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Archive pour la catégorie '1980-1989'

La Vie et rien d’autre – de Bertrand Tavernier – 1989

Posté : 13 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

La Vie et rien d'autre

Oh le sujet fun que voilà ! Deux ans après la Grande Guerre, des soldats sont chargés d’exhumer les victimes des champs de bataille, d’identifier les cadavres, de donner un nom aux blessés amnésiques… Tâche immense, inhumaine. Bien avant Capitaine Conan, Bertrand Tavernier signe un grand film sur la Grande Guerre, sans rien en montrer d’autre que les fantômes, les effets, les dégâts.

Il offre à Philippe Noiret, son compagnon des premiers temps, le beau rôle du commandant de cette unité d’identification. Un vétéran, marqué dans sa chair et dans son âme, pour qui la guerre ne peut pas être finie. Pas avec les horreurs qui continuent à être son quotidien. Il est magnifique, Noiret, regard triste comme incapable de tourner cette page si lourde.

De ce sujet austère et lourd, Tavernier signe un film beau et puissant. Un film grave, bouleversant, et pourtant plein de vie. Jamais pesant, jamais misérabiliste, Tavernier saisit l’horreur absolue de la guerre sans le bruit et la fureur. L’effet n’en est que plus saisissant : il passe par la dignité des douleurs, par ces silhouettes lourdes qui hantent les champs de bataille à la recherche de proches disparus, mais aussi par cette vie qui cherche constamment son chemin.

Une séquence, surtout, est d’une beauté renversante. Le commandant, Noiret, est dans un cabaret avec Sabine Azéma, femme d’un soldat disparu, dont il est tombé raide dingue. Une « chanteuse parisienne » est sur scène, et tous deux échangent des premiers regards amoureux, dévoilant sans rien dire leurs sentiments respectifs. Les regards se croisent, puis se fuient, Noiret, au premier plan, devient flou… Plus tard, dans leur voiture qui traverse la nuit, elle l’invite à prononcer les trois mots qui changeront tout. Et lui, enfin : « Je vous… écoute ». C’est bouleversant.

C’est le genre de moments qui font la beauté du cinéma Tavernier : des regards, des dialogues qui frappent, une musique qui emporte tout. Comme lors de la scène, historique, où le cercueil du Soldat inconnu est choisi, et où le personnage de Noiret arriver en retard. « J’étais en retard », justifie-t-il. « En retard de quoi ? » interroge son supérieur. « De tout. »

Un dimanche à la campagne – de Bertrand Tavernier – 1984

Posté : 12 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Un dimanche à la campagne

Bertrand Tavernier était un immense passeur. Si sa mort a eu un tel impact sur le cinéphile que je suis, c’est avant tout parce que sa disparition ressemble à une grande et belle porte que l’on referme sur le cinéma de patrimoine. Sale année pour le septième art. Mais Tavernier était aussi un grand cinéaste. Revoir Le Juge et l’Assassin et Coup de torchon était déjà une belle manière de s’en assurer. Découvrir (très tardivement, certes) Un dimanche à la campagne l’est encore d’avantage.

C’est peut-être le plus beau de ses films, et pourtant il ne s’y passe rien. Ou presque. C’est le récit d’une simplicité totale d’un dimanche à la campagne, au début du XXe siècle, de ces dimanches d’aimable ennuie que les enfants devenus grands viennent passer avec leur père devenu vieux. Et où les fantômes de la jeunesse disparue affleurent, de cette vie de famille depuis longtemps disparue, et que le vieux père tente de rattraper par bribes.

C’est simple, remarquablement dépourvu d’effets spectaculaires, et c’est d’une beauté stupéfiante. En état de grâce, Tavernier (et sa voix off à la Truffaut) capte l’émotion, le temps qui a passé, les petits malaises, les rancœurs mal ravalées, l’harmonie passée, l’angoisse du temps qui passe… Dans le rôle du patriarche, Louis Ducreux trouve le rôle de sa vie, celui d’un peintre habité par son art, et par les souvenirs de ce temps où sa femme était vivante et ses enfants autour de lui.

