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Archive pour la catégorie 'ALLEN Woody'

Accords et désaccords (Sweet and Lowdown) – de Woody Allen – 1999

Posté : 10 décembre, 2014 @ 3:03 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Accords et désaccords

L’hommage de Woody Allen, lui-même clarinettiste, à la musique qu’il a toujours aimé : le jazz. Un film plein de musique, donc, et dont le personnage principal est un musicien désaxé et névrosé. Un looser égocentrique, odieux et génial, tel que le présente Woody lui-même, qui apparaît dans son propre rôle, racontant avec quelques « témoins » et spécialistes les grandes heures du musicien. Un sale type, sous bien des aspects, mais dont les pires défauts cachent une sensibilité et un mal-être touchants.

Sean Penn est parfait dans le rôle d’Emmet Ray, un être suffisant capable des pires comportements et assumant ses excès comme étant la rançon du génie, mais dont la carapace se fend face à « l’idiote muette », craquante Samantha Morton, jeune femme si banale qui lui révèle sa propre part d’enfance.

Emmet Ray est aussi un homme grotesque, qui passe ses moments libres à abattre des rats dans les décharges ou à observer les trains qui passent. Risible, lorsqu’il réalise son « rêve » : apparaître sur scène à cheval sur une lune… Woody Allen le filme tel qu’il est, mais porte sur lui un regard certes sévère, mais aussi attendri. Car il y a de l’or dans les doigts de ce type : quelle beauté lorsqu’il a la guitare à la main.

Woody Allen n’épargne rien à ce type franchement détestable, mais il révèle son humanité à fleur de peau. Et il se reconnaît en lui (même si Sean Penn prend le contre-pied de Kenneth Branagh qui, dans Celebrity, était une sorte de double rajeuni de Woody) : ce n’est pas un hasard si son environnement nous est si familier, entre la maison sous le grand-huit (Radio Days) et les retrouvailles sur un banc face au fleuve (Manhattan).

Il y a un peu de Woody Allen dans Emmet Ray. Et pas la peine de se précipiter vers sa discographie : le « deuxième plus grand guitariste du monde (après Django, ce « gitan français ») n’existe pas, pas plus que le Lewyn Davis des frères Coen (la parenté entre les deux films est assez flagrante). Une invention de Woody pour son cri d’amour au jazz, l’un de ses très, très beaux films.

Celebrity (id.) – de Woody Allen – 1998

Posté : 21 novembre, 2014 @ 4:15 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Celebrity

Ce n’est pas tout à fait la première fois que Woody Allen s’efface pour diriger un alter ego (John Cusack dans Coup de feu sur Broadway, déjà). Mais Celebrity ouvre une nouvelle ère pour le cinéaste. Pas la plus glorieuse, d’ailleurs : la décennie qui suit sera la plus décriée par ses fans (et me perdra en cours de route, à l’époque, mais la redécouverte arrive…). Celle, en tout cas, où il restera de plus en plus souvent derrière la caméra, pour filmer des acteurs dont il fera des ersatz de lui-même.

C’est particulièrement flagrant avec Kenneth Branagh, dont les caractéristiques et le jeu d’acteurs sont des copiés-collés de ceux de Woody acteur. En plus jeune, et plus séduisant, donc, mais pas différent pour autant. Ecrivain en panne d’inspiration, quadragénaire qui décide de rompre un mariage trop sage pour renouer avec la passion amoureuse et sexuelle… Un homme à la croisée des chemins que l’on a déjà rencontré dans bien d’autres films d’Allen.

Evocation des affres de la création et du cynisme du show-buisiness, Celebrity offre une vision crue et sans détour du star system, avec une série de portraits bien gratinés : Melanie Griffith en ersatz de Marylin infantile et hyper sexuée, Leonardo Di Caprio en mégastar capricieuse et cocaïnomane, Charlize Theron en icône du sexe se déclenchant un orgasme au moindre contact physique… Des rencontres inoubliables pour le journaliste-écrivain Kenneth Branagh, qui n’a pourtant d’yeux que pour la si belle et si douce Winona Ryder.

