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Archive pour la catégorie '1970-1979'

L’Amour en fuite – de François Truffaut – 1979

Posté : 29 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

L'Amour en fuite

Antoine et Christine divorcent. Ils sont même le premier couple à divorcer par consentement mutuel, signe une nouvelle fois que la saga Doinel est aussi pour Truffaut une manière d’illustrer l’air du temps. Aussi, mais avant tout, Antoine Doinel reste ce gamin mal aimé par ses parents, éternellement marqué par une jeunesse pas heureuse, constamment à la recherche de sa place dans le monde. Le double parfait et inoubliable du cinéaste.

Forcément, cet ultime film de la sage a quelque chose de testamentaire, même si Truffaut était encore jeune (on imagine ce qu’il aurait pu continuer à filmer depuis quarante ans, avec Jean-Pierre Léaud, son alter ego des premiers temps) et qu’il tournera encore quelques grands films dans le court temps qui lui restait à vivre. Etrangement testamentaire même : Doinel n’a que 35 ans environ, mais déjà à l’heure du bilan, les extraits des quatre premiers films émaillant le récit.

Récit un rien nostalgique, même si tourné vers l’avenir, et la vie. Doinel retrouve les femmes qui ont marqué sa vie : Christine (Claude Jade) et Colette (Marie-France Pisier), et les regards sont emplis d’une tendresse qui n’existe plus que dans les souvenirs. Et ses ex n’ont qu’un désir : qu’Antoine s’engage vraiment avec sa nouvelle petite amie, interprétée par une toute jeune Dorothée, comédienne éphémère et charmante.

Beaucoup d’extraits des précédents films, donc, mais L’Amour en fuite n’est pas pour autant une compilation, ou un film passéiste. Mais Truffaut semble tourner une page, faire ses adieux au personnage en revenant sur son parcours, avec un regard forcément subjectif (Doinel a publié un livre, présenté comme un roman, qui raconte sa jeunesse et ses amours) qui donne une épaisseur inédite à tout son parcours.

L’Amour en fuite n’existe que par les films qui ont précédé. Mais il leur donne également une nouvelle dimension, comme un accomplissement tardif pour Truffaut ou Doinel, vingt ans tout juste après leurs premiers pas conjoints. Mal aimé, mal compris sans doute, L’Amour en fuite referme en beauté l’une des sagas les plus passionnantes du cinéma français.

Domicile conjugal – de François Truffaut – 1970

Posté : 28 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, TRUFFAUT François | Pas de commentaires »

Domicile conjugal

Deux ans seulement séparent Baisers volés et Domicile conjugal, mais ces deux ans représentent beaucoup dans la saga d’Antoine Doinel. Le jeune homme qui passait d’une femme à l’autre, d’un métier à l’autre, comme incapable de s’installer, est désormais un homme marié, sur le point de devenir père. Une nouvelle étape dans son parcours d’homme. Pas la dernière, forcément.

Le cinéma de Truffaut ne cesse de le démontrer : le réalisateur n’est pas homme à se contenter d’une situation, si belle soit-elle. Antoine Doinel est heureux, bien marié, bien entouré. Mais il reste profondément ce gamin mal aimé, plein de troubles, qui n’envisage l’amour que comme un tout, tombant amoureux moins de la femme que de tout son univers, y compris ses parents, et leur amour parental qui lui a tant marqué.

Il est touchant, Doinel, éternellement prisonnier de ses manques enfantins. Quittant sa femme (la douce Claude Jade, promesse d’une stabilité impossible) pour une aventure avec une Japonaise dont l’exotisme ne cesse de le décevoir, il n’a peut-être jamais été aussi proche de celle dont il s’éloigne pourtant inexorablement.

Avec Domicile conjugal, Truffaut filme l’absurdité des drames de l’âge adulte. L’enfance n’est jamais très loin finalement. Le nouveau travail de Doinel le prouve : embauché par un groupe américain pour piloter des maquettes de bateau destinées à on ne sait trop quoi. Job absurde, qui annonce avec beaucoup plus de dérision et de légèreté celui de Depardieu dans La Femme d’à côté.