Il est une sorte de figure de sagesse, mais qui peine à accepter le temps qui passe… et les nouveaux venus qu’il apporte. « J’ai toujours voulu vivre avec mon temps, mais… » Mais sa bru, pourtant si aimante, fait un peu figure d’intruse. Comme ces petits-enfants qui l’agacent bien un peu lorsqu’ils se mettent à courir partout, ou qu’il ignore lorsque la fillette lui tend un dessin.

Tavernier capte ces failles, ces moments en suspens, ces douleurs tues. Sans éclat, sans excès, il filme un dimanche qui s’écoule sans histoire, et attrape au vol les signes de fêlures. Le regard du fils, Michel Aumont, qui encaisse sans rien dire les petites réflexions de son père. Celui de Sabine Azéma surtout, dans la guinguette, gros plan bouleversant de son visage derrière la voilette de son chapeau.

L’émotion apparaît parfois sans que l’on comprenne vraiment pourquoi. Comme dans ce court flash-back d’un pique-nique en famille, où la caméra se dirige vers une assiette blanche et vide, posée sur un drap blanc. Pourquoi donc ce simple mouvement prend-il à ce point aux tripes ? Peut-être parce qu’il manque quelque chose, soudain : les couleurs, la richesse des compositions d’image.

Louis Ducreux incarne un peintre amoureux de Renoir, Caillebote ou Van Gogh. Et c’est loin d’être anodin : Un dimanche à la campagne est aussi le plus pictural des films de Tavernier, véritable manifeste impressionniste où chaque plan semble donner vie à un tableau, ou former un tableau. Un plan, notamment, révèle l’inspiration de Tavernier : Sabine Azéma, qui vient d’arriver chez son père, est filmée seule dans la maison, à la fenêtre, avec des mouvements de caméra qui donnent le sentiment de passer d’un tableau à un autre, comme si les arts de Renoir père et fils ne faisaient plus qu’un.

Coup de torchon – de Bertrand Tavernier – 1981

Posté : 11 août, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Coup de torchon

Amoureux de la culture américaine et tellement Français… Bertrand Tavernier signe l’un de ses chefs d’œuvre avec cette adaptation tellement inattendue d’un (grand) roman noir. Avec son coscénariste Jean Aurenche, Tavernier transpose l’action du 1275 de Jim Thompson du Texas le plus profond à une petite ville de l’Afrique coloniale. Pari audacieux, et coup de génie scénaristique dont le cinéaste fait une sorte de rêverie cynique et une critique acide de l’arrogance coloniale.

Tavernier cinéaste est également au top, flirtant constamment avec le film de genre, signant mine de rien l’un des films les plus mordants sur la France coloniale, avec ces gueules pitoyables ou ridicules. Des gueules soigneusement choisies. Tavernier, qui ne dirigeait pas vraiment ses acteurs, sait pourtant en tirer le meilleur. Philippe Noiret, forcément, est formidable dans le rôle de ce « shérif » passif et un rien pathétique.

« Je ne dis pas que tu as tort, mais je ne dis pas non plus que tu as raison. »… « Alors là, je ne suis pas sûr d’être tout à fait d’accord avec toi. » se défend-il en se faisant humilier à longueur de journée. Le récit intime d’un humilié qui en a trop longtemps encaissé, et qui s’imagine une âme de chevalier blanc. Cynique, cynique, cynique…

Cynique et réjouissant. Coup de torchon est un film d’une noirceur hallucinante. C’est aussi l’un des plus ouvertement réjouissants, avec son humour noir tranchant et ses personnages très hauts en couleurs. Le tandem Jean-Pierre Marielle / Gérard Hernandez est délicieusement odieux. Mais c’est surtout la chouette maisonnée de Noiret que l’on retient : l’horrible épouse Stéphane Audran (géniale) et son « frère » Eddy Mitchell (son rôle le plus marquant?). Inoubliable famille castratrice… Ajoutons Isabelle Huppert, belle incarnation d’une certaine innocence…

Coup de torchon est un film formidable, un pur plaisir de cinéma qui ne cesse de surprendre par son esprit et sa méchanceté, vision après vision. Le genre de films qui vous accompagne toute la vie.

