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Archive pour la catégorie '1980-1989'

Inspecteur Lavardin – de Claude Chabrol – 1986

Posté : 7 décembre, 2015 @ 2:08 dans * Polars/noirs France, 1980-1989, CHABROL Claude | Pas de commentaires »

Inspecteur Lavardin

Une suite dans la filmo de Chabrol ? Le fait est quasiment unique (il avait réalisé deux épisodes du Tigre dans les années 60 : Le Tigre aime la chair fraîche et Le Tigre se parfume à la dynamite), et on pourrait se dire que le cinéaste se plie aux lois du marché pour le coup… Mais Inspecteur Lavardin, semble plutôt répondre à une pure gourmandise, et au besoin de renouer avec les racines du cinéaste.

Tourné dans la foulée de Poulet au vinaigre, le film permet de retrouver ce flic faussement débonnaire incarné avec délectation par un Jean Poiret aussi séducteur qu’inquiétant. Un personnage qui a tellement plus à Chabrol (et au public) qu’il en tirera même une mini-série télé de quatre épisodes, toujours interprétée par Poiret sur le même ton.

C’est donc un retour aux sources pour le cinéaste, qui retrouve, à travers ce personnage tellement libre qu’il en devient cynique, son mordant vis-à-vis de la fameuse bourgeoisie de province, de ses codes et de son hypocrisie. Et la charge est sévère. Au point de paraître bien maladroite, quasi caricaturale, dans la première partie du film. Mais Chabrol finit par installer une atmosphère très… chabrolienne, dans ce microcosme rongé par les secrets et les mensonges.

Lavardin serait-il un alter ego de Chabrol ? On sent bien que le réalisateur se reconnaît dans ce personnage dont l’apparrente légèreté dissimule à peine la détestation de ce monde de mensonge et d’hypocrisie. Jusqu’à un face-à-face réjouissant et tendu avec un Jean-Luc Bidau parfait en faux-cul au bras long.

C’est aussi un retour aux sources parce que Chabrol retrouve deux acteurs qui ont marqué ses débuts, à l’éclosion de la Nouvelle Vague : Jean-Claude Brialy et Bernadette Lafont, en troublante émanation du passé. On retrouve aussi son goût (et celui de Lavardin) pour la bonne chair, et sa propension à aborder les sujets légers avec gravité, et les sujets sérieux avec dérision. A moins que ce ne soit le contraire…

Body Double (id.) – de Brian De Palma – 1984

Posté : 2 décembre, 2015 @ 1:16 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Body Double

Sale journée pour l’acteur Jake Scully qui, en quelques heures, perd le petit boulot qu’il avait déniché, surprend sa femme au lit avec un autre, se retrouve à la rue sans savoir où aller, et tombe sur un type un peu louche qui lui propose de dormir dans un appartement de rêve avec vue plongeante sur une voisine qui lui offre un strip-tease chaque soir. Oui, ça sent le sale coup à plein nez…

Body Double est une étape importante dans la carrière de Brian De Palma : ce chef d’œuvre est le dernier de ses films purement hitchcockiens, ces films qui ont marqué sa filmographie entre les années 70 et le début des années 80 (Pulsions, Obsession…).

Comme s’il savait déjà qu’il n’y reviendrait plus sous cette forme, De Palma multiplie les références à son maître. Fenêtre sur cour bien sûr, pour l’argument de base, mais aussi et surtout Sueurs froides : moins pour la claustrophobie qui renvoie au vertige de James Stewart et qui paraît finalement assez anecdotique, que pour le motif de l’obsession qui trouble la perception, et pour ce jeu perpétuel sur les faux-semblants.

L’action se passe à Los Angeles, parce que la production cinématographique sert de toile de fond troublante à ce thriller virtuose. Mais on jurerait par moment que l’on est à San Francisco, tant l’atmosphère du film évoque le chef d’œuvre d’Hitchcock, en particulier lors de la longue séquence de la filature.

On pourrait ainsi évoquer longuement les références à Hitchcock, jusqu’à la présence de Melanie Griffith (fille de Tippi Hedren, l’héroïne des Oiseaux et de Marnie), et à la séquence de la douche qui clôt le film, avec intervention d’une doublure… comme dans Psychose.

Mais ce qui frappe surtout, c’est de voir à quel point De Palma s’approprie pleinement un film qui n’est pourtant que références, et à quel point il se dirige vers un pur cinéma de l’image. Car aussi machiavélique semble-t-elle, l’intrigue est finalement étonnamment simple, presque un prétexte à multiplier les moments de suspense durant lesquels le temps semble suspendu, étiré à l’envi.

