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Archive pour la catégorie '1970-1979'

Duel (id.) – de Steven Spielberg – 1971

Posté : 3 septembre, 2016 @ 8:00 dans 1970-1979, FANTASTIQUE/SF, SPIELBERG Steven, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Duel

Quand Spielberg a découvert le scénario des Dents de la Mer (Jaws), il y a vu un signe du destin : un titre en quatre lettres et une menace déshumanisée dans un environnement quotidien. Exactement comme le film qui l’a révélé. Un téléfilm en fait, tourné pour la télévision mais tellement enthousiasmant que la Universal a décidé de le sortir en salles, lançant la carrière du cinéaste le plus emblématique de sa génération.

Il faut dire qu’il y a déjà là, et plus qu’en germes, le génie narratif et la puissance visuelle de Spielberg, qui transcende le script malin mais simplissime de Richard Matheson pour en faire une oeuvre terrifiante et édifiante. Ou quand un contexte quotidien (un parcours en voiture) se transforme en cauchemar éveillé.

L’histoire, donc, tient en quelques mots : un automobiliste se retrouve aux prises avec un mystérieux camion qui le traquent et menacent de le tuer. Il y a dans ce principe (que l’on doit donc à Matheson, pas à Spielberg) une approche très hitchcockienne, héritière des Oiseaux. Ce n’est sans doute pas un hasard si quelques notes de musique rappellent subrepticement le thème de la douche de Psychose

Le film est proche de l’abstraction, tant le personnage et l’action sont ramenés à ce qu’ils ont de plus simples. Sans doute, d’ailleurs, Spielberg aurait-il gagné à éviter les rares digressions comme le coup de téléphone passé à la femme du « héros », scène inutile qui ne semble là que pour rallonger le métrage, et qui coupe un peu l’atmosphère oppressante du film.

Car le vrai héros du film, ce n’est pas le personnage (interprété par un très bon Dennis Weaver, seul à l’écran la plupart du temps), mais ce camion mystérieux et menaçant. De face, il a presque allure humaine, ce camion dont jamais on ne verra le conducteur (là aussi, une idée de Matheson).

Mais, et c’est là que le génie de Spielberg est déjà éclatant, la manière dont il est filmé souligne constamment sa puissance et son potentiel meurtrier. Jusqu’à l’hallucinante fin, qui ne libère en rien, mais renforce le caractère angoissant de cette machine qui semble douée d’une vie propre.

Avec Duel, Spielberg gagnait son droit d’entrée pour le grand écran. C’est rien de dire qu’il a tenu ses promesses…

Panique à Needle Park (The Panic in Needle Park) – de Jerry Schatzberg – 1971

Posté : 14 juillet, 2016 @ 8:00 dans 1970-1979, PACINO Al, SCHATZBERG Jerry | Pas de commentaires »

Panique à Needle Park

30 ans, quasi-débutant au cinéma (on ne l’avait vu que dans l’obscur Me Nathalie deux ans plus tôt), mais déjà auréolé d’une belle réputation au théâtre, Al Pacino crevait l’écran avec ce rôle de junkie rencontrant l’amour à « Needle Park » (le parc de l’aiguille), quartier new-yorkais où se côtoient tous les drogués et tous les paumés de Big Apple.

A le voir ici, on comprend bien pourquoi Coppola va se battre pour l’imposer dans Le Parrain : charisme, force tranquille, douleur intérieure… Bobby est peut-être à mille lieues de Michael Corleone, mais sa manière d’aborder le rôle est bien là. Et ce naturel époustouflant qui permet à Pacino de jouer sur tous les registres dans un même mouvement. L’acteur absolu de ce Nouvel Hollywood qui commence.

Avec ce film, Schatzberg rompt radicalement avec la tradition hollywoodienne de la décennie précédente, en imposant un réalisme nouveau. C’est une fiction, bien sûr, mais on n’est pas loin du cinéma vérité. Tourné à « Needle Park », mettant en scène d’authentiques drogués (avec quelques gros plans de piquouzes difficilement supportables), parfois filmés à leur insu, Panique… est sans doute le premier film totalement convaincant sur la drogue et ses ravages, parce que c’est une authentique immersion qu’il nous propose.

