Play it again, Sam

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Archive pour la catégorie 'EASTWOOD Clint (réal.)'

La Mule (The Mule) – de Clint Eastwood – 2018

Posté : 9 février, 2019 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Mule

Il aura donc attendu dix ans avant de revenir devant sa propre caméra, pour ce qui restera sans doute un ultime baroud d’honneur ? Allez savoir… Dix ans durant lesquels Eastwood aura enchaîné les films, parfois pour le meilleur, parfois moins, à l’image de ses derniers films : Sully dans la première catégorie, Le 15h17 pour Paris dans la seconde. Dix ans aussi durant lesquels ses plus grands admirateurs espéraient qu’il renonce à son renoncement d’acteur.

Eastwood cinéaste, c’est (presque) toujours l’assurance d’un film intéressant (au minimum). Eastwood cinéaste ET acteur, eh bien c’est un genre en soit, tant il a su, et depuis longtemps, filmer son propre vieillissement de la manière la plus fascinante qui soit. De Honkytonk Man à Gran Torino en passant par Impitoyable, Les Pleins Pouvoirs, Space Cowboys ou Million Dollar Baby, Eastwood prend un malin plaisir à mettre en scène sa décrépitude, lui qui affiche pourtant, à 88 ans, une santé et une forme hallucinantes.

C’est une nouvelle fois le cœur de La Mule, beau film qui ne vaut sans doute que parce qu’il est eastwoodien. Bradley Cooper, qu’il retrouve après American Sniper, raconte amusé comment Clint s’est inspiré de son grand-père pour « jouer les vieux » de manière crédible, adoptant une démarche hésitante et grognant ses dialogues comme s’il avait du mal à articuler. Il n’y a sans doute que lui pour (à 88 ans, je le rappelle une dernière fois) décider de se vieillir comme ça…

Le résultat : un plaisir évident de renouer avec la comédie (notamment lors de l’une de ces pauses qu’il a toujours aimé glisser dans ses films, ou son personnage rencontre le flic qui le traque), une manière toute en gourmandise d’incarner ce type jouisseur qui ne pense qu’à profiter de la vie telle qu’elle se présente, s’amusant du politiquement correct lorsqu’il vient en aide à des « nègres » dont il rit sans arrière pensée lorsqu’ils lui font remarquer qu’ils sont juste « des personnes ». Un type qui n’a plus l’âge de parler avec des filtres (« mais je ne me souviens pas avoir jamais eu de filtre », précise-t-il), et dont la liberté a quelque chose de beau et émouvant.

Comme un paradis perdu, même : sa manière de parler aux « nègres », ou aux « lesbiennes à motos », marque moins pour la rudesse très impolitiquement correcte pour le coup, que pour son naturel absolu, au-delà de toute ébauche de jugement moral. Ça n’a l’air de rien, mais c’est presque révolutionnaire aujourd’hui, cette liberté de ton du type qui ne se demande pas si ses propos ne vont pas être mal compris. Peut-être est-ce l’âge, ou le sourire désarmant, mais il peut tout dire, l’empathie transparaît constamment.

Plein de grands moments d’une légèreté étonnante, La Mule n’est pas une comédie pour autant. Inspiré d’une histoire vraie, celle d’un nonagénaire qui est devenu le principal transporteur de drogue d’un cartel mexicain, le film permet aussi à Clint Eastwood de livrer une interprétation toute en nuances, et sans doute très personnelle. Car cet homme jouisseur réalise à l’aube de sa vie qu’il a sacrifié l’essentiel à son travail (il est horticulteur, passionné par les fleurs qui ne s’épanouissent qu’une journée, tout un symbole) : sa famille.