Finalement, la comparaison la plus frappante avec le cinéma d’Hitchcock repose peut-être sur l’impressionnante maîtrise dont fait preuve De Palma, qui joue avec sa caméra (avec de longs et sublimes plans qui embrassent littéralement les personnages) et avec le spectateur avec le même plaisir gourmand. Son film se déroule dans le monde du cinéma ? Ce n’est pas un hasard: il ne parle que de la position du spectateur, et du plaisir de manipuler son monde. Troublant, et totalement jouissif.

* L’excellentissime éditeur Carlotta a choisi ce chef d’œuvre de Brian De Palma pour inaugurer sa nouvelle collection luxueuse : un DVD et un blue ray aux bonus passionnants (comme toujours chez cet éditeur), et accompagné d’un livre écrit par Susan Dworkin, qui évoque sur près de 200 pages la genèse du film, dont elle a pu suivre le tournage en 1984.

Les Incorruptibles (The Untouchables) – de Brian DePalma – 1987

Posté : 3 novembre, 2015 @ 3:15 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, COSTNER Kevin, DE NIRO Robert, DE PALMA Brian | Pas de commentaires »

Les Incorruptibles

Ce n’est à l’évidence pas le plus personnel film de De Palma. Lui qui, une dizaine d’années plus tard, saura s’approprier son autre adaption de série TV culte (Mission Impossible, donc), se met ici totalement au service de la production, en mettant de côté les thèmes habituels de sa filmographie, mais en lui réservant tout de même le meilleur de son savoir-faire.

Ajoutez à cela une très belle reconstitution de ce Chicago de la Prohibition, très appliquée, et vous obtiendrez un grand film de genre. Un peu propret toutefois, et sans les aspérités que l’on aimerait voir, mais réjouissant de bout en bout. Le scénario de David Mamet, remarquablement construit, n’y est pas pour rien. De même que la musique très inspirée (et très présente) de Morricone.

Les acteurs aussi sont formidables. De Niro cabotine à mort, le vétéran Connery et le jeunôt Garcia dévorent l’écran, et Costner a une classe folle dans le rôle qui inaugure sa période glorieuse, avec ce jeu effacé que certains prennent pour de la transparence.

Mais c’est bien quand le cinéaste laisse aller son inspiration visuelle et sa logique cinéphile que le film atteint des sommets. C’est évidemment le cas lors de la fameuse séquence de la gare, hommage appuyé et impressionnant au Cuirassé Potemkine et scène d’anthologie qui justifie à elle seule l’existence du film. Ralenti et tension incroyable, maîtrise parfaite de l’espace : cette séquence rentre dans le panthéon des grandes scènes de gare du cinéma de De Palma (oui, il y a un panthéon pour ça), avec celle de Blow Out, et surtout celle de L’Impasse.

Il y a bien d’autres grands moments : la rencontre avec Sean Connery, l’exécution du cadavre à la frontière canadienne, la mort de Charles Martin Smith, ou le saut de l’ange de Billy Drago. Les Incorruptibles, malgré son aspect par moments trop lisse par rapport à la violence de son sujet, est clairement l’une des grandes réussites du cinéma de genre des années 80.

Retour vers le futur 2 (Back to the future, part 2) – de Robert Zemeckis – 1989

Posté : 21 août, 2015 @ 4:31 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, ZEMECKIS Robert | Pas de commentaires »

Retour vers le futur 2

Toujours aussi réjouissante, cette suite au scénario assez génial. Tourné quatre ans après, le film prolonge pourtant directement le premier, avec une séquence pivot (celle de la DeLorean qui s’envole) qui a dû être retournée, Elisabeth Shue ayant remplacé Claudia Wells dans le rôle de Jennifer.

Contrairement au film de 1985, plus linéaire, celui-ci joue à fond sur les possibilités du voyage dans le temps, multipliant les allers-retours, les époques, les paradoxes temporaires, et les périodes alternatives. Avec bien quelques facilités, voire une grosse impossibilité : après « l’emprunt » de la machine par le vieux Biff, le retour aurait dû se faire dans le futur alternatif, Marty et Doc auraient donc dû se retrouver coincé. Vous suivez ? Bof, qu’importe… Tout le plaisir de ce deuxième opus repose sur cette impression de mouvement perpétuel, et sur le bordel créé par les voyages de nos héros.

