Les Caves du Majestic – de Richard Pottier – 1944
Dynamique, bavard, primesautier, Albert Préjean est un Maigret formidable à une réserve près : il n’a pas grand-chose à voir avec le personnage de Simenon. Maigret, le vrai, est un taiseux, qui se fond dans l’atmosphère des lieux, et laisse gagner par la « musique » qui l’aide à comprendre les gens, le contexte…
Maigret, sous les traits de Préjean, passe à son temps à dire qu’il va flâner en se laissant gagnant par la musique, mais fait constamment le contraire. Un beau parleur et un manipulateur, qui interroge en usant de trucs un rien éculés (comme celui, redondant, qui consiste à poser une question anodine pour tester la nervosité de l’autre).
Maigret n’est donc pas Maigret, mais cela n’enlève rien à la réussite du film, polar absolument passionnant qui est, au final, une adaptation qui colle plutôt bien à l’esprit de Simenon. Car si Maigret est un observateur bien bavard, Richard Pottier, lui, laisse bel et bien sa caméra s’imprégner des lieux, en l’occurrence un grand palace parisien et quelques lieux de nuit où se croisent tous les suspects dans une affaire de meurtre.
Une cliente du palace a été retrouvée morte dans les caves du Majestic, et Maigret réalise bientôt que la plupart des suspects la connaissaient, qu’ils soient milliardaires ou simples employés, secrétaires ou danseurs… Une intrigue complexe, avec des tas de fils qui se croisent, et que Maigret démêle avec une fluidité parfaite.
Trop démonstratif, peut-être (« Dans mon métier, il est important de paraître plus bête qu’on est » fait partie des nombreuses phrases inutiles). Et l’intrigue secondaire, qui tourne autour de l’enfant, est très émouvante, mais paraît quelque peu hors sujet.
Il y a en tout cas le bonheur de retrouver des tas de seconds rôles incontournables du cinéma français des années 40, avec le débit incompréhensible d’André Gabriello et la voix profonde et gouailleuse de Jacques Baumer parfaitement mis en valeur par les dialogues et le scénario de Charles Spaak (à qui on doit entre autre La Grande Illusion).
Spaak et Pottier assument totalement le film de genre : Les Caves du Majestic ne se veut pas autre chose d’une intrigue policière passionnante.