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Archive pour la catégorie 'EASTWOOD Clint (réal.)'

Honkytonk Man (id.) – de Clint Eastwood – 1982

Posté : 10 juillet, 2019 @ 8:00 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Honkytonk Man

Clint Eastwood, chanteur de country dont le rêve se brise en même temps que sa voix sur la scène du mythique Grand Ole Opry… Voilà une image qui vous déchire le cœur, l’une des plus touchantes de tout son cinéma. Il faut dire qu’Eastwood cinéaste atteint ici l’un de ses premiers sommets, lui qui venait pourtant de signer Firefox, qui serait pour le coup plutôt à caler dans le bas de la pile… Ce n’est d’ailleurs pas un fait unique dans sa filmographie : dix ans plus tard, il enchaînera La Relève (nanar) et Impitoyable (chef d’œuvre).

Le grand écart est à peu près aussi important, entre les effets spéciaux cheap et dévorants du précédent, et la sensibilité et la simplicité de ce Honkytonk Man, film très personnel autant qu’hommage à l’âge d’or hollywoodien. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est là l’une des rares occasions qu’Eastwood a eu de diriger un acteur de cet âge d’or : John McIntire, figure du cinéma de Raoul Walsh, Anthony Mann ou Henry Hathaway, vu dans une quantité de classiques de Appelez Nord 777 à Psychose.

Eastwood plonge dans cette Amérique de la Grande Dépression, qui est aussi celle de son enfance, lui qui a grandi dans la Californie des années 30. Avec ce film, Eastwood s’impose comme l’un des meilleurs héritiers d’un certain classicisme, celui de Walsh ou Ford, celui des grands espaces et des Raisins de la colère, celui du voyage et de la communauté qui se crée sur la route, thème que l’on retrouvait déjà dans Josey Wales ou Bronco Billy.

Entre le drame social et la comédie de mœurs, Eastwood trouve un ton original qui fait la particularité de son film. Surtout, sa belle voix douce et éraillée à la fois donne au film une atmosphère envoûtante. La musique a souvent été importante dans son cinéma, mais sa propre voix n’a sans doute pas été assez utilisée (il a chanté dans le western musical La Kermesse de l’Ouest et dans les bandes sons de Ça va cogner et Minuit dans le jardin du bien et du mal). Jamais en tout cas comme ici.

Entre deux épisodes quasi-comiques (le faux braquage raté, le bain contrarié par un taureau, le dépucelage du neveu joué par le propre fils de Clint, Kyle), le film est surtout marqué par la vision qu’Eastwood offre de cette Amérique qui oublie la Grande dépression dans les clubs ruraux (les Honkytonk), superbes séquences nostalgiques au rythme envoûtant. Et cette chanson qui donne son titre au film, qui plane sur les dernières images comme un rêve amer, et qui vous hante longtemps…

Gran Torino (id.) – de Clint Eastwood – 2008

Posté : 2 avril, 2019 @ 8:00 dans 2000-2009, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), POLARS/NOIRS | Pas de commentaires »

Gran Torino

Lorsque Clint Eastwood a commencé le tournage de Gran Torino, une rumeur persistante voulait que l’acteur y renoue avec son personnage de Dirty Harry, abandonné vingt ans plus tôt. L’ex-inspecteur Callahan contraint de sortir de sa retraite paisible? La présence de la Ford Gran Torino, voiture mythique des années 70 (c’est celle de Starsky et Hutch) semblait renforcer cette hypothèse.

Et puis non. Mais la parenté est, quoi qu’on en dise, indéniable entre Harry et Walt Kowalski, vétéran de la guerre de Corée hanté par la violence de son passé. Un homme rude, taiseux et direct, dont les paroles ouvertement racistes ne sont qu’une façade, et qui a une certaine propension à sortir les armes. Cela étant dit, Walt et Harry, pas même combat.