Après 1955, cap donc sur 2015. Amusant, donc, de découvrir cette année vue par les scénariste d’il y a vingt-cinq ans. Forcément, cette partie, certes cultissime, accuse son âge, et le décalage avec le vrai 2015. Pas tant par rapport aux looks ou aux quelques innovations (assez rares finalement, à part la voiture volante, le manteau auto-séchant ou la pizza déshydratée) que par rapport aux quelques effets spéciaux « futuristes », comme ce croquignolet requin en 3D.

Mais comme dans le premier film, cette suite privilégie largement les personnages aux effets spéciaux, assez anecdotiques. Et puis cette nostalgie des années 80 qu’il met en scène n’est pas si loin de la réalité. N’empêche, c’est lorsque nos personnages se retrouvent une nouvelle fois propulsée en 1955, durant l’action du premier film, que Retour vers le Futur 2 devient réellement brillant, et unique en son genre.

Là, Zemeckis et ses scénaristes poussent à fond la logique ludique de la série, et l’art de l’auto-citation. Tout en reproduisant un suspense aussi réussi que dans le premier film, cette suite s’imbrique directement dans l’action du film de 1985, le danger étant de remettre en cause ce que les personnages avaient accompli auparavant. Un brillantissime jeu de chassé-croisé complexe, jouissif, et parfaitement maîtrisé.

* Voir aussi Retour vers le futur et Retour vers le futur 3.

Retour vers le futur (Back to the future) – de Robert Zemeckis – 1985

Posté : 3 juillet, 2015 @ 2:16 dans 1980-1989, FANTASTIQUE/SF, ZEMECKIS Robert | Pas de commentaires »

Retour vers le futur

Grand jour pour moi : je fais découvrir à mon fils aîné (tout juste 10 ans) ce monument du pop corn movie, qui a marqué à peu près tous les gosses des années 80, à commencer par moi: Retour vers le futur est LE film qui m’a rendu accro au cinéma. Il y en a eu bien d’autres depuis, mais forcément, celui-ci occupe une place à part dans ma vidéothèque.

Difficile, donc, de le revoir en évacuant tout ce qui peut ressembler à de la nostalgie. Mais en essayant d’être le plus objectif possible, il faut reconnaître que cette production Spielberg reste un modèle en son genre. Un pur divertissement qui ne se prend pas au sérieux, certes, mais un film d’une intelligence rare, au scénario bourré d’idées géniales et parfaitement abouties, et qui impose Zemeckis comme l’un des plus grands narrateurs de sa génération.

Triomphe populaire, le film fonctionne parfaitement sur tous les plans. C’est d’abord un grand film d’ados : on rêvait tous d’être aussi cool que Marty McFly, de s’éclater sur la guitare électrique (la bande son a quand même de la gueule !), de faire du skate en s’accrochant au pare-choc d’une voiture de police, et même de s’endormir tout habillé sur son lit pas défait.

C’est aussi une belle oeuvre nostalgique sur ces années 50 américaines si mythiques, marquées par l’apparition du rock et de la télévision, que Zemeckis reconstitue avec gourmandise. Le voyage dans le temps n’est, bien sûr, qu’un prétexte. Le film, avare en effets spéciaux (ce qui explique sans doute en partie qu’il ait si bien vieilli), est avant tout une histoire d’apprentissage, de passage à l’âge adulte, de filiation.

Et c’est bien là que le film est passionnant. En jouant sur la nostalgie et sur le voyage dans le temps, Zemeckis confronte son jeune héros au plus grand des interdits, en mettant en scène un flirt avec sa future mère. Franchement gonflé, ce pop-corn movie familial franchit mine de rien toutes les barrières, avec un formidable sens de la dérision. Comme si cette vision inattendue du complexe d’Œdipe n’était pas suffisante, ce voyage fantasmé est pour Marty l’occasion de façonner sa famille telle qu’il la rêve !

Entre humour, suspense, romance et nostalgie, le film trouve un équilibre parfait. Grâce aussi au jeu gourmand et jubilatoire des comédiens. Michael J. Fox, Christopher Lloyd et Crispin Glover (génial dans le rôle du père de Marty) trouvent tous le rôle de leur vie. Et, si vous vous posez la question, mon fils, qui a donc l’âge que j’avais quand j’ai découvert le film, a adoré. Lui n’a pas à attendre quatre ans pour découvrir la suite.

* Voir aussi Retour vers le futur 2 et Retour vers le futur 3.

