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Archive pour la catégorie '1990-1999'

Le Fugitif (The Fugitive) – de Andrew Davis – 1993

Posté : 23 décembre, 2010 @ 12:17 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, DAVIS Andrew, FORD Harrison | Pas de commentaires »

Le Fugitif

C’est ce qu’on appelle un miracle : comment, entre deux Steven Seagal paresseux, Andrew Davis a-t-il pu signer un film aussi réussi que cette adaptation d’une série à succès des années 60 ? Sais pas, mais le fait est là : Le Fugitif est l’un des grands thrillers des années 90. Construction hyper efficace, rythme parfait, scénario malin… le film dépasse largement la série, dont il garde le début, la fin, et la plupart des recettes. C’est donc l’histoire de Richard Kimble, médecin condamné à tort pour le meurtre de sa femme, qui profite d’un (très spectaculaire) accident de bus pour s’évader et partir à la recherche du véritable assassin, tandis que des marshalls fédéraux sont à sa poursuite.

Le film est un pur plaisir de spectateur, un film d’action qui ne se prend pas pour autre chose et qui se contente, avec un bonheur rare, d’entraîner le spectateur dans une course poursuite tendue et réjouissante. Les personnages sont suffisamment bien dessinés pour qu’on s’y attache dès les premières minutes, et les scènes impressionnantes se succèdent sans temps mort : l’accident de bus, donc, mais aussi une poursuite passionnante dans des canalisations, et bien d’autres encore.

Harrison Ford est formidable, il apporte toute la tension qu’il faut à ce personnage traqué qui a perdu tout ce qu’il aimait. Son visage, alors qu’il s’apprête à faire le grand saut, est extraordinaire. Si le film fonctionne si bien, c’est aussi grâce à lui, et à la parfaite alchimie entre lui et Tommy Lee Jones, génial en marshall malin et tenace, à la tête d’une équipe particulièrement cool. Le plaisir qu’on a à les voir enquêter est évident, si bien qu’on les retrouvera dans une « suite » centrée sur eux : US Marshall, efficace, mais loin de la réussite de ce Fugitif.

L’Impasse (Carlito’s Way) – de Brian De Palma – 1993

Posté : 6 décembre, 2010 @ 2:45 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, DE PALMA Brian, PACINO Al | Pas de commentaires »

L'Impasse

C’est le défi du jour : trouver le début d’un défaut, ou la plus petite faute de goût, à ce film immense, incontestablement le plus grand chef d’œuvre d’un cinéaste décidément grand. Beau à pleurer, impressionnant, tragique, palpitant, romantique… On pourrait continuer longtemps cette liste, sans jamais approcher l’ampleur de ce film sublime, lente trajectoire vers un destin tragique d’autant plus inéluctable qu’il nous est annoncé dès les premières images du film : c’est de son lit de mort, alors que son esprit s’éloigne peu à peu, que Carlito raconte sa propre fin.

On le sait dès le début (dès le titre, même) : L’Impasse finit mal. Cette fatalité affichée aurait pu nuire à l’intérêt qu’on porte à l’histoire, mais il n’en est évidemment rien. Au contraire : De Palma refuse tout effet de facilité, mais parvient à instiller une tension hallucinante, qui ne retombe jamais, ne faisant que croître au fur et à mesure que le passé rattrape Carlito. C’est un pur exercice de style que signe le cinéaste, mais un exercice de style magnifique, dépouillé de tous les excès tape-à-l’œil dans lesquels De Palma se vautre parfois un peu, même dans ses grands films.

C’est une pure tragédie shakespearienne que signe De Palma, en adaptant deux romans pas géniaux d’un ancien juge, Edwin Torres : l’histoire d’un ancien prince de la rue qui, après avoir passé cinq ans en prison, est libéré grâce à son avocat, qu’il considère comme son meilleur ami, mais dont il ne faut pas longtemps pour comprendre que son goût pour la pègre, la drogue et le fric vont lui attirer bien des ennuis… A sa sortie de prison, Carlito est bien décidé à changer de vie, mais la rue ne tarde pas à s’imposer de nouveau à lui. Mais cette rue, dont il était le roi, a bien changé en cinq ans, alors que lui fait figure de dinosaure, avec ses valeurs dépassées : un sens de l’amitié, du devoir et de l’honneur plus fort que tout.