Kowalski est un type qui ne demande rien à personne, si ce n’est qu’on le laisse siroter ses bières sur le porche de sa petite maison, en admirant sa Gran Torino impeccablement lustrée fièrement garée le long de sa pelouse. Une image très Américaine et très eastwoodienne, qui s’inscrit dans la longue évolution de son personnage des années 70 jusqu’au tout récent La Mule.

L’humaniste du type, son côté réac, la violence qu’il trimbale comme un boulet… C’est tout un pan de la culture américaine des Etats ruraux que symbolise Eastwood, ici d’une manière plus marquée peut-être que dans la plupart de ses autres films. On pourrait se sentir exclu, ou être agacé devant des valeurs qui peuvent sembler d’un autre temps. Mais il y a une telle sincérité là-dedans qu’on est séduit par ce baroud d’honneur plein de panache.

Eastwood aime ses personnages : ce vieux Kowalski, dont il fait une sorte de dinosaure grognant la moitié de ses répliques, mais aussi et surtout cette famille Hmong qu’il va aider à échapper à la violence des gangs, et même ce jeune prêtre à peine sorti du séminaire dont on croit d’abord, à tort, qu’il va se faire un plaisir de le ridiculiser. Eastwood se moque du politiquement correct, mais s’impose comme un cinéaste humaniste, dans la lignée d’un John Ford.

Et puis il y a ce thème récurrent du cinéma de Clint Eastwood, dont il est lui-même la meilleure incarnation : le vieillissement, son propre vieillissement, qu’il ne cesse de mettre en scène, sans complaisance, mais sans rien cacher non plus de la faillite du corps et du poids des souvenirs et des regrets. Gran Torino est en cela l’un de ses films les plus personnels, qui condense une grande partie de ses obsessions.

Jusqu’au générique final, où l’on entend la voix éraillée et fatiguée de Clint entonner la chanson « Gran Torino » (qu’il a co-écrite avec son fils Kyle et Michael Stevens), bientôt reprise par la voix pure et jeune de Jamie Cullum. Comme un écho de Honkytonk Man. Bouleversant.

La Sanction (The Eiger Sanction) – de Clint Eastwood- 1975

Posté : 31 mars, 2019 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Sanction

Il y a dans La Sanction quelques notes d’humour qui flirtent ouvertement avec des stéréotypes homophobes (la vilaine tapette au petit chien, bof) et racistes (les vannes à l’encontre de la jeune Indienne, re-bof). Il y a aussi quelques notes franches de mauvais goût (l’imagerie autour de Dragon, le patron albinos des espions, re-re-bof). On peut donc avoir de sérieuses réserves sur ce film.

Mais il y a aussi des tas de bonnes choses, dans ce film particulièrement physique de Clint Eastwood, qui sort clairement de sa zone de confort en s’offrant le rôle pas foncièrement sympathique d’un tueur-alpiniste. Le genre de personnages qu’on n’a pas forcément l’occasion de croiser dans toutes les salles de cinéma, qui sort de l’imagination de Trevanian, auteur qui signait là son premier roman, et qui donne à Clint l’occasion de se mettre en scène dans quelques séquences d’escalade impressionnantes.

Ces scènes sont la raison d’être principale du film, et marquent par leur diversité et par leurs approches esthétiques différentes. Le film est ainsi clairement séparé en trois parties. La première adopte une esthétique typique de film d’espionnage (un peu comme le début de Firefox, l’autre film d’espionnage d’Eastwood) : dans un pays de l’Est, le personnage de Clint doit tuer un espion au service des Russes. L’image est alors froide et grisâtre. Quant à Clint, il se contente d’y grimper le long d’une gouttière, séquence déjà gentiment vertigineuse.

Changement de décor pour la partie centrale : Clint se rend dans les décors spectaculaires et lumineux de Monument Valley pour s’entraîner aux côtés de son vieux comparse George Kennedy (qu’il retrouve après Le Canardeur, et dans un rôle très différent mais tout aussi marquant). Ce qui nous donne pour le coup une fort belle grimpette de l’une de ces « aiguilles » typiques du site, aux images très impressionnantes (Clint et George sur cette plateforme de 5 m2…).

