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Archive pour la catégorie '1980-1989'

Pulsions (Dressed to kill) – de Brian De Palma – 1980

Posté : 4 février, 2013 @ 5:27 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Pulsions (Dressed to kill) – de Brian De Palma – 1980 dans * Thrillers US (1980-…) pulsions

De tous les hommages que De Palma a rendus à Hitchcock (et il y en a eu beaucoup), celui-ci est le plus évident : le cinéaste a dû voir et revoir Psycho un nombre incalculable de fois avant d’écrire le script de ce film viscéral. On y trouve d’autres allusions à Hitch (la manière dont il filme le musée évoque une scène de Sueurs froides), mais c’est bien la référence à Psycho qui s’impose.

Dans Pulsions, De Palma réinvente la mythique scène de la douche (deux fois, dont une fois dans un ascenseur), réécrit la fameuse scène d’explication du psy (qui clôt le film d’Hitchcock), nous refait le coup de la tête d’affiche qui disparaît très prématurément, sans oublier le retournement de situation finale que l’on voit arriver gros comme une maison.

De Palma, d’ailleurs, ne fait pas grand effort pour nous préserver l’effet de surprise. Les allusions à Psycho sont tellement évidentes que le spectateur a déjà une grille de lecture toute faite, et qu’on devine rapidement le rôle joué par le psychiatre interprété par Michael Caine.

Pulsions ne joue donc pas sur l’effet de surprise, mais se révèle un pur exercice de style, comme les aimait Hitchcock. La première demi-heure, notamment, est étonnante. La caméra de De Palma suit Angie Dickinson, quinqua frustrée sexuellement, dans les dédales d’un musée où elle allume un inconnu pour se persuader qu’elle est encore désirable (elle l’est !). Une séquence que De Palma fait durer, sa caméra restant au plus près du visage d’Angie tandis qu’elle avance, hésite, recule et cède. Troublant et impressionnant.

La suite se situe sur un autre registre, mais est tout aussi virtuose. L’heure qui suit est une succession de trois moments de terreurs, dont Nancy Allen, jolie prostituée devenue la proie d’un mystérieux tueur, est le cœur. D’abord dans le métro, puis sans le savoir dans la gueule du loup, et enfin prise au piège dans une salle de bain… Qu’importe alors ce qui amène ces situations, qu’importent les incohérences du scénario, ou les trucs d’écriture facile… Tout ce qui compte ici, c’est la manière dont De Palma distille la peur, et il le fait comme peu d’autres cinéastes avant lui.

De Palma étire là encore ces séquences au maximum, toujours sans le moindre effet de surprise : des plans de coupe nous préviennent de tout, évitant qu’un sursaut soudain vienne brouiller le malaise persistant du spectateur.

C’est peut-être bien le film le plus terrifiant de De Palma, et ma plus grande sueur froide depuis bien longtemps…

Blow Out (id.) – de Brian De Palma – 1981

Posté : 31 janvier, 2013 @ 7:01 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Blow Out (id.) – de Brian De Palma – 1981 dans * Thrillers US (1980-…) blow-out

De Blow-up, De Palma n’a repris que le prétexte de départ : un homme pense avoir enregistré un crime… sur photo dans le film d’Antonioni, sur bande-son dans Blow Out, le héros étant ici un preneur de sons pour films d’horreur tout pourris. Un argument de départ qui est pour De Palma l’occasion de signer une œuvre très personnelle, nouvelle réflexion brillantissime sur l’image et la perception.

Dans le rôle du preneur de son, hanté par une erreur passée qui a tourné à la tragédie, John Travolta est formidable. Sur le point d’entamer sa longue traversée du désert pré-Pulp Fiction, il trouve paradoxalement le meilleur rôle de sa carrière : un type en apparence droit et intègre, mais bien plus complexe que ça, condamné à répéter les mêmes erreurs et à vivre avec elles ad vitam eternam.

Du crime dont Travolta est le témoin, le scénario imagine un complot politique avec maître-chanteur, policier douteux, et homme de main meurtrier (John Lithgow). Mais cette intrigue n’est elle aussi qu’un prétexte. Ce qui intéresse De Palma, c’est son couple de héros : Travolta et Nancy Allen, jeune délurée idiote et adorable. Et c’est surtout le jeu sur l’image et le son, sur la manière dont l’un et l’autre se complètent…

Blow Out est une petite merveille de mise en scène, qui s’amuse constamment à recoller les pièces manquantes de la perception, seule manière d’appréhender correctement les choses, et d’agir. La manière dont il filme la séquence nocturne de prise de son est absolument sublime : les sons d’abord, puis l’origine de ce bruit, en gros plans avec Travolta en arrière-plan.