Si douce, en apparrence en tout cas. Car cette fable cynique et cruelle révèle en fait autant de personnalités troubles que le star system maintient gentiment mais sûrement en dehors du vrai monde. Mais la critique se fait avec un regard étrangement bienveillant. Ces monstres d’égocentrisme, Woody Allen les aime, finalement. Lui-même, d’ailleurs, n’hésite pas à jouer l’autodérision, comme lorsque ses personnages évoquent la prétention de ces réalisateurs qui ne jurent que par le noir et blanc.

Les comédiens sont formidables dans cette galerie de monstres et de dingos. Et comme souvent chez Woody, la palme revient à Judy Davis, géniale en femme délaissée et trop peu sûre d’elle, qui se résoud à devenir une autre, plus ouverte sur le monde, plus sexuée (irrésistible leçon de fellation), plus apte au bonheur… Pas si facile dans l’univers névrosé de Woody Allen.

Celebrity commence par le tournage d’un film et s’achève par sa projection. Et malgré les rencontres, les aventures, les contretemps, Branagh est toujours là où il était : un spectateur un peu seul, ni plus heureux, ni plus malheureux qu’il n’était. Prêt pour une autre tranche de vie, comme Woody Allen est prêt pour un autre film.

Magic in the Moonlight (id.) – de Woody Allen – 2014

Posté : 13 novembre, 2014 @ 3:07 dans 2010-2019, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Magic in the moonlight

Un an après le magnifique Blue Jasmine, difficile de cacher sa déception durant le premier quart d’heure de ce qui ressemble alors à une petite comédie sans grand relief qui évoque les moments les moins inspirés de la carrière de Woody Allen, lorsque ses obsessions tournaient au rabachage. Et c’est vrai qu’on a l’impression qu’il nous l’a déjà racontée, cette histoire d’un magicien décidé à démystifier une jeune médium dans le Sud de la France des années 20. Lui-même semble à peine y croire, à cette œuvrette plaisante mais étonnamment mécanique…

Et puis il y a cette scène superbe qui donne son titre au film : une nuit d’orage que le magicien (Colin Firth, formidable dans l’excès et dans la sensibilité) passe avec la jeune médium (Emma Stone, bluffante de naturelle) dans un observatoire déserté, et ce plafond qui s’ouvre enfin sur un ciel rempli d’étoile et sur un sublime clair de lune… Magic in the moonlight ! Ce moment de pure poésie correspond, pour le personnage principal, à son ouverture à la vie, au relâchement d’un homme qui accepte de lâcher prise, d’abandonner les règles stricts qu’il s’est imposés toute sa vie.

C’est son point de vue qu’adopte Woody Allen. Et on comprend alors que si la première partie semblait si froide, répondant à une logique trop stricte et évidente de mise en scène, c’est parce que le point de vue est celui d’un homme trop engoncé dans ses certitudes et dans ses stricts codes de conduite. Un homme cynique, si ouvertement rationnel et cartésien qu’il se prive de tout plaisir et de tout bonheur possible.

Dans ce rôle, Colin Firth est formidable, odieux et maladroit, d’un cynisme irrésistible face à la jeune – et pas si innocente ) Emma Stone, mimi minois et vrai tempérament. Est-elle une authentique médium, ou une arnaqueuse ? On sait la fascination qu’a Woody Allen pour les sciences occultes (Alice, notamment), mais malgré les apparences, ce n’est vraiment pas le sujet : juste une métaphore pour souligner l’ouverture à la vie de ce « génie » autoproclamé, totalement incapable d’être ou de rendre heureux.

La légèreté du propos est trompeuse : le film est habité par le poids du temps qui passe et des regrets, par la mort qui guette, et par la nostalgie de ce qui aurait pu être. Mais c’est aussi une vraie comédie à la Woody Allen, peuplée de personnages irrésistibles (le fiancé ridicule, sûr du pouvoir de sa fortune, qui séduit sa belle au ukulélé).