Puis vient le gros morceau de bravoure : Clint gravissant le dangereux Eiger, dans les Alpes suisses, avec trois compagnons de cordée dont il ne sait pas lequel est le traître qu’il doit abattre. L’intrigue passe d’ailleurs vite au second plan. Eastwood ne s’intéresse qu’à filmer ses personnages au plus près dans ses décors (réels) impressionnants. Un parti-pris qui fonctionne parfaitement, et qui donne quelques belles suées.

Space Cowboys (id.) – de Clint Eastwood – 2000

Posté : 19 février, 2019 @ 8:00 dans 2000-2009, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Space Cowboys

Clint Eastwood dans l’espace ? Personne ne l’avait vu venir, tant l’univers de la conquête spatiale, ou même des effets spéciaux en général sont éloignés des préoccupations habituelles du cinéaste, qui avait juré vingt ans plus tôt, après la galère de Firefox, qu’il ne toucherait plus à un sujet demandant autant d’effets spéciaux. Autant dire que ce retour aux affaires était pour le moins inattendu.

Et quand on l’a vu, on a compris : ce qui intéresse Eastwood dans le scénario de Space Cowboys, ce n’est pas le dernier tiers, dans l’espace. Cette ultime partie, bien foutue et très efficace, est d’ailleurs relativement convenue et sans grande surprise. Non, ce qui l’intéresse, c’est un thème qui occupe déjà une grande partie de son cinéma depuis un bon moment : la vieillesse, sa propre vieillesse.

C’est tout le sujet du film : comment quatre septuagénaires qui avaient fait partie des pionniers de la conquête spatiale mais n’avaient jamais eu l’occasion de quitter l’atmosphère de la Terre, ont enfin une chance de partir dans l’espace, quarante ans plus tard. Un sujet que la récente mission de John Glen rendait plausible en ce début des années 2000, et dont Eastwood, contre toute attente, tire une réjouissante comédie, le plus joyeusement léger (au moins dans les deux premiers tiers) de tous les films qu’il a réalisés.

Cinéaste d’habitude plutôt grave, Eastwood révèle un talent insoupçonné par la comédie pure. On le savait apte à mettre en scène sa propre décrépitude physique, mais jamais il ne l’avait fait avec un tel sens de l’autodérision, bien aidé par ses trois acolytes qui s’amusent avec autant de plaisir manifeste que lui des ravages du temps : James Garner (que Clint avait déjà côtoyé plus de quarante ans plus tôt dans un épisode de Maverick), Donald Sutherland (irrésistible en papy dragueur, qui retrouve Clint trente ans après De l’or pour les braves) et Tommy Lee Jones (trop jeune pour le rôle, mais l’alchimie avec Clint est parfaite).

La longue partie consacrée à l’entraînement des quatre « space cowboys » est la raison d’être du film : James Garner incapable de se redresser sans l’aide de ses amis, Donald Sutherland sortant des lunettes aux verres épais de deux centimètres… Clint Eastwood filme les rides et les cous flasques avec un plaisir réjoui qui donnerait presque envie d’être vieux plus rapidement. C’est en tout cas absolument irrésistible.

Space Cowboys est un jalon particulier dans la filmographie d’Eastwood, mais c’est un jalon qui n’en est pas moins cohérent, et qui porte constamment la marque de son réalisateur : avec la petite musique (signée Eastwood lui-même) qui résonne dès les premières images du film, avec les face à face intenses et pleins de chaleurs qu’il s’offre avec Tommy Lee Jones, et surtout avec ce long silence qu’il filme à la toute fin du film, l’une de ces pauses anormalement longues que lui seul se permet, et qui procure une immense émotion.

