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Archive pour la catégorie '1970-1979'

Armaguedon – d’Alain Jessua – 1977

Posté : 8 août, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, JESSUA Alain | Pas de commentaires »

Armaguedon

Allez savoir pourquoi : une envie soudaine de voir Delon au faîte de sa gloire, le Delon superstar et tout puissant, dont le nom apparaît trois fois au générique, dominant tous les autres. Il y a des envies comme ça qui viennent d’on ne sait où, et qu’il ne faut pas laisser passer. Parce qu’on le sait bien : Delon n’a jamais vraiment abdiqué sur ses ambitions. En tout cas pas avant de vraiment abdiquer, pour de bon. Il a dérapé, dérivé… En un mot, il a fait de belles merdes. Mais toutes les étapes de sa carrière sont marquées par une poignée de belles réussites.

Armaguedon n’est pas un jalon majeur dans sa carrière, c’est un fait. Alain Jessua n’est ni Visconti, ni même Jacques Deray. L’histoire est assez intéressante, mais le scénario frôle la caricature avec des dialogues que des acteurs aussi talentueux que Michel Duchaussoy ou Delon lui-même ont souvent bien du mal à sortir avec naturel. Bref, le film n’est qu’en partie réussi. Il est en tout cas original et surprenant, et c’est déjà beaucoup.

Surprenant dès le générique, alors que le nom de Delon apparaît au même niveau que celui de Jean Yanne. Ni plus gros, ni au-dessus, non : au même niveau. Et quand le nom du réalisateur apparaît, celui de Delon producteur l’accompagne, mais bien plus petit. Delon aurait-il un sursaut de modestie ? Au service du film, la star-producteur se met en tout cas ouvertement en retrait pour laisser la lumière à Jean Yanne, qui incarne le personnage central du film.

Un type seul, mal dans sa peau et dans son époque, qui profite d’un héritage inattendu pour tout plaquer et enfin exister. En se transformant en une espèce d’ange de l’apocalypse qui veut prouver sa toute puissance aux yeux du monde entier, avant de commettre un crime dont tout le monde devra se souvenir. Jean Yanne en petit anonyme pas même antipathique, est formidable, tout en douleur ravalée.

Delon, lui, se contente du rôle du psychiatre qu’on lance sur sa piste, d’avantage observateur qu’acteur du drame : l’un des maillons d’une enquête ouvertement internationale. C’est l’autre aspect original du film : la volonté d’ancrer cette histoire dans un contexte très européen, avec des polices de tous les pays qui travaillent main dans la main, de nombreux voyages, des accents et des langues étrangères…

L’ambition est belle, mais cette dimension européenne a quelque chose de forcé, assez peu convaincant. Moins en tout cas que le portrait finalement très triste de ce monstre en puissance, flippante et pathétique. Ce pur produit des années 70, visuellement guère enthousiasmant, est finalement une bonne surprise.

Little Big Man (id.) – d’Arthur Penn – 1970

Posté : 16 juin, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, PENN Arthur, WESTERNS | Pas de commentaires »

Little Big Man

Avec ses trois westerns, Arthur Penn a imposé un ton très personnel, qu’il n’a cessé de radicaliser. Douze ans après Le Gaucher (son tout premier film) et six ans avant Missouri Breaks, Little Big Man est le plus ample des trois : une grande fresque mi-rigolarde, mi-tragique, qui offre un regard nouveau sur à peu près tout ce qui fait la légende de l’Ouest.

Le film commence de nos jours (en 1970, donc). Dans ce qui doit être une maison de retraite, un journaliste interroge un très vieux résident qui affirme avoir 121 ans, et être l’unique survivant blanc de la bataille de Little Big Horn. La caméra braquée sur son visage raviné par des rides profondes, il raconte… Début d’un long flash-back, fait d’épisodes successifs (et chronologiques) de la jeunesse de Jack Crabb.