Absurde, tendre, attachant… Doinel est un personnage tout de même exceptionnel, dans sa manière d’incarner la banalité de l’homme tout en étant absolument unique, dans son détachement ou son insolence. Domicile conjugal, plus encore que Baisers volés, est fait de petits riens, d’anecdotes, d’accidents de la vie. Mais c’est justement la vie elle-même qui en sort, passionnante dans sa banalité même. Il faut un Truffaut pour trouver de la magie dans le quotidien d’un homme qui cherche à créer la fleur rouge ultime dans la cour de son immeuble…

Des enfants gâtés – de Bertrand Tavernier – 1977

Posté : 15 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Des enfants gâtés

Après trois premiers longs métrages qui sont autant de petits classiques, dans des genres très différents (L’Horloger de Saint-Paul, Que la fête commence, Le Juge et l’assassin), Bertrand Tavernier signe avec Des enfants gâtés son premier film ouvertement politique. Pas que ses premiers pas aient été dénués d’engagement, loin de là. Mais cette fois, le jeune cinéaste se débarrasse des atours du film de genre ou des costumes pour un film social et contemporain, presque totalement dénué d’une véritable intrigue.

C’est aussi son premier film sans Philippe Noiret, dont les deux comparses de Que la fête commence, Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle, chantent la formidable chanson générique (signée Caussimon, comme un clin d’œil à Le Juge et l’assassin) sans pour autant apparaître dans le film. Comme s’il lui fallait se priver de son meilleur alter ego pour s’engager frontalement. En l’occurrence contre le mal logement et les abus de propriétaires exploiteurs, dans un Paris dont Tavernier ne filme que les tours et les barres d’immeubles, et les chantiers gigantesques qui, déjà en 1977, semblent chasser les habitants vers les quartiers périphériques.

Tavernier se débarrasse tellement des atours du film de genre qu’il fait de Michel Piccoli, son personnage principal, un cinéaste occupé à écrire son prochain film. Un cinéaste dont le plus grand succès s’appelle La mort en direct, qui sera justement le film suivant de Tavernier. Pour écrire ce film, donc, Piccoli s’installe dans un appartement qu’il espère tranquille pour pouvoir travailler au calme loin de sa famille, mais qui se retrouve embarqué dans le combat des locataires contre les excès de leur puissant propriétaire.

Sitôt le générique terminé, Tavernier confronte Piccoli à toute une galerie de parasites : un agent immobilier bien décidé à ne faire aucun effort pour placer des appartements qui, de toute façon, trouveront preneurs (Michel Blanc, toute la bande masculine du Splendid suivra, Lhermitte, Clavier et surtout Jugnot dans un beau rôle de premier plan) ; le notaire hautain et arrogant pour les mêmes raisons ; et un agent dont on ne sait trop ce qu’il vient faire si ce n’est encaisser une commission…

Les portraits sont féroces, frôlant même le trop-plein, dans quoi Tavernier versera d’ailleurs brièvement lors de la confrontation finale avec le tout puissant propriétaire. Sans doute manque-t-il d’un rien de mesure (même si j’avoue ne pas maîtriser la réalité du logement dans ces années 70), mais la charge est efficace, et réjouissante. Le film trouve un bel équilibre entre une certaine ironie et une vraie gravité : Tavernier a ce talent pour filmer des personnages fragiles et en souffrance, qui restent debout malgré tout, ne baissant la garde que subrepticement, par des regards soudain déchirants.

Celui accablé de Gérard Jugnot justement, qui prend conscience d’avoir cherché à profiter d’une situation à son avantage, en prêtant de l’argent à la jolie Christine Pascal. Un brave type, qui l’espace d’un instant s’est laissé aller à vouloir donner un peu d’air à son existence. Avec ces tours, ces immeubles qui bouchent l’horizon et contraignent le ciel, Tavernier crée un sentiment d’étouffement constant, voire d’aliénation. Un film plein d’empathie, passionné et généreux, à l’image de son réalisateur.