La Mule (The Mule) – de Clint Eastwood – 2018

Posté : 9 février, 2019 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 2010-2019, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

La Mule

Il aura donc attendu dix ans avant de revenir devant sa propre caméra, pour ce qui restera sans doute un ultime baroud d’honneur ? Allez savoir… Dix ans durant lesquels Eastwood aura enchaîné les films, parfois pour le meilleur, parfois moins, à l’image de ses derniers films : Sully dans la première catégorie, Le 15h17 pour Paris dans la seconde. Dix ans aussi durant lesquels ses plus grands admirateurs espéraient qu’il renonce à son renoncement d’acteur.

Eastwood cinéaste, c’est (presque) toujours l’assurance d’un film intéressant (au minimum). Eastwood cinéaste ET acteur, eh bien c’est un genre en soit, tant il a su, et depuis longtemps, filmer son propre vieillissement de la manière la plus fascinante qui soit. De Honkytonk Man à Gran Torino en passant par Impitoyable, Les Pleins Pouvoirs, Space Cowboys ou Million Dollar Baby, Eastwood prend un malin plaisir à mettre en scène sa décrépitude, lui qui affiche pourtant, à 88 ans, une santé et une forme hallucinantes.

C’est une nouvelle fois le cœur de La Mule, beau film qui ne vaut sans doute que parce qu’il est eastwoodien. Bradley Cooper, qu’il retrouve après American Sniper, raconte amusé comment Clint s’est inspiré de son grand-père pour « jouer les vieux » de manière crédible, adoptant une démarche hésitante et grognant ses dialogues comme s’il avait du mal à articuler. Il n’y a sans doute que lui pour (à 88 ans, je le rappelle une dernière fois) décider de se vieillir comme ça…

Le résultat : un plaisir évident de renouer avec la comédie (notamment lors de l’une de ces pauses qu’il a toujours aimé glisser dans ses films, ou son personnage rencontre le flic qui le traque), une manière toute en gourmandise d’incarner ce type jouisseur qui ne pense qu’à profiter de la vie telle qu’elle se présente, s’amusant du politiquement correct lorsqu’il vient en aide à des « nègres » dont il rit sans arrière pensée lorsqu’ils lui font remarquer qu’ils sont juste « des personnes ». Un type qui n’a plus l’âge de parler avec des filtres (« mais je ne me souviens pas avoir jamais eu de filtre », précise-t-il), et dont la liberté a quelque chose de beau et émouvant.

Comme un paradis perdu, même : sa manière de parler aux « nègres », ou aux « lesbiennes à motos », marque moins pour la rudesse très impolitiquement correcte pour le coup, que pour son naturel absolu, au-delà de toute ébauche de jugement moral. Ça n’a l’air de rien, mais c’est presque révolutionnaire aujourd’hui, cette liberté de ton du type qui ne se demande pas si ses propos ne vont pas être mal compris. Peut-être est-ce l’âge, ou le sourire désarmant, mais il peut tout dire, l’empathie transparaît constamment.

Plein de grands moments d’une légèreté étonnante, La Mule n’est pas une comédie pour autant. Inspiré d’une histoire vraie, celle d’un nonagénaire qui est devenu le principal transporteur de drogue d’un cartel mexicain, le film permet aussi à Clint Eastwood de livrer une interprétation toute en nuances, et sans doute très personnelle. Car cet homme jouisseur réalise à l’aube de sa vie qu’il a sacrifié l’essentiel à son travail (il est horticulteur, passionné par les fleurs qui ne s’épanouissent qu’une journée, tout un symbole) : sa famille.

Confier le rôle de sa fille à sa propre fille, Alison, renforce le sentiment que Clint Eastwood se livre dans ce film, comme rarement auparavant. Se serait-il reconnu dans ce personnage d’Earl Stone, séducteur impénitent, homme à femmes, qui a passé plus de temps avec ses fleurs qu’avec ses proches ? Eastwood est en tout cas presque de chaque scène, et son film sonne à la fois comme un retour aux sources et comme une belle méditation sur l’importance de réussir la fin de sa vie.