Big Easy / Le Flic de mon coeur (The Big Easy) – de Jim McBride – 1986

Posté : 27 mai, 2015 @ 5:48 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, McBRIDE Jim | Pas de commentaires »

Big Easy

Voilà simplement l’un des meilleurs films policiers de la décennie. Une histoire a priori assez classique de corruption policière, complexe et passionnante mais pas révolutionnaire pour autant, que le réalisateur Jim McBride dépasse largement. Moins que l’aspect polar, ce sont les personnages qui l’intéressent. Et La Nouvelle Orléans, où il a choisi de tourner un film qui devait à l’origine se dérouler à Chicago.

Si le film est aussi réussi, c’est notamment par la manière dont le cinéaste s’empare de son décor. Loin des clichés habituels de La Nouvelle Orléans (la moiteur, les marais, les mystères nocturnes), McBride filme une ville lumineuse et grouillante de vie, où la musique est omniprésente, et où la légèreté n’est qu’apparence. Plus qu’un décor : une véritable atmosphère, qui baigne tout le film dès le générique de début, jusqu’à l’inattendue dernière scène.

Il y a là une vraie enquête policière, une réflexion forte sur la corruption ordinaire. Mais c’est avant tout le portrait d’un homme confronté à ses propres actes, tiraillés entre sa « famille » et son sens du devoir. Un sujet vieux comme le cinéma, mais que le film réinvente d’une manière brillante.

Et la prestation de Dennis Quaid n’y est pas pour rien. De l’arrogance à la déchéance, du doute à l’obstination, il est extraordinaire. Le rôle de sa vie, sans doute : il donne à son personnage une présence physique et charnelle impressionnante, et pas seulement dans les très belles séquences sensuelles, voire sexuelles, avec Ellen Barkin, également formidable. Totalement décalée en flic des affaires internes, elle donne à son personnage une sensualité rare en cette période pré-Basic Instinct.

Entre ces deux-là, il y a un jeu de séduction, ou plutôt de désir, qui est le moteur du film. Il y a aussi un jeu constant d’amour-haine souvent proche de la grande comédie américaine des années 40. Un beau film noir avec la vivacité et la brillance d’une screwball comedie ? Jim McBride réussit un véritable coup de maître ici…

* DVD chez Sidonis, avec une présentation par Patrick Brion, ainsi que par François Guérif qui évoque avec passion une interview qu’il a réalisée de Jim McBride.

Psychose 2 (Psycho II) – de Richard Franklin – 1983

Posté : 25 mai, 2015 @ 3:55 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, FRANKLIN Richard, MILES Vera | Pas de commentaires »

Psychose 2

Ouais, je vois déjà les fines bouches : on ne touche pas à un monument du 7ème Art, Anthony Perkins devrait avoir honte d’avoir cédé aux sirènes d’un cachet facile, lui qui n’a jamais réussi à se débarrasser de ce Norman Bates qui a fait de lui une figure du cinéma vingt-deux ans plus tôt. Et c’est vrai qu’on peut dire que ce qu’il y a de mieux dans ce Psychose 2, ce sont les premières minutes : la fameuse scène de la douche tirée du film d’Hitchcock

Mais ce serait nier au film de Richard Franklin ses nombreuses qualités. L’intelligence du scénario pour commencer : malgré quelques effets faciles et une surenchère de violence contre-productive dans la dernière partie, la complexité du personnage de Bates est brillamment mise à profit.

Le film commence donc alors que Bates est jugé « guéri », et libéré de l’hôpital-prison où il était enfermé depuis les meurtres de 1960. Un homme hanté par son passé, mais décidé à se débarrasser pour de bon de ses fantômes. Pourquoi revient-il alors dans cette maison si lourde de souvenirs ? Parce qu’il n’a que là où aller, et surtout parce qu’aucun producteur n’aurait envisagé une suite sans l’image écrasante de cette maison !

La première partie est un peu maladroite, et assez platement réalisée. Mais Franklin excelle à illustrer le trouble grandissant de Norman Bates, ses propres doutes sur sa santé mentale, qui donnent lieu à de brillantes séquences, avec plans désaxés, ombres inquiétantes et alternances de plans larges et de gros plans particulièrement saisissants.

Anthony Perkins est littéralement habité par son personnage, qui fascine aussi bien le scénariste que le réalisateur. Les autres personnages, hélas, n’ont pas cette chance. A commencer par la pauvre Vera Miles, qui retrouve son personnage de Lila Crane, bien décidée à faire de nouveau enfermer celui qui a tué sa sœur Marion. Jamais crédible, son personnage vocifère sans profondeur, mais aurait pu être rattrapé par une séquence d’horrible mimétisme avec sa sœur, gâché par un effet gore assez ridicule.