Les Mariés de l’an II – de Jean-Paul Rappeneau – 1971

Posté : 14 août, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, RAPPENEAU Jean-Paul | Pas de commentaires »

Les Mariés de l'an II

Jean-Paul Belmondo qui renoue avec le film d’aventures, après Cartouche ou L’Homme de Rio… Chouette ! Sauf qu’il a l’air de s’ennuyer ferme, Bébél, dans ces Mariés… au scénario pourtant prometteur, comédie d’aventures tournant autour des conséquences de la révolution française. OK, son personnage n’a aucune envie d’être là, pris au piège par les remous d’un pays qui n’est plus vraiment le sien. Mais quand même… Son ennui est tellement profond qu’il en devient contagieux.

Difficile de s’attacher à un personnage aussi dénué de passion que celui-ci. On a connu Belmondo plus habité. Même dans Les Tribulations d’un Chinois en Chine, où il jouait pourtant un homme flirtant avec la mort pour échapper à l’ennui, il semblait plus habité, plus impliqué. Sans doute Rappeneau en a-t-il voulu ainsi : le réalisateur n’est pas connu pour laisser quoi que ce soit au hasard. Mais ce détachement si flagrant, si constant de Belmondo finit (rapidement) par laisser de marbre.

L’histoire est généreuse, la mise en scène est ample et ne lésine pas sur les moyens. Mais on reste toujours aussi étranger au film que Belmondo semble l’être de sa propre histoire. Bizarrement lointain, y compris dans les séquences d’action pourtant elles aussi amples et généreuses. On s’attendrait presque à le voir bailler en affrontant une poignée d’adversaires dans un escalier, tout en bondissant d’un étage à l’autre.

Marlène Jobert a cette fougue qui manque étrangement à Belmondo. Elle ne suffit pas à ranimer la flamme, qui semble éteinte avant même que le film commence. Une curiosité quand même, comme un rendez-vous plein de promesses dont on on ne comprend pas bien pourquoi on est à ce point passé à côté. De quoi donner l’idée d’un autre rencard, d’une autre chance…

Le Juge et l’assassin – de Bertrand Tavernier – 1976

Posté : 5 juillet, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Le Juge et l'assassin

A la fin du XIXe siècle, dans le Sud-Est de la France, un ancien soldat assassine jeunes filles et jeunes garçons au hasard de ses voyages sur les chemins. C’est un authentique fait divers qui est à l’origine du troisième long métrage de Bertrand Tavernier, mais l’ambition du jeune cinéaste est déjà bien ailleurs. Certes, il est question d’un tueur en série, de sa traque et de son jugement. Mais ces crimes ne sont pour Tavernier que le prétexte à un portrait acide et dérangeant de cette France là, autoritaire, colonialiste, antisémite.

L’œuvre de Tavernier est, peut-être plus encore que celle de Spielberg pour les Etats-Unis, une sorte de comédie humaine consacrée à l’histoire moderne de la France. Ses films sont bien souvent des plongées d’une vérité troublante dans une époque malade, avec ses dérives, ses tares, ses grandeurs parfois (mais pas souvent) : de la cour de Philippe d’Orléans dans Que la fête commence aux coulisses du Quai d’Orsay, en passant par les cadavres de la bataille de Verdun de La Vie et rien d’autre ou par le Paris de l’occupation de Laissez-passer.

Le Juge et l’assassin est une étape importante dans cette démarche, parce que le film est une merveille, totalement en dehors du temps. Tavernier nous plonge dans cette France de la fin du siècle d’avant, il s’y plonge lui-même, avec une force rare. Cela passe par les paysages grandioses de l’Ardèche, qui ont rarement été aussi cinégéniques qu’ici. Cela passe par les tensions dreyfusardes que l’on ressent constamment. Cela passe par les costumes, le langage, étonnants de vérité. Cela passe aussi par ces chansons signées (et chantées) par Jean-Roger Caussimon, complaintes fascinantes qui semblent avoir traversé le temps, mais qui ont bel et bien été écrites pour le film.