Confier le rôle de sa fille à sa propre fille, Alison, renforce le sentiment que Clint Eastwood se livre dans ce film, comme rarement auparavant. Se serait-il reconnu dans ce personnage d’Earl Stone, séducteur impénitent, homme à femmes, qui a passé plus de temps avec ses fleurs qu’avec ses proches ? Eastwood est en tout cas presque de chaque scène, et son film sonne à la fois comme un retour aux sources et comme une belle méditation sur l’importance de réussir la fin de sa vie.

La fin de son film est en cela particulièrement belle. En paix avec lui-même, ayant réglé ses comptes avec son passé, retrouvant l’essentiel, et prêt à profiter du présent en regardant un peu vers l’avenir. « Il n’y a qu’à 99 ans qu’on veut être centenaire. »

Le 15h17 pour Paris (The 15:17 to Paris) – de Clint Eastwood – 2018

Posté : 8 février, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Le 15h17 pour Paris

Après Sully, Clint Eastwood ne pouvait pas passer à côté de cette histoire, taillée pour lui : trois Américains en vacances qui déjouent un attentat au péril de leur vie. Cet épisode est évidemment authentique : en 2015, le fameux attentat déjoué du Thalys, qui aurait pu faire des dizaines de morts sans l’intervention d’une poignée de personnes, dont ces trois Américains.

Spencer Stone, Alex Skalatos, Anthony Sadler : trois héros de circonstance, à qui Eastwood a offert d’incarner leurs propres rôles dans ce film tout à leur gloire. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls : Chris Norman (le quatrième homme décoré de la Légion d’Honneur par François Hollande), Mark Moogalin (autre héros, grièvement blessé lui) et sa femme apparaissent eux aussi dans leurs propres rôles.

Clint Eastwood signe avant tout un hommage vibrant à ces héros américains modernes, thème central de son cinéma depuis quelques années, d’American Sniper à Sully. Rien d’étonnant à ce qu’il s’y intéresse donc, d’autant qu’il avait l’occasion de signer quasiment un film jumeau de Sully : dans les deux cas, l’acte héroïque qui a permis de sauver toutes ces vies n’a durée qu’une poignée de minutes, tout au plus.

Dans Sully, il y avait des tas d’enjeux soulevés par cet acte héroïque (un pilote de ligne qui pose son avion sur la rivière Hudson à New York pour éviter le crash), qui permettaient à Clint de signer un film riche et dense, l’une de ses grandes réussites récentes.

Ici, il y a l’acte lui-même, authentiquement héroïque. Ces trois-là méritent tous les honneurs qu’ils ont reçus, aucun doute. Des héros, donc. Mais une fois qu’on a dit ça, une fois qu’on a montré l’acte en question, eh bien on a à peu près tout dit et tout montré. Et tout le reste… ben ce n’est pas grand-chose.

Clint nous raconte donc l’histoire de ces trois amis, leur rencontre, leur enfance gentiment turbulente (avec au passage une pure séquence de vieux con, celle des deux mamans avec l’institutrice alarmiste, sommet de populisme dégoulinant), l’engagement de Spencer et Alek dans l’armée, où il ne se passe rien (au point de mettre en scène, comme s’il s’agissait d’une bataille sanglante, une séquence dont l’enjeu est un sac à dos oublié dans un village… Euh, les gars, vous savez que ça coûte de l’argent de faire un film ?), et le périple des trois amis en Europe, qui va les conduire dans le fameux train pour Paris.

Comme Clint, au fond, n’a pas grand-chose à raconter avant les cinq minutes cruciales (montre en main), il faut bien remplir les 85 autres minutes du film. Alors il ne nous épargne rien de ces vacances en Europe, de leurs selfies à Rome ou à Venise, de leur gueule de bois à Amsterdam. Rien.

Quant à la scène finale de la remise de médailles à l’Elysée, mélange d’images d’archives et de reconstitution (avec Patrick Braoudé qui donne son dos à Hollande), elle se contente d’enfoncer le clou assez maladroitement : Le 15h17 pour Paris est, techniquement, un film impeccable. Mais c’est un film qui n’a rien d’autre à dire que : ces Américains sont des héros. Certes.

