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Archive pour la catégorie 'CAPRA Frank'

Bessie à Broadway (The Matinee Idol) – de Frank Capra – 1928

Posté : 29 octobre, 2017 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Bessie à Broadway

Après les deux films qu’il a tourné pour Harry Langdon, Capra n’a pas tardé à trouver son propre univers. Ce qui fera la grandeur de ses chefs d’œuvre des années 30 et 40 (et il y en aura quelques-uns) est déjà bien en place dans cette très belle comédie romantique. Et pour le coup, ce genre un peu fourre-tout porte parfaitement son nom : The Matinee Idol est une comédie particulièrement drôle, et une romance absolument irrésistible.

Considéré comme perdu jusqu’en 1994, le film est un petit bijou de légèreté, au scénario malin et enthousiasmant : un grand acteur de Broadway, qui se produit généralement grimé en noir comme un certain Al Jolson (la grande star de l’époque, qui venait de signer l’acte de naissance du cinéma parlant en dévoilant sa voix dans Le Chanteur de jazz), part se mettre au vert à la campagne, et se fait embaucher un peu par accident par une petite troupe de théâtre ambulant, qui ne le reconnaît pas.

On imagine bien tous les gags et toutes les situations vaudevillesques que Capra et son scénariste Elmer Harris (avec qui il avait déjà collaboré pour That certain thing et So this is love ?) peuvent en tirer. Surtout que, forcément, il y a l’amour qui rôde, et qui a le visage de la patronne un peu brute de la troupe, jouée par Bessie Love. Le titre français dit beaucoup de ce qui fut la notoriété de Bessie Love (quel nom, quand même !) : aucun personnage ne porte le nom de Bessie dans le film. Aujourd’hui complètement oubliée, elle est effectivement, et absolument, craquante, belle, et d’un dynamisme incroyable.

Bref, le charme de l’actrice apporte beaucoup au film, et supplante celui un peu plus discret de Johnny Walker, acteur au caractère à peine plus fort que le whisky du même nom (OK, c’est un peu gratuit). Et Capra sait en tirer le meilleur, faisant de l’actrice l’un de ces symbole de la sincérité qui parsèment son oeuvre, une sorte de pendant féminin du James Steward de Mr Smith goes to Washington en quelque sorte, confronté à la découverte du cynisme. Dans d’autres films, cela se passe dans l’univers impitoyable des banquiers ou des politiciens. Ici, c’est dans le monde du spectacle.

Avec cette pièce de théâtre qui tient un rôle important dans l’histoire (et qui s’appelle curieusement Rain or shine, rien à voir pourtant avec le film du même nom que Capra tournera deux ans plus tard), Capra livre une vision aussi contrastée que passionnée de ce monde du spectacle, jouant constamment sur l’interaction entre la scène et la salle, entre la fiction et le monde réel.

Le cinéaste sait ainsi tirer l’émotion la plus forte du contraste entre la fausse neige d’un spectacle à l’atmosphère particulièrement cruelle, et la pluie battante de la scène romantique qui suit. Et c’est magnifique. Jouant avec les rideaux du spectacle, il s’offre aussi l’un des plus beaux derniers plans de sa carrière: un gros plan sur les jambes fort jolies de Bessie Love qui s’élèvent du sol, détail qui en dit au moins autant, et avec plus d’émotion peut-être, qu’une banale étreinte

La Ruée (American Madness) – de Frank Capra – 1932

Posté : 28 octobre, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

La Ruée

Le Capra de La Vie est belle s’annonce déjà clairement avec cette « comédie sociale », l’une des premières à aborder frontalement le thème de la Grande Dépression, dans laquelle l’Amérique était alors plongée. Elle le fait à la manière si typique de Capra : avec une sincérité, une bonté, et une foi en l’être humain qui flirteraient avec la naïveté si ce n’était pas aussi enthousiasmant.

Comme dans ses grands classiques à venir, Capra met en scène des idéalistes et des cyniques, qui s’affrontent sur l’hôtel de l’argent. A quoi sert-il cet argent ? A se faire fructifier, ou à tirer le meilleur de chacun ? C’est en gros la question que s’opposent les dirigeants de la banque au cœur du film. Et la question de savoir qui aura le dernier mot ne se pose pas vraiment. Walter Huston, banquier au grand cœur (il connaît chacun de ses employés par son prénom, c’est un signe), est un homme de foi.