Michel Galabru trouve le rôle de sa vie bien sûr. C’est même tellement une évidence que revoir le film pointe une nouvelle fois du doigt le gaspillage de son talent. Pourquoi donc n’a-t-il jamais retrouvé un rôle d’une telle ampleur que ce tueur, dont Tavernier fait une sorte de symbole de ce que cette société peut engendrer de pire. Une victime, en fait, sorte de double de Monsieur Verdoux. L’exergue que Tavernier place à la fin de son film renvoie directement au plaidoyer de Chaplin au pied de l’échafaud : Bouvier a tué douze enfants entre 1893 et 1898. « Durant la même période, plus de 2500 enfants de moins de 15 ans périrent dans les mines et les usines à soie, assassinés ! »

Bouvier/Galabru est un assassin ? Oui, inquiétant et pathétique. Mais une victime aussi, sans doute violé dans son enfance au sein de cette église si puissante, rejeté par toutes les institutions, et manipulé par ce juge cynique et ambitieux, grand rôle pour Philippe Noiret, magnifique dans la mesquinerie, symbole de cette société des injustices dont Isabelle Huppert, elle aussi superbe, représente l’autre pan. Qui finira par se dresser en héritière de la Commune dans une dernière scène puissante et belle.

Meurtre par décret (Murder by decree) – de Bob Clark – 1979

Posté : 26 mars, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1970-1979, CLARK Bob, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

Meurtre par décret

Sherlock Holmes contre Jack l’Eventreur… C’était déjà le thème (et le titre) d’un film de 1965 dans lequel l’inspecteur Lestrade était déjà joué par Frank Finlay, qui retrouve donc le même rôle quinze ans plus tard. Anthony Quayle aussi était déjà de la partie, mais dans un tout autre rôle.

Quant au duo Holmes/Watson, il est ici interprété par Christopher Plummer et James Mason, et c’est la double-meilleure nouvelle du film. Parce que l’un comme l’autre sont parfaits, et parce que l’un avec l’autre, ils forment un duo enthousiasmant dans leurs différences comme dans leur complémentarité.

On les découvre d’abord dans un théâtre où ils attendent le début d’une représentation, retardée pour attendre le Prince de Galles. Son arrivée déclenche des huées au troisième balcon, où se trouvent les quelques représentants des quartiers modestes, et les réactions de nos deux héros sont radicalement différentes : Watson outré qu’on puisse siffler la couronne, Holmes à la fois complice et rigolard, et admiratif de la droiture de son ami.

Plus tard, c’est un simple petit pois récalcitrant qui illustre la complicité et les différences des deux hommes, dont on ne peut que regretter qu’ils soient si souvent séparés. Les personnages sont alors nettement plus convenus, moins surprenants, et un peu moins excitants, d’autant que Holmes paraît le plus souvent à côté de la plaque, n’avançant dans son enquête qu’à force de faire des erreurs, souvent dramatiques.

Bob Clark ne manque pas d’ambition : il s’attaque au double mythe de Sherlock Holmes et de Jack l’Eventreur, avec toute l’imagerie qu’ils véhiculent. Sans rien oublier, et en optant pour l’option complotiste au plus haut sommet de l’État. On a donc droit à des crimes horribles, à des déambulations dans les rues grouillantes de vie, des intrigues dans les boudoirs, aux secrets de la franc-maçonnerie, et bien sûr aux brumes de Whitechapel.

Là, l’ambition de Bob Clark marque ses limites : celle d’un style approximatif, fait d’effets parfois faciles (caméra subjective, zooms et ralentis) pour créer une atmosphère poisseuse et inquiétante. A moitié réussi seulement, mais Christopher Plummer et James Mason arrivent toujours à temps pour relancer l’intérêt, et assurer le plaisir.

Monsieur Klein – de Joseph Losey – 1976

Posté : 7 mars, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, LOSEY Joseph | Pas de commentaires »

Monsieur Klein

Grande claque que ce film de Losey, à la fois obscur et terrifiant. Film pas facile à appréhender, austère et opaque sur bien des aspects, mais pourtant passionnante et édifiante peinture du Paris de 1942.

La claque arrive en fait en quelques secondes, dès la première séquence. Dans une grande pièce froide, un « médecin » examine une femme nue avec froideur, analysant ses dents, sa morphologie, son crâne, comme on le ferait avec un cheval, commentant en ignorant sa présence-même sa probable judéité. Un moment déshumanisant, dont la pauvre femme ne sortira pas indemne. Dans le couloir, elle ne peut dire la vérité à son mari, qui lui-même semble lui mentir sur sa propre expérience.