On ne meurt que deux fois – de Jacques Deray – 1985

Posté : 29 juin, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, DERAY Jacques | 2 commentaires »

On ne meurt que deux fois

Un film où Charlotte Rampling se balade constamment à poil alors que Michel Serrault prend sa douche tout habillé ne peut pas être totalement honnête. Ce parti-pris dit beaucoup de l’époque (on se rappelle de Noce Blanche ? Des scènes d’amour avec un Bruno Crémer allongé en chemise à côté d’une toute jeune Vanessa Paradis les fesses bien en évidence?). Il dit aussi beaucoup des ambitions du film, tiède et pour tout dire un peu con.

Ça promettait, pourtant. Entre deux Belmondo de la pire période, Deray renouait avec une veine plus « delonienne » (sans Delon), et s’inscrivait dans la lignée de réussites récentes du polar français, Mortelle Randonnée et Garde à vue, deux grands films de Miller avec Serrault, eux aussi dialogués par Michel Audiard.

C’est presque une trilogie informelle pour Serrault, très bien d’ailleurs, et pour un Audiard pas au top, pour son dernier film avant sa mort, qui ne brille que par intermittences : « Vous êtes flic ? Non je vous demande ça parce que chez nous, on les aime pas trop les flics. – Chez nous non plus, mais nous on sait pourquoi. »

Et Miller est absent, donc, et ça manque franchement : Deray peine à créer une atmosphère de malaise de cette histoire de crime pourtant bien trouble. Et à faire d’une Charlotte Rampling au sex-appeal discutable une femme fatale vraiment convaincante. On croise Bacri, Darmon, Darroussin, tous jeunôts, tous très bien, sans avoir grand-chose à jouer.

Rendez-vous manqué, d’où ne ressortent qu’une poignée de beaux moments. Le face à face entre le barman joué par Bacri et le flic Serrault, odieux. Et surtout celui où Serrault sonne à la porte d’Elizabeth Depardieu : elle ouvre la porte, un sourire plein d’espoir, et lui tourne les talons, avec un petit haussement d’épaules et un sourire résigné.

Ça va cogner (Any which way you can) – de Buddy Van Horn – 1980

Posté : 17 mars, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), VAN HORN Buddy | Pas de commentaires »

Ca va cogner

C’est ce qu’on appelle une suite décomplexée. Après l’énorme succès de Doux, dur et dingue, qu’il a tourné en dépit de tous les conseils de son entourage, Clint Eastwood remet ça pour une seconde aventure forcément moins hasardeuse. D’autant moins hasardeuse que, pour le coup, les recettes sont strictement les mêmes.

On retrouve donc Philo Beddoe (l’ami Clint), qui vit toujours avec sa drôle de famille d’adoption : son pote Orville (l’indispensable Geoffrey Lewis), une drôle de grand-mère indigne (Ruth Gordon, très marrante) et bien-sûr Clyde, son orang-outan. Entre deux combats clandestins, Philo traîne dans les bars où il tente d’oublier la belle Lynn (Sondra Locke, partenaire incontournable de Clint ces années-là) qui lui a brisé le cœur dans le premier film.

Et comme il n’est pas question de changer quoi que ce soit dans la recette, Lynn réapparaît, fleur bleue, balayant d’un riff de guitare l’amertume de la séparation. On retrouve aussi le gang des motards, plus bêtes que vraiment méchants, et cette peinture pleine d’empathie d’une certaine Amérique (bien) profonde, qui a rarement le premier rôle au cinéma.

Rien de nouveau sous le soleil, donc. Le principe même du film est totalement aberrant (l’amitié entre Eastwood et un singe, quand même). Et pourtant le plaisir est toujours bien là, coupable mais sincère. C’est très con, c’est réalisé sans la moindre ambition esthétique (c’est même assez laid), mais allez savoir pourquoi, on s’attache à ces personnages, symboles d’un cinéma populaire sincère et décomplexé.