La fin du film est extraordinaire, dans le contexte du Liberty Day, qui ancre Blow Out dans l’histoire trouble des Etats-Unis (le film que monte Travolta à partir de son enregistrement évoque évidemment celui de Zapruder ; le crime s’inspire d’un accident à scandale de Ted Kennedy…

Comme dans d’autres films de De Palma (Les Incorruptibles, L’Impasse), il y a aussi une grande scène de gare, fausse course poursuite et vraie tragédie en marche. Avant une fin traumatisante et désespérée, absolument inoubliable.

Brisby et le secret de NIMH (The Secret of NIMH) – de Don Bluth – 1982

Posté : 13 janvier, 2013 @ 3:27 dans 1980-1989, CARRADINE John, DESSINS ANIMÉS | Pas de commentaires »

Brisby et le secret de NIMH (The Secret of NIMH) – de Don Bluth – 1982 dans 1980-1989 brisby-et-le-secret-de-nimh

Présenté comme le nouveau Walt Disney dans les années 80 et 90, Don Bluth a signé une série de petits chef d’œuvre qui n’ont pas pris une ride, comme Fievel et le nouveau monde, son gros succès, et ce Brisby, qui marche sur les mêmes brisées.

Il y est une nouvelle fois question de famille, de survie, de curage, d’entraide. Mais il y a ici une ambition assez rare dans le cinéma d’animation grand public, à la fois dans la narration (le film s’ouvre avec un narrateur dont on ne connaîtra l’identité que tardivement), et dans la noirceur du sujet.

Pour une fois, le héros n’est pas un enfant pur et innocent (à l’image de Fievel), mais une mère de famille, veuve de surcroît, avec quatre enfants à charge dont un est malade de pneumonie. Sur le papier, c’est juste impossible d’accepter une telle héroïne.

Pourtant sa fonctionne merveilleusement bien, avec ce qu’il faut d’humour (surtout grâce au sidekick, un corbeau maladroit) et de frissons (un grand méchant rat, un hibou effrayant), et de messages aussi subtils qu’audacieux : l’ouverture aux autres et le respect des différences (les rats ne sont pas forcément des ennemis), et même une critique des pratiques inhumaines de certains laboratoires.

C’est assez gonflé, et c’est d’une efficacité redoutable : le film, à plusieurs niveaux de lecture, plaît aussi bien aux adultes qu’aux enfants (les miens, de 4 et 7 ans, ont adoré).

Le Solitaire (Thief) – de Michael Mann – 1981

Posté : 13 janvier, 2013 @ 1:18 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, MANN Michael | Pas de commentaires »

Le Solitaire (Thief) – de Michael Mann – 1981 dans * Thrillers US (1980-…) le-solitaire

Un braqueur de haut vol fidèle en amitié, qui prépare son dernier coup avant de se ranger avec la jeune femme qu’il aime ? Ce n’est pas le De Niro de Heat, mais le James Caan du Solitaire, premier long métrage cinéma de Michael Mann. Quinze ans avant le face-à-face De Niro / Pacino, les obsessions du cinéaste sont déjà bien en place, même si on ne retrouve pas encore cette confusion entre Bien et Mal, qui sera sa marque de fabrique dans tous ses grands polars à venir, de Sixième Sens à Public Enemies.

Avec cette œuvre de jeunesse, Mann frappe déjà assez fort, signant un film tendu et implacable qui, malgré quelques longues séquences en creux (notamment un très long dialogue entre Caan et Tuesday Weld, qui sonne étonnamment faux), ne laisse jamais retomber la tension. D’ailleurs, le film a rapidement fait l’objet d’un petit culte qui est toujours d’actualité.

Il faut quand même reconnaître que Thief a pris un petit coup de vieux. Et pas seulement à cause de la veste en cuir de Caan et des lunettes pas possibles de Robert Prosky, le grand méchant de l’histoire. L’esthétique, très datées eighties, et surtout la musique électronique à peine écoutable aujourd’hui, sont quand même des fardeaux qui, trente ans après, pèsent lourdement sur le film.