La fin de son film est en cela particulièrement belle. En paix avec lui-même, ayant réglé ses comptes avec son passé, retrouvant l’essentiel, et prêt à profiter du présent en regardant un peu vers l’avenir. « Il n’y a qu’à 99 ans qu’on veut être centenaire. »

Le 15h17 pour Paris (The 15:17 to Paris) – de Clint Eastwood – 2018

Posté : 8 février, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Le 15h17 pour Paris

Après Sully, Clint Eastwood ne pouvait pas passer à côté de cette histoire, taillée pour lui : trois Américains en vacances qui déjouent un attentat au péril de leur vie. Cet épisode est évidemment authentique : en 2015, le fameux attentat déjoué du Thalys, qui aurait pu faire des dizaines de morts sans l’intervention d’une poignée de personnes, dont ces trois Américains.

Spencer Stone, Alex Skalatos, Anthony Sadler : trois héros de circonstance, à qui Eastwood a offert d’incarner leurs propres rôles dans ce film tout à leur gloire. Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls : Chris Norman (le quatrième homme décoré de la Légion d’Honneur par François Hollande), Mark Moogalin (autre héros, grièvement blessé lui) et sa femme apparaissent eux aussi dans leurs propres rôles.

Clint Eastwood signe avant tout un hommage vibrant à ces héros américains modernes, thème central de son cinéma depuis quelques années, d’American Sniper à Sully. Rien d’étonnant à ce qu’il s’y intéresse donc, d’autant qu’il avait l’occasion de signer quasiment un film jumeau de Sully : dans les deux cas, l’acte héroïque qui a permis de sauver toutes ces vies n’a durée qu’une poignée de minutes, tout au plus.

Dans Sully, il y avait des tas d’enjeux soulevés par cet acte héroïque (un pilote de ligne qui pose son avion sur la rivière Hudson à New York pour éviter le crash), qui permettaient à Clint de signer un film riche et dense, l’une de ses grandes réussites récentes.

Ici, il y a l’acte lui-même, authentiquement héroïque. Ces trois-là méritent tous les honneurs qu’ils ont reçus, aucun doute. Des héros, donc. Mais une fois qu’on a dit ça, une fois qu’on a montré l’acte en question, eh bien on a à peu près tout dit et tout montré. Et tout le reste… ben ce n’est pas grand-chose.

Clint nous raconte donc l’histoire de ces trois amis, leur rencontre, leur enfance gentiment turbulente (avec au passage une pure séquence de vieux con, celle des deux mamans avec l’institutrice alarmiste, sommet de populisme dégoulinant), l’engagement de Spencer et Alek dans l’armée, où il ne se passe rien (au point de mettre en scène, comme s’il s’agissait d’une bataille sanglante, une séquence dont l’enjeu est un sac à dos oublié dans un village… Euh, les gars, vous savez que ça coûte de l’argent de faire un film ?), et le périple des trois amis en Europe, qui va les conduire dans le fameux train pour Paris.

Comme Clint, au fond, n’a pas grand-chose à raconter avant les cinq minutes cruciales (montre en main), il faut bien remplir les 85 autres minutes du film. Alors il ne nous épargne rien de ces vacances en Europe, de leurs selfies à Rome ou à Venise, de leur gueule de bois à Amsterdam. Rien.

Quant à la scène finale de la remise de médailles à l’Elysée, mélange d’images d’archives et de reconstitution (avec Patrick Braoudé qui donne son dos à Hollande), elle se contente d’enfoncer le clou assez maladroitement : Le 15h17 pour Paris est, techniquement, un film impeccable. Mais c’est un film qui n’a rien d’autre à dire que : ces Américains sont des héros. Certes.