Ce Psychose 2 est parfois maladroit. Parfois grand-guignolesque même, et inutilement sanglant. Mais les enjeux psychologiques sont plutôt bien tenus, et Franklin signe un film riche et intense, qui multiplie les hommages au classique d’Hitchcock sans se laisser étouffer par la comparaison. Ce n’est pas le moindre de ses mérites.

Cutter’s way / La Blessure (Cutter’s way) – de Ivan Passer – 1981

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:07 dans * Thrillers US (1980-…), 1980-1989, PASSER Ivan | Pas de commentaires »

Cutter's way

Le DVD a cette fonction indispensable : permettre de redécouvrir des films tombés dans l’oubli, un rôle qu’il remplit pleinement avec Cutter’s way. Tourné au tout début des années 80, sorte de transition entre des années 70 qui ont bouleversé le cinéma américain et une décennie où tout semble possible (cette production United Artists est lancée avant la sortie de La Porte du Paradis), ce faux film noir évoque une enquête dont on ne verra quasiment rien directement, simple fil rouge auquel se raccrochent une poignée de personnages abîmés chacun à leur manière.

Avec Cutter’s way, Ivan Passer, réalisateur tchèque lui aussi complètement oublié, fait comme beaucoup de cinéastes exilés dans l’histoire d’Hollywood : sous le couvert du film de genre, il dresse le portrait sans concession d’une Amérique malade, hantée par ses échecs et ses fantômes. Le VietNam en l’occurrence, dont Cutter est un vétéran éclopé, borgne, manchot et unijambiste, moitié d’homme qui se jette aveuglement dans une improbable croisade (la recherche d’un tueur) parce qu’il n’arrive pas à affronter le quotidien, en la personne de sa femme qui, elle, se réfugie dans l’alcool plutôt que d’affronter la réalité…

A leur côté, Bone, l’ami indéfectible, séducteur qui semble étouffer sous les conquêtes la culpabilité qui le ronge de ne pas avoir été au feu comme son inséparable ami. Dans le rôle titre, John Heard est intense et dégage une rage et une douleur inoubliables. Mais dans celui de Bone, Jeff Bridges est peut-être plus impressionnant encore. Moins spectaculaire, plus retenue, sa prestation est d’une justesse absolue, et d’une sobriété remarquable.

C’est le destin de ce trio ravagé par une guerre dont on ne verra aucune réminiscence qui intéresse Ivan Passer, cinéaste tchèque qui n’aura pas la carrière de son compatriote Milos Forman, condamné à un oubli injuste mais presque total. Du film de genre, il ne conserve qu’une vague trame à laquelle se rattachent ces personnages sans autre but que d’enchaîner les journées en oubliant leurs fantômes.

Visuellement, pourtant, le film doit beaucoup aux films noirs américains, avec ses ruelles obscures, la confrontation des puissants et des « héros », et même l’irruption d’un semblant de femme fatale. Un hommage sincère au genre, mais dont Ivan Passer se sert pour dresser le portrait d’une Amérique post-VietNam rongée par ses pertes et sa culpabilité.

* Un film qui mérite d’être redécouvert, ce que permet l’édition du DVD chez Sidonis, agrémenté de passionnantes évocations du film par Bertrand Tavernier (qui le considère comme l’un des plus grands films américains des années 80), et par Ivan Passer lui-même.

Le Duel des héros (Draw !) – de Steven Hilliard Stern – 1976/1984

Posté : 6 février, 2015 @ 6:16 dans 1970-1979, 1980-1989, DOUGLAS Kirk, STERN Steven Hilliard, TÉLÉVISION, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Duel des héros

Il y a une petite incertitude, quant à l’origine de ce film. Il semble que ce western ait été tourné en 1976 pour la télévision, mais qu’il ait eu droit à une petite carrière sur grand écran huit ans plus tard. Information à prendre toutefois avec beaucoup de précaution…

Ce qui semble plus sûr, par contre, c’est que le sujet ait été apporté par Kirk Douglas, et que l’acteur, clairement pas dans la période la plus glorieuse de son immense carrière, ait longtemps cherché à l’interpréter au côté de son vieux complice Burt Lancaster. Finalement, c’est à James Coburn qu’il donne la réplique. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le pauvre sent à plein nez le « choix bis », dans un rôle écrit pour un acteur de l’âge de Douglas (Coburn a 12 ans de moins, et la différence d’âge est flagrante).