Un frisson dans la nuit (Play « Misty » for me) – de Clint Eastwood – 1971

Posté : 2 février, 2019 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Un frisson dans la nuit

1971 est une très grande année pour Clint Eastwood : Les Proies en fait un acteur enfin reconnu, L’Inspecteur Harry la plus grande star du moment… et Un frisson dans la nuit un cinéaste d’emblée passionnant. Premier film derrière la caméra, donc, pour le grand Clint, qui pour l’occasion se fait chaperonner par le réalisateur de ses deux autres films de l’année, Don Siegel : en lui offrant le petit rôle du barman, Clint se permettait de l’avoir sous la main « au cas où ».

Une assurance dont il aurait sans doute pu se passer, mais qui donne lieu à une scène réjouissante : celle de la rencontre entre l’animateur radio que joue Clint et son inquiétante admiratrice (Jessica Walter) autour d’un curieux jeu de bouchon proposé par le barman Siegel. La scène la plus souriante de ce film par ailleurs plutôt amer quand il n’est pas franchement angoissant.

Le talent d’Eastwood-cinéaste est en tout cas déjà bien là, avec une sensibilité à fleur de peau qui annonce déjà le très beau et très méconnu Breezy, mais qui n’évite pas totalement les clichés : Eastwood choisit d’opposer un plan cul facile qui tourne au drame à une histoire d’amour tendre et sincère, en filmant le premier en milieu urbain, et la seconde dans une nature paisible de bord de mer, avec l’incontournable scène du couple qui s’enlace sur la plage.

Ville ou nature, Eastwood connaît bien ses décors : ce sont ceux de Carmel et de ses environs, la ville où il vit depuis des décennies et dont il a été le maire éphémère dans les années 80. Encore une manière de se rassurer, sans doute, pour sa première réalisation. Et cette familiarité manifeste lui offre une totale liberté, celle de se laisser aller à des déambulations totalement inhabituelles dans le cinéma de genre de l’époque (ou plus récent d’ailleurs), loin aussi du style de Siegel.

Cette liberté, et cette volonté d’offrir des respirations à son histoire, trouvent leur apogée lors d’une longue séquence filmée au cœur du festival de jazz de Monterey (près de Carmel), interlude totalement inutile, sans doute filmée largement en caméras cachées, qui contribue à donner un ton très particulier au film.

Une belle réussite, pour ce coup d’envoi, avec une maîtrise formelle déjà bien affirmée, et un goût prononcé pour les images sombres, qui contrastent ici très durement avec d’autres scènes littéralement baignées de lumière. Entre l’ombre et la lumière, Eastwood propose un voyage passionnant et terrifiant. Un vrai cinéaste est né…

American Sniper (id.) – de Clint Eastwood – 2014

Posté : 20 janvier, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

American Sniper

A l’exception très notable de Sully, on ne peut pas dire que les derniers Clint Eastwood m’aient franchement emballé. Depuis que le grand Clint a pris sa quasi-retraite d’acteur (retraite dont il sort d’ailleurs dans quelques jours avec La Mule… Chouette !), et surtout depuis qu’il ne s’intéresse plus qu’aux « héros » de l’Amérique contemporaine, son cinéma a une petite tendance à la froideur qui me laisse quelque peu de marbre.

Je ne pouvais quand même pas décemment passer indéfiniment à côté de ce American Sniper, adaptation de l’autobiographie de Chris Kyle, tireur d’élite devenu un mythe pour avoir dessouder à lui seul 160 types (ou femmes, ou enfants) durant la guerre d’Irak, et mort quelques mois seulement avant le début du tournage. Un film qui a valu à Clint son plus gros succès populaire (à 84 ans !), et une polémique tenace autour d’une pseudo glorification patriotique de l’acte de tuer.