Tendresse et cynisme, humour et romantisme… Magic in the Moonlight aborde un thème pas si éloigné de celui de Blue Jasmine : la chance qui s’offre de sortir de son monde plein de carcans, pour s’ouvrir aux plaisirs simples de la vie. Mais le ton est assez radicalement différent. On sortait du précédent film bouleversé. On sort de celui-ci heureux, avec un sourire grand comme ça, et une larme au coin des yeux…

Harry dans tous ses états (Deconstructing Harry) – de Woody Allen – 1997

Posté : 3 novembre, 2014 @ 5:54 dans 1990-1999, ALLEN Woody, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Harry dans tous ses états

Un écrivain réalise qu’il est totalement inapte à vivre en société, et qu’il ne s’épanouit réellement que dans son écriture, au milieu des personnages qui sortent de son imagination, et qui lui offrent l’opportunité de se livrer à une sorte d’auto-psychanalyse grandeur nature.

Sur le papier, Allen semble avoir déjà fait ce film dix fois. Film après film, ses mêmes thèmes reviennent sans cesse : sa fascination faite d’amour et de rejet pour New York, ses obsessions pour la psychanalyse, pour la sexualité… Pourtant, et on pourrait le dire pour la plupart de ses grandes réussites, Deconstructing Harry ne ressemble à aucun autre film.

C’est le parcours très simple d’un Woody hilarant mais horrible, qui passe son temps à rejeter sur les autres le moindre de ses actes : il faut le voir expliquer ce qui l’a amené à tromper l’une de ses femmes, lui rejetant la faute avec un naturel et une nonchalance dont on ne sait pas trop si c’est à mourir de rire, ou totalement glaçant.

Mais ce parcours très allenien est surtout une plongée absolument virtuose dans l’univers mental du queutard-écrivain : devant la caméra, la frontière entre la réalité et l’imagination du personnage est de plus en plus trouble. Son alter ego, sorti d’un livre très autobiographique,  finit d’ailleurs par lui faire face, pointant du doigt ce que le personnage refuse de voir. Une psychanalyse illustrée en quelque sorte…

Ce procédé permet à Woody Allen de s’offrir toutes les extravagances, toutes les folies pour donner corps à son processus mental, à ses fantasmes ou ses culpabilités, utilisant merveilleusement un très beau casting. Il fallait oser offrir à Robin Williams le rôle d’un acteur flou, dont on ne voit jamais clairement le visage. Il fallait oser aussi rendre un nouvel hommage à son maître de toujours Ingmar Bergman en filmant la mort qui vient frapper à la porte d’un appartement new-yorkais.

Woody Allen ose. Et il signe l’un de ses grands films, drôle et dérangeant. Libre et culotté.

Tout le monde dit I love you (Everyone says I love you) – de Woody Allen – 1996

Posté : 15 octobre, 2014 @ 1:33 dans 1990-1999, ALLEN Woody, COMEDIES MUSICALES | Pas de commentaires »

Tout le monde dit I love you

Woody Allen semble réaliser un rêve de gosse avec SA grande comédie musicale, hommage sincère et joyeux au genre et à un Hollywood disparu depuis longtemps (il évoque aussi en passant son idole de toujours, Groucho Marx, dans une séquence déjà culte). Loin d’être un simple pastiche, ce film magique au titre impossible est un authentique musical où les personnages se mettent régulièrement à danser et chanter.

Un vrai tour de force pour des comédiens qui ne sont pas doublés, et qui n’ont rien de chanteurs professionnels. Mais qu’ils aient un beau grain de voix (Edward Norton), ou qu’ils chantent comme mon beau-frère sous sa douche (Julia Roberts), il y a quelque chose de rafraîchissant et d’émouvant à la fois, à les voir se livrer d’une manière aussi intime : lorsqu’ils chantent ou dansent, ces stars habituées à contrôler leur image semblent d’une sincérité troublante.