Mann est par ailleurs (et surtout à l’époque) meilleur formaliste que directeur d’acteurs. Ici, la hargne bondissante de James Caan a par moment un peu de mal à convaincre.

Cela dit, le rythme est, la plupart du temps, impeccable. Et Mann nous gratifie déjà de quelques belles séquences nocturnes qui ne semblent brouillonnes que parce qu’on les compare avec celles de Collateral ou Miami Vice, autrement plus envoûtantes. Reste que ces images de nuit urbaine dépassent largement ce qu’on pouvait voir ailleurs, au début des années 80 ou depuis.

Le Solitaire est un peu plus qu’un brouillon : c’est le portrait sombre et violent d’un homme qui, après avoir passé des années en prison, refuse toutes les attaches et toutes les règles qui lui seraient imposées. Du pur Mann dans le texte.

On peut quand même s’amuser à noter les nombreuses ébauches que Mann développera dans sa filmographie à venir : la plage de Sixième Sens, le casse de Heat

On peut aussi s’amuser à reconnaître, dans un minuscule rôle (trois secondes à l’écran, pas plus) William Petersen, qui deviendra le héros du premier chef d’œuvre de Mann, Manhunter.

Bronco Billy (id.) – de Clint Eastwood – 1980

Posté : 11 décembre, 2012 @ 2:09 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.) | Pas de commentaires »

Bronco Billy

“I am who I want to be”

J’ai toujours eu une tendresse particulière pour ce Clint modeste et d’une liberté absolue. Qui sait s’il ne s’agit pas tout simplement du plus personnel de ses films, celui dans lequel il se dévoile avec le plus d’honnêteté. « Je suis celui que je veux être », clame son personnage avec l’air de sortir la plus grande évidence. Bronco Billy est un film peut-être imparfait : visuellement, il y a un côté années 80 très daté, et le jeu des comédiens un rien outrancier peut désarçonner. Mais Eastwood semble jouer de son image de star de l’écran avec une sincérité et une bienveillance qui réchauffent le cœur.

Son personnage, Bronco Billy McCoy, est le patron d’un petit cirque itinérant entièrement dédié à la culture western. Un cirque minuscule : un couple d’Indiens que Billy a sorti de l’alcoolisme, un monsieur loyal… loyal (une très belle année pour Scatman Crothers, qui tourne également Shining), un homme à tout faire râleur mais grand cœur (Bill McKinney, un habitué de l’univers Eastwood), un as du lasso, et Bronco Billy lui-même, tireur d’élite qui galère à trouver une partenaire digne de son numéro. Jusqu’à ce qu’il tombe sur une riche héritière mauvaise comme une teigne, que tout le monde croit morte, assassinée par son mari Geoffrey Lewis (encore un habitué des films de Clint).

La belle héritière, c’est Sondra Locke bien sûr, dans son plus beau rôle eastwoodien : une pétasse des beaux quartiers qui s’encanaille et tombe sous le charme de ce type qui n’a rien d’autre qu’un cœur énorme et un sens de l’amitié et de la loyauté plus fort que tout. Un homme modeste qui trouve son bonheur en divertissant le public et en faisant revivre les grandes heures du Far West… Difficile de ne pas voir en ce Bronco Billy un double un rien excessif de Clint lui-même, vedette qui n’a jamais rien fait d’autre que ce qu’il avait vraiment envie d’être.

Bronco Billy est le fleuron de la veine purement country/Amérique profonde de Clint (tout un pan de sa filmo, de Doux, dur et dingue au pitoyable Pink Cadillac). C’est aussi l’un des hommages les plus vibrants d’Eastwood aux grands maîtres d’Hollywood dont il est à peu près l’unique héritier. Sa troupe improbable s’inscrit dans la lignée des communautés improvisées qui sont au cœur de tous les grands films de John Ford par exemple… Ce n’est pas un hasard si le garagiste du film est interprété par Hank Worden, l’un des grands seconds rôles des films de Ford (celui qui rêve d’un rocking chair dans La Prisonnière du Désert, c’est lui).

La réalisation suivante d’Eastwood approfondira encore cette filiation : ce sera Honkytonk Man, autre histoire basée sur la constitution d’un groupe improbable. L’un de ses chefs-d’œuvre.