Patriotique, American Sniper ? Dans sa toute dernière partie, sans le moindre doute. Mais la conclusion hagiographique n’enlève rien au fait qu’avant ces quelques ultimes minutes, il y a plus de deux heures d’un portrait pas si glorieux que ça d’un Américain moyen confronté à la guerre. Un Américain profond même, bouseux du Texas un peu bas du front que Clint filme avec sa frontalité habituelle : pas question pour lui d’encenser ni de dénoncer, il montre simplement un homme dans sa complexité.

On pourrait penser aussi que le personnage de l’épouse de Chris Kyle est sacrifié, elle qui doit se contenter de jouer celle qui voit son homme se renfermer sur lui-même et sur ses fantômes, sans pouvoir toujours comprendre ce qu’il ressent. Mais ce personnage, joué par Sienna Miller, est le parfait alter ego du spectateur, jamais vraiment invité à pénétrer dans le subconscient de Kyle.

Eastwood ne rend pas son « héros » aimable, il n’en fait pas un chevalier blanc (ou noir) uniquement dédié à la défense de son pays. Sans doute l’est-il en partie, mais libre aussi au spectateur de penser que ce cow-boy texan est parti à la recherche d’un sens à sa vie, et qu’il est devenu accro à l’adrénaline, à la peur, et à la mort. Au risque de se perdre en chemin.

Le choix de Bradley Cooper pouvait faire peur : l’acteur n’est pas franchement le plus enthousiasmant de sa génération. Pourtant, il est remarquable dans ce rôle ingrat pour lequel il se transforme physiquement de manière spectaculaire. Est-ce vraiment un compliment ? En tout cas il est absolument parfait pour jouer les bœufs.

Le film est peut-être un rien trop long. L’enchaînement des « accrochages » et des fusillades a un côté un peu catalogue qui n’était sans doute pas indispensable, d’autant plus que Clint Eastwood n’est pas taillé pour le registre d’une Kathryn Bigelow (celle de Démineurs ou de Zero Dark Thirty). Cela dit, ces séquences de bravoure révèlent un talent qui était loin d’être évident chez Eastwood jusqu’à présent : un sens du cadre et une intelligence de l’action qui renvoient un Ridley Scott aux oubliettes.

Surtout, Eastwood passe avec un vrai bonheur de l’action la plus immersive aux scènes intimistes. Son film parle de la guerre, certes. Mais il parle surtout de cet homme à la dérive et de son couple. Là, on retrouve l’extrême sensibilités du cinéaste, sa manière toute personnelle de coller à ses personnages et de placer quelques petites notes de musique toutes délicates. Voilà une réussite du grand Clint que je n’attendais pas…

Jersey Boys (id.) – de Clint Eastwood – 2014

Posté : 27 mars, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Jersey Boys

Eastwood, qui ne s’intéresse plus qu’à des histoires vraies depuis dix ans (même Au-delà était inspiré des grandes tragédies récentes), raconte l’histoire d’un groupe qui a cartonné dans les années 50 et 60 : les Four Seasons, et son chanteur vedette Frankie Valli, auteurs de quelques tubes restés célèbres.

Le destin de ces jeunes gens du New Jersey était-il assez extraordinaire pour en faire un film ? Sans doute : la proximité de ses membres avec des parrains locaux, les petits délits qu’ils commettent dans leur jeunesse, ou les querelles d’ego au sein du groupe… Il y a là largement de quoi tirer plusieurs films. L’ami Clint aborde tout ça avec cette modestie et cette simplicité qui le caractérisent dans ses biopics.

On est donc plus du côté de J. Edgar que de Honkytonk Man ou Bird. D’ailleurs, si ces deux films « musicaux » de Clint lui permettaient de rendre hommage aux musiciens qu’il admire, on peut soupçonner que ce n’est pas le cas ici : la musique pop et sirupeuse des Four Seasons est a priori très loin de l’univers eastwoodien.