Woody Allen lui-même paraît se livrer plus encore que d’habitude, dans ce qui est peut-être, derrière l’apparente légèreté du ton, le plus nostalgique de tous ses films. « Il est plus tard qu’on ne croit » clame-t-il régulièrement, soulignant le temps qui s’écoule inexorablement, rythmant les saisons et la vie qui s’écoulent inexorablement dans cette famille recomposée comme Woody Allen les aime, dont le bel équilibre est chamboulé par l’irruption de l’amour sous toutes ses formes, passionnée, compliquée, inattendue.

Les saisons qui passent et que Woody Allen filme comme des personnages à part entière, à la personnalité bien marquée : un hiver sur les quais de Paris, un printemps dans les rues de New York, un été sur les canaux de Venise… On se croirait dans des décors de cartes postales, comme des images très fortes dont on sait lorsqu’on les vit qu’elles resteront gravées à jamais dans les mémoires.

C’est là que le film est le plus beau : dans sa capacité à mettre en valeur ce qui restera de souvenirs, les grands moments de la vie. Dans ce film chorale, qui met en scène une bonne vingtaine de personnages, on a un vrai faible pour Woody lui-même et son ex Goldie Hawn, dont il est séparé depuis des décennies, et avec qui il entretient une belle amitié.

Mais entre ces deux-là restent les souvenirs communs de la passion qu’ils ont partagée. Et cela donne l’une des plus belles séquences de tout le cinéma allenien : une danse magique (dans tous les sens du terme) sur les quais déserts de la Seine, la nuit de Noël, au cours de laquelle les deux anciens époux se laissent aller à une douce nostalgie. Cette séquence est d’une délicatesse infinie, d’une grande virtuosité, et d’une beauté renversante.

Maudite Aphrodite (Mighty aphrodite) – de Woody Allen – 1995

Posté : 1 juin, 2014 @ 6:12 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Maudite Aphrodite

Décidément très en forme, Woody Allen, après son incursion dans l’Amérique de la prohibition, revient à ses principales interrogations : celles sur le couple et sa capacité à surmonter l’épreuve du temps et des tentations de la vie. C’est même tout le sujet du film, qui dévoile une facette encore nouvelle de l’esprit du cinéaste : certes torturé, mais aussi étonnamment léger et optimiste. C’est l’œuvre d’un réalisateur plus jeune que jamais, qui veut croire en l’amour éternel et en la famille : Maudite Aphrodite est l’un de ses films les plus apaisés.

Pas niais et simpliste pour autant : chez Allen, le chemin du bonheur n’est jamais droit et bien tracé. Il passe toujours par des mesquineries, des tromperies, des interrogations sur sa place dans la société, particulièrement difficile à trouver. Mais cette fois, dans le plus lelouchien de ses films, qui accorde une place primordiale à la musique (on sent, dans les interventions étonnantes de la conscience de Lenny/Woody qui prend la forme d’un « chœur antique » dirigé par F. Murray Abraham, que le cinéaste n’est pas loin de diriger enfin « sa » comédie musicale), Allen est d’humeur à accorder le happy end parfait à tous ses personnages, jusqu’aux plus anecdotiques.

Allen ne choisit pourtant pas la simplicité. Son personnage, marié à une femme belle et brillante (Helena Bonham Carter) qui le délaisse pour sa carrière, se laisse persuader d’adopter un enfant. Mais, comme dans toute tragédie (le genre auquel il se réfère pour mieux lui tordre le cou), il finit par céder à la pire des malédictions : l’obsession, celle de retrouver la mère biologique de cet enfant si formidable… Il la retrouve, et tombe de haut : c’est une bécasse, belle à damner, mais qui tourne des films de cul et se prostitue en rêvant d’une chimérique carrière d’actrice…

Dans le rôle de sa vie, Mira Sorvino est formidable, jouant admirablement la belle pas si idiote hantée par cet enfant qu’elle ne connaîtra jamais. Drôle de relation qui unit, sans qu’elle le sache, la mère qui a abandonné son enfant et l’homme qui l’a recueilli. Woody Allen a beau compliqué à l’extrême les relations entre ses personnages, leurs sentiments restent aussi simples que bouleversants : il y a, dans Maudite Aphrodite, des silences qui déchirent le cœur.