Pas un mystique, non : Capra lui-même n’a rien d’un religieux. Mais un homme qui a foi en son prochain. Comme Capra, qui assène son message avec force : c’est l’individu qui pourra sortir le pays de sa torpeur, pas la masse, inhumaine et décérébrée. Il y a une scène notamment, qui résume bien ce que dit le film de l’être humain : ce moment où un ami du banquier au bord de la ruine, bientôt suivi par d’autres, traverse la foule en colère, comme à contre-courant, pour aller déposer son argent et faire ainsi un acte de foi.

Cette scène est visuellement et émotionnellement très forte, Capra y visualisant parfaitement l’opposition entre l’individu dans ce qu’il a de plus grand, et la masse dans ce qu’elle a de plus informe. Un thème que l’on retrouve dans une grande partie de son oeuvre. La Ruée n’a certes pas la perfection de ses grands films avec James Stewart ou Gary Cooper, mais il y a quelque chose de très beau à voir le réalisateur tracer ce sillon qu’il creusera film après film, avec une sincérité qui ne se démentira jamais.

Le film est court (moins d’une heure quinze) et mené à un rythme impressionnant. Et Capra y confirme une nouvelle fois son génie visuel, avec cette manière qu’il a de filmer la foule, mais aussi les grands espaces vides. La séquence du braquage est ainsi particulièrement réussie, avec ce halo de lumière qui met en valeur l’obscurité, et le danger qu’elle dissimule. Il y a aussi un moment absolument génial, qui relève à la fois du drame social et de la pure comédie : la propagation de la rumeur selon laquelle la banque est ruinée. Capra la visualise par une succession rapide de gros plans sur le principe du téléphone arabe. C’est drôle, inventif, et d’une remarquable rapidité. Du pur Capra, donc.

New York – Miami (It happened one night) – de Frank Capra – 1934

Posté : 1 septembre, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, BOND Ward, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

New York Miami

Premier triomphe absolu pour Capra, qui en connaîtra d’autres, et dont le film est le tout premier à décrocher les cinq Oscars majeurs (film, réal, scénar, acteur et actrice). Il restera d’ailleurs le seul dans cette catégorie pendant plus de quarante ans, jusqu’à Vol au-dessus d’un nid de coucou (puis Le Silence des Agneaux). Dans une période particulièrement riche pour le cinéaste, qui peaufine son style et enrichit son univers film après film, celui-ci frappe pourtant par son extrême simplicité, et même par une certaine modestie.

La plupart des films de Capra sont basés sur un postulat de départ très fort. Ici, le cinéaste utilise un modèle déjà presque éculé de la comédie romantique : une riche héritière en cavale rencontre un type modeste et droit. Cela se passe dans un bus, et forcément, ces deux-là passent leur temps à s’engueuler, forcés de cohabiter après s’être retrouvés sans le sou. L’issue de l’histoire ne fait aucun doute, et Capra sait mieux que quiconque filmer ces ébauches de sourire et ces regards en coin qui annoncent la romance à venir. Mais ce qui fait tout le sel de It happened one night, ce n’est pas le terminus du voyage, c’est le voyage lui-même.

Pas la moindre fausse note dans ce monument indépassable de la « rom com ». L’alchimie est parfaite entre une Claudette Colbert irrésistible en jeune femme trop gâtée qui découvre les contraintes du quotidien, et Clark Gable dans l’un de ses premiers très grands rôles, un peu macho, un peu grande gueule, et très noble au bout du compte. Ce couple improbable est le moteur de ce road movie délicieux, qui respecte les règles du genre tout en surprenant constamment.

Capra réussit à donner un beau mouvement à son film, tout en s’offrant d’innombrables pauses, à l’image de cette chanson qu’improvisent les passagers du bus en pleine nuit. Un moment de partage et de joie comme seul Capra sait les mettre en scène, et qui annonce ses grands classiques avec James Stewart. Il a aussi cette incroyable sensibilité pour filmer les sentiments : ce plan quasi-obscur de Claudette Colbert de dos, faisant face à ce mur de couverture qui la sépare de celui qu’elle aime sans le dire, est d’une beauté renversante.