Une immersion glauque, sans concession, et sans forcer la charge non plus. Les personnages que filme Schatzberg sont des paumés, aux errances pathétiques. Mais ce sont aussi des êtres attachants. Imaginer une vraie histoire d’amour au-milieu de ça n’y change rien : pour vivre avec Bobby, Helen (Kitty Winn, parfaitement en phase avec Pacino) devient addict, elle aussi.

La drogue qui devient une obsession de chaque instant, qui dévore tout… Sur l’affiche du film, en lettres plus grandes que le titre, il est écrit « God help Bobby and Helen ». Et c’est exactement ce que l’on ressent : cette envie que le destin les aide à sortir de cet engrenage. Le plus douloureux, ce sont les moments de lucidité teintée de rêve. Comme cette courte journée où les amoureux quittent le macadam, achètent un chien, jouent à une autre vie, et où Helen tente avec un désespoir mou de retarder le retour à la réalité. Déchirant.

* Le film rejoint Body Double et L’Année du Dragon dans la prestigieuse collection « coffret collector ultra limité », regroupant le blue ray, le DVD, de nombreux bonus, et surtout un formidable livre de 200 pages.

Lenny (id.) – de Bob Fosse – 1974

Posté : 3 juin, 2016 @ 8:00 dans 1970-1979, FOSSE Bob | Pas de commentaires »

Lenny

Plus encore que la prestation de Dustin Hoffman, assez formidable, c’est la sublime photo de Bruce Surtees qui surprend et fascine dans ce biopic consacré à un humoriste américain à peu près inconnu chez nous (ou me trompé-je ?). Surtees, le chef op attitré de Clint Eastwood jusqu’à Pale Rider (et de Don Siegel à la même époque), qui a certes su tirer le meilleur de l’univers urbain des deux cinéastes, et dont le travail sur Honkytonk Man notamment est une merveille, mais qu’on ne plaçait honnêtement pas au côté des plus grands.

Pourtant, c’est bien ce noir et blanc hyper-contrasté, ces éclairages trop vifs confrontés aux volutes de fumée des clubs nocturnes, ces contre-jours abrupts, et cette image très granuleuse, comme sortie d’une vieille revue cheap de l’époque, qui marquent dans Lenny, et qui donnent au film cet aspect jazzy underground radical.

Un aspect conforté par la musique, bien sûr, et par les parti-pris de Bob Fosse qui évite comme la peste tout cadrage trop propret et trop évident. Et par le montage qui joue habilement des allers-retours entre les sketchs de Lenny et sa « vrai vie » qui semblent constamment se répondre et s’influencer mutuellement.

C’est donc l’histoire de Lenny Bruce, racontée par ceux qui l’ont le mieux connu : sa femme, sa mère, son agent. Ses années de galère dans des petits clubs où son humour trop lisse ne faisait rire personne. Puis son ascension lorsqu’il s’est fait le pourfendeur de la bonne morale américaine. Jusqu’à l’obsession, jusqu’à devenir le symbole de la dépravation pour la bonne société, et jusqu’à se laisser dévorer par ce statut trop grand pour lui.

Il y a quand même un grand regret avec ce film : celui que Bob Fosse ait privilégié à ce point le côté « défenseur de la liberté de Lenny Bruce, alors que le vrai sujet semble ailleurs. Le plus passionnant, la clé du personnage tel qu’il apparaît ici, c’est sa relation avec celle qui va devenir sa femme, la mère de sa fille, qu’il va accompagner dans la déglingue, et qu’il à peu près abandonner au fond du trou…

Cette relation complexe et le côté autodestructeur du personnage sont là bien sûr, mais presque comme une toile de fond sur laquelle Bob Fosse pose sa critique, cinglante, de la société bien-pensante. Son film en devient par moments un peu froid. Avant que la flamme et le désespoir des personnages ne reprennent le dessus.