Alors quoi ? Le biopic n’est-il qu’un prétexte pour faire renaître cette époque, celle de sa jeunesse et de ses premiers pas devant la caméra ? Non content de placer un personnage devant la télévision qui diffuse Le Gouffre aux chimères, Eastwood, grand admirateur revendiqué de Wilder, glisse aussi un extrait de Rawhide, la série qui l’a révélé en tant qu’acteur.

Il manque tout de même un peu de folie à ce film. Quelques scènes sont particulièrement réussies : la répétition dans l’église, toutes les apparitions d’un Christopher Walken rigolard… Mais il manque ce petit grain de folie pour provoquer autre chose qu’un simple petit plaisir confortable. Et puis les répliques face caméra, un peu maladroites, poussent à une comparaison peu flatteuse avec un film comme Les Affranchis.

Finalement, c’est sur la séquence du générique final que le film révèle ce qu’il aurait pu être : là, sur les ultimes images, Clint Eastwood choisit réellement l’imagerie de la comédie musicale, avec un beau sens du rythme. On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu être le film sur ce mode.

Sully (id.) – de Clint Eastwood – 2016

Posté : 29 janvier, 2017 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Sully

Voilà bien longtemps que je n’avais pas été à ce point emballé par un nouveau Eastwood. Depuis L’Echange et Gran Torino en fait. Avec Sully, le cinéaste poursuit pourtant une logique qu’il n’a quasiment plus quitter depuis dix ans : désormais, seules les histoires vraies semblent l’inspirer. Avec des limites évidentes : dans des films comme Invictus ou J.Edgar, le sujet domine trop souvent le style, et l’émotion en fait les frais.

Ce n’est pas du tout le cas dans Sully, pourtant adapté d’une histoire très récente : l’amerrissage forcé et réussi d’un avion de ligne sur la rivière Hudson, en 2009. Un sujet qui fait curieusement échos à un épisode de la propre jeunesse d’Eastwood lorsque l’avion militaire dans lequel il se trouvait avait dû amerrir, sans faire de victime non plus, un incident qui s’est déroulé durant son service militaire au début des années 50, que Richard Shieckel raconte dans sa biographie consacrée à son ami Clint).

Le vol de Sully lui-même n’a duré qu’une poignée de minutes. Mais tout le film s’articule autour de ces minutes exceptionnellement denses que Sully et son copilote (Aaron Eckhart, parfait) ne cessent de revivre dans les jours qui suivent, que ce soit dans leurs cauchemars, les questions des journalistes, où l’enquête à laquelle ils sont soumis par des spécialistes qui les soupçonnent d’avoir pris les mauvaises décisions, qui ont conduit à la perte d’un avion (c’est cher, un avion!)

Plus que l’acte héroïque du pilote (Sully, magnifiquement interprété par Tom Hanks), c’est ce qu’il représente dans cette Amérique encore traumatisée par le 11 septembre qui est au cœur du film. La scène inaugurale le confirme, avec cette vision cauchemardesque de l’avion qui vole entre les gratte-ciels de New York avant de s’écraser sur l’un d’eux. C’est un aspect qu’Eastwood illustre parfaitement, sans en rajouter : cet avion qui survole l’Hudson au niveau des gratte-ciels fait forcément écho à la tragédie du World Trade Center.

Mais l’issue est bien sûr radicalement différente. Tout le monde a survécu à cet amerrissage, devenu « le miracle de l’Hudson , et faisant de Sully le héros dont l’Amérique avait besoin. Un statut que le personnage joué par Tom Hanks a bien du mal à endosser, et qu’il partage avec son copilote, ses passagers (au comportement exemplaire), les secouristes (arrivés sur place en un temps record et qui leur ont évité la noyade ou l’hypothermie), les New Yorkais… Bref, l’Amérique entière, dans ce qu’elle a de plus positif.