Il y a aussi des répliques irrésistibles (l’une des meilleures de sa filmographie, prononcée par Mira Sorvino qui offre un cadeau à Woody : « Tu ne veux pas une pipe, alors je t’ai pris une cravate »), et un mouvement envoûtant et unique, que résume parfaitement le chef de chœur dans la dernière réplique du film : « La vie est incroyable. Miraculeuse. Triste. Merveilleuse. » Tout comme le cinéma de Woody Allen…

Coups de feu sur Broadway (Bullets over Broadway) – de Woody Allen – 1994

Posté : 13 mai, 2014 @ 1:34 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Coups de feu sur Broadway

La Prohibition réussit bien à Woody Allen, qui signe une comédie noire et grinçante sur les affres de la création, un thème qui lui est cher. Entièrement basé dans les coulisses de Broadway, le film part d’une idée assez géniale… qui cède bientôt le pas à une autre idée originale, plus passionnante encore.

La première, d’abord. Un jeune auteur de théâtre dont le talent est respecté, mais qui n’a jamais connu le succès (joué par John Cusack, alter ego rajeuni de Woody Allen), peine à monter sa dernière pièce. Son agent trouve un financeur miraculeux : un patron de la pègre qui n’accepte de payer qu’à condition que l’un des rôles reviennent à sa maîtresse, une danseuse de revue à la voix stridante et complètement con.

Cet point de départ pourrait suffire, mais Woody Allen va beaucoup plus loin qu’une simple comédie de situation. La nunuche est chaperonnée par un homme de main du mafieux, brute mal dégrossie (interprété par Chazz Palminteri, qu’on venait de découvrir grâce à Il était une fois le Bronx, l’adaptation de sa propre pièce) qui révèle bientôt des dons d’auteur inattendus, qui ne cessent d’améliorer la pièce…

Le film est drôle, très drôle même avec quelques dialogues aux petits oignons comme Woody sait les ciseler : « J’ai pas bu depuis le Nouvel An – Oui mais c’était le Nouvel An chinois » ou « Bien arrivé d’Angleterre ? – Il y a cinq ans, mais très bien. » Mais Allen en fait surtout une réflexion curieusement acerbe sur la création et les artistes autoproclamés, dont il se moque ouvertement : « Tu es un génie. La preuve, c’est que ton œuvre est incohérente pour tous. »

Le cinéaste filme des personnages attachants, mais ridicules. Diane Wiest, formidable en diva de la scène, prend constamment des poses inspirées et pseudo-poétiques, et passe son temps à couper l’auteur d’un « Ne dites rien ! Ne dites rien », lorsque la situation devient trop intime et implicante. Dans un petit rôle d’artiste maudit, Rob Reiner (le réalisateur), l’air sentencieux et inspiré, donne LE conseil définitif à un John Cusack en plein doute : « On doit faire… ce qu’on doit faire ».

Finalement, le seul qui semble trouver grâce aux yeux de Woody Allen, c’est Chazz Palminteri lui-même. Le seul artiste véritable serait un tueur sans état d’âme, dont on assiste aux tueries lors de séquences qui semblent sorties des grands films de gangsters que Woody cite volontiers. La reconstitution de l’époque, les costumes… L’aspect visuel est admirable, et le film mélange les genres avec bonheur. Une réussite.