Comédie libre et réjouissante, le film a profondément marqué le genre, lançant la mode de la Screwball Comedy. Un vrai classique, quoi…

Amour défendu (Forbidden) – de Frank Capra – 1932

Posté : 23 août, 2017 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Amour défendu

Capra signe un vrai mélo, ce qui n’est pas si courant dans une filmographie quand même dominée par l’optimiste et le feel-good. Cette fois, il s’inscrit dans une veine ouvertement plombante, avec un film qui pourrait facilement être too much, trop triste, trop négatif, trop larmoyant…

Mais il y a Barbara Stanwyck, et ça change tout. Pas que l’actrice soit l’unique raison de la réussite du film : Capra y confirme son extrême délicatesse, et son talent pour créer de la vie dans chaque scène. Mais Stanwyck est décidément une actrice géniale, et ici tout particulièrement. D’un rôle pas facile, elle fait un personnage inoubliable, une femme martyr qu’elle ne tire jamais vers la tragédie trop facile, femme courage qui choisit, en dépit de toutes les épreuves, de mettre de la générosité et une certaine dose de légéreté dans sa vie…

La limite, en revanche, c’est le personnage masculin. Adolphe Menjou, en avocat marié qui choisit de cacher son idylle avec Barbara Stanwyck, est très bien. Mais le personnage est un lâche. Et même, pour tout dire, un sale con, qui regarde sans mot dire la femme qu’il aime renoncer à l’enfant qu’elle a eu avec lui dans le plus grand secret. Là, à ce moment précis, on le rouerait bien de coups, ce grand avocat qui clame dès qu’il en a l’occasion qu’il veut “bien faire”. Raté.

Du coup, on la bafferait bien aussi, la pauvre Barabara Stanwyck (oui, je suis d’une humeur violente), parce que quand même, il faut une bonne dose de bêtise pour s’affliger autant de malheurs sans y être forcée, et ce même si ses raisons sont louables. Et surtout, on reste un peu en marge de l’émotion qui devrait nous étreindre, tant le sacrifice de cette femme est immense.

Pourtant, le film est passionnant, parce que Capra s’y montre une nouvelle fois un cinéaste formellement fascinant (la scène bucolique des premières minutes, la manière dont il filme l’effervescence d’une salle de rédaction…), et d’une grande audace. Comment les ligues de vertues de l’époque ont-elles accueilli cette scène où la jeune Barbara Stanwyck, à la recherche du grand amour, dévisage tous les hommes présents autour d’elle comme si elle faisait son marché ? Ou, bien plus tard, la brutalité avec laquelle elle “exécute” l’homme qui menace ce pourquoi elle se sacrifie ?

Capra et Stanwyck, c’est l’une des grandes rencontres du cinéma. Ce tandem est bien ce qui fait le prix de ce Forbidden imparfait, et pourtant indispensable.

La Blonde platine (Platinum Blonde) – de Frank Capra – 1931

Posté : 11 juillet, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank, YOUNG Loretta | Pas de commentaires »

La Blonde platine

Gros mystère, quand même, autour de ce petit classique précoce de Capra : comment ce balourd de Robert Williams (incroyable sosie de Jeremy Renner, dont on jurerait par moments qu’il était déjà au boulot en 1931) peut-il être à ce point aveugle pour non seulement préférer Jean Harlow à Loretta Young, mais aussi pour ne pas réaliser que cette dernière est une vraie femme, et pas un pote de boulot que l’on tape sur l’épaule plutôt que l’on embrasse ?

OK, le premier baiser entre notre héros et la blonde platine Harlow se déroule derrière un rideau d’eau, lors d’un plan aussi magnifique que trouble. OK, les canons de beauté n’étaient pas les mêmes il y a 86 ans. Mais quand même, on a un peu envie de le secouer ce « héros », journaliste à la vie simple qui se laisse enfermer dans une tour d’ivoire par une belle aussi peu naturelle que la couleur de ses cheveux, et qui ne voit pas que l’authentiquement belle Loretta est raide dingue de lui.

Et que penser de lui lorsqu’il se pâme devant le nez (très discutable, mais les goûts et les couleurs…) de Jean Harlow, alors que Loretta Young possède justement le plus gracieux tarin de l’histoire du cinéma ? Bref… A baffer, le Robert Williams, et c’est bien la principale limite de ce film qui échoue à toucher au cœur comme le réussissaient tous les précédents films de Capra (Ladies of Leisure ou The Miracle Woman notamment).