Deuxième séquence, deuxième claque. On découvre Robert Klein, Alain Delon, cynique profiteur, homme d’affaires achetant des biens au rabais à des Juifs acculés. Jean Bouise en l’occurrence, digne et résigné. Delon, arrogant et carnassier, qui découvre sur le pas de sa porte un journal juif visiblement destiné à un homonyme…

Voilà comment, en quelques minutes seulement, Losey illustre la déshumanisation de cette période de haine, de mort et de rancœur. Qui est cet autre Robert Klein avec qui on confond le personnage de Delon ? Un Juif visiblement, mais pourquoi cette méprise ? Klein enquête pour détourner de lui les soupçons de « juiverie » qui commencent à peser. Et plus il enquête, plus l’attention se porte sur lui…

Losey signe une troublante plongée dans les abysses de la culpabilité, et de l’identité en ces temps troublés. Dans son enquête, Klein croise d’étranges personnages, une mystérieuse maîtresse qui pourrait s’appeler Isabelle… ou Françoise… ou Kathy, une châtelaine jouée par Jeanne Moreau, une concierge apeurée (Suzanne Flon), un photographe suspicieux (Gérard Jugnot)…

En même temps, Klein part à la recherche de ses propres origines, pour se dédouaner, mais aussi pour comprendre. C’est une enquête absurde, comme sortie d’un récit de Kafka. On se croirait aussi par moments chez David Lynch, avec ce trouble presque envoûtant sur l’identité et la personnalité du personnage.

Mais la dernière séquence, la rafle du Vel d’Hiv, remet douloureusement les pieds sur terre, et nous assène sans ménagement la monstruosité, la déshumanisation, la négation de l’individu, le trouble et la culpabilité. Un film pas confortable, vraiment pas. Mais un film qui vous poursuit bien après que les bruits de train se sont tus.

Un après-midi de chien (Dog Day Afternoon) – de Sidney Lumet – 1975

Posté : 19 février, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, LUMET Sidney, PACINO Al | Pas de commentaires »

Un après-midi de chien

Bon sang le sentiment de solitude qui se dégage de ce dernier plan. Le regard de Pacino, rempli d’une panique qu’on sent prête à éclater… Le film est comme une cocotte minute dont la pression ne cesserait d’augmenter, mais qui n’explose jamais vraiment. Une tension incroyable, une attente interminable, et un grand film d’une intensité folle signé Sidney Lumet, au sommet.

Un après-midi de chien est inspiré d’une histoire vraie : celle de deux braqueurs improvisés qui doirent tout ce qu’ils entreprennent et qui se retrouvent à prendre en otage les neuf employés d’une banque. Al Pacino et John Cazale, de nouveau réunis après Le Parrain et sa suite, immenses tous les deux. Cazale en paumé intégrale et perdu d’avance. Pacino en petite tête qui, le temps d’un fiasco, semble trouver un sens à sa vie. Une place dans une société pour laquelle il paraît inadapté.

Sa vie : tiraillé entre une mère et une femme également castratrices, mais aussi entre une femme et un amant qui a besoin d’argent pour une opération de changement de sexe. Totalement paumé, tiraillé ou rejeté, hésitant constamment sur l’identité de sa femme (elle ou lui ?)… Le symbole d’une Amérique en quête d’identité, ou de modèle.

D’ailleurs, il suffit qu’il tienne tête à la police et fasse référence à la tuerie d’Attica pour qu’il devienne une sorte de rock star aux yeux des badauds venus assister au drame. Et lui y trouve quelque chose comme un aboutissement personnel. Lumet invente au passage la téléréalité, décortique une société qui va mal, pointe du doigt la rupture brutale entre la population et les forces de l’ordre…

Un après-midi de chien a la force du cinéma noir des années 1970, mais il fait aussi écho cruellement à l’époque actuelle, avec une acuité étonnante. Un grand film intemporel, cruel mais plein d’une empathie belle et douloureuse.

Chesty (Chesty, a tribute to a legend) – de John Ford – 1970-1976

Posté : 9 février, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Chesty

Quelle tristesse, quand même, d’imaginer que Ford a vécu les dernières années de sa vie sans pouvoir réaliser de nouveau film. A l’exception de ce documentaire, tourné en 1970, mais sorti six ans plus tard, bien après la mort de Ford.