* DVD chez Wild Side dans une très belle édition accompagnée d’un livre passionnant et richement illustré signé Samuel Blumenfeld. En bonus également, une interview du chef op Darius Khondji, qui a découvert le film pour préparer ce bonus. Une démarche étonnante qui se révèle passionnante.

Driver (The Driver) – de Walter Hill – 1978

Posté : 16 décembre, 2015 @ 7:00 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, HILL Walter | Pas de commentaires »

Driver

Un jeune homme solitaire, mystérieux et taiseux, un as du volant, dont les cambrioleurs profitent des talents pour échapper à la police… Oui, Nicolas Winding Refn s’est largement inspiré de Driver pour Drive : le thème, le personnage, l’ambiance, et même toute la séquence d’ouverture… Tout est déjà dans le film de Walter Hill. Avec une ambiance moins fascinante, sans doute, mais avec une ambition similaire déjà.

Tourné quasi-intégralement en décors naturels, la nuit, Driver confirme déjà les talents de cinéaste d’action de Hill, qui fait de chaque poursuite en voiture un grand moment de suspense muet et admirablement tendu. Esthétiquement, le film est moins impressionnant que son quasi-remake, mais il tient encore remarquablement la route. Grâce à la belle atmosphère nocturne, et grâce, surtout, à son trio de personnages.

Ryan O’Neal en chauffeur, Isabelle Adjani en apparition nocturne (et dans son premier rôle américain), Bruce Dern en flic aux méthodes douteuses… Aucun des trois n’a de nom, et pour cause : ils semblent sans passé et sans avenir, comme s’ils ne venaient de nulle part et n’avaient pas de caractéristique propre. Des archétypes qui cherchent à échapper à leur statut. En pure perte, bien sûr.
Avec ces personnages sans espoir et condamnés à rester ce qu’ils sont, Walter Hill rend un bel hommage aux grands films noirs d’autrefois. Avec une certaine classe, et une ironie qui fait mouche.

* DVD chez Arcadès/L’Atelier d’images/The Corporation, avec en bonus la bande annonce de 1978, une anecdotique version alternative de la scène d’ouverture, et surtout un petit making of évoquant le tournage de nuit.

Josey Wales, hors-la-loi (The Outlaw Josey Wales) – de Clint Eastwood – 1976

Posté : 28 août, 2015 @ 4:47 dans 1970-1979, EASTWOOD Clint (acteur), EASTWOOD Clint (réal.), WESTERNS | Pas de commentaires »

Josey Wales hors la loi

Avec son premier western en tant que réalisateur (L’Homme des hautes plaines, deux ans plus tôt), Clint Eastwood imposait un ton singulier dans le genre, tout en s’inscrivant dans la mouvance de Sergio Leone. Avec ce Josey Wales, qu’il a décidé au dernier moment de réaliser lui-même (virant ainsi Philip Kaufman, pour « divergence de point de vue »), Eastwood confirme la singularité de son regard, se démarque totalement de l’influence leonienne, et filme une œuvre à la fois respectueuse (voire même amoureuse) du genre, et totalement atypique.

Si on doit chercher une filiation, on la trouverait d’avantage du côté du Ford des Raisins de la colère : un cinéma de mouvement où le poids de l’histoire est un moteur, où la société « organisée » est une menace, et où le héros avance en se créant son propre environnement, son propre foyer. D’une histoire de vengeance, Eastwood tire un film sur une renaissance, et la constitution d’une nouvelle patrie.

Le massacre de sa famille par les francs tireurs nordistes plonge le paisible fermier Josey Wales au cœur de la guerre de Sécession, et coïncide pour lui avec la disparition du Sud qu’il a toujours connu. La réconciliation ayant tourné au bain de sang, Josey Wales comprend avant tout le monde qu’il ne peut compter que sur lui-même pour reconstruire quelque chose.

