les dents depuis six ans. Mais attention, pas douze heures à temps plein : durant cette demi-journée, Steve a le temps de se fâcher avec sa femme, de se faire virer par son patron, de coucher avec la femme de son rédacteur en chef, de se saoûler… et même d’emmener sa fille (jouée par la propre fillette d’Eastwood) visiter le zoo, dans une scène aussi inattendue qu’irrésistible de « rapido-zoo »…

Quel homme, quand même… Evidemment, l’histoire est idiote, et l’incroyable rebondissement qui permet à Clint de sauver in fine le condamné à mort au tout dernier moment (suspense oblige) est totalement incroyable. Mais justement, on s’en fout. Les moments en creux ont toujours été la grande force des films d’Eastwood (et cette tendance ne fera que croître dans les films à venir). Alors cette fois, le cinéaste a décidé d’aller au bout de cette logique, et de se désintéresser totalement de tout ce qui n’est pas « en creux », évacuant l’intrigue à proprement parler par des rebondissements énormes.

Non pas, d’ailleurs, que le suspense ne fonctionne pas. Mais c’est dans tous les à-côtés qu’on prend un plaisir presque enfantin à voir ce film. La scène du zoo, donc, la plus drôle de l’histoire du cinéma ; les derniers soubresauts d’un Clint dragueur qui réalise trop tard qu’il n’est plus le séducteur qu’il était ; l’humanité troublante et touchante d’un directeur de prison trop confronté à la mort (Bernard Hill) ; les gardiens mobilisés pour retrouver le crayon vert d’une fillette ; ou surtout ces trop rares tête-à-tête entre Clint et James Woods, patron de journal au langage pour le moins fleuri, et qui relèvent du pur plaisir de comédie (aussi réjouissante que la rencontre entre Clint Eastwood et Ed Harris dans Les Pleins Pouvoirs).

C’est aussi, presque accessoirement, un film mititant contre la peine de mort (mais ce n’est ni le premier, ni le plus efficace), et un film qui s’inscrit nettement dans la mythologie eastwoodienne : la dernière image, belle et mélancolique, renvoie à l’image du cavalier solitaire campé par Clint dans tant d’autres films du passé…

Mémoires de nos pères (Flags of our fathers) – de Clint Eastwood – 2006

Posté : 8 juin, 2011 @ 9:42 dans 2000-2009, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Mémoires de nos pères

Il y a quelque chose de profondément fordien dans ce film qui démystifie un pan de l’histoire de l’Amérique. La bataille d’Iwo Jima a déjà inspiré plusieurs films, mais Eastwood prend le contre-pied absolu de tout ce qu’on a pu voir jusqu’à présent dans le cinéma de guerre ; et aussi de ce que l’implication de Steven Spielberg (producteur) pouvait laisser attendre : Mémoires de nos pères, passée la séquence de débarquement des Américains sur l’île japonaise, n’a strictement rien à voir avec Il faut sauver le soldat Ryan.

C’est, à ma connaissance, le seul film qui décortique… une photo. Le point de départ de Mémoires de nos pères, c’est cette fameuse photographie de Joe Rosenthal montrant six soldats hissant le drapeau américain au sommet du Mont Suribachi, sur l’île d’Iwo Jima. A une époque (1945) où l’opinion publique américaine en a assez de la guerre, mais où l’armée a besoin d’argent pour se battre dans le Pacifique, cette image a largement contribué à galvaniser les foules, et à réveiller la fibre patriotique des Américains.

Dès les toutes premières images, Eastwood nous montre que rien n’est aussi simple que l’on peut l’imaginer. Loin de l’héroïsme que laisse deviner cette photo, le film s’ouvre sur le visage terrifié d’un soldat (Ryan Philipps, dans le rôle de John Bradley, dont le fils co-écrira le livre dont s’inspire le film) errant dans un paysage désertique, presque lunaire. Une image de fin du monde qui donne parfaitement le ton : le principal ennemi de ces jeunes soldats, ce sont leurs propres démons intérieurs, et pas les Japonais qu’on ne fera qu’apercevoir. Autant pour les héros, et pour le combat du bien contre le mal…

Dans sa construction, Mémoires de nos pères est le plus complexe des films d’Eastwood. Le plus brillant aussi, même si ce voyage incessant entre différents temps (la veille du débarquement, les premiers jours sur l’île, la tournée triomphale aux Etats-Unis, les semaines de bataille, les années d’après-guerre, « l’enquête » du fils de Bradley…) n’a rien d’artificiel. Le scénario, signé Paul Haggis et William Broyles, est exceptionnel, et jamais on ne perd le fil de l’action, ni la psychologie des personnages, qui est ce qui intéresse avant tout Eastwood.

Le film raconte tous les événements qui entourent cette photo. On apprend ainsi que, contrairement à ce qu’imagine l’opinion publique, ce drapeau hissé ne symbolise pas la victoire : la photo a été prise au cinquième jour d’une bataille qui allait durer trois semaines de plus, au cours desquelles la moitié des soldats de la photo vont trouver la mort. On apprend aussi que la photo a été prise alors qu’un second drapeau était posé : le premier avait également été photographié, mais le cliché qui en a été tiré n’a pas eu le même pouvoir évocateur.