Un frisson dans la nuit (Play « Misty » for me) – de Clint Eastwood – 1971

Posté : 2 février, 2019 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Un frisson dans la nuit

1971 est une très grande année pour Clint Eastwood : Les Proies en fait un acteur enfin reconnu, L’Inspecteur Harry la plus grande star du moment… et Un frisson dans la nuit un cinéaste d’emblée passionnant. Premier film derrière la caméra, donc, pour le grand Clint, qui pour l’occasion se fait chaperonner par le réalisateur de ses deux autres films de l’année, Don Siegel : en lui offrant le petit rôle du barman, Clint se permettait de l’avoir sous la main « au cas où ».

Une assurance dont il aurait sans doute pu se passer, mais qui donne lieu à une scène réjouissante : celle de la rencontre entre l’animateur radio que joue Clint et son inquiétante admiratrice (Jessica Walter) autour d’un curieux jeu de bouchon proposé par le barman Siegel. La scène la plus souriante de ce film par ailleurs plutôt amer quand il n’est pas franchement angoissant.

Le talent d’Eastwood-cinéaste est en tout cas déjà bien là, avec une sensibilité à fleur de peau qui annonce déjà le très beau et très méconnu Breezy, mais qui n’évite pas totalement les clichés : Eastwood choisit d’opposer un plan cul facile qui tourne au drame à une histoire d’amour tendre et sincère, en filmant le premier en milieu urbain, et la seconde dans une nature paisible de bord de mer, avec l’incontournable scène du couple qui s’enlace sur la plage.

Ville ou nature, Eastwood connaît bien ses décors : ce sont ceux de Carmel et de ses environs, la ville où il vit depuis des décennies et dont il a été le maire éphémère dans les années 80. Encore une manière de se rassurer, sans doute, pour sa première réalisation. Et cette familiarité manifeste lui offre une totale liberté, celle de se laisser aller à des déambulations totalement inhabituelles dans le cinéma de genre de l’époque (ou plus récent d’ailleurs), loin aussi du style de Siegel.

Cette liberté, et cette volonté d’offrir des respirations à son histoire, trouvent leur apogée lors d’une longue séquence filmée au cœur du festival de jazz de Monterey (près de Carmel), interlude totalement inutile, sans doute filmée largement en caméras cachées, qui contribue à donner un ton très particulier au film.

Une belle réussite, pour ce coup d’envoi, avec une maîtrise formelle déjà bien affirmée, et un goût prononcé pour les images sombres, qui contrastent ici très durement avec d’autres scènes littéralement baignées de lumière. Entre l’ombre et la lumière, Eastwood propose un voyage passionnant et terrifiant. Un vrai cinéaste est né…

American Sniper (id.) – de Clint Eastwood – 2014

Posté : 20 janvier, 2019 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

American Sniper

A l’exception très notable de Sully, on ne peut pas dire que les derniers Clint Eastwood m’aient franchement emballé. Depuis que le grand Clint a pris sa quasi-retraite d’acteur (retraite dont il sort d’ailleurs dans quelques jours avec La Mule… Chouette !), et surtout depuis qu’il ne s’intéresse plus qu’aux « héros » de l’Amérique contemporaine, son cinéma a une petite tendance à la froideur qui me laisse quelque peu de marbre.

Je ne pouvais quand même pas décemment passer indéfiniment à côté de ce American Sniper, adaptation de l’autobiographie de Chris Kyle, tireur d’élite devenu un mythe pour avoir dessouder à lui seul 160 types (ou femmes, ou enfants) durant la guerre d’Irak, et mort quelques mois seulement avant le début du tournage. Un film qui a valu à Clint son plus gros succès populaire (à 84 ans !), et une polémique tenace autour d’une pseudo glorification patriotique de l’acte de tuer.

Patriotique, American Sniper ? Dans sa toute dernière partie, sans le moindre doute. Mais la conclusion hagiographique n’enlève rien au fait qu’avant ces quelques ultimes minutes, il y a plus de deux heures d’un portrait pas si glorieux que ça d’un Américain moyen confronté à la guerre. Un Américain profond même, bouseux du Texas un peu bas du front que Clint filme avec sa frontalité habituelle : pas question pour lui d’encenser ni de dénoncer, il montre simplement un homme dans sa complexité.