Meurtre mystérieux à Manhattan (Manhattan Murder Mystery) – de Woody Allen – 1993

Posté : 10 avril, 2014 @ 1:32 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Meurtre mystérieux à Manhattan

Après sa rupture avec Mia Farrow, Woody Allen retrouve Diane Keaton, qu’il n’avait plus dirigée depuis un petit rôle dans Radio Days, pour ce qui reste l’un des sommets de sa veine la plus légère. Les bons mots et les dialogues irrésistibles se succèdent à un rythme incroyable, et l’hommage à Hitchcock, déjà présent dans d’autres films (Crime et délits surtout) est ici au cœur même de l’histoire.

On pense évidemment à Fenêtre sur cour, avec cette histoire d’une bourgeoise qui s’ennuie un peu dans son couple, qui se persuade que la mort de leur charmante voisine n’a rien d’accidentel, et que le mari l’a assassinée. Woody Allen signe d’ailleurs un authentique suspense qui tient remarquablement bien la route… même s’il n’oublie jamais de prendre ça avec beaucoup de dérision.

Et le film est à mourir de rire, porté par un couple d’acteurs qu’on prend un plaisir fou à retrouver. Le personnage de Diane Keaton pourrait bien être une sorte de Annie Hall avec quinze ans de plus, désireuse de retrouver la liberté et la folie de ses jeunes années. Quant à Woody, il retrouve la veine burlesque de ses débuts lors de quelques séquences géniales, particulièrement une leçon de poker avec Anjelica Huston où il marche dans les pas de Groucho Marx.

Manhattan Murder Mystery est ce qui ressemble le plus à une comédie policière, dans la filmo de Woody Allen. Malgré la légèreté du propos, il n’en oublie pas pour autant d’apposer sa marque avec les thèmes qui lui sont chers : la difficulté de vivre en couple (version plutôt optimiste cette fois, malgré l’actualité de sa vie privée), son amour pour New York (le film s’ouvre avec le « I happen to love New York » de Cole Porter) et sa cinéphilie.

Outre l’hommage à Hitchcock, Woody Allen parsème son film de références aux grands films noirs hollywoodiens. Ce qui donne notamment un hommage ébouriffant à La Dame de Shanghai d’Orson Welles, où la mythique scène des miroirs semble sortir de l’écran pour se rejouer en direct dans la salle de cinéma. Une mise en abîme qui résume bien ce qu’est Meurtre mystérieux à Manhattan : une déclaration d’amour au cinéma, l’art qui rend la vie plus belle…

Maris et femmes (Husbands and wives) – de Woody Allen – 1992

Posté : 28 février, 2014 @ 2:06 dans 1990-1999, ALLEN Woody | Pas de commentaires »

Maris et femmes

En terrain connu, abordant une fois de plus les rapports entre les hommes et les femmes, Woody Allen parvient une nouvelle fois à surprendre et à signe un chef d’œuvre qui s’inscrit dans la lignée naturelle de ses précédents films, tout en marquant une rupture assez radicale.

Formellement, d’abord, Husbands and wives confirme la volonté du cinéaste d’explorer de nouveaux horizons. Loin de l’hommage au film noir de son précédent opus, Ombres et brouillard, Allen adopte ici un style qui évoque le film documentaire un peu improvisé. Caméra à l’épaule, faux raccords, coupes volontairement approximatives… Allen crée le sentiment d’un cinéma vérité parfois troublant : la sensation d’intimité s’en trouve renforcée, comme dans cette belle séquence d’orage, au cours de laquelle Woody se met en scène avec Juliette Lewis, facilement de 30 ans sa cadette, dans ce qui est l’un des baisers les plus romantiques de ces années-là.

Mais ce passage délicat et sensuel n’est qu’une parenthèse. Car le ton est, lui aussi, plus radical que dans les précédents films d’Allen. Avec cette histoire de deux couples qui connaissent les mêmes difficultés, mais suivent des destins inverses (Woody Allen et Mia Farrow, Judy Davie et Sydney Pollack), Allen souligne comme jamais peut-être la difficulté de vivre en couple, et l’aspect éphémère de la passion et des illusions.