Oublions les positions publiques douteuses d’Eastwood : son film parle de l’homme sans doute mieux que l’homme lui-même, comme John Ford en son temps. Avec Sully, il signe peut-être le premier film radicalement optimiste de l’Amérique post-11 septembre. Un cinéma qui renoue avec l’humain, et avec des valeurs aussi désuètes que la solidarité et l’entraîne. Simplement beau, toujours à hauteur d’homme.

Firefox, l’arme absolue (The Firefox) – de Clint Eastwood – 1982

Posté : 28 janvier, 2017 @ 8:00 dans * Espionnage, 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Firefox l'arme absolue

Les rares fois où Eastwood a cherché à coller aux goûts du moment, le résultat s’est avéré catastrophique. Avec La Relève, tentative maladroite de surfer sur le succès des films d’actions explosifs du début des années 90. Et dix ans plus tôt avec ce Firefox, où le grand Clint essaye de trouver sa place dans un cinéma hollywoodien très hich tech et SFX, marqué par la folie Star Wars (dont il reprend d’ailleurs l’un des responsables des effets spéciaux).

Le résultat est au mieux très maladroit, au pire assez navrant. La première partie, quand même, ne manque pas d’intérêt. Mais là, Eastwood s’inscrit dans un cinéma déjà révolu : celui du film d’espionnage de la guerre froide. Là seulement, on peut trouver des signes purement eastwoodiens, une manière très personnelle de créer une atmosphère en plongeant un personnage dans un milieu qui n’est pas le sien, un thème qui a toujours été au cœur de son cinéma.

Pourtant, même dans cette première partie séduisante par moments, le réalisateur Eastwood multiplie les effets douteux (les flashs très ramboesques sont franchement ridicules, pour illustrer le traumatisme post-VietNam de Clint), et les maladresses auxquelles il ne nous a jamais habituées.

Quant à l’acteur Eastwood, il n’a jamais été aussi mauvais, son jeu se limitant à des tics tellement énormes qu’on se demande comment les agents du KGB sont recrutés ! A tel point qu’on serait presque soulagé de le voir endosser la tenue de pilote qui le recouvre entièrement, rappelant étrangement l’une de ses premières brèves apparitions, celle de Tarantula.

Presque entièrement effacé derrière un déluge d’effets spéciaux totalement à l’encontre du style Eastwood, de son univers, de ce qu’il est, l’acteur-réalisateur se contente alors de filmer des images auxquelles il semble ne pas croire, se raccrochant à un genre high-tech dont, déjà en 1982, il devait paraître complètement à la traîne.

On se rassure en se disant que quand il est au fond du trou, Eastwood sait rebondir mieux que jamais. Après La Relève, il réalisera Impitoyable. Après ce calamiteux Firefox, il signera Honkytonk Man. Soit deux de ses plus beaux films.

Un monde parfait (A Perfect World) – de Clint Eastwood – 1993

Posté : 21 août, 2016 @ 5:15 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, COSTNER Kevin, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

UN MONDE PARFAIT

Avec Impitoyable, ce chef d’œuvre qu’il portait en lui depuis dix ans, Clint Eastwood a mis un terme définitif à une logique dans laquelle il s’était enfermé lui-même : l’alternance quasi-systématique de films personnels qui rencontraient un succès limité, et de films de commandes qui commençaient sérieusement à ennuyer ses admirateurs les plus fervents. Même réalisé par ses soins, La Relève était ainsi l’œuvre d’un action hero totalement dépassé par l’évolution du genre.

Après une virée dans les tréfonds où plus d’une ancienne gloire se sont perdues à jamais (qui se souvient de Pink Cadillac, nanar même pas sorti en salles en France ?), Eastwood s’est totalement débarrassé de tout autre critère que l’envie pure. Et c’est sa plus belle période qui s’est ouverte, symbolisée par le triomphe critique et public d’Impitoyable, mais marqué par une impressionnante série de chefs d’œuvre, jusque dans les années 2000.