La popularité grandissante d’Harlow avait poussé la production à donner plus d’importance à son personnage, et même à rebaptiser le film en son honneur. Au détriment de Loretta Young donc qui, même si son nom apparaît en premier au générique, est reléguée durant la plus grande partie du film au rang d’apparition dont on devine qu’elle finira par avoir le dernier mot…

Mais la moindre de ses apparitions illumine le film, devant la caméra d’un Capra très inspiré par la belle (plus que par Harlow, qui ne semble pas le fasciner), et qui assure un rythme impeccable, avec quelques beaux morceaux de bravoure qui reposent souvent sur la prestation de l’excellent Jeremy Renner, pardon Robert Williams. Parfaitement désinvolte et séducteur, l’acteur fait preuve d’une présence impressionnante… qui sera fauchée par la mort avant même la sortie du film. Ce qui explique pourquoi son nom est à ce point tombé dans l’anonymat.

La Femme aux miracles (The Miracle Woman) – de Frank Capra – 1931

Posté : 14 mai, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

La Femme aux miracles

Après Femmes de luxe, Capra offre un nouveau rôle à Barbara Stanwyck : celui d’une fille de pasteur qui devient la prédicatrice star d’un temple très populaire… et très lucratif. Un rôle qui lui vaut une entrée en matière extraordinaire : elle apparaît au lutrin de l’église, où elle lit le prêche du jour avant d’annoncer le décès de son père, mort de ne pas avoir supporté l’ingratitude de ses ouailles qui lui ont préféré un homme d’église plus jeune.

La manière dont Stanwyck passe de la posture de femme d’église à celle de victime en colère, dénonçant l’hypocrisie et la médiocrité de ces fidèles amassés face à elle, est d’une puissance inouïe, et d’une audace que l’application du code Hayes aurait rendu inimaginable trois ans plus tard, dans cette Amérique très pieuse. Mais dans cet Hollywood béni de l’ère pré-code, le politiquement incorrect est presque de rigueur. Et Capra ne se prive pas d’en profiter…

Presque aussi abouti que la première collaboration du cinéaste avec son actrice (il y a peut-être une ou deux petites longueurs, si on veut être tatillon), le film séduit par sa simplicité et par son authenticité. Et Capra réussit aussi bien ses grandes scènes de foule que les nombreux moments intimes. Et puis l’histoire d’amour entre la belle pécheresse et ce jeune aveugle à qui elle a sauvé la vie sans le savoir (David Manners, qui est cette même année le Jonathan Harker de Dracula) ne tombe jamais dans le larmoyant.

Au contraire, cette jolie romance nous vaut quelques moments magnifiques, comme ce premier baiser d’une pureté telle qu’il laisse le souffle coupé, instants absolument sublimes. Et l’idée de cet homme qui ne peut pas voir et qui ouvre les yeux de cette femme perdue dans une vie qui ne lui ressemble pas est très belle, et traitée avec une honnêteté et sans facilité par Capra.

Le film est, comme ça, émaillé de moments merveilleux, et de seconds rôles inoubliables. Comme la brave Mrs Higgins (Beryl Mercer), dont la bonté parfaite envers son aveugle de locataire ose se parer d’une attirance à peine voilée. « Ah ! si j’avais 30 ans de moins… » glisse-t-elle l’air de rien. Réjouissant.

Le Dirigeable (Dirigible) – de Frank Capra – 1931

Posté : 12 mai, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

Le Dirigeable

Après le monde du cirque, Capra, décidément touche à tout en ce début des années 30, change radicalement d’univers et signe l’un des rares films (je n’en connais pas d’autre) consacrés aux dirigeables et à ce pan méconnu de la conquête des airs.

C’est ce qu’il y a de plus passionnant dans cette grande réussite : la manière dont Capra fixe sur la pellicule cette époque héroïque, faite de grandes découvertes, de défis humains, d’héroïsme et de doutes. Le film évoque tout à la fois la conquête du Pôle Sud (cette année-là, ma grand-mère avait 1 an, et il existait encore des endroits sur Terre où l’homme n’était jamais allé… ça fait rêver !), la soif de reconnaissance des pilotes, et la concurrence entre les pro-avions et les pro-dirigeables.

En tant que témoin d’une époque, le film est formidable et indispensable. Mais c’est aussi une réussite à tous les niveaux. Adapté d’une histoire du fameux Frank Wead (pionnier de l’aviation dont la vie a inspiré L’Aigle vole au soleil à John Ford), le film mêle habilement l’une de ces conquêtes périlleuses qui ont fait la gloire de l’Amérique (on pense évidemment à l’odyssée de Lindergh, ne serait-ce que lors de la parade triomphale dans New York), et récit à hauteur d’hommes et de femmes.