A travers ces épisodes, ce sont autant d’aspects de la mythologie de l’Ouest qui sont évoqués. On découvre d’abord le héros âgé d’une dizaine d’années, seul survivant avec sa sœur d’une famille d’immigrés massacrée par des Indiens, et bientôt recueilli par d’autres Indiens plus amicaux. Dès cette première séquence, le ton adopté par Penn surprend : à la violence extrême de la situation, le cinéaste oppose une ironie et un humour décalé qui maintiennent constamment une certaine distance.

Il ne se départira jamais de cette distance, qui semble être celle du temps qui a poli les souvenirs du vieux Crabb. Dustin Hoffman en est un interprète idéal, parfaite incarnation d’un anti-héros qui traverse l’histoire en marche, toujours bien présent, mais toujours un peu à la marge, toujours d’avantage témoin qu’acteur, toujours étranger : blanc au regard des Indiens, Indien au regard des blancs…

Ni vraiment lâche, ni vraiment courageux, il renonce à son destin de fine gâchette en se comparant à un Wild Bill Hickock trop à l’aise avec la violence. Il assiste sans rien tenter au massacre d’un village indien. Il pousse incidemment un Custer imbu de lui-même vers ce qui sera le tombeau d’une certaine illusion américaine. Au fil de son incroyable vie, Crabb ne cesse d’être ballotté par l’histoire et les rencontres qui l’aident à perdre toutes ses illusions (Faye Dunaway, incroyable en épouse nymphomane d’un prêcheur puritain).

Little Big Man est un film monumental par ce qu’il raconte, et pourtant modeste dans l’esprit. Un peu à l’image de l’interprétation qu’en fait Dustin Hoffman d’ailleurs. Avec ce mélange d’humour et de gravité, avec cette histoire pleine de sangs et de cadavres racontée avec beaucoup de recul, Arthur Penn évite l’émotion facile, et regarde la mythologie américaine avec une honnêteté qui dit aussi beaucoup de l’Amérique de la fin des années 60 et du début des années 70, bousculée par les luttes sociales et les scandales politiques.

Scènes de la vie conjugale (Scener ur ett äktenskap) – d’Ingmar Bergman – 1973

Posté : 30 avril, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, BERGMAN Ingmar, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Scènes de la vie conjugale

Avant d’être un grand film, Scènes de la vie conjugale était une grande série. Pas par la durée : six épisodes d’une cinquantaine de minutes seulement, pour filmer un couple qui s’aime, se tiraille, se déchire, et ne cesse de se retrouver. Mais par la justesse des sentiments, et ce mélange de tendresse et de cruauté qui flirte avec le cynisme, si caractéristique du romantisme d’Ingmar Bergman.

Typique aussi : cette impression que la frontière est ténue entre la fiction et l’autobiographie. Homme à femmes, éternel amoureux, mais dominateur et conscient de sa grandeur, Bergman n’est sans doute pas si éloigné du personnage qu’interprète Erland Josephson, le plus fidèle sans doute de ses alter ego. Si on ajoute que Bergman a lui-même vécu quelques années avec Liv Ullman…

Une scène est particulièrement troublante : un passage où Marianne lit son journal intime, évoquant ses propres troubles tandis que défilent des photos de Liv Ullman jeune. Soudain, la frontière entre l’actrice et son personnage semble abolie, et la confession se fait totalement intime. Une scène clé sans doute, pour saisir tout ce que Bergman a glissé de personnel dans cette histoire de couple.

Ce n’est clairement pas le plus grand acte d’amour au mariage : entre les deux personnages principaux, la plénitude ne viendra que d’un sentiment de liberté, ou d’évasion c’est selon, mais qui de toute façon semble totalement incompatible avec le mariage. La confession tardive de la mère de Marianne est ainsi bouleversante, évoquant une vie sans regret, mais sans partage avec l’homme qu’elle a épousé bien des années plus tôt.

Lorsque la série commence, Marianne et Johan ont pourtant tout du couple parfait : celui que tout le monde montre en exemple. Jamais une engueulade, le sentiment de vivre un bonheur sans nuage… Mais y regarder de plus près – et Bergman sait regarder de plus près, avec ses gros plans superbes – le trouble est déjà là. Et il suffit d’une confession pour que les sentiments enfouis s’éveillent.