Cette reconstruction passe par des rencontres, violentes ou insolites, et par la construction d’une communauté. Et comme souvent dans son œuvre (Honkytonk Man, Bronco Billy…), cette communauté est forcément foutraque : un vieil Indien incapable de suivre une piste, une grand-mère acariâtre, une jeune fille un peu demeurée, une squaw indésirable car trop facile, et un indispensable bâtard, souffre-douleur privilégié de notre héros.

Josey Wales est aussi un grand film d’action, pleine de grandes scènes de fusillades mémorables. Une sorte de variation mure, apaisée et humaine sur le thème du Bon, la brute et le truand, avec cette traversée d’un pays rongé par la violence. Un premier chef d’œuvre westernien pour le futur réalisateur de Impitoyable.

Marathon Man (id.) – de John Schlesinger – 1976

Posté : 2 juillet, 2015 @ 5:01 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, SCHLESINGER John | Pas de commentaires »

Marathon Man

Drôle de titre pour ce sommet du cinéma paranoïaque des années 70, mais qui convient parfaitement au rythme que Schlesinger donne à son film, imposé par ce personnage de jeune étudiant s’entraînant pour le marathon, et plongé dans une course en avant qu’il ne maîtrise jamais.

Un personnage qui a peur aussi, à peu près constamment, comme le spectateur d’ailleurs (ce que Dustin Hoffman joue formidablement bien). Une peur d’autant plus insoutenable que Schlesinger la fait naître du quotidien. Une rue bondé de passants, une salle de bain… Le danger apparaît dans les endroits les plus familiers, aux moments les plus inattendus.

Il fait resurgir les fantômes du nazisme, trente ans après et à des milliers de kilomètres des camps : un embouteillage qui fait resurgir de vieux instincts, une vieille dame juive qui reconnaît celui qui fut son boureau des décennies plus tôt sur un autre continent… Ce qui passe aux yeux des passants pour les divagations de vieux fous va bouleverser de manière très concrète la vie de ce jeune étudiant plus préoccupé par le marathon qu’il prépare que par les mouvements du monde.

De mouvements, il est pourtant question dans ce film, qui semble n’être fait que de ça. Dustin Hoffman, dans l’un de ses meilleurs rôles, trimbalés dans une histoire qui le dépasse totalement, qui court à moitié nu dans la nuit de New York. On a l’impression qu’il passe le film à courir ; pour sauver sa vie, pour échapper à ceux qui le poursuivent, mais aussi pour mettre de l’espace entre son lourd passé familial et ce qu’il est ou ce qu’il sera.

Marathon Man est un chef d’oeuvre, parce qu’il trouve le parfait équilibre entre tous ce qui en fait la richesse : une réflexion édifiante sur le poids de l’histoire et sur l’oublie ; un grand film paranoïaque ; mais aussi un pur film de trouille, avec une séquence traumatisante de « dentiste » qu’on n’est pas prêt d’oublier (« c’est sans danger ? »), et une autre absolument géniale filmée du seul point de vue d’Hoffman, enfermé dans sa salle de bain où des tueurs tentent de pénétrer.

Playitagain participe au Steadyzine

Posté : 21 mai, 2015 @ 4:11 dans 1970-1979, NEWS | 1 commentaire »

Steadyzine

J’ai eu le plaisir de collaborer au cinquième numéro de cet excellent webzine dont l’iconographie est assez impressionnante (je n’y suis pour rien). Le thème de cette nouvelle mouture : les années 70, versant cinéma de genre. Du polar, du gore, du culte, du classique, du bis… Bref, de saines lectures en perspective !

Suffit de cliquer ici.

Chinatown (id.) – de Roman Polanski – 1974

Posté : 20 avril, 2015 @ 3:47 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, POLANSKI Roman | Pas de commentaires »

Chinatown

Plus d’un réalisateur a tenté de retrouver la magie des films noirs de la grande époque, perdue après le Vertigo de Hitchcock. Mais Polanski est l’un des rares (le seul ?) à y être parvenu avec ce chef d’oeuvre miraculeux qui nous replonge dans une décennie bénie pour le noir : les années 40.
Sombre et complexe, brute et ambiguë, c’est une fascinante plongée dans les méandres de la politique, des affaires et de la pègre de L.A., avec une enquête pleine de double-tiroirs et de faux-semblants. On jurerait que l’histoire est tirée d’une Série Noire ou d’un roman à la Hammett. Mais non : c’est un scénario original, signé par un Robert Towne en état de grâce, d’une richesse et d’une intelligence infinies. Une merveille complexe et audacieuse dont Polanski tire le meilleur.