C’est une histoire finalement assez classique de triangle amoureux : un pilote obnubilé par la gloire (Ralph Graves), sa femme délaissée (Fay Wray, avant de crier devant King Kong, excellente dans un rôle un peu en retrait), et leur meilleur ami, pilote plus posé et amoureux de la belle (Jack Holt, très charismatique). Un triangle amoureux soumis à une aventure humaine qui les dépasse, et qui vaut quelques impressionnants morceaux de bravoure.

On le sait très doué pour filmer des personnages confrontés aux doutes. Capra se révèle aussi un grand réalisateur d’action, signant notamment deux formidables séquence de crash, d’un dirigeable et d’un avion. Décidément, cette période de la filmographie de Capra est pleine de belles découvertes.

Rain or shine (id.) – de Frank Capra – de 1930

Posté : 7 mai, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, CAPRA Frank | Pas de commentaires »

Rain or shine

Tourné après le très beau Femmes de luxe, Rain or shine commence de la plus belle des manières. Après un générique au son de « Singin’ in the rain », le film s’ouvre sur un cortège de cirque qui avance lentement dans la nuit et sous la pluie. Visuellement très fortes, ces premières images magnifiques confirment le sens du rythme et de la composition du jeune Capra, et sa volonté ici de profiter pleinement des possibilités que lui offre son décor de cirque: coincée dans une ornière, une caravane est dégagée par un éléphant.

Quelques minutes plus tard, le même éléphant aidera la troupe à faire passer une porte trop étroite à une femme énorme, running gag que l’on retrouvera avec des variantes tout au long du film, annonçant un goût, pour le coup, pas sûr à tous les coups. Cette manière d’humilier la pauvre obèse est pour le moins douteuse…

Rain or shine alterne d’ailleurs le magnifique et le pas terrible. Le consternant, même, lors de ce dîner où l’homme de spectacle Joe Cook multiplie les gags pour embarrasser les riches hôtes dont le fils pourrait lui enlever celle qu’il aime. Le problème n’est pas que cette scène soit elle-même embarrassante : après tout, l’atmosphère est celle qu’elle doit être. Mais elle est surtout interminable, comme si Capra était fasciné par son acteur vedette.

Autant ce dernier réussit quelques belles prouesses physiques, notamment lors de l’extraordinaire séquence de l’incendie, autant son humour, sans doute très en vogue en 1930, a pris un terrible coup de vieux. Surtout, la volonté de mettre Cook en valeur donne lieu à de nombreuses séquences (dont la scène de la représentation n’est que l’exemple le plus long) qui s’inscrivent mal dans le récit, et mettent à mal le rythme du film. Cela dit, l’acteur est excellent dans les scènes plus dramatiques, voire romantiques.

Pas très à l’aise avec les ruptures de ton, Capra aborde déjà la notion de riches et de pauvres, mais sans réelle confrontation directe. Son film est avant tout une jolie déclaration d’amour aux gens simples et aux valeurs sincères. Du pur Capra, donc.

Femmes de luxe (Ladies of Leisure) – de Frank Capra – 1930

Posté : 6 mai, 2017 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CAPRA Frank, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Femmes de luxe

Barbara Stanwyck, jeune femme habituée aux plans tout pourris avec des gros lourds imbibés d’alcool, passe la nuit sur le canapé du riche peintre qui l’a choisie comme modèle, et dont elle est tombée secrètement amoureuse. Au milieu de la nuit, elle l’entend s’approcher d’elle. Elle pense qu’il va réagir comme tous les types qu’elle a connus, et se jeter sur elle. Mais non. Sans un bruit, la croyant endormie, il la couvre d’un plaid, et s’éloigne tout aussi discrètement.

Cette scène simple et sublime n’est faite que de gros plans, sur les pieds du peintre (joué par Ralph Graves), sur ses mains déposant la couverture, et surtout sur le visage de l’actrice sur lequel des torrents d’émotion se lisent. Et ce visage, lorsqu’elle réalise la tendresse de ce geste, est l’un des premiers immenses moments d’émotion du cinéma de Capra, qui rappelle la perfection qu’avait atteint le cinéma dans les dernières années du muet, dans ce qui est pourtant l’un de ses premiers films (son premier ?) entièrement parlant.