Dès son premier contact avec la rue, la réalité s’impose à lui, avec brutalité, dans une séquence hallucinante autour d’un billard, explosion de violence extraordinaire, après une impressionnante montée de la tension, filmée avec une virtuosité et un sens de l’espace proprement exceptionnels. C’est l’un des sommets de ce film qui en compte bien d’autres : les excès de Dave, l’avocat attiré par le mauvais côté de la force (fabuleux Sean Penn, dont la prestation va bien au-delà de sa transformation physique), les face-à-face de plus en plus tendus avec ‘‘Benny du Bronx’’ (grotesque et inquiétant John Leguizamo), ou les scènes apaisées, mais qui ne font que renforcer la tragédie qui se noue, de Carlito avec son ancien amour (Penelope Ann Miller, et sa beauté d’un autre temps).

Carlito’s Way (le titre original sonne tellement bien…) est un lent mouvement tendu vers une conclusion qui se déroule (on est décidément bien chez De Palma) dans une gare. Les gares avaient déjà inspiré à De Palma deux de ses scènes les plus mémorables dans Les Incorruptibles et Blow Out. Ici, c’est une œuvre d’art à part entière, le sommet de toute la filmographie de De Palma, et l’un des plus beaux moments de cinéma de toute la décennie.

Et comme tous les grands moments de cinéma, celui-ci part d’une situation simple : Carlito est poursuivi par des tueurs, et doit rejoindre sa belle pour prendre le train qui leur permettra de commencer enfin une nouvelle vie. Cette séquence s’étire sur une quinzaine de minutes, pendant lesquelles on ne respire plus. Avec un sens du rythme, du timing, et de l’espace qui ne peut être que la marque des très grands, De Palma réussit une scène extraordinaire, qui résume à elle seule toutes les émotions du cinéma, toute la grammaire et la poésie cinématographique.

Ce film n’est pas seulement le plus beau de De Palma, et l’une des prestations les plus mémorables de Pacino. C’est aussi l’un des plus grands films des années 90, qui trouve sa place parmi les classiques de l’histoire du cinéma.

L’Enjeu (Desperate Measures) – de Barbet Schroeder – 1998

Posté : 17 novembre, 2010 @ 3:36 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, SCHROEDER Barbet | Pas de commentaires »

L'Enjeu (Desperate Measures) - de Barbet Schroeder - 1998 dans * Thrillers US (1980-…) lenjeu

Barbet Schroeder n’est jamais aussi brillant que lorsqu’il s’attaque au cinéma de genre : ses polars, réalisés au cours des années 90 et 2000, sont souvent passionnants, élégants et très inventifs. Et dans cette série, L’Enjeu occupe très nettement le haut du panier. En apparence, pourtant, on est dans la production courante de l’époque, dans les produits dérivés du Silence des Agneaux, comme Hollywood en produisait à la chaîne dans les années 90. Schroeder, d’ailleurs, ne se gêne pas d’accumuler les stéréotypes : son méchant (très méchant) est clairement présenté comme un clone d’Hannibal Lecter. Quant à la situation de départ (le fils d’un flic est très malade, et a besoin d’une greffe pour survivre ; l’unique donneur possible se trouve être le pire des tueurs, emprisonné à vie), elle est pour le moins hautement improbable…

En choisissant de ne pas éviter les stéréotypes, mais au contraire d’aller jusqu’au bout de cette logique, Schroeder se débarrasse de toute volonté de réalisme, et se concentre sur son pur travail de cinéaste. Et le résultat est époustouflant. Dès le générique de début, L’Enjeu frappe par l’élégance des images, par la construction presque géométrique de ses cadres. L’Enjeu est un pur exercice de style, et c’est passionnant. Le cinéma redevient un spectacle total, sans arrière pensée : c’est le combat du bien contre le mal, dans un film entièrement tourné vers le mouvement et l’action. Pas le moindre temps mort, ici, même si les affrontements réels sont rares : le film est un immense jeu du chat et de la souris, qui utilise à merveille les décors de ce vieil hôpital (des larges couloirs jusqu’aux plus petits conduits), comme vers la fin du film les rues de San Francisco.

Michael Keaton (décidément très méchant) et Andy Garcia (décidément très gentil) vont eux aussi au bout de leurs deux extrêmes, et forment un duo aussi complémentaire que réjouissant. Même la dernière image du film, pourtant aussi énorme qu’attendue, parvient à nous tirer un large sourire. Ça fait du bien, parfois, de se laisser aller devant un spectacle aussi simple et sincère…

Mission : Impossible (id.) – de Brian De Palma – 1996

Posté : 14 octobre, 2010 @ 1:43 dans 1990-1999, CRUISE Tom, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Mission : Impossible (id.) - de Brian De Palma - 1996 dans 1990-1999 mission-impossible

Brian De Palma est un formaliste exceptionnel, et son style atteint une sorte de perfection dans cette grosse machine de studio, commande formatée qu’il transcende littéralement pour en faire un film d’une intelligence et d’une élégance absolues.