Ai-je mentionné que Bronco Billy est aussi l’un des films les plus joyeux et insouciants de Clint ?

Invasion Los Angeles (They live) – de John Carpenter – 1988

Posté : 16 octobre, 2012 @ 5:30 dans 1980-1989, CARPENTER John, FANTASTIQUE/SF | 1 commentaire »

Invasion Los Angeles (They live) - de John Carpenter - 1988 dans 1980-1989 invasion-los-angeles

C’est probablement le film le plus ouvertement « série B » de Carpenter, celui en tout cas où il a les comédiens les plus cheap, confiant même le rôle principal à un catcheur célèbre de l’époque, Roddy Pipper. Mais qu’importe : They live est l’un des meilleurs films du cinéaste, l’un de ceux qu’il préfère, tourné à une époque (très courte) de grande liberté. Après l’échec de Jack Burton, Carpenter avait décidé de retrouver un cinéma beaucoup plus fauché, mais qui collait totalement avec ce qu’il savait faire de mieux. Résultat : Prince des ténèbres et ce Invasion Los Angeles, deux de ses plus grands chef-d’œuvre.

Avec ce petit budget malin, Carpenter revisite un genre qui n’a cessé d’inspirer sa filmo : la SF parano des années 50, qui évoquait sans le dire la peur « rouge » de la guerre froide. Ici, c’est au contraire le capitalisme galopant des années Reagan, et le mal-être grandissant des sans-grades, que Carpenter pointe du doigt, dans ce qui reste son film le plus ouvertement politique.

John Nada, c’est le nom du héros : un « nada » effectivement, un anonyme parmi tant d’autres, qui traverse une Amérique exsangue à la recherche d’un boulot. Ce qu’il trouve, c’est une communauté de sans-abris qui passent leurs journées à travailler dur sur les chantiers, et leurs nuits à espérer que la police ne vienne pas les déloger, dans une société qui n’a pas envie de voir ces pouilleux s’installer sous ses fenêtres.

Par hasard, Nada découvre une curieuse paire de lunettes de soleil, qui lui ouvre les yeux, et lui révèle le monde tel qu’il est vraiment : dominé par des extra-terrestres à visage humain, qui diffusent des messages invisibles pour transformer les hommes en esclave : de l’argent, du pouvoir, du confort…

Difficile de faire critique sociale plus évidente, et série B plus jouissive. Sans moyen, quasiment sans effets spéciaux, avec un thème musical redondant et profondément addictif (signé par Carpenter himself), le réalisateur signe un film d’une force sidérante, malin, brut et brutal (avec une interminable baston entre les deux héros), qui s’achève par un « what’s the fuck » qui n’est pas sans évoquer une autre fin carpenterienne inoubliable : celle de Los Angeles 2013.

Décidément, selon Carpenter, L.A. a bien besoin d’un peu plus d’anarchie…

Welcome in Vienna – Partie 3 : Welcome in Vienna (Wohin und Zurück. 3 : Welcome in Vienna) – d’Axel Corti – 1986

Posté : 12 septembre, 2012 @ 1:27 dans 1980-1989, CORTI Axel | Pas de commentaires »

Welcome in Vienna 3

« Pendant toutes ces années, c’est comme si on était loin de sa patrie, mais aussi de ses sentiments »

Suite et fin d’une trilogie indispensable, longtemps invisible chez nous. Freddy Wolff s’est engagé dans l’armée américaine et a combattu en France. Avec un seul objectif : retrouver Vienne, la ville de ses racines, là où sa vie, et celle de tant d’autres Juifs, s’est arrêtée une sombre journée de 1938. Après sept ans d’exil, enfin, il est de retour chez lui. Happy end ? Pas vraiment, non… De sa ville, objets de tous ses fantasmes depuis tant d’années, il ne retrouve qu’un tas de ruines qui abrite des êtres rongés par la guerre, la misère, la fatigue, la culpabilité, la haine, la rancœur…

Axel Corti et son scénariste Georg Stefan Troller ont signé avec cette trilogie une œuvre d’une force rare, d’autant plus puissante qu’elle nous fait ressentir mieux qu’un documentaire la réalité de ces êtres à qui ont a tout pris : les biens matériels et la dignité. Et sans concession. Comme le rêve américain explosait dans Santa Fé, le retour dans cette Europe qui a rejeté ses semblables d’un port à l’autre (voir Dieu ne croit plus en nous) balaye tous les rêves qui nourrissait Freddy dans son exil interminable. Là, il pensait retrouver ses attaches, sa dignité, un foyer… Mais là encore, il est hanté par le manque de sentiments… « Pourquoi personne ne me retient ? » clame-t-il avec un désespoir apparent. Ce manque de sentiment qui est devenu son quotidien, et qui le rend incapable de prendre à bras le corps l’amour que lui offre une jeune comédienne.