Au cours d’une discussion passionnée en pleine nuit, Woody évoque les moments les plus mémorables de son couple avec Mia Farrow : une promenade au clair de lune, un éclat de rire, qu’importe… Mais elle lui répond qu’il ne s’agit que de souvenirs isolés, qui ne racontent pas ce qu’est leur vie ensemble. Une discussion calme, et même tendre, mais le propos est dur, sans concession. Et aucun des deux n’a encore compris qu’il s’agissait là d’un dialogue de rupture…

Dans Husbands and wives, hommes et femmes semblent constamment en décalage, jamais dans le même timing. Mia veut un enfant depuis des années, mais Woody n’accepte l’idée que lorsqu’il est trop tard. Sydney Pollack veut expérimenter le célibat, mais il ne réalise ce qu’il perd que lorsque sa femme Judy Davis commence à y prendre goût…

Sans vouloir sur-interpréter, ni dresser des ponts systématiques entre la vie et l’œuvre, ce grand film sur le couple, sombre et sans illusion, semble ouvertement marquer la fin de quelque chose, comme si Allen ne pouvait aller plus loin dans cette direction. Difficile de n’y voir qu’un hasard : Maris et femmes est le dernier de ses films dont Mia Farrow est l’interprète (et l’égérie), avant la douloureuse rupture. Avec son film suivant, Meurtre mystérieux à Manhattan, Woody Allen surprendra encore avec un nouveau changement de cap, radical, et réjouissant.

Ombres et brouillards (Shadows and fog) – de Woody Allen – 1991

Posté : 19 février, 2014 @ 12:57 dans 1990-1999, ALLEN Woody | 1 commentaire »

Ombres et brouillard

Après le magnifique Alice, Woody Allen surprend encore avec ce film en noir et blanc qui ne ressemble à aucun autre. Une curieuse errance dans une nuit de brouillard, pleine de répliques alleniennes irrésistibles (« Un maniaque a la force de dix hommes. Moi, j’ai la force d’un enfant. Qui a la polio. »), de rythme et de musique de cirque. Mais derrière ces attraits de comédie, Allen signe peut-être son film le plus glaçant.

On rit franchement, on frémit aussi face aux déambulations nocturnes de cet hommes un peu couard que l’on oblige à errer dans des ruelles où rode un tueur en série. On s’amuse aussi du casting étonnant (autour de Woody et Mia Farrow : John Malkovich, Madonna, John Cusack, Jodie Foster ou Donald Pleasance) et des innombrables références qu’Allen place dans son film : cette imagerie à la Jack l’Eventreur bien sûr, mais aussi l’ambiance absurde tout droit sortie d’un roman de Kafka : Allen, ballotté d’une organisation à une autre, sommé de choisir son camp dans une querelle dont il ne comprend rien, et errant désespérément à la recherche d’une quelconque explication…

Mais cette errance burlesque et absurde, qui rappelle autant les films noirs que le cinéma fantastique des années 40 (sublime travail sur les ombres, et la lumière qui transperce le brouillard dans de jolis effets), illustre une atmosphère de défiance généralisée, de peur, de colère et de suspicion qui évoque douloureusement la montée du nazisme en Europe.

Ce thème, l’incompréhension de la Shoah et de l’antisémitisme d’une manière générale, a souvent été en filigrane dans l’œuvre d’Allen. Il l’aborde cette fois frontalement, notamment dans une scène qu’il filme comme une comédie, mais qui glace le sang : ce petit homme ballotté par l’histoire (derrière la petite histoire, ce tueur mystérieux qui terrorise la ville, on imagine bien l’ombre de la grande Histoire, l’Holocauste), justement appelé Kleinman, entre dans une église pour faire un don important, et découvre le prêtre et un policier occupés à établir une liste, visiblement noirs, où figurent son propre nom et d’autres dont la consonance ne laisse planer aucun doute.

Visuellement splendide, constamment étonnant, Ombres et brouillards réussit le miracle d’être une comédie irrésistible, un thriller efficace, et un grand film, intelligent et effrayant, sur la plus grande catastrophe de ce siècle qui se termine…

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