Le scénario de Robert Towne et David Koepp est déjà foncièrement gonflé ; il sera d’ailleurs renié par les fans de la série originale (tu m’étonnes que Peter Graves a refusé de reprendre son rôle de Jim Phelps, finalement joué par Jon Voight dans le film de De Palma). Mais les choix de mise en scène du cinéaste le sont tout autant : jusqu’à la fameuse séquence de l’Eurotunnel (pied de nez incroyable aux exigences des studios en matière de grosses productions : ah vous voulez de l’action, ben j’m'en va vous en donner, moi…), le film s’avère étonnamment peu spectaculaire pour un film de cette ampleur.

De Palma n’écrit pas ses scénarios mais c’est un véritable auteur. La preuve : même dans un film a priori aussi impersonnel que Mission : Impossible, on retrouve le thème préféré du cinéaste, à savoir le mensonge, la différence qu’il y a entre les images que l’on nous montre et la réalité. Comme dans Snake Eyes, ou dans Blow Out, toute l’intrigue du film repose sur ce thème, inépuisable dans l’œuvre depalmienne.

La plupart des rebondissements de ce film décidément anti-spectaculaire au possible, se déroulent d’ailleurs… dans l’esprit du héros, Ethan Hunt (Tom Cruise), qui recolle petit à petit les événements tels qu’on les lui a montrés et l’incroyable vérité. Ce basculement progressif du mensonge vers la vérité est illustrée d’une manière extraordinaire par la caméra de De Palma, qui se désaxe dans des cadrages insensés, pour donner corps au trouble de Tom Cruise, décidément un acteur formidable.

Ce trouble illustré avec une élégance infinie trouve son apogée dans la dernière scène de Prague (les extérieurs qui y sont tournés sont d’ailleurs d’une grande beauté) : le fameux face-à-face entre Ethan Hunt et son supérieur Kittridge, dans ce restaurant tout de verre, avec cet immense aquarium. Cette séquence où tout bascule est l’une des plus réussies de tout le cinéma de De Palma, ce qui n’est pas peu dire. Tom Cruise, silencieux la plupart du temps, y est d’une intensité remarquable : « Kittridge, you’ve never seen me very upset… »

La suite pourrait être plus convenue (on y retrouve enfin les fameuses missions impossibles chères à la série). Mais De Palma relève le défi sans la moindre faute de goût. Bien sûr, dans ce brillant exercice de style, les acteurs ont la part du pauvre (à part Tom Cruise, autour duquel tourne le film), et se contentent de faire (bien) ce qu’on leur demande : Emmanuelle Béart est belle, Jean Réno est inquiétant, Henry Czerny est trouble, Jon Voight (« Why, Jim ? Why ? ») est… Non, on n’en dira pas trop, des fois qu’y en aurait qu’auraient pas vu le film, encore… auquel cas faudrait vous bouger : M:I va avoir quinze ans.

D’ailleurs, après deux suites radicalement différentes (réalisées par John Woo - ici - et J.J. Abrams - ici -), mais tout aussi enthousiasmantes, le tournage du number four a commencé… à Prague. M:I 4 sera-t-il un retour aux sources pour Ethan Hunt ?

Hasards ou coïncidences – de Claude Lelouch – 1997

Posté : 15 septembre, 2010 @ 1:35 dans 1990-1999, LELOUCH Claude | Pas de commentaires »

Hasards ou coïncidences - de Claude Lelouch - 1997 dans 1990-1999 hasards-ou-coincidences

Claude Lelouch a un égo surdimensionné ; il accumule les poncifs et se complaît dans des dialogues impossibles qui enchaînent les phrases sentencieuses et les grandes phrases définitives sur le sens de la vie, les hasards, les coïncidences… Et pourtant, j’adore son cinéma. Et ce Hasards ou coïncidences tout particulièrement, peut-être parce qu’il est une synthèse parfaite de toute l’œuvre lelouchienne. Le paradoxe de son cinéma, pompeux mais jubilatoire, se résume dans une séquence de ce film : un dialogue entre Alessandra Martines et Pierre Arditi, qui échangent leur vision de la vie. Le dialogue est une succession de clichés, qui me donnerait envie de zapper pour n’importe quel film. Mais voilà : Lelouch est un grand malade, mais c’est un malade d’une sincérité et d’une honnêteté absolues. Si bien que même les passages les plus énormes me paraissent délectables.