C’est avant tout l’histoire d’une émancipation, l’éveil d’une femme qui se libère des corsets imposés par sa famille, son mari, la société. Une femme soumise à un homme brillant qu’elle aime sincèrement, mais qui l’étouffe en quelques sortes. Et quand les tensions s’installent, les sentiments sont exacerbés. Dans un même mouvement d’une évidence foudroyante, le couple passe de la tendresse à la violence la plus brutale.

Liv Ullman est bouleversante, oscillant de la fragilité presque maladive d’une jeune femme trop effacée à l’affirmation d’une femme de plus en plus libre. Erland Josephson, lui, peut être l’incarnation de l’égoïsme, du mâle égocentré, autant que celle d’un gamin perdu sous les allures d’un homme trop sûr de lui.

Tantôt violent et pathétique, tantôt tendre et déchirant, Scènes de la vie conjugale est une merveille, que Bergman tourne sur son île Faaro. Ironiquement, c’est d’ailleurs avec un plan fixe de son décor préféré qu’il termine chaque épisode, manière rigolarde d’assumer le caractère austère et fascinant de son cinéma.

Une bible et un fusil (Rooster Cogburn) – de Stuart Miller – 1975

Posté : 20 avril, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, MILLER Stuart, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Une bible et un fusil

Six ans après True Grit, John Wayne retrouve le personnage qui lui a valu l’Oscar, pour une suite étonnante, rencontre inattendue entre ce shérif borgne, irascible et alcoolique, et une religieuse qui ressemble étrangement à celle d’African Queen. Normal : c’est Katharine Hepburn, comme hors du temps presque vingt-cinq ans après le film de John Huston. Hors du temps, ou presque : la présenter comme la fille du pasteur joué par Jon Lormer, d’un an seulement son aîné, est d’emblée une limite un peu gênante.

C’est qu’elle ne fait pas vraiment plus jeune, la grande Katharine Hepburn, et que son apparition en tant que « fille de » sonne un peu comme un caprice de star vieillissante. Dommage, parce que la relation entre elle et un John Wayne en bout de course (il ne tournera plus que Le Dernier des Géants après celui-ci) est le principal atout du film, et qu’il le serait d’avantage encore s’il mettait en avant l’âge avancé des deux personnages, des deux stars. Wayne, d’ailleurs, ne s’épargne pas, s’amusant avec une gourmandise réjouissante de son gros bide et de ses difficultés à se mouvoir.

Depuis le film d’Hathaway, Rooster/Duke a un peu perdu de sa hargne. Il est devenu un vieux cow-boy un peu grande gueule, mais tout en tendresse amusée face à cette religieuse qui lui est opposée en tout point, mais avec laquelle il noue presque au premier regard une complicité qui ressemble déjà à celle d’un vieux couple. C’est d’ailleurs le moteur du film, bien plus que la traque de bandits qu’on n’a bien du mal à prendre au sérieux, et dont la fin confirme le peu de cas qu’en fait Stuart Miller.

Le réalisateur est en revanche nettement plus intéressé par ses décors, superbes paysages de l’Oregon dont il capte les beautés spectaculaires dès le générique de début, magnifique, et tout au long du film, transformant cette aimable bluette autour du couple vedette en une sorte d’ode visuellement splendide à une nature vierge et envoûtante.

Vivre et laisser mourir (Live and let die) – de Guy Hamilton – 1973

Posté : 15 avril, 2022 @ 8:00 dans * Espionnage, 1970-1979, HAMILTON Guy, James Bond | Pas de commentaires »

Vivre et laisser mourir

Premier tournant majeur pour James Bond au cinéma. L’éphémère George Lazenby n’avait pas réussi à faire oublier Sean Connery, 007 pour l’éternité qui a du coup rempilé pour une mission de plus. Mais l’heure de tourner la page était vraiment venue, l’Ecossais ayant d’autres ambitions. Si on se remet dans le contexte de l’époque, le choix de Roger Moore semble à la fois étonnant, et évident. Etonnant parce qu’il est bien loin de la virilité et du danger qu’incarne Connery. Evident parce que Moore est un acteur populaire, alors surtout liée au Saint, personnage pas si éloigné de Bond.

