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Archive pour la catégorie '1960-1969'

Un espion de trop (One spy too many) – de Joseph Sargent – 1966

Posté : 28 février, 2022 @ 8:00 dans * Espionnage, 1960-1969, SARGENT Joseph | Pas de commentaires »

Un espion de trop 1966

Petite envie de me replonger dans l’atmosphère de l’une de ces séries qui ont bercé mon enfance (lors d’une énième rediffusion bien sûr : lors de leur diffusion initiale, mes parents étaient encore fort jeunes). Des agents très spéciaux, ou l’histoire d’un agent secret britannique et d’un confrère russe qui font équipe au sein d’une agence d’espionnage internationale. L’anti-guerre froide, en quelques sortes. Un duo mythique, interprété quatre saisons durant par le suave Robert Vaughn et le raide David McCallum.

Bien avant le remake ciné qu’en a fait Guy Ritchie en 2015, huit longs métrages étaient sortis en salles, parallèlement à la diffusion télévisée de la série. Celui-ci est le troisième de la liste. Et comme tous les autres, il s’agit en fait du remontage de deux épisodes télé, et pas d’une histoire originale pour le cinéma. Ce qui explique pourquoi le style, et le rythme, évoquent immédiatement les séries télés des années 1960. Et pourquoi on comprend vite qu’on n’arriverait plus aujourd’hui à revoir la centaine d’épisodes de la série.

L’histoire elle-même est bourrée de clichés, et flirte avec la pure parodie : nos agents doivent lutter contre un mégalomane qui a décidé de devenir le maître du monde en violant les dix commandements. Oui, ne cherchez pas à comprendre la subtilité du truc : c’est juste comme ça. Une fois ce principe admis, il faut passer outre le jeu étrangement outré de Rip Torn, qui campe un Alexander se rêvant en « Alexander the greater » assez peu terrifiant. Puis chercher à retrouver la complicité entre un Robert Vaughn moyennement impliqué et un David McCallum carrément en retrait…

Pour le reste : de l’action mou du genou, un humour volontiers potache… Tout ça a quand même pris un méchant coup de vieux. On peut quand même s’amuser de cette exploration d’un immense tombeau de carton pâte qui annonce les exploits d’Indiana Jones. Du look et des allures de Robert Vaughn en ersatz de James Bond. Ou du même Vaughn s’accrochant à un avion qui décolle, cinquante ans avant Ethan Hunt dans Mission Impossible 5. S’en amuser, ou se dire que la comparaison est bien cruelle pour le film de Joseph Sargent, qui sera aussi le réalisateur de The Taking of Pelham 1, 2, 3 (tiens…) et des Dents de la mer 4 (ah d’accord…).

Le plus grand cirque du monde (Circus World) – de Henry Hathaway – 1964

Posté : 20 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, HATHAWAY Henry, WAYNE John | Pas de commentaires »

Le Plus grand cirque du monde

Douze ans après Cecil B. De Mille et son Sous le plus grand chapiteau du monde, le film d’Hathaway relève de la même ambition. Et la réussite est à peu près aussi éclatante. Il y a le savoir-faire d’Hathaway d’abord, imparable aussi bien dans les passages intimes (il y en a beaucoup) que dans les morceaux de bravoure (il y en a tout autant).

Il y a aussi la présence de John Wayne, dont on ne dira jamais à quel point elle peut suffire à donner du liant à un film, à sauver un nanar. Et ce n’est pas un nanar, ici. Il y a encore le duo mère-fille le plus séduisant de l’histoire des duos mères-filles. Jugez plutôt : Rita Hayworth, toujours splendide, et Claudia Cardinale, déjà splendide.

Il y a enfin le scénario, riche et généreux, pour lequel on retrouve les noms de Ben Hecht, James