C’est une évidence, on adore Lelouch ou on le déteste. C’est d’ailleurs bien normal, vu son goût immodéré pour l’excès. Mais il faut tout de même bien reconnaître que les critiques ont souvent été complètement injustes, et même parfois d’une mauvaise foi confondante, au sujet de Lelouch. Après avoir revu Hasards ou coïncidences, j’ai ouvert le dictionnaire de Jean Tulard pour relire la notice relative au réalisateur. Lelouch, selon Tulard, serait dramatiquement dénué de style et d’originalité. Mouais… Hasards ou coïncidences est une nouvelle preuve éclatante du contraire. Lelouch y brasse de nombreux thèmes, bourre son film d’idées originales, mais ne perd jamais de vue l’essentiel : son cinéma est avant tout un cinéma d’atmosphère, d’ambiance, et de grand spectacle. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il sait plonger le spectateur au cœur du film, de ce qu’il appelle avec toute sa grandiloquence « le grand spectacle de la vie ».

Comme dans tous ses films les plus ambitieux, il choisit une structure éclatée et complexe, qu’il maîtrise parfaitement, faisant du film une sorte de symphonie envoûtante qui vous transporte pendant deux heures. Cette « symphonie » est particulièrement cruelle dans ce film, qui parle du deuil, de la solitude, et de la reconstruction. Sa « muse » Alessandra Martines (dans le rôle de sa vie) y incarne une danseuse, mère célibataire qui tombe amoureuse d’un faussaire (Pierre Arditi), et dont la vie bascule lorsque son fils et son futur mari sont victimes d’un stupide accident à bord d’un petit voilier. Ce n’est bien sûr que le point de départ d’un film vertigineux et terriblement émouvant.

Le film accumule les ruptures (brutales) de ton, les allers-retours temporels et géographiques. Plus que dans aucun autre film de Lelouch, Hasards ou coïncidences nous entraîne aux quatre coins du monde : après l’accident, la danseuse décide de se rendre dans tous les lieux que son fils rêvait de voir, pour y tourner des images à son intention. Son périple la conduit au Canada, dans le grand Nord, à New York, en Amérique du Sud et en Turquie… Des destinations qui inspirent à Lelouch autant d’ambiances différentes. Chaque lieu possède son propre style visuel : les séquences turques, notamment, évoquent avant l’heure le cinéma de Nuri Bilge Ceylan (la scène du train sur la neige, notamment), alors que les images new yorkaises présentent une vraie familiarité avec celles de Scorsese ou Woody Allen.

Lelouch réussit en outre à ajouter une histoire parallèle : celle d’un comédien et prospecteur, qui tombe par hasard sur la caméra d’Alessandra Martines qui lui a été volée après le drame, et se convainc en voyant le film qui s’y trouve encore qu’il doit la rencontrer pour lui sauver la vie. C’est Marc Hollogne qui interprète ce rôle : ce comédien belge s’était taillé une belle réputation dans les années 90, avec un spectacle qui mélangeait le jeu en direct, sur scène, et des images de cinéma projetées sur un grand écran. Ce principe est d’ailleurs repris dans le film. Quant au personnage qu’il interprète, antithèse de celui de Pierre Arditi pour qui le mensonge est un art de vie, son incapacité à dire autre chose que la vérité la plus dépouillée offre quelques beaux moments, drôles et parfois dérangeants.

Ambitieux, Lelouch l’est particulièrement pour ce film, qui pourrait souffrir d’un trop-plein d’idées, de thèmes, de lieux, de personnages… Mais la magie opère, et tous ces thèmes, toutes ces idées, tous ces lieux, tous ces personnages s’enrichissent les uns les autres, et s’équilibrent dans un mouvement d’une fluidité absolue, dont on ressort avec le sentiment d’avoir découvert un vrai, un grand spectacle de cinéma.

Un plan simple (A simple plan) – de Sam Raimi – 1998

Posté : 8 septembre, 2010 @ 6:25 dans * Thrillers US (1980-…), 1990-1999, RAIMI Sam | Pas de commentaires »

Un plan simple (A simple plan) - de Sam Raimi - 1998 dans * Thrillers US (1980-…) un-plan-simple

Une petite ville enneigée au cœur de l’Amérique rurale, de braves gens sans histoire entraînés dans une spirale infernale pour avoir succombé au mirage de la fortune facile… Décidément, Fargo est un excellent film ! Et décidément, le succès du film des frères Coen a relancé une petite vague de films noirs en milieu rural, plus ou moins inspirés. Pour ce Plan Simple, Sam Raimi, au moins, ne cache pas ses influences : le ton de son film évoque furieusement celui de Fargo. La comparaison, toutefois, ne nuit pas trop au film de Raimi, qui se révèle plutôt efficace, même s’il aurait sans doute gagné à être plus concis : le film n’évite pas les longueurs et le sentiment de redites.