Il faut dire que le Vienne de 1945 n’a rien d’un paradis retrouvé. Ce que Freddy y rencontre, c’est le marche noir, la trahison, l’antisémitisme qui n’est pas mort avec Hitler, et même une certaine nostalgie du nazisme qui ne dit pas son nom. Et partout, un cynisme ambiant qui fait une nouvelle fois du candide Freddy un étranger parmi les siens…

Si la première partie de cette trilogie marquait la fin de l’innocence, et la deuxième l’implosion du rêve d’exil, ce troisième volet signe la mort des illusions. Avec l’Ennemi (avec une majuscule) officiellement vaincu, le sentiment qui se dégage de cette conclusion est plus confus, moins clairement tragique que dans les deux films précédents. Mais le malaise constant qui règne n’est guère plus enviable : c’est désormais un sentiment d’irréversible gâchis qui domine. A peine Corti et Troller, qui auront tenu le cap de leur œuvre jusqu’au bout, se permettent-il un ultime plan d’où renaît une (petite) lueur d’optimisme. Peut-être, sur ces ruines et ces êtres brisées, pourra-t-on reconstruire quelque chose…

• La trilogie Welcome in Vienna, présentée pour la première fois dans un circuit restreint de cinémas l’an dernier, paraît enfin en DVD. C’est chez les Editions Montparnasse, dans un coffret absolument indispensable. Avec en bonus un long entretien (chapitré par questions, excellente idée) de Georg Stefan Troller, passionnant et très émouvant.

Welcome in Vienna – Partie 2 : Santa Fé (Wohin und Zurück. 2 : Santa Fé) – d’Axel Corti – 1985

Posté : 6 septembre, 2012 @ 5:00 dans 1980-1989, CORTI Axel | Pas de commentaires »

Welcome in Vienna 2

« Ils ne nous pardonneront jamais ce qu’ils nous ont fait »

Après un interminable exil de plusieurs années à travers l’Europe, quelques Juifs d’Autriche ont réussi à s’embarquer, direction New York. Arrivés à bon port, certains sont maintenus en détention, faute de papier. D’autres, plus chanceux, sont accueillis sur le sol américain, où ils tentent de créer un semblant de vie…

Ce second volet pourrait être plus optimiste : tout commence par la découverte de la terre promise, avec des personnages qui sont des survivants, et à qui tout semble possible désormais. Mais les apparences sont trompeuses. Superbe vue de loin, la ville de New York se révèle grise et glauque au quotidien. Le romantisme du voyageur ne passe pas l’épreuve du temps… « Ici ils sont gentils, souligne un personnage : s’ils te renvoient, ils le font avec le sourire »

Loin de marquer la fin de ce long exil, loin du tumulte de la guerre en Europe et de la menace omniprésente des Nazis, l’arrivée en Amérique n’est que le prolongement de cet exode. Moins spectaculaire, mais plus pernicieux, mais le poids terrible de cette tragédie est toujours aussi présente.

L’absurdité de cette tragédie est bien là, elle aussi, et éclate de la plus inattendue des manières : dès les premières minutes du film, Ferry Tobler, le « héros » du premier volet Dieu ne croit plus en nous, survivant de tant d’horreurs, se noie bêtement dans le port de New York, à quelques mètres du quai, sans avoir pu fouler le sol américain…

Le personnage principal, ici, à qui le pauvre Ferry passe le relais dans les premières scènes, c’est Freddy Wolff, jeune homme dont on ne saura quasiment rien du passé. Qu’importe : ce survivant partage avec tous les autres Juifs d’Europe le même passé récent, la même fuite sans fin… Lui-même reconnaît qu’il se souvient à peine de sa vie d’avant, entièrement habité qu’il est par la haine, le rejet, l’incompréhension, et cette douleur d’incompréhension lorsqu’il repense à Vienne, cette ville qui est la sienne et où il sent qu’il doit retourner.