Mais le principal problème du film, c’est l’incapacité du réalisateur à opter pour un ton précis : son western est-il noir et réaliste, ou flirte-t-il avec la parodie ? A force de ne pas choisir, Stern n’est jamais réellement convaincant.

L’histoire, pourtant, était assez originale et pleine de promesses : un vieux pistolero rangé des affaires se réfugie dans l’hôtel d’une petite ville après avoir tué un shérif en légitime défense. Alors que la population veut le lyncher, un ancien homme de loi débarque : un homme qui l’a longtemps poursuivi, avant de déposer les armes et de devenir alcoolique…

Le Duel des héros n’est pas un ratage absolu : on est toujours heureux de revoir ce vieux Kirk, toujours très en forme malgré ses 60 ans bien tapés. Mais Coburn, aussi sympathique soit-il, n’est clairement pas du même niveau. Et le film manque cruellement d’une quelconque unité. Comme si Stern était aussi tenté par Une corde pour te pendre (le premier western de Douglas) et Cactus Jack (une parodie du genre, tournée à la même époque).

• Sidonis fait les fonds de tiroir, cette fois, pour son incontournable collection « Westerns de Légende ». En bonus : une simple présentation par Patrick Brion.

Abyss (The Abyss) – de James Cameron – 1989

Posté : 30 novembre, 2014 @ 4:56 dans 1980-1989, CAMERON James, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Abyss

Il n’a rien perdu de sa beauté, ni de sa puissance narrative, le chef d’oeuvre de Cameron. Ce quatrième film du réalisateur est sans aucun doute son plus intime, son plus étonnant, son plus personnel. C’est en tout cas celui où se retrouvent absolument tous les aspects récurrents de son cinéma. Son goût pour les profondeurs et pour les épaves, une décennie avant Titanic ; son approche intime et spectaculaire à la fois du fantastique  qui a donné Terminator ; sa manière de filmer des opérations militaires très viriles (Aliens, le retour) ; sa capacité à mettre en scène un couple en crise dans un environnement très hostile (True Lies) ; son penchant pour une écologie new age qui donnera Avatar… et même son obsession de la fin du monde (Terminator 2), que la version longue du film vient mettre en valeur.

C’est le principal apport de cette version plus longue de 25 minutes : la longue séquence de tsunami purificatrice. C’est aussi le principal reproche que l’on peut faire à « l’édition spéciale » du film : car le film n’avait pas besoin de ce préchi-précha un peu lourdingue qui, pour un temps en tout cas, transforme le lyrisme sublime du film en un gros machin culpabilisateur et pas très fin. C’est d’ailleurs la seule fois où les 25 ans du film frappent les esprits : l’unique passage de ces 2h50 de projection qui paraît visuellement daté et démodé.

Voilà pour le défaut d’Abyss, et pour le conseil : privilégiez la version cinéma, parfaite en soi. Cameron réussit une espèce de miracle. D’une fluidité absolue, d’une intelligence narrative extrême, Abyss est à la fois un film ancré dans un réalisme presque poisseux, et une fable poétique surréaliste. Il évoque à la fois une menace nucléaire planétaire, et un couple qui se reconstruit dans un quasi huis-clos. C’est un film d’action plein de testostérones, et un drame humain constamment centré sur ses personnages : les ouvriers d’une plate-forme expérimentale sous-marine mobilisés pour porter secours à un sous-marin nucléaire, et qui découvrent l’existence d’une vie sans doute extraterrestre.

Si le film est aussi beau, c’est parce que Cameron n’est jamais aussi passionnant que quand il associe le fantastique ou l’extraordinaire au quotidien le plus réaliste. Lorsque son imagination débridée se confronte aux réalités et aux contraintes d’un tournage traditionnel. Et il se révèle un directeur d’acteur absolument formidable. Michael Biehn, charismatique mais caricatural dans les deux précédents films du cinéaste, trouve le rôle de sa vie, tout comme Mary Elisabeth Mastrantonio. Quant à Ed Harris, on jurerait qu’il sent le cambouis…

Cameron est aussi convaincant dans le fantastique (deux ans avant T2, son film révolutionne déjà les effets spéciaux) que dans l’intime. J’ai beau avoir vu le film un paquet de fois, et connaître chaque rebondissement, faut avouer que la noyade et la réanimation de Mastrantonio continue à faire pleurer à chaudes larmes. Et que dire de ce splendide dialogue par clavier interposé alors que Harris plonge inexorablement dans les profondeurs des abysses…

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