On aurait tort de gâcher son plaisir : le portrait de ces trois losers magnifiques est très réussi, et même si Raimi force un peu le trait, il adopte une vraie sensibilité très éloignée de ses précédents films : Un plan simple est son premier « film mature », après l’effervescence de ses débuts (que ce soit avec la trilogie Evil Dead ou avec l’excellent Darkman). Plus posé, plus émouvant aussi, en particulier avec ces deux frères que tout oppose, interprétés par Bill Paxton et Billy Bob Thornton. Ce dernier, surtout, est excellent et apporte beaucoup de profondeur à un personnage qu’on perçoit d’abord comme un débile profond. La séquence où il doit choisir entre son meilleur ami et son frère avec qui il n’a rien en commun, est poignante. Pour un peu, on penserait à une version Amérique profonde de La Grande Illusion, mais là, franchement, ce serait aller un peu loin…

Comme dans Fargo, la neige donne une atmosphère très originale à une histoire qui s’inscrit par ailleurs dans la grande tradition du film noir. Lorsque ces trois compères découvrent par hasard un sac bourré de billets de banque dans un petit avion qui s’est écrasé, on comprend tout de suite que leur vie tranquille ne va pas tarder à virer au cauchemar. Et on n’est pas déçu !

Raimi en profite aussi pour se payer une tranche du fameux rêve américain, et de ses valeurs absolues : Bridget Fonda, dans le rôle un peu en retrait de l’épouse bien sage de Bill Paxton, n’est pas épargnée. Son personnage, que l’on présente comme un modèle de femme rangée bien comme il faut, révèle sa véritable nature en quelques secondes seulement. Si elle trouvait une fortune dans un sac, elle ne le garderait pas, affirme-t-elle en pensant tenir une conversation théorique. Mais lorsqu’elle découvre l’argent sous ses yeux, elle ne tarde pas à devenir la plus déterminée de tous les personnages du film. Prêtes à tout sacrifier pour l’argent. C’est d’ailleurs elle, et les décisions qu’elle impose à son homme, qui sont à l’origine directe de toutes les horreurs du film. Il est beau le rêve américain…

La Jeune Fille et la Mort (Death and the Maiden) – de Roman Polanski – 1994

Posté : 8 septembre, 2010 @ 4:50 dans 1990-1999, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

La Jeune Fille et la Mort (Death and the Maiden) - de Roman Polanski - 1994 dans 1990-1999 la-jeune-fille-et-la-mort

On a beaucoup parlé du face-à-face étouffant entre Sigourney Weaver et Ben Kingsley, mais curieusement, c’est le troisième larron de ce huis-clos moite et inquiétant qui marque le plus les esprits. Stuart Wilson, qu’on connaissait jusqu’alors surtout pour être le méchant grand-guignolesque de L’Arme Fatale 3, est formidable. Il apporte toute la profondeur qu’il fallait à son personnage, tiraillé entre son sens du devoir et son amour pour sa femme. C’est finalement lui, le personnage central de ce film. Hélas, l’aura de ses deux co-vedettes a détourné de lui l’attention qui aurait dû lui revenir.

Non pas, d’ailleurs, que les prestations de Sigourney Weaver et de Ben Kingsley ne soient pas à la hauteur, bien au contraire. Elle est un formidable bloc de douleur et de haine, tandis que lui est une énigme impénétrable, tout en nuances. Mais c’est bien le personnage de Wilson qui se révèle être le pivot et le moteur du film. Il y interprète un politicien placé à la tête d’une commission chargée d’enquêter sur les crimes commis par la dictature au pouvoir quelques années plus tôt, dans ce pays d’Amérique latine. Il vit dans une maison isolée avec sa femme, marquée physiquement et mentalement par les tortures qu’elle a elle-même subies. Un soir, le mari ramène un étranger à la maison. Sa femme est vite persuadée qu’il s’agit de son bureau, dont elle ne connaît que la voix et l’odeur…