On pourrait penser aussi que le personnage de l’épouse de Chris Kyle est sacrifié, elle qui doit se contenter de jouer celle qui voit son homme se renfermer sur lui-même et sur ses fantômes, sans pouvoir toujours comprendre ce qu’il ressent. Mais ce personnage, joué par Sienna Miller, est le parfait alter ego du spectateur, jamais vraiment invité à pénétrer dans le subconscient de Kyle.

Eastwood ne rend pas son « héros » aimable, il n’en fait pas un chevalier blanc (ou noir) uniquement dédié à la défense de son pays. Sans doute l’est-il en partie, mais libre aussi au spectateur de penser que ce cow-boy texan est parti à la recherche d’un sens à sa vie, et qu’il est devenu accro à l’adrénaline, à la peur, et à la mort. Au risque de se perdre en chemin.

Le choix de Bradley Cooper pouvait faire peur : l’acteur n’est pas franchement le plus enthousiasmant de sa génération. Pourtant, il est remarquable dans ce rôle ingrat pour lequel il se transforme physiquement de manière spectaculaire. Est-ce vraiment un compliment ? En tout cas il est absolument parfait pour jouer les bœufs.

Le film est peut-être un rien trop long. L’enchaînement des « accrochages » et des fusillades a un côté un peu catalogue qui n’était sans doute pas indispensable, d’autant plus que Clint Eastwood n’est pas taillé pour le registre d’une Kathryn Bigelow (celle de Démineurs ou de Zero Dark Thirty). Cela dit, ces séquences de bravoure révèlent un talent qui était loin d’être évident chez Eastwood jusqu’à présent : un sens du cadre et une intelligence de l’action qui renvoient un Ridley Scott aux oubliettes.

Surtout, Eastwood passe avec un vrai bonheur de l’action la plus immersive aux scènes intimistes. Son film parle de la guerre, certes. Mais il parle surtout de cet homme à la dérive et de son couple. Là, on retrouve l’extrême sensibilités du cinéaste, sa manière toute personnelle de coller à ses personnages et de placer quelques petites notes de musique toutes délicates. Voilà une réussite du grand Clint que je n’attendais pas…

Jersey Boys (id.) – de Clint Eastwood – 2014

Posté : 27 mars, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Jersey Boys

Eastwood, qui ne s’intéresse plus qu’à des histoires vraies depuis dix ans (même Au-delà était inspiré des grandes tragédies récentes), raconte l’histoire d’un groupe qui a cartonné dans les années 50 et 60 : les Four Seasons, et son chanteur vedette Frankie Valli, auteurs de quelques tubes restés célèbres.

Le destin de ces jeunes gens du New Jersey était-il assez extraordinaire pour en faire un film ? Sans doute : la proximité de ses membres avec des parrains locaux, les petits délits qu’ils commettent dans leur jeunesse, ou les querelles d’ego au sein du groupe… Il y a là largement de quoi tirer plusieurs films. L’ami Clint aborde tout ça avec cette modestie et cette simplicité qui le caractérisent dans ses biopics.

On est donc plus du côté de J. Edgar que de Honkytonk Man ou Bird. D’ailleurs, si ces deux films « musicaux » de Clint lui permettaient de rendre hommage aux musiciens qu’il admire, on peut soupçonner que ce n’est pas le cas ici : la musique pop et sirupeuse des Four Seasons est a priori très loin de l’univers eastwoodien.

Alors quoi ? Le biopic n’est-il qu’un prétexte pour faire renaître cette époque, celle de sa jeunesse et de ses premiers pas devant la caméra ? Non content de placer un personnage devant la télévision qui diffuse Le Gouffre aux chimères, Eastwood, grand admirateur revendiqué de Wilder, glisse aussi un extrait de Rawhide, la série qui l’a révélé en tant qu’acteur.