De tous les interprètes de James Bond, Roger Moore est sans doute celui dont l’image a le plus vieilli aujourd’hui. Sans anticiper sur les dérives dont pourront se rendre coupable les films suivants, ce premier Bond de l’ère Moore donnerait plutôt envie de le réhabiliter. Moore n’est certes pas aussi fascinant que l’animal Connery, loin s’en faut. Et son jeu d’acteur semble ici bien limité, ses postures flegmatiques surjouées finissent même par agacer. Mais quand même, il tient plutôt bien son rôle, particulièrement dans les moments les plus tendus.

Le film lui-même, s’il ne se classe pas parmi les plus grandes réussites de la saga, ne manque pas d’intérêt. L’intrigue, qui tourne en grande partie autour du culte vaudou, joue plutôt habilement sur l’imagerie de la mort, et met en scène des cérémonies païennes assez fascinantes, d’où émerge l’image du Baron Samedi, flirtant allégrement avec les codes du fantastique.

Mais c’est une scène assez courte du pré-générique que l’on retiendra surtout : un faux défilé funèbre dans les rues de la Nouvelle Orléans, qui se transforme en exécution. Le moment le plus inventif, et le plus tenu du film, dont on verra une sorte d’écho dans la seconde moitié du métrage. Et qui évoque à la fois la première scène du premier 007, annonçant par ailleurs celle très spectaculaire de Spectre, bien des années après.

Quelques situations sont franchement originales. Les personnages, en revanche, sont pour la plupart assez ratés. Le grand méchant joué par Yaphet Kotto est l’un des plus soporifiques de la saga, et semble lui-même plongé dans un ennui sidéral. M et Moneypenny font de la figuration dans le penthouse de Bond. Felix Leiter se contente de calmer le jeu derrière un micro… Quant à la Bond Girl de service, jouée par une toute jeune Jane Seymour, possible personnage fort sur le papier, elle tient son rang dans le haut du panier des potiches les plus soumises de la série.

Ce qui ne saurait gâcher totalement le petit plaisir que l’on prend devant ce film, lancé par la fameuse chanson de McCartney, dont quelques notes résonnent régulièrement dans l’action au cours des deux heures du métrage. Petit plaisir un peu inconséquent à l’image de cette interminable course poursuite de bateaux, un peu régressif à l’image de ce shérif truculent joué par Clifton James (qui retrouvera son rôle dans L’Homme au pistolet d’or), mais bien réel.

La Dernière Séance (The Last Picture Show) – de Peter Bogdanovich – 1971

Posté : 12 février, 2022 @ 8:00 dans 1970-1979, BOGDANOVICH Peter | Pas de commentaires »

La Dernière Séance

Ah ! Le Texas vu par Larry McMurtry. Le (grand) écrivain le connaît bien, cet état rural dont il ne cesse d’évoquer les immensités poussiéreuses et l’ennui sidéral qui y règne. Dans La Dernière Séance, on atteint des sommets, dans cette petite ville sans charme, sans vie, sans horizon, sans même la moindre distraction, si ce n’est un cinéma et un billard en fin de course, et un petit resto à l’avenant.

Il y a les jeunes qui passent le temps comme ils le peuvent, sans même rêver à un meilleur avenir. Il y a les quadragénaires qui oublient dans le vin qu’ils n’ont plus la force d’espérer un meilleur avenir. Il y a le jeune simple d’esprit qui balaye inlassablement une rue balayée par les vents et la poussière du désert. Il y a le sexe terne, les sentiments tristes, les passions calculées. Blurp.

Pas joyeuse, cette Amérique là, c’est le moins que l’on puisse dire. Une sorte de revers du rêve américain, ou de cette imagerie hollywoodienne dont Peter Bogdanovich est un si grand connaisseur. Ce n’est pas un hasard s’il confie le rôle de Sam, le vieux sage de la bourgade, à Ben Johnson, vétéran fordien. Pas un hasard non plus si on voit dans la devanture du cinéma l’affiche de Wagon Master.