Chesty : surnom de Lewis B. Puller, officier multi-décoré de l’armée américaine, héros de Guadalcanal et de Corée. Un dur. Le genre a dire, lorsqu’il réalise que son unité est encerclée : « Tant mieux, maintenant on peut tirer sur ces enfoirés dans toutes les directions ». Est-ce que l’anecdote est authentique ? Relève-t-elle de la légende ? Qu’importe : le film s’appelle « a tribute to a legend ». Et quand la légende est plus belle que la réalité, qu’est-ce qu’on imprime, déjà ?

Ici, elle est racontée par John Wayne lui-même, qui lui aussi joue avec sa légende, mine de rien. Parce qu’il porte ses habits de cow-boy, dans un décor de western. Et parce qu’il raconte, devant la caméra de son ami John Ford, sa rencontre avec Chesty durant la seconde guerre mondiale, laissant croire avec beaucoup d’affectation que lui aussi était au plus près du feu.

Un hommage, plus qu’un documentaire. D’ailleurs, Ford utilise tous les effets du cinéma traditionnel, avec une surabondance de bruits de coups de feu sur des images muettes, notamment celles tournées dans les années 20 au Nicaragua (images impressionnantes, nonobstant). Des effets parfois faciles, mais qui donnent du rythme et un aspect vraiment spectaculaire.

Beaucoup d’images d’archives, certaines montrant Chesty sur ses différents fronts, beaucoup de simples illustrations. Le travail de montage et le sens de la narration de Ford font le reste. C’est une curiosité, qui vaut surtout d’être vu parce qu’il s’agit du baroud d’honneur du cinéaste. Mais le film prend une dimension particulière dans ses dernières minutes, qui prennent une dimension presque crépusculaire.

Le temps de très courtes scènes, Ford met vraiment en scène son ami Chesty, filmant le vieil homme accoudé à la roue d’un canon dans la cour de l’école militaire où il a fait ses premiers pas de soldats, ou traînant ses pas lourds dans l’allée de son pavillon de retraité. Là, les réminiscences de ses années glorieuses ressurgissent en flash-backs, comme sortis de l’esprit de Chesty… Ultimes images du dernier film d’un géant.

Le Tueur de Denys de La Patellière – 1972

Posté : 4 janvier, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, DE LA PATELLIERE Denys, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Le Tueur

Un tueur s’échappe de l’hôpital où il se faisait passer pour fou. Le flic qui l’avait arrêté après huit mois de traque repart à sa poursuite. Rien de plus, ou si peu, et le principal problème apparaît très vite : c’est Gabin lui-même, hélas, fatigué et pas très impliqué, sans doute conscient d’être une énorme erreur de casting.

Certes, il joue un commissaire à cinq mois de la retraite. Mais même : vieilli, empâté, las, il porte bien tapé ses 68 ans, et est aussi crédible en superflic que John Wayne en maître de conférence à la Sorbonne. Ajoutez à ça des dialogues accablants de Pascal Jardin…

Bien sûr, d’un film signé Denys de la Patellière, on n’attendait pas grand-chose, si ce n’est de faire un pas de plus vers l’intégrale Jean Gabin, une intégrale étant parfois constituée d’étapes moins excitantes que les autres. Mais le réalisateur s’en tire plutôt avec les honneurs. Et son film pourrait même être assez réussi s’il n’y avait cette erreur de casting.

Visiblement inspirée par le cinéma de genre italien, alors en plein succès, sa mise en scène est nerveuse, avec une violence sèche. Avec une constante, aussi, qui ressemble à un vrai parti-pris de metteur en scène : cette manière de restreindre l’espace vital des personnages en les encerclant par des éléments de décors qui obstruent le cadre.

La seule présence de Gabin, si en retrait soit-elle la plupart du temps, recentre en partie l’optique sur la traque du flic, alors que le vrai sujet, c’est ce tueur en cavale, à qui Fabio Testi apporte un mélange de séduction et de danger. Un vrai tueur de sang froid, et c’est pourtant vers lui que se porte une étrange sympathie. Bien plus en tout cas que sur le grand commissaire manipulateur, dont le regard fermé face à Bernard Blier (en chef de la police, très bien) est étonnant de cynisme glacé. Surprenant, au moins le temps d’une scène.

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