Il manque tout de même un peu de folie à ce film. Quelques scènes sont particulièrement réussies : la répétition dans l’église, toutes les apparitions d’un Christopher Walken rigolard… Mais il manque ce petit grain de folie pour provoquer autre chose qu’un simple petit plaisir confortable. Et puis les répliques face caméra, un peu maladroites, poussent à une comparaison peu flatteuse avec un film comme Les Affranchis.

Finalement, c’est sur la séquence du générique final que le film révèle ce qu’il aurait pu être : là, sur les ultimes images, Clint Eastwood choisit réellement l’imagerie de la comédie musicale, avec un beau sens du rythme. On ne peut qu’imaginer ce qu’aurait pu être le film sur ce mode.

Sully (id.) – de Clint Eastwood – 2016

Posté : 29 janvier, 2017 @ 8:00 dans 2010-2019, EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Sully

Voilà bien longtemps que je n’avais pas été à ce point emballé par un nouveau Eastwood. Depuis L’Echange et Gran Torino en fait. Avec Sully, le cinéaste poursuit pourtant une logique qu’il n’a quasiment plus quitter depuis dix ans : désormais, seules les histoires vraies semblent l’inspirer. Avec des limites évidentes : dans des films comme Invictus ou J.Edgar, le sujet domine trop souvent le style, et l’émotion en fait les frais.

Ce n’est pas du tout le cas dans Sully, pourtant adapté d’une histoire très récente : l’amerrissage forcé et réussi d’un avion de ligne sur la rivière Hudson, en 2009. Un sujet qui fait curieusement échos à un épisode de la propre jeunesse d’Eastwood lorsque l’avion militaire dans lequel il se trouvait avait dû amerrir, sans faire de victime non plus, un incident qui s’est déroulé durant son service militaire au début des années 50, que Richard Shieckel raconte dans sa biographie consacrée à son ami Clint).

Le vol de Sully lui-même n’a duré qu’une poignée de minutes. Mais tout le film s’articule autour de ces minutes exceptionnellement denses que Sully et son copilote (Aaron Eckhart, parfait) ne cessent de revivre dans les jours qui suivent, que ce soit dans leurs cauchemars, les questions des journalistes, où l’enquête à laquelle ils sont soumis par des spécialistes qui les soupçonnent d’avoir pris les mauvaises décisions, qui ont conduit à la perte d’un avion (c’est cher, un avion!)

Plus que l’acte héroïque du pilote (Sully, magnifiquement interprété par Tom Hanks), c’est ce qu’il représente dans cette Amérique encore traumatisée par le 11 septembre qui est au cœur du film. La scène inaugurale le confirme, avec cette vision cauchemardesque de l’avion qui vole entre les gratte-ciels de New York avant de s’écraser sur l’un d’eux. C’est un aspect qu’Eastwood illustre parfaitement, sans en rajouter : cet avion qui survole l’Hudson au niveau des gratte-ciels fait forcément écho à la tragédie du World Trade Center.

Mais l’issue est bien sûr radicalement différente. Tout le monde a survécu à cet amerrissage, devenu « le miracle de l’Hudson , et faisant de Sully le héros dont l’Amérique avait besoin. Un statut que le personnage joué par Tom Hanks a bien du mal à endosser, et qu’il partage avec son copilote, ses passagers (au comportement exemplaire), les secouristes (arrivés sur place en un temps record et qui leur ont évité la noyade ou l’hypothermie), les New Yorkais… Bref, l’Amérique entière, dans ce qu’elle a de plus positif.

Oublions les positions publiques douteuses d’Eastwood : son film parle de l’homme sans doute mieux que l’homme lui-même, comme John Ford en son temps. Avec Sully, il signe peut-être le premier film radicalement optimiste de l’Amérique post-11 septembre. Un cinéma qui renoue avec l’humain, et avec des valeurs aussi désuètes que la solidarité et l’entraîne. Simplement beau, toujours à hauteur d’homme.

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