Le « héros » lui-même est formidable : détective à la Sam Spade (ses rapports avec le flic interprété par Perry Lopez rappellent ceux entre Bogart et Ward Bond dans Le Faucon Maltais), en plus minable, condamné à enchaîner les affaires d’adultère avec une lassitude qui confine à l’écœurement, Jake Gittes est un personnage fascinant. Un loser magnifique aux méthodes douteuses, mais à l’intégrité totale. Un pur personnage de noir, donc, que Polanski s’amuse à filmer durant une grande partie du film avec un énorme pansement sur le nez (la faute à une rencontre douloureuse avec un petit teigneux interprété par Polanski lui-même)…

Autour de lui, les notables et « gens de la haute » qu’il côtoie révèlent peu à peu leurs vérités cachées et honteuses. Et c’est une faune incroyablement glauque que l’on découvre alors, avec les pires travers imaginables cristalisés autour des rapports entre la divine Faye Dunaway et son digne père incarné par John Huston (le réalisateur du Faucon… pas un hasard !).

Le film est une réussite sur tous les plans : la musique envoûtante, la reconstitution du L.A. des années 40, la force des dialogues (« She’s my sister… She’s my daughter »), la puissance de l’interprétation jusqu’aux seconds rôles (Burt Young en cocu)… Tout contribue à faire du film un chef d’oeuvre, au rythme parfait et parsemé de scènes inoubliables : le jardinier chinois qui s’active autour du bassin (« bad for water »), Jack Nicholson guettant l’arrivée de l’eau, Faye Dunaway apparaissant derrière un Nicholson hilare, le face-à-face tendu avec un inquiétant John Huston… Jusqu’à la dernière séquence, exceptionnelle et traumatisante. « Forget it Jake, it’s Chinatown. »

French Connection 2 (id.) – de John Frankenheimer – 1975

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:29 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, FRANKENHEIMER John | Pas de commentaires »

French Connection 2

Voir French Connection 2 en version française, c’est replonger dans un pan pas si lointain de la cinéphagie made in France. Cette période où les films en noir et blanc étaient colorisés, où le cinémascope était tronqué pour épouser au plus près les douces formes d’une télé 4/3, et où quoi qu’il arrive l’idée de sous-titrer un dialogue était la pire des aberrations.

C’est grâce à cette idée qu’on a pu voir Gene Hackman tenter en vain de se faire comprendre (dans un excellent français, donc, même si mâtiné d’un accent ricain du plus bel effet) par un loubard dans un commissariat français lancé lui aussi dans un dialogue de sourd (en français aussi, donc, mais dans le texte, lui). Vous suivez ? J’avoue avoir été un peu largué à l’époque, le jeune ado que j’étais se demandant pourquoi ces deux braillards ne se comprenaient pas.

Toute une époque, donc : une décennie plus tard, en se basant strictement sur le même procédé (un Américain perdu dans une France des bas-fonds dont il ne comprend pas la langue), Polanski et son Frantic auront la chance de ne pas subir le même genre de doublage hallucinant. Mais c’est bien le même principe qui est en jeu dans cette suite qui prend habilement le contre-pied du chef d’oeuvre originel.

C’est bien ce qui frappe le plus dans cette suite très réussie : le parti-pris radical de prendre systématiquement le contre-pied du film de Friedkin. Et c’est le personnage de Popeye Doyle qui en fait les frais : parfaitement dans son élément dans les bas-fonds new-yorkais, il se retrouve totalement largué et à côté de la plaque dans ce Marseille dont les similitudes apparentes avec New York sont toutes trompeuses.