A New York, Freddy, comme beaucoup d’autres Juifs, trouve un emploi (dur), un logement (miteux), des amis (tous Juifs exilés). Mais comme beaucoup d’autres, il ne défait pas sa valise. Lui et les autres font bonne figure, affichant un optimiste de rigueur. Freddy rêve même de partir vers l’Ouest, à Santa Fé, loin de cette zone de transit qu’est New York. Là, sûr, une nouvelle vie l’attend, il pourra tourner la page.

Sauf que cet optimisme ne trompe personne. Ni les spectateurs, ni les personnages, qui possèdent tous des fêlures grandes comme le Mississipi. Chacun s’invente un présent glorieux, ou un futur réjouissant, sachant bien que personne n’est dupe. Tous jouent le jeu, conscients que ces masques leur permettent de survivre tant bien que mal.

Freddy réussit son intégration aussi bien que possible. Mais il n’a qu’une obsession : le rejet dont il fait l’objet par son propre peuple. « Ils ne nous pardonneront jamais ce qu’ils nous ont fait », lance un vieil écrivain juif conscient qu’un retour au pays n’est pas envisageable. Ce retour, Freddy sait pourtant qu’il ne peut en faire l’économie. Dans ce deuxième volet aussi beau et cruel que le premier, Axel Corti ne montre aucune image de l’Europe et de la guerre, mais on ne voit que ça dans les regards de ces êtres en transit. Le retour au pays sera au cœur du troisième volet, Welcome in Vienna, de cette trilogie décidément sublime et indispensable.

Welcome in Vienna – Partie 1 : Dieu ne croit plus en nous (Wohin und Zurück. 1 : An Uns glaubt Gott nicht mehr) – d’Axel Corti – 1982

Posté : 4 septembre, 2012 @ 2:35 dans 1980-1989, CORTI Axel | Pas de commentaires »

Welcome in Vienna 1

A Vienne, en 1938, un adolescent juif, Ferry Tobler, parvient à échapper aux rafles de la Nuit de Cristal, mais doit fuir l’Autriche. Il commence alors un long périple au côté de milliers d’autres Juifs qui, comme lui, sont rejetés par ceux-là même qui partageaient leur quotidien il n’y a pas si longtemps…

Avec ce premier volet d’une trilogie consacrée au destin des Juifs autrichiens (dont je vais m’empresser de découvrir les deux autres volets, Santa Fe et Welcome in Vienna), Axel Corti signe un pur chef d’œuvre. Esthétiquement d’abord, le film est une immense réussite. La mise en scène sobre et efficace, le noir et blanc au grain épais, la reconstitution de l’Europe des années 1938 à 1941… Visuellement splendide, d’un réalisme troublant, parce qu’il évoque ces films d’archive qu’on a tous en mémoire, et qui illustrent les grandes dates historiques de cette histoire.

Surtout, Corti propose une vision totalement antispectaculaire de cette période trouble. Plutôt que de chercher à illustrer un épisode tragique de notre histoire récente, plutôt que d’émailler son film de rebondissements spectaculaires et dramatiques, Corti choisit le strict point de vue de ces Juifs forcés de renoncer au monde tel qu’ils l’ont toujours connu, victimes d’une menace et d’une haine aussi absurdes qu’omniprésentes…

De fait, on ne voit que peu de violence physique dans ce film. Mais le regard de l’autre, le rejet systématique que rencontrent ces émigrants malgré eux, suffit à installer le drame, terrible. Le film s’attache au destin d’un petit groupe de personnages (en particulier Ferry, un « père d’adoption », résistant allemand et goy joué par un grand Armin Mueller-Stahl, et une veuve juive qui représente tout à la fois l’image de la mère et de la maîtresse, troublante famille reconstituée, cocon fragile dans un monde hostile), mais c’est le destin tragique de tous ces Juifs européens que l’on ressent dans ce long exode.

Vienne, Prague, Paris, Orléans, Marseille… Chaque étape se prolonge des mois durant, et à chaque fois un semblant de vie se met en place avec les mêmes êtres qui se croisent et se recroisent, avant que les exilés soient de nouveau obligés de reprendre la route.