Un monde parfait, malgré son casting (Clint en second rôle face à un Kevin Costner encore au sommet), ne sera pas son plus gros succès. Mais il s’agit bien de l’un de ses plus beaux films, un faux thriller qui est en fait une balade émouvante et déchirante sur les regrets et les remords, et sur l’innocence perdue.

Plus encore que dans son précédent film, Eastwood s’est totalement libéré de cette nécessité de « faire spectaculaire ». Il est définitivement devenu le cinéaste introspectif et presque contemplatif que Honkytonk Man avait déjà dévoilé. Un cinéaste des émotions pures et des petits plaisirs de la vie. Un monde parfait est une drôle de chasse à l’homme, où d’étranges liens se tissent : entre l’évadé Costner et le flic Eastwood qui le traque et qui dévoile peu à peu une culpabilité inattendue ; et surtout entre Costner et son très jeune otage, petit Témoin de Jeovah dont les manques font échos à sa propre enfance gâchée.

Quant à Kevin Costner, magnifique, c’est un peu son chant de cygne, la fin d’un cycle magnifique pour lui depuis Les Incorruptibles. Le semi-échec du film, et les fiasco de Waterworld, Wyatt Earp et The War qu’il tournerait l’année suivante (sa cruelle « année W ») l’éloigneront du sommet, comme un certain Eastwood avant lui. Mais lui, aujourd’hui, n’y est toujours pas retourné.

Josey Wales, hors-la-loi (The Outlaw Josey Wales) – de Clint Eastwood – 1976

Posté : 28 août, 2015 @ 4:47 dans 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Josey Wales hors la loi

Avec son premier western en tant que réalisateur (L’Homme des hautes plaines, deux ans plus tôt), Clint Eastwood imposait un ton singulier dans le genre, tout en s’inscrivant dans la mouvance de Sergio Leone. Avec ce Josey Wales, qu’il a décidé au dernier moment de réaliser lui-même (virant ainsi Philip Kaufman, pour « divergence de point de vue »), Eastwood confirme la singularité de son regard, se démarque totalement de l’influence leonienne, et filme une œuvre à la fois respectueuse (voire même amoureuse) du genre, et totalement atypique.

Si on doit chercher une filiation, on la trouverait d’avantage du côté du Ford des Raisins de la colère : un cinéma de mouvement où le poids de l’histoire est un moteur, où la société « organisée » est une menace, et où le héros avance en se créant son propre environnement, son propre foyer. D’une histoire de vengeance, Eastwood tire un film sur une renaissance, et la constitution d’une nouvelle patrie.

Le massacre de sa famille par les francs tireurs nordistes plonge le paisible fermier Josey Wales au cœur de la guerre de Sécession, et coïncide pour lui avec la disparition du Sud qu’il a toujours connu. La réconciliation ayant tourné au bain de sang, Josey Wales comprend avant tout le monde qu’il ne peut compter que sur lui-même pour reconstruire quelque chose.

Cette reconstruction passe par des rencontres, violentes ou insolites, et par la construction d’une communauté. Et comme souvent dans son œuvre (Honkytonk Man, Bronco Billy…), cette communauté est forcément foutraque : un vieil Indien incapable de suivre une piste, une grand-mère acariâtre, une jeune fille un peu demeurée, une squaw indésirable car trop facile, et un indispensable bâtard, souffre-douleur privilégié de notre héros.

Josey Wales est aussi un grand film d’action, pleine de grandes scènes de fusillades mémorables. Une sorte de variation mure, apaisée et humaine sur le thème du Bon, la brute et le truand, avec cette traversée d’un pays rongé par la violence. Un premier chef d’œuvre westernien pour le futur réalisateur de Impitoyable.