Qu’il tente d’appliquer ses méthodes habituelles de flic jusqu’au-boutiste, et c’est une catastrophe qui s’ensuit. Qu’il se lance dans une quête solitaire de son ennemi intime (Fernando Rey toujours), et cela devient une errance sans fin et sans résultat dans les rues de Marseille… Finalement, Doyle le tenace est transformé en un simple pion dont jouent ses homologues français (parmi lesquels l’excellent Bernard Fresson et l’inénarrable Jean-Pierre Castaldi, du temps où il avait une carrière), spectateur finalement totalement passif des événements.

Plus fort encore, Frankenheimer consacre près de la moitié de son métrage à la désintoxication brutale de son « héros », transformé en héroïnomane par ceux qu’il pensait traquer. Assez gonflé, quand même, quand on se souvient de quel polar urbain, brut, violent et spectaculaire il est la suite directe.

Le film de Friedkin était dominé par une poursuite hallucinante entre une voiture et un métro. On imaginait mal cette suite faire l’impasse sur une nouvelle poursuite. Celle qui finit par arriver in extremis est, elle aussi, totalement inattendue. Au bruit et à la fureur de la séquence d’anthologie de Friedkin, tournée au péril de sa vie (et de celles des passants) sans autorisation de tournage dans des rues noires de monde, Frankenheimer préfère un silence presque irréel : une course poursuite entre Doyle à pied et hors de souffle et… un voilier, le long d’une marina déserte.

Finalement, du classique instantané de Friedkin, Frankenheimer a surtout gardé un élément : la volonté de bousculer le spectateur, ce qu’il fait d’une manière absolument magistrale.

Suspiria (id.) – de Dario Argento – 1977

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:12 dans 1970-1979, ARGENTO Dario, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Suspiria

Argento a déjà signé quelques monuments du cinéma d’épouvante, lorsqu’il s’attelle à Suspiria. Mais ce film marque un nouveau départ pour le cinéaste italien, qui touche pour la première fois au fantastique, dimension dont il ne se départira quasiment plus par la suite.

Les ressors de la peur ne sont pourtant pas très différents de ses précédents films, jouant tout à la fois sur des effets faciles (apparition soudaine d’éléments extérieurs dans le cadre…) que sur l’élaboration d’une atmosphère d’angoisse perpétuelle. Et c’est là que l’art d’Argento est le plus élaboré, et le plus impressionnant.

Pour créer cette atmosphère presque irrespirable par moments, tous les moyens sont bons : attarder la caméra sur des jeux d’ombre dont les formes mouvantes se font menaçantes au gré de l’imagination du spectateur, baigner ses décors baroques dans des lumières bleues ou rouges vives et tranchantes (le film est l’un des derniers à utiliser le Technicolor), et saturer la bande son d’une musique électro stridente qui crée un sentiment de malaise et d’inconfort constant.

Avec Suspiria, Dario Argento s’impose comme un double transalpin du John Carpenter (l’élégance en moins) ou du Brian De Palma (le grand-guignol en plus) de cette époque : des cinéastes qui jouent sur les peurs enfantines. Devant sa caméra, les divagations de Jessica Harper (vue justement dans Phantom of the Paradise de De Palma) dans les couloirs de l’académie de danse qui sert de décors au film évoquent une version gore et traumatisante du pays des merveilles d’Alice.

On aurait envie de rire des personnages parfois trop caricaturaux, des effets parfois grotesques… On aurait envie de s’agacer de la simplicité de l’intrigue (juste un mystère, opaque, autour de morts violentes au sein de cette académie de danse)… Envie de dire que ces meurtres brutaux, ces gueules improbables, cet ésotérisme maléfique, on les a vus mille fois déjà. Mais on est trop oppressés, trop effrayés pour cela.

C’est too much bien sûr, mais quelle trouille ! Argento utilise tous les moyens à sa disposition pour arriver à ses fins : balader le spectateur, et le conduire au coeur du sentiment dominant de sa filmographie, la peur, profonde, lancinante, traumatisante…

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