Et cela fait un drôle d’effet de voir cet acteur que l’on a aimé dans les grands et beaux paysages de John Ford se réfugier « pour profiter du paysage », non pas au bord d’un lac, mais d’une sorte de réservoir boueux bordé de vagues buissons épineux, d’une laideur presque gênante. Pour le glamour hollywoodien, on essaiera autre chose…

Bogdanovich révèle surtout les talents de Cybil Sheperd (parfaite en jeune peste en quête d’un homme qui assurerait son avenir, aidée par sa mère, Ellen Burstyn) et Jeff Bridges. Dans le rôle principal, Timothy Bottoms est formidable (les trois se retrouveront vingt ans plus tard dans Texaville, suite tardive que tournera Bogdanovich), le sourire enfantin et le regard éteint d’un paumé dont la jeunesse s’évanouit au fur et à mesure qu’il perd tous ceux et tout ce qui le raccrochaient à un semblant de vie.

La Dernière Séance est un film assez radicalement pathétique, avec sa galerie de personnages rongés par l’échec. C’est d’une tristesse abyssale, et aussi d’une très grande justesse. Mais définitivement à proscrire un soir de cafard.

Mr. Majestyk (id.) – de Richard Fleischer – 1974

Posté : 17 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, FLEISCHER Richard | Pas de commentaires »

Mr Majestyk

Mr. Majestyk est à la fois très con, et très réussi. L’un des derniers excellents films de Fleischer avant une fin de carrière assez problématique, et l’un des meilleurs « véhicules » pour un Charles Bronson au sommet, qui venait de tourner le premier Justicier dans la ville. Tout en reprenant le thème du citoyen qui n’est jamais mieux protéger que par lui-même, le film de Fleischer est nettement plus intéressant, et percutant, que celui de Michael Winner.

S’il y a une comparaison à faire, elle se tournerait plutôt vers Rambo, dont Mr. Majestyk est probablement une influence majeure. Dans les deux cas, le héros est un vétéran du VietNam qui ne demande rien à personne, mais qui devient la proie de prédateurs… avant de renverser la situation et de devenir lui-même le chasseur, en utilisant le terrain qui l’entoure. On l’imagine bien : avec son visage rude et sa carrure massive, Bronson fait un pré-Rambo très convainquant.

Il parle peu, Bronson, mais c’est hélas encore trop. Taiseux, il est un parfait en vétéran avide de tranquillité. Quand il ouvre la bouche, c’est pour sortir une réplique lourdement cool qui ruine immanquablement la crédibilité de son personnage. C’est étonnant (le scénar est signé Elmore Leonard, pas un manchot pourtant), et c’est très con, donc. Etonnant aussi : le personnage du flic (joué par Frank Maxwell), qui semble avoir 20 ans de trop pour l’être (flic), et qui se contente d’apparaître de loin en loin en traversant l’écran tranquillement, les mains dans les poches. « Vous ne voulez pas connaître ma version ? » s’étonne Bronson. Ben non…

Assez con aussi, le grand méchant, tueur bas du front (Al Lettieri, une gueule à défaut d’être un grand acteur) qui prend constamment les plus mauvaises décisions, et qu’un génial avocat réussit à blanchir malgré une évasion très sanglante. Evasion qui constitue le premier gros coup de fouet du film : là, avec une violence aussi cinglante que sèche, Fleischer rappelle brillamment qu’il a été l’un des grands spécialistes du film noir sec et tendu au tournant des années 1950.

Mais c’est surtout dans sa manière d’inscrire le thriller dans un contexte westernien que Fleischer marque des points avec son film. Le décor principal d’abord, autour d’immenses champs de pastèques dépouillés de tout attrait de carte postale. Bronson est l’interprète idéal dans cette Amérique profonde très éloignée du folklore hollywoodien habituel. Rien de glamour ici : juste l’Amérique laborieuse, dont Bronson est une parfaite incarnation.

Dans ce décor westernien, Fleischer signe une longue séquence de poursuite assez formidable, entre canyon et grandes étendues désertes. Cette scène, brillamment réalisée et d’une intensité folle, mérite à elle seule de découvrir ce Mr. Majestyk imparfait, mais passionnant.