Cette légèreté apparaît dès les premières notes de musique, duo entre Ray Charles et Clint Eastwood lui-même qui s’apostrophent l’un l’autre comme s’ils oubliaient qu’ils enregistraient la chanson générique d’un film. La bande son est d’ailleurs formidable, belle anthologie de la musique country de l’époque.

La Corde raide (Tightrope) – de Richard Tuggle (et Clint Eastwood) – 1984

Posté : 10 mars, 2021 @ 8:00 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), TUGGLE Richard | Pas de commentaires »

La Corde raide

De tous les thrillers de l’ami Clint, celui-ci est sans doute le plus trouble, celui en tout cas où lui-même est le plus borderline… sur la corde raide, donc. Flic divorcé qui trimballe son mal-être dans des soirées très sexuées, se laissant distraire de l’enquête en cours par ses pulsions sexuelles les plus animales.

Sauf que le meurtrier qu’il traque semble avoir les mêmes fantasmes que lui, fréquenter les mêmes quartiers sordides, les mêmes clubs déviants, les mêmes femmes aux tendances très libres… Celles-là même que l’on retrouve mortes soir après soir. De là à imaginer que Clint lui-même puisse être le tueur, il y un pas que Richard Tuggle, scénariste et réalisateur officiel, ne franchit jamais.

Réalisateur officiel, parce que le film est souvent largement attribué à Eastwood. Ce qui ne fait guère de doute, tant on retrouve les ambiances chères au réalisateur, séquences nocturnes superbement filmées (l’atmosphère moite de La Nouvelle Orléans remplace la chaleur de San Francisco à laquelle le cinéma d’Eastwood est plus habitué) et sonorités jazzy.

Mais, donc, le film ne pousse pas à fond la personnalité trouble de Block, le flic joué par Clint. Sexualité trouble mais mauvaise conscience affichée, bon père sans le moindre doute, et bon flic, sans que jamais la question de sa possible culpabilité ne se pose.

Tightrope est assez audacieux pour la noirceur de son décor, et pour la place qu’il accorde aux pulsions sexuelles hors normes hollywoodiennes. Mais Tuggle (ou Eastwood) reste constamment convenable, ne poussant pas le trouble aussi loin que le fera un Paul Verhoeven.

Quant à l’aspect purement thriller à proprement parler, il joue largement sur des trucs très datés, avec les apparitions du tueur à l’arrière-plan et les effets musicaux très synthé. Reste surtout une belle prestation de Clint Eastwood, très à part dans sa filmographie, et une peinture assez fascinante des nuits de la Nouvelle Orléans, envoûtante et pleine de vie… et de danger.

Peggy Sue s’est mariée (Peggy Sue got married) – de Francis Ford Coppola – 1986

Posté : 4 mars, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, CARRADINE John, COPPOLA Francis Ford, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Peggy Sue s'est mariée

Le film ne peut pas ne pas être une réponse à Retour vers le Futur, sorti un an plus tôt. Une réaction, plutôt, comme si Coppola voulait s’approprier de la manière la plus intime qui soit cette histoire, qu’il n’a pourtant pas écrite (c’est une commande, qui n’était même pas faite pour lui), mais dont il tire un film que l’on sent totalement personnel.

Comme beaucoup de ses films des années 80, il y a le rapport à son propre passé, à la nostalgie d’une époque heureuse et fondatrice. Contrairement au film de Zemeckis, ce n’est pas un ado qui retourne dans le passé pour découvrir la jeunesse de ses parents, mais une femme mûre, qui se confronte à sa propre jeunesse.

Et contrairement à Zemeckis, Coppola n’a pas besoin d’une DeLorean pour réussir ce voyage vers autrefois. Il suffit d’exacerber l’émotion, dans une séquence d’une intensité folle, sorte de condensé magique de ce que représente la force du cinéma : Peggy Sue est sacrée reine de la promo vingt-cinq ans plus tard lors d’une soirée avec ses anciens camarades de lycée, où le passé est omniprésent, avec les expériences souvent douloureuses et le poids des années en plus. Elle est sur le point de divorcer de celui avec qui elle elle formait un couple si magique, Crazy Charlie, à qui Nicolas Cage apporte un décalage plein de force.