On imagine bien le suspense que Polanski a su tirer de ce postulat : l’étranger est-il réellement le bourreau ? Il faudra attendre les dernières minutes du film pour avoir la réponse à cette question, et c’est tant mieux : le réalisateur a le temps, alors, de montrer les doutes qui apparaissent et se répandent dans l’esprit de Stuart Wilson. Figure absolue du grand homme politique droit comme la justice, ce dernier ne tarde pas à perdre de sa superbe, et révèle des faiblesses abyssales. Et une ambiguïté inattendue : croit-il vraiment sa femme, ou est-il plus simplement un homme faible et un peu lâche ? Là encore, Polanski ne tranche pas clairement, pas plus qu’il ne condamne le comportement de la victime ou celui du bourreau. Finalement, le message du film serait que tout le monde est victime, dans ces époques de dictature… Ah, bon ?!…

Le message que martèle Polanski dans son film ne brille pas vraiment par son originalité. Le cinéaste ne fait pas toujours dans la dentelle, ici : pour preuve, cette maison perdue dans la nuit et battue par la tempête, qui illustre un peu béatement l’état d’esprit de Sigourney Weaver… Mais qu’importe, finalement, Death and the Maiden est aussi un pur film d’angoisse, parfaitement maîtrisé par Polanski. Pour réussir ce film, il fallait trouver le ton juste, et garder intacte la tension de bout en bout. C’est ce que fait le réalisateur, avec un immense talent : dès les premières images, il installe un sentiment d’angoisse très prenant, qui ne retombe jamais.

Polanski a déjà fait plus léger, mais rarement plus efficace…

Strange Days (id.) – de Kathryn Bigelow – 1995

Posté : 26 août, 2010 @ 5:00 dans 1990-1999, BIGELOW Kathryn, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Strange Days (id.) - de Kathryn Bigelow - 1995 dans 1990-1999 strange-days

J’avais gardé un meilleur souvenir de ce film de S.F. signé Kathryn Bigelow, et écrit par son ex, James Cameron. La réalisatrice n’a rien à se reprocher d’ailleurs : sa caméra est toujours aussi virtuose, et la belle insuffle un souffle et un rythme parfait, réinventant même avec beaucoup d’efficacité l’utilisation de la caméra subjective, notamment lors d’une longue séquence d’ouverture mémorable. Cette séquence est doublement réussie : d’abord parce qu’elle nous met littéralement à la place d’un petit truand en plein casse dont l’issue lui/nous sera fatal ; ensuite parce qu’elle pose les bases visuelles des nombreuses séquences similaires à venir.

Le style « coup de poing » de Bigelow ne vampe jamais ni l’histoire, ni les personnages. Au contraire : la caméra est toujours au service de l’intrigue et de l’intensité dramatique. En cela, Strange Days est une grande réussite. Le contexte du film (la veille de l’an 2000) est également joliment illustré, la réalisatrice nous montrant par petites touches discrètes la violence et l’insécurité galopantes dans les villes. Jamais elle n’appuie le trait de ce qui est pourtant le sujet principal du film : le mal-être et la tentation que l’on a de trouver refuge dans « autre chose ».
Les acteurs non plus n’ont rien à se reprocher, et surtout pas Ralph Fiennes, comédien aussi intense en nazi impitoyable (La Liste de Schindler) qu’en monsieur tout le monde dépassé par les événements (Quizz Show) ou en diplomate ravagé par la mort de sa femme (The Constent Gardener) ; en ancien flic devenu une loque limite junkie, Fiennes est formidable. Ni la trop rare Angela Basset, personnage apparemment un peu en retrait, mais d’une grande richesse : à la fois dure et féminine, fragile et déterminée, forte et amoureuse… Et quel coup de pied !

Hélas, trois fois hélas, il y a le scénario qui est certes bourré de qualités, et d’une grande richesse thématique. Mais qui est aussi bourré de clichés et de codes mille fois rabâchés, et souvent bien mieux. Il ne faut pas attendre longtemps avant de douter de la dévotion de Tom Sizemore pour son « pote » ; les flics pourris ne sont guère mieux servis (même s’ils sont incarnés par de bons acteurs : Vincent d’Onofrio et William Fichtner) ; pas plus que le grand méchant du film, joué par un Michael Wincott qui fait… du Michael Wincott, avec toujours autant de charisme et un air aussi méchant…

Ces clichés parfois hénormeux gâchent un peu le plaisir, mais Strange Days est bel et bien un film de Kathryn Bigelow : profondément divertissant, et bien plus complexe qu’il n’y paraît…

Impitoyable (Unforgiven) – de Clint Eastwood – 1992

Posté : 14 août, 2010 @ 2:03 dans 1990-1999, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Impitoyable (Unforgiven) - de Clint Eastwood - 1992 dans 1990-1999 impitoyable

En cette bonne année 1992, cela faisait chaud au cœur de voir enfin les Oscars récompenser un grand film. Ce n’est pas si courant, l’Académie ayant recours au mauvais goût plus souvent qu’à son tour (pas besoin de chercher loin : cette même année, la statuette du meilleur acteur a échappé à Clint au profit d’Al Pacino pour Le Temps d’un week-end, qui n’est ni son meilleur film, ni sa meilleure prestation… mais il joue un aveugle, ce qui est le genre de trucs qui plaît bien aux votants). Bref, un grand film, signé par un cinéaste majeur enfin reconnu comme tel par son propre pays (Josey Wales, Honkytonk Man, Bronco Billy, Breezy, Chasseur blanc, cœur noir, Bird, les signes ne manquaient pas, pourtant, pour indiquer qu’Eastwood était un grand réalisateur dès les années 70)…

Mais oublions les Oscars, et replongeons-nous dans ce western crépusculaire dont on nous a dit et redit qu’il mettait un point final à la longue tradition du western. A vrai dire, le succès du film a surtout donné des idées à de nombreux cinéastes, et le genre, certes moribond depuis plusieurs décennies, a connu un nouveau souffle parfois enthousiasmant tout au long des années 90. Ce qui est vrai, c’est que Impitoyable est totalement dépouillé des ornements et du romantisme qui marquent le western depuis le temps du muet. Plus encore que John Ford avec L’Homme qui tua Liberty Valance, Eastwood démonte les mythes de l’Ouest sauvage un à un, avec une sorte de force tranquille impressionnante, et sans jamais forcer le trait.

Les images sont superbes, sans doute les plus belles qu’on ait pu voir dans le cinéma d’Eastwood. Mais elles sont aussi crues et froides, les gros plans mettant cruellement en valeur les rides des acteurs (à commencer par celles de Clint lui-même, dont le visage à lui seul porte toute la violence et la dureté de son passé). La manière dont le personnage de William Munny apparaît, père de famille vieillissant humilié par ses cochons, et incapable de monter à cheval ou d’utiliser son revolver, donne le ton : Eastwood ne se donne pas le beau rôle, pas plus qu’il ne va magnifier les autres personnages ou les situations. Quand Munny est au milieu des cochons, la boue n’a rien de glamour ; quand il tombe de cheval, c’est durement qu’il touche le sol. Plus tard, malade après avoir passé une nuit sous la pluie, c’est sans gloire et sans fierté qu’il rampera jusqu’à la sortie du saloon où Little Bill Daggett (Gene Hackman) se sera consciencieusement évertué à l’humilier.

Daggett est sans doute celui qui s’en sort mieux, dans le lot, même si sa fin n’a rien de glorieuse, et qu’il prend un plaisir visible à se défouler sur des hommes désarmés. Il est toutefois bien mieux traité que English Bob (Richard Harris), légendaire tueur d’Indien flanqué de son biographe officiel, et qui, après être apparu comme un pur héros de l’Ouest, est vite ramené (physiquement) au niveau du sol : battu et humilié, c’est piteusement qu’il quittera la ville. Le personnage de l’écrivain est particulièrement intéressant, car il symbolise mieux que quiconque le mythe de l’Ouest qui s’effondre, alors qu’il découvre que tout ce qu’il a écrit sur Bob est bien loin de la vérité, qui s’avère… moins héroïque. Dans l’Ouest sauvage, les duels à la John Wayne étaient visiblement plus rares que les exécutions dans le dos. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Eastwood tient ce langage dans ses westerns, mais jamais il ne l’avait fait avec une telle force, et avec autant de dépouillement.

Dans Impitoyable, la violence n’a rien d’esthétique, et la mort ne vient pas facilement. Cette fois, c’est le Kid de Schofield (Jaimz Woolvett) qui en fera les frais. Lui qui s’inventait un passé de tueur sans pitié se rendra compte que tuer n’est ni facile à faire, ni encore moins facile à encaisser. Qu’il faut du temps pour se vider de son sang, et que ceux qu’on est amené à tuer ne sont pas des monstres sans visage humain. L’un au moins des deux cow-boys que Munny et ses comparses doivent exécuter n’est qu’un gamin qui s’est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment. Sa mort derrière les rochers est une longue séquence particulièrement traumatisante.

Rien d’héroïque, donc, dans ce film constamment juste. Sans la froide exécution de son ami Ned (Morgan Freeman), Munny ne serait sans doute jamais revenu tuer Daggett. Ce n’est que par soif de vengeance (à moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’une froide colère), et pas porté par un sens de l’honneur qui lui serait personnel, que Munny réapparaît alors, comme revenant des enfers, et qu’il redevient le tueur sans pitié qu’il était dans sa jeunesse. Et sa vengeance est une explosion de violence et de rage qui fait froid dans le dos.

Son ami et biographe Richard Schiekel raconte qu’Eastwood gardait le scénario d’Impitoyable depuis une dizaine d’années, pas seulement parce qu’il attendait d’avoir le bon âge pour le rôle (il a acheté les droits du script écrit par David Webb Peoples, scénariste de Blade Runner, au début des années 80, alors que l’option de Francis Ford Coppola avait posée venait d’expirer), mais aussi parce qu’il savait que le film lui assurerait succès et reconnaissance, si sa carrière venait à tourner en rond. Et au début des années 90, c’est exactement ce qui arrive. Bird et Chasseur blanc, cœur noir, ont été des échecs populaires « logiques », mais les films d’action qu’il a tourné à la même époque n’ont pas non plus rencontré leur public. Pink Cadillac, et c’est un cas unique dans sa filmographie, n’est même pas sorti dans les salles françaises. Quant à La Relève, qu’il tourne juste avant Impitoyable, c’est sans doute son plus mauvais film derrière la caméra.

Considéré comme fini par beaucoup, Eastwood connaît une véritable résurrection grâce à Impitoyable, qui marque le début de la partie la plus passionnante de sa carrière. Désormais, il sera totalement libre de faire ce qu’il veut, et les deux décennies qui suivent seront magnifiques.

• La Warner a édité un DVD collector très recommandable, dans lequel on retrouve un portrait de Clint filmé par Richard Schiekel, un très beau making of, et surtout un épisode de la série télévisée Maverick, datant de 1959, et dans lequel Clint Eastwood (qui s’apprêtait à commencer le tournage d’une autre série de western, Rawhide, dont il tiendra la vedette pendant sept ans) joue le méchant de service. Cet épisode marque sa première collaboration avec James Garner, la star du show, qu’il retrouvera quarante-et-un ans plus tard pour Space Cow-Boys.

She’s so lovely (id.) – de Nick Cassavetes – 1997

Posté : 13 août, 2010 @ 3:51 dans 1990-1999, CASSAVETES Nick | Pas de commentaires »

She's so lovely (id.) - de Nick Cassavetes - 1997 dans 1990-1999 shes-so-lovely

Sean Penn qui déclare son amour à Robin Wright sous la pluie battante : cette scène reste pour moi l’une des plus sublimes tournées dans les années 90. Il y a dans She’s so lovely une simplicité, une honnêté, voire une naïveté qui m’ont toujours bouleversé.

Eddie est un type un peu paumé, bouffé par l’alcool des accès de violences qu’il ne contrôle pas, mais qui vit une histoire d’amour passionnée avec Maureen, qui attend un bébé. Un soir, Maureen s’ennuie alors qu’Eddie enchaîne les verres dans les bars. Elle accepte l’invitation d’un voisin (James Gandolfini, avant sa période Soprano), qui tente de la violer. Lorsqu’il l’apprend, Eddie pête les plombs… Il passera les dix années suivantes dans un centre de détention. Lorsqu’il en sort, Maureen est devenue l’épouse rangée de Joy (John Travolta), et vit dans une grande maison bourgeoise.

Le film est clairement divisé en deux parties : avant et après. D’une époque à l’autre, tout a l’air d’avoir changé : les rêves de jeunesse se sont envolés, la vie dissolue et les galères d’hier se sont transformés en souvenirs chargés de nostalgie… Et puis finalement, on se rend compte que rien n’a changé. Le désespoir des deux amants était déjà présent AVANT. Il l’est toujours APRÈS. Simplement, il se dissimule d’une autre manière. Finis les drogues, l’alcool et les excès, la maturié impose de la retenue, des sacrifices, et un certain contrôle de soi… C’est en tout cas ce que semble incarner John Travolta, dans un rôle aussi court que marquant. Maureen et Eddie essayent de se plier, de rentrer dans le moule, mais à quoi bon… Ils ne sont pas faits pour notre société. Ce ne sont pas des rebelles, non, leur monde est simplement ailleurs, et ils sont seuls à y vivre. Pas « contre » la société, mais en marge.

L’amour que ces deux-là se porte est d’une pureté absolue, et c’est magnifique.

John  Cassavetes, qui a écrit le scénario, devait le porter à l’écran, déjà avec Sean Penn, dans les années 80. Après sa mort, le comédien a également pensé à le réaliser lui-même. Finalement, c’est le fils de Cassavetes qui s’y colle, offrant à Penn l’un de ses plus beaux rôles, qui lui valut d’ailleurs le Prix d’interprétation au festival de Cannes.

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