Le Retour de l’Inspecteur Harry (Sudden Impact) – de Clint Eastwood – 1983

Posté : 18 septembre, 2014 @ 2:27 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | 1 commentaire »

Le Retour de l'Inspecteur Harry

« Go ahead, make my day ! »

En 1983, Clint Eastwood a 53 ans et reste une star toute puissante, mais un cinéaste pas encore tout à fait reconnu par la critique. L’année précédente, son magnifique Honkytonk Man n’a pas déchaîné les enthousiasmes, pas plus que le très beau et très personnel Bronco Billy, faux western déroutant et comédie douce-amère à la Capra. A cette époque, Eastwood est en plein dans sa logique « un film personnel – un film commercial ». Après les échecs commerciaux de ses deux films précédents, quoi de mieux, donc, que de renouer avec son personnage le plus populaire, Dirty Harry en personne.

Ce retour n’avait alors rien d’évident : le dernier film de la série, le faiblard The Enforcer remontait déjà à sept ans, et Clint s’était éloigné depuis du polar pur et dur : sa seule incursion dans le genre, L’Epreuve de force, relevait avait un aspect parodique poussé à l’extrême. D’ailleurs, en retrouvant son personnage fétiche, et en assurant lui-même la réalisation de ce quatrième volet (c’est le seul Dirty Harry qu’il signe), Eastwood entend bien en faire ce qu’il veut. C’est-à-dire ne pas prendre au sérieux ce personnage qu’il a jusque là interprété au premier degré, mais dont il fait ici une sorte de parodie de lui-même.

Flic las et écoeuré, Harry Calahan se transforme dans Sudden Impact en une sorte de chevalier moderne privé d’affect et de perspective, et qui semble attirer toute la violence et toute la haine de San Francisco. Le film, surtout dans sa première partie, enchaîne ainsi les fusillades sans raison ni logique, comme s’il remplissait un simple cahier des charges. Le scénario est fait de multiples rebondissements, grotesques et inutiles, et donne la part belle aux petites phrases censées restées dans l’histoire. C’est d’ailleurs réussi : que reste-t-il de Sudden Impact si ce n’est « Smith, Wesson, and me » et « Go ahead, make my day », deux phrases cultes qu’Eastwood sort dans la même scène, en quelques secondes seulement.

Mais parfois, au détour d’un plan qui s’allonge plus qu’il ne faudrait, des accords de jazz se mettent à résonner, et la patte d’Eastwood apparaît subrepticement. La vérité, c’est qu’Eastwood semble peu intéressé par ce personnage condamné à revivre inlassablement les mêmes écueils (fusillades, embuscades, et bureaucratie), et dont il fait une machine affublée d’un chien pêteur !

Ce qui l’intéresse visiblement beaucoup plus, c’est le personnage joué par Sandra Locke (leur dernier film en commun, si on exclut Vanessa, l’épisode de la série Amazing Stories), hantée par un viol dont elle et sa sœur ont été victimes dix ans plus tôt. La descente aux enfers de cette jeune femme en apparence si fragile, mais lancée dans une croisade vengeresse et violente, est le vrai sujet du film.

Là, on retrouve toute l’ambiguïté du personnage de Harry. Où se situe la justice ? Jusqu’où peut-on aller quand l’institution n’est pas efficace ? Là, enfin, le film devient troublant et fascinant, à mesure que Callahan paraît tiraillé par cette interrogation. Jusqu’à une séquence finale virtuose et crépusculaire dans un parc d’attraction à l’abandon. Laissé pour mort, Callahan réapparaît comme s’il sortait de la nuit, silhouette menaçantee et presque surnaturelle, une apparition fantômatiqu, figure redondante du cinéma d’Eastwood, de L’Homme des hautes plaines à Impitoyable.

Sans un mot, Eastwood impose alors sa marque. Avec nettement plus de force que lorsqu’il enchaîne les bons mots un peu lourdingues et les rebondissements inutiles.

• Pour l’intégrale Harry Callahan, voir aussi L’Inspecteur Harry, Magnum Force, L’Inspecteur ne renonce jamais et La Dernière Cible.

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