Il y a dans Peggy Sue s’est mariée une simplicité, une pureté même, qui bouleverse. Peggy Sue, le rôle de sa vie pour Kathleen Turner, est à un tournant de sa vie d’adulte, où ses rêves de jeunesse semblent tous envolés. Revivre cette période déterminante est l’occasion de réparer les erreurs commises… « Si j’avais su alors ce que je sais aujourd’hui, j’aurais fait bien des choses autrement. »… Hmm… Mais Peggy Sue s’est mariée, c’est un fait établi, presque historique.

Confronter la femme riche de son expérience à son univers d’adolescente donne beaucoup de moments légers, d’autres graves, mais surtout une émotion constante qui nous ramène à notre propre nostalgie. Peggy Sue incapable de parler à cette grand-mère qu’elle aimait tant (Maureen O’Sullivan), ou retrouvant la jeunesse oubliée de sa mère… Des moments simples, mais d’une beauté foudroyante.

C’est aussi un film sur la perception, sur ce qu’on fait de ses souvenirs. Deux plans étranges le soulignent au début et à la fin. Deux plans où la caméra fait face à un miroir, qui n’est pas vraiment là : les reflets sont remplacés par des doublures de dos, dont les mouvements ne sont pas absolument synchronisés. La vérité n’est pas toujours exactement telle qu’on se l’imagine. Les sentiments et l’émotion, eux, ne mentent pas. C’est très beau.

Pirates – de Roman Polanski – 1986

Posté : 27 février, 2021 @ 8:00 dans 1980-1989, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

Pirates

Des réminiscences du cinéma de son enfance sans doute, des envies de renouer avec les souvenirs de L’Aigle des Mers ou de Capitaine Blood… Trente-cinq ans après, la volonté de Roman Polanski de tourner son film de pirates s’explique quand même difficilement. Et paraît qu’il y tenait vraiment à ce film, qu’il portait en lui depuis plus de dix ans. Un vrai plaisir régressif pour le coup, plein de gourmandises, mais aussi totalement à part dans une filmographie tout de même autrement plus ambitieuse par ailleurs.

Ce n’est pas que Pirates soit dénué d’ambition, mais cette ambition semble entièrement tournée vers les décors, réellement spectaculaires. Ceux qui ont l’âge de s’en souvenir ne peuvent pas avoir oublié ce galion longtemps « exposé » à Cannes, qui avait été reconstitué à grands frais pour les besoins du film. Fort joli ce galion d’ailleurs, comme l’est l’île où se réfugient les pirates, ou même le radeau de fortune sur lequel s’ouvre le film…

Le problème, c’est plutôt que Polanski donne l’impression d’enfiler des perles, avec application et enthousiasme, mais sans rien faire d’autre que recycler des images tout droit sorties d’un livre d’aventures pour enfants. Lorsqu’il s’est attaqué à des genres aussi marquants que le film noir (Chinatown), le film d’horreur (Le Bal des Vampires), ou le film paranoïaque (Ghost Writer), Polanski a toujours joué avec les codes pour mieux les bousculer, et signer des films personnels et passionnants. Là, il donne le sentiment de visiter un musée, ou un parc d’attraction.

C’est parfois réjouissant : Walter Matthau est parfait dans le rôle de ce capitaine légendaire, à la guibole forcément en bois, prêt à bouffer le matelot coincé avec lui sur le radeau (Chris Campion, dynamique et à l’aise, à qui manquerait tout de même une pointe de charisme). Pirates aurait pu être formidable, si Polanski avait lâché la bride, s’il avait donné à Matthau toute la liberté que sa truculence réclamait. Ce n’est pas le cas. Pirates est donc au choix un agréable divertissement, une revisite sans envergure de l’imagerie des flibustiers, ou une aberration dans l’œuvre du cinéaste.

Buddy Buddy (id.) – de Billy Wilder – 1981

Posté : 21 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Buddy Buddy

Que c’est beau quand un grand cinéaste tire sa révérence sur un grand film… Oui, mais ce n’est pas le cas pour Wilder, qui termine sur son unique mauvais film, triste baroud d’honneur qui sentait d’emblée le plantage, et qui ne fait hélas aucun miracle.