Dans ce long et terrible exil communautaire, Corti filme des amitié, des inimités, des attirances, des colères, mais toujours avec un sentiment de fraternité exacerbé. Il filme des destins brisés, avec une pudeur parfaite. Il filme aussi la fin de l’innocence, avec cette pathétique arrestation de « Gandhi » (Muller Stahl) par une bande de gamins français charmants et bien sous tous rapports.

Les exilés se croisent au gré de leur voyage sans fin, comme si leur destin commun les menait tous au même endroit (d’ailleurs…). Ils réapparaissent, mais disparaissent aussi pour certains, sans que l’on sache vraiment ce qui leur est arrivé : en n’adoptant que le point de vue de ces « héros » ballottés par l’histoire, Corti nous plonge dans la même confusion qu’eux.

Mais le réalisateur ne laisse planer aucun espoir, aucun optimisme forcé. Lui-même enfant autrichien durant la guerre, il a sillonné les routes d’Europe avant 1945, où il a probablement assisté à des scènes telles que celles qu’il filme ici. Il sait le poids de l’histoire en marche. Son film est bien plus qu’un documentaire. C’est le portrait d’hommes et de femmes sacrifiés par une époque folle et haineuse. Et c’est tout à la fois d’une simplicité et d’une force assez incroyables.

Pale Rider, le cavalier solitaire (Pale Rider) – de Clint Eastwood – 1985

Posté : 12 août, 2012 @ 6:28 dans 1980-1989, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Pale Rider

Neuf ans après Josey Wales, Clint Eastwood revenait enfin au western avec ce Pale Rider qui passe admirablement bien l’épreuve du temps. Pas par calcul, assurait-il alors, mais par simple envie, comme il a toujours choisi ses projets. Au milieu des années 80, on ne peut pas dire que le western était un genre porteur. D’ailleurs, Eastwood prend le contre-pied des films sortis à cette époque qui tentaient de moderniser le genre (Silverado, Young Guns…). Lui préfère revenir aux sources du genre qui lui a mis le pied à l’étrier.

Plus vraiment sous l’influence de Sergio Leone (comme il l’était clairement pour L’Homme des hautes plaines, son premier western en tant que réalisateur, dont la construction est curieusement semblable à celle de Pale Rider), pas encore tout à fait dans la lignée des grands maîtres classiques comme Ford (il le sera davantage avec Impitoyable), Clint trace son propre sillon : cette patte inimitable qui était la sienne dans les années 80, mélange de ses différentes influences cinématographiques, et surtout musicales.

Même si la musique de ce Pale Rider, pourtant signée Lennie Niehaus, est l’une des moins intéressantes de toute sa filmographie, le ton que Eastwood donne à son film trouve ses racines à la fois dans le jazz et la country, les deux « mamelles » musicales qui nourrissent la plus grande partie de l’œuvre eastwoodienne (jusqu’à ces dernières années en tout cas). Le jazz pour le rythme à la fois libre et entraînant, la country pour l’attachement à la terre, à la famille, et aux racines.

Pale Rider est sans doute celui de ses films qui s’attache le plus à la nature, le plus écolo de ses films qui dénonce (dans un western !) les méfaits de l’industrialisation sur l’environnement. Il utilise pour cela une pratique qui a réellement existé, et qui a effectivement fait polémique vers la fin du 19ème siècle : l’utilisation de la force hydraulique pour extraire l’or de la terre, et qui dévastait totalement les sols.

L’histoire, elle, est à peu près la même que celle de L’Homme des hautes plaines. Eastwood y incarne une nouvelle fois un mystérieux étranger qui semble revenir de l’au-delà pour aider une communauté menacée. Eastwood joue à fond la carte de l’ambiguïté, plus encore que dans son premier western. Le Preacher qui arrive, comme une réponse à la prière d’une jeune fille belle comme un ange, est-il lui-même un ange exterminateur ? Ou un simple pistollero qui trouvera sa revanche ? Libre au spectateur de choisir sa propre interprétation, Clint ne tranchera jamais…

Qu’importe, ou plutôt tant mieux : cette ambiguïté contribue à la réussite d’un film hors des modes et donc intemporel. Eastwood cinéaste n’y est sans doute pas aussi sensible et personnel que dans le sublime Honkytonk Man, mais le plaisir est immense.

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