Max et les ferrailleurs – de Claude Sautet – 1971

Posté : 10 décembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Max et les ferrailleurs

Sautet a commencé dans le polar. Il s’est fait un nom avec des portrait un rien désabusés de quadragénaires bourgeois. Max et les ferrailleurs est un peu la synthèse de tout un pan de son cinéma.

Max, c’est Michel Piccoli, un flic qui se la joue un tout petit peu fin limier, mais qui accumule les ratés, incapable de conduire les criminels qu’il traque en prison. Des ratages à répétition qu’il ressent comme autant d’humiliation, et qu’il met sur le dos d’un système trop protectionniste. Alors Max a une idée de génie. Et son supérieur le constate dans la première scène du film, qui introduit un long flash-back dont on sait qu’il se terminera mal : il n’aurait pas dû le laisse faire.

Idée de génie qui a tout du plan tordu : il n’arrive pas à appréhender des criminels en plein flagrant délit ? Eh bien il va le provoquer, ce flagrant délit, choisissant une bande de loubards qu’il va pousser à commettre un braquage, en utilisant la jeune femme autour de laquelle gravite le groupe. Il va la séduire pour mieux la manipuler. Mais Sautet est influencé (thématiquement, pas stylistiquement) par le film noir. Alors femme fatale oblige, Max va lui aussi être séduit, malgré lui. Normal : c’est Romy Schneider, parfaite en jeune femme un peu paumée, anti-glamour au possible.

C’est l’une des forces du film : la qualité générale de l’interprétation. Bernard Fresson, parfaitement attachant en criminel désigné. François Périer en commissaire trop intègre. Et Piccoli donc, et Piccoli surtout, formidable dans ce rôle tourmenté, taiseux et intérieur. Il est extraordinaire en homme que l’on sent à deux doigts de la rupture. Non, un doigt, seulement.

Le polar n’est qu’un prétexte, un contexte. Max et les ferrailleurs, c’est le dernier voyage de ce superflic rattrapé par la réalité, puis dépassé, puis qui tente désespérément de s’y raccrocher. Son obsession est bouleversante, la méticulosité et l’acharnement derrière lesquels il se réfugie sont glaçants. Michel Piccoli est immense, Claude Sautet est un grand peintre des sentiments refoulés.

Sonate d’automne (Höstsonaten) – d’Ingmar Bergman – 1978

Posté : 5 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1970-1979, BERGMAN Ingmar | Pas de commentaires »

Sonate d'automne

Ingmar Bergman et Ingrid Bergman… La rencontre de ces deux monstres sacrés semblait aussi improbable qu’incontournable. Parce que tous deux sont sans doute ce que le cinéma suédois a produit de plus prestigieux, de plus populaire, au-delà de leur étrange homonymie. Il aura pourtant fallu attendre le dernier moment pour que cette rencontre se concrétise.

En 1978, Ingmar s’intéresse de plus en plus à la télévision : même si plusieurs de ses films à venir sortiront en salles, tous seront tournés initialement pour le petit grand. Quand à Ingrid, trois ans après son ultime Oscar (du second rôle, pour Le Crime de l’Orient Express), elle fait avec Sonate d’automne ses adieux au cinéma… en même temps que son premier film suédois depuis quarante ans.

Bien sûr, la perfectionniste et ambitieuse Ingrid Bergman ne pouvait pas ne pas rêver de tourner avec l’immense Ingmar. La cohabitation, pourtant, n’a pas été simple, l’actrice, habituée à être écoutée, n’ayant pas la même vision de son personnage que le cinéaste… habitué à être écouté. Malgré les tensions, Ingrid fait preuve d’un beau courage d’actrice, se laissant filmer sans fard et vieillie par la caméra si proche d’Ingmar. Elle est extraordinaire.

Liv Ullman l’est aussi, d’ailleurs. Le film est en grande partie un huis clos étouffant entre les deux actrices, la mère et la fille. La première, grande pianiste qui accepte mal les années et la solitude. La seconde, jeune femme vivant avec le traumatisme d’une enfance perdue à rechercher l’amour maternel. Elles ne se sont pas vues depuis sept ans lorsque la fille se décide à inviter la mère à les rejoindre, son mari et elle, dans leur maison isolée dans la campagne norvégienne.