Le film n’évite pas les scènes de bataille, même si les détails les plus sanglants restent hors-champs. Eastwood filme l’horreur des combats dans les yeux de ses personnages, et en particulier de l’Amérindien Ira Hayes, dont on assiste à la destruction intérieure, alors qu’il voit ses camarades tomber à ses côtés. C’est le personnage le plus bouleversant du film, parce qu’on comprend très vite que, même s’il survit physiquement à cette bataille, son esprit est bel et bien mort sur l’île…

Pas plus que ses deux « complices », survivants de la photo, Hayes n’est pas un « héros » tel que le cinéma et l’opinion l’entendent. « Je me suis contenté d’essayer de survivre », explique-t-il dans un cri désespéré. Et la manière dont il est considéré comme un héros, et utilisé comme tel par l’armée lors d’une tournée américaine pour inciter la population à acheter des « liberty bonds », le mène au dégoût. Non pas de l’armée, mais de lui-même. Ce dégoût le mène au fond de la bouteille, et au plus bas de l’humanité… Adam Beach (qui avait été le héros de Windtalkers de John Woo) est formidable dans le rôle.Clint Eastwood, lui, signe tout simplement l’un de ses plus grands films. Sans jamais quitter le point de vue américain (excepté dans de cours plans lors du débarquement), il filme un film sobre et étourdissant, simple et dense, dur et inoubliable. Un film qu’Eastwood « complètera » quelques mois plus tard avec Lettres d’Iwo Jima, qui adoptera cette fois le point de vue japonais. Un film tout aussi fort, mais radicalement différent.

Au-delà (Hereafter) – de Clint Eastwood- 2010

Posté : 20 janvier, 2011 @ 11:15 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.), FANTASTIQUE/SF | 1 commentaire »

Au-delà

Clint Eastwood n’est pas seulement le plus grand cinéaste vivant. C’est aussi le plus délicat. Il le prouve encore avec ce film qui, sur le papier, faisait un peu peur. Depuis vingt ans, je n’ai pas raté un Clint au cinéma (le premier, c’était La Relève), attendant systématiquement le prochain avec une impatience et un enthousiasme qui ne se démentent pas. C’est d’ailleurs encore le cas avec le futur biopic sur Hoover, dont il doit commencer le tournage dans quelques jours. Mais là, pour la première fois, l’enthousiasme se faisait plus discret. L’histoire croisée de trois personnages qui se retrouvent autour de la mort (une Française qui côtoie la mort lors du tsunami, un Américain qui communique avec les morts, un enfant anglais qui perd son frère jumeau) ? Mouais, bof… C’est bien parce que c’est Clint…

Eh bien encore une fois, il remporte le morceau. Du mélo larmoyant qu’on nous promettait, Eastwood tire un film apaisé, dépassionné même, et anti-spectaculaire (passée la séquence époustouflante du tsunami, filmée exclusivement du point de vue de Marie, le personnage incarné par Cécile de France). Malgré le thème, c’est même le film le plus optimiste qu’il ait fait depuis dix ans. Le thème, justement, est hyper gonflé : il n’est pas vraiment question de deuil, ou de l’approche de la mort, mais du rapport que l’on entretient avec la mort qui nous guette tous.

Qu’y a-t-il après ? Faut-il en avoir peur ? A la première question, Clint Eastwood ne répond pas, bien sûr. Mais à la seconde, il dit clairement : « non », condition sine qua non pour réussir sa vie, et trouver enfin sa vraie place dans le monde des vivants. Et pour ça, une seule méthode : être en paix avec soi-même. Clint l’est visiblement. Et la manière qu’il a de montrer les choses sans les appuyer, de filmer les drames sans en rajouter, en est la démonstration évidente. Eastwood est le dernier des grands réalisateurs classiques ; c’est aussi, peut-être, le plus serein de tous.

Il manque peut-être un peu de passion, justement, à Hereafter. Mais il y a derrière cette triple-histoire une sincérité absolue, comme on sent que l’hommage, appuyé, à Dickens est totalement sincère : cet auteur que vénère George, et dont ce gosse anglais semble être un personnage transposé dans le XXIème siècle (on se souvient d’ailleurs que Eastwood a eu un temps le projet de porter à l’écran la vie de Dickens, qu’il aurait lui-même interprété). Il y a aussi dans le film un premier degré rafraîchissant : le « don » du médium George (Matt Damon), qui communique avec les morts, est montré comme une chose presque naturelle, même si le personnage vit ça comme une malédiction, et pas comme un don.

Quelques petites fautes de goût, aussi, si on veut être tatillon : la manière un peu appuyée de montrer comment Marie, journaliste réputée (de France Télévision) est rejetée de tous parce qu’elle parle de son expérience de mort imminente, est parfois lourdingue (elle comprend qu’elle a été remplacée lorsque les affiches sur lesquelles sont visage figurait dans Paris sont remplacées par d’autres). L’utilisation des attentats de Londres, comme un ressort dramatique à peine effleuré, est aussi un peu discutable.

Ces (petites) réserves mises à part, Hereafter est une belle réussite, que l’immense majorité des réalisateurs auraient transformé en piteuse mièvrerie. Pas Clint Eastwood, grâce en partie à des détails minuscules et parfaitement eastwoodiens, qui parsèment le film. Cécile de France filmée en gros plan dans l’obscurité d’un restaurant. Matt Damon buvant une bière dans la solitude de son appartement. Un accord de guitare qui résonne doucement. Il n’en faut pas plus à Clint pour faire naître l’émotion, poser sa touche, et faire vivre son univers.

Un univers qui, malgré la multiplicité des sujets qu’il aborde film après film, nous est si familier. C’est sans doute ça, la marque d’un véritable auteur…

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