Capra n’est pas un débutant lorsqu’il réalise Ladies of Leisure. Mais le film marque le début d’une décennie magnifique, celle de New York – Miami et de Monsieur Smith au Sénat, au cours de laquelle le cinéaste impose son style, ses thèmes et son ton. Tout est déjà bien en place ici, dans ce qui est aussi sa première collaboration avec la toute jeune Barbara Stanwyck, déjà sublime, complexe et intense. C’est grâce à elle, et à la délicatesse de Capra, que toute l’émotion passe, dans ce portrait d’une femme qui pensait profiter de la fortune d’un homme, et qui réalise qu’elle ne veut que son amour.

Dès la toute première scène, Capra met en place la verticalité du film, qui sera constamment au cœur de son récit. Des passants sur un trottoir manquent de se faire assommer par des bouteilles, lancées du haut d’un immeuble cossu par des jeunes femmes visiblement très alcoolisées lors d’une soirée donnée par de riches oisifs, où l’on découvre notre peintre, perdu dans un milieu qui ne lui ressemble pas. Capra jouera à plusieurs reprises sur ce motif de la verticalité, avec la place centrale jouée par l’ascenseur, et jusqu’à cette extraordinaire séquence finale basée sur un montage alterné, sommet de suspense et d’émotion.

Capra réussit l’un de ses très grands films oubliés, aussi abouti visuellement que riche au niveau du récit, parsemé de détails et de personnages passionnants, qui évitent à toute caricature. Capra, comme Barbara Stanwyck d’ailleurs, entre dans la cour des grands.

La Vie est belle (It’s a wonderful life) – de Frank Capra – 1946

Posté : 6 février, 2017 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, CAPRA Frank, FANTASTIQUE/SF, STEWART James | Pas de commentaires »

La vie est belle

Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? La Vie est belle est une merveille, un film euphorisant, un pur bonheur de cinéma, l’un de ces chefs d’œuvre qui rendent immensément heureux, et qui vous réconcilient avec l’humanité. Bref, j’aime La Vie est belle, le film a changé ma vie de cinéphile, ma vie tout court.

Classique indémodable, diffusé chaque Noël à la télévision américaine (comme quoi ils n’ont pas si mauvais goût, les Ricains), sommet de la filmograpghie de Capra (qui ne s’en remettra jamais tout à fait), le film n’a rien perdu de son universalité. L’histoire ? Celle de George Bailey, jeune homme qui rêve de grands voyages mais se retrouve coincé dans la petite ville de Bedford Falls où il étouffe, mais où il doit perpétuer l’oeuvre de son père, bienfaiteur qui s’opposait au cynisme inhumain d’un tout puissant banquier.

La grande idée du film, celle dont on parle systématiquement, ne représente qu’une petite partie du métrage : au bout du rouleau, sur le point d’être enfermé pour avoir perdu l’argent des habitants, Bailey s’apprêt à se suicider. C’est là qu’un ange apparaît et lui montre à quoi ressemblerait le monde s’il n’existait pas…

Une idée géniale, qui ne suffit pas à dire la richesse de ce film, superbe de la première à la dernière image. Il y a d’abord la prestation de James Stewart, exceptionnelle, pleine de nuances et d’une intensité rare. Il faut voir son regard lorsque, sur le quai de la gare, il comprend que son frère ne reprendra pas l’entreprise familiale, et qu’il est condamné une fois encore à renfoncer à ses projets. Il faut le voir aussi se liquéfier d’amour (on le comprend) pour Donna Reed alors qu’ils se partagent un combiné de téléphone.

Donna Reed… C’est rien de dire que c’est le rôle de sa vie. Sa bienveillance naturelle, son sourire immense, peut-être le plus beau de l’histoire du cinéma, illuminent constamment le film de leur discrète présence. Lionel Barrymore en méchant très scroogien, Thomas Mitchell en oncle maladroit, Ward Bond en policier au grand cœur, Henry Travers en ange irrésistible, et même Gloria Grahame dans l’un de ces rôles qui lui vont si bien (une mauvaise fille au grand cœur)… Tous sont formidables.

On pourrait reprocher la naïveté du propos, voire la morale de l’histoire… On aurait tort : La Vie est belle est une merveille d’émotion pure, et un film qui réhabilite joyeusement la bienveillance et les plaisirs simples. Un film indispensable que, comme les Américains, on devrait tous voir au moins une fois par an.

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