Bergman (Ingmar) filme les visages comme des fenêtres ouvertes sur les âmes de ses personnages. Une première séquence fait ainsi naître le trouble : lorsque Eva (Liv Ullman) se décide à jouer un air pour sa mère Charlotte, la caméra ne filme plus que le visage d’Ingrid Bergman en très gros plan. Et ce visage dit plus que n’importe quel dialogue sur ce que ressent la mère, ou plutôt sur ce qu’elle ressent à peine, si lointaine, si vide d’empathie.

Dans le cinéma de Bergman, les rapports entre les êtres sont rarement simples. Ici, cette relation mère-fille révèle bien plus que des failles. On pressent constamment la cruauté de ce rapport filial, cette cruauté éclate de la plus spectaculaire des façons, avec hystérie presque, en tout cas avec une hargne ravalée depuis tant d’années.

Il y a le sens du cadre si éclatant de Bergman : cette manière surtout de juxtaposer deux visages en gros plan, l’un de face l’autre de profil. Plans si intenses qui en disent si long sur l’incommunicabilité des personnages. Il y a aussi des parti-pris radicaux : cette manière surtout de mettre en parallèle des séquences extrêmement dialoguées, y compris par des monologues intérieurs parfois face caméra, avec des flash-backs sonores mais muets, cadrés comme des tableaux de Vermeer.

Intense, dérangeant, et beau.

Profession : Reporter (Professione : Reporter) – de Michelangelo Antonioni – 1975

Posté : 21 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1970-1979, ANTONIONI Michelangelo | Pas de commentaires »

Profession Reporter

Le début est fascinant. Dans cette première partie quasiment muette, la caméra ne quitte pas la silhouette ou le regard de David Locke, dont on comprend qu’il est reporter, Américain perdu au cœur de l’Afrique noire. On le découvre faisant son entrée dans un petit village coupé de tout, tenter de trouver un guide vers on ne sait où, presque sans dire un mot : la barrière de la langue, la barrière de la culture.

Le poids de cette vie si loin de tout est perceptible, à chaque incident : un guide qui prend la fuite, une voiture qui s’ensable… David est à bout. Jack Nicholson, marmoréen et las, est formidable dans le rôle de cet homme fatigué de son existence. Lui qui a su par ailleurs surinterpréter les émotions est ici d’une placidité impénétrable, toute Antonionienne… Il retrouve son voisin d’hôtel mort, victime d’une crise cardiaque ? Il décide d’échanger son identité avec le mort, qui lui ressemble justement étrangement.

Cette lassitude suffit-elle à expliquer ce changement d’identité ? A chacun de se faire son avis : Antonioni n’est pas exactement du genre à mâcher le travail du spectateur. Encore que, ici, l’histoire soit remarquablement linéaire, et tangible. Encore que la narration emprunte parfois des chemins de traverse, comme cette fascinante scène, au moment de l’échange d’identité, où, dans le même plan, le Locke devenu Robertson croise le Locke d’un flash-back.

Superbe moment. Il y en aura d’autres, jusqu’à l’ultime scène, long et extraordinaire plan séquence à l’ampleur fascinante, mais où le dénouement se joue hors champs, derrière cette caméra qui se faufile entre les barreaux d’une fenêtre. Avant ça, Antonioni joue avec l’identité, la perception, l’envie d’ailleurs. Il flirte avec les codes du suspense, plonge notre « héros » malgré lui dans un trafic d’armes international, le pousse dans les bras d’une jeune globe-trotteuse sans attache incarnée par Maria Schneider…

Surtout, Antonioni fait de Nicholson un homme coupé de sa propre identité, coupé du monde, toujours étonné que ses compagnons d’un moment trouvent beau les paysages qui l’entourent, et qu’il regarde à peine. Les travellings soulignent sa solitude, son refus de renouer avec le monde. Le propos est à la fois simple et obscur, mais fascinant, troublant. Et Jack Nicholson trouve là l’un de ses très grands rôles.

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