Un remake de L’Emmerdeur : voilà où Wilder place ses dernières ambitions, en se glissant dans la logique comique hyper-huilée de Francis Veber. Sans y apporter quoi que ce soit de plus, ce qui est quand même un comble quand on repense à la quantité de comédies immenses qu’il a à son actif (pour ne parler que des comédies).

Cette mécanique trop parfaite est pour Wilder l’occasion trop parfaite de reformer le tandem Jack Lemmon / Walter Matthau, dont les personnalités et les emplois habituels collent trop parfaitement à cette logique emmerdeur/brute. Pour l’audace, on repassera… Ce tandem qui lui a valut ses uniques succès populaires depuis quinze ans (La Grande Combine et Spéciale Première) se résume à sa propre caricature, comme si Wilder n’avait plus le droit d’inventer quoi que ce soit.

On aurait envie d’être tolérant, de pardonner à Wilder, d’imaginer les difficultés qu’il avait alors à boucler un film. Mais rien ne marche, jamais ce tandem pourtant réjouissant d’habitude ne nous tire un sourire dans cette comédie poussive et jamais surprenante. Un faux pas à oublier sans attendre, avant de se replonger dans les vingt-cinq autres longs métrages de Wilder qui, tous à leur manière, sont des films précieux.

Nomads (id.) – de John McTiernan – 1985

Posté : 16 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, McTIERNAN John | Pas de commentaires »

Nomads

Premier long métrage pour John McTiernan. Et s’il n’est pas encore le cinéaste qui dynamitera le film de genre (ce qu’il sera dès sa deuxième mise en scène, Predator), il apparaît déjà comme un réalisateur excitant et très original. Pour ce coup d’essai, c’est lui-même qui signe le scénario de ce thriller fantastique angoissant et paranoïaque, que n’aurait pas renié John Carpenter.

Pierce Brosnan, alors dans sa période Remington Steele (il retrouvera McTiernan pendant sa période de gloire 007 pour le remake de Thomas Crown), incarne un anthropologue français, dont le français est assez incompréhensible pour un Français (on lui pardonne, en vrai il est Gallois). On le découvre dès la première scène en sang, comme fou… et rendant l’âme après avoir blessé une infirmière

Curieuse introduction, qui nous mène à un film de possession, où l’infirmière se retrouve comme habitée par le défunt, dont elle revit les derniers mois : son arrivée en Californie avec sa femme, les événements étranges qui se sont produits autour de leur maison, la rencontre avec une bande inquiétante, nomades, d’hommes et de femmes qui semblent ne jamais dormir, apparaissent sans raison, et n’impriment pas leur image sur les photos

C’est à la fois confus et banal. Mais McTiernn est un cinéaste avant d’être un scénariste. C’est là qu’est sa force, déjà : dans sa capacité à dynamiser ses images, à construire des cadres qui créent l’angoisse. McTiernan est un cinéaste cinéphile, qui connaît bien son Hitchcock. Il ne cesse ainsi d’isoler le personnage de Brosnan en créant des cadres dans le cadre, par des embrasures de portes, des pans de murs… Des lignes verticales omniprésentes qui réduisent de plus en plus l’espace du personnage, jusqu’à l’étouffement.

McTiernan n’atteint pas encore l’épure de ses chefs d’œuvre, mais il a le sens de l’image et de l’efficacité absolue. La première moitié, surtout, est remarquable de tension. La deuxième partie reste prenante, même si McTiernan lorgne plus ouvertement du côté de Carpenter, dans un esprit paranoïaque qui lui sied moins qu’au futur réalisateur de Prince des Ténèbres, film auquel on pense immanquablement.

Beau coup d’essai, plein de promesses, qui tapa d’ailleurs dans l’œil d’un certain Arnold Schwarzenegger, qui ne tardera pas à lui confier les rênes de ce qui sera leur chef d’œuvre, à tous les deux, une traumatisante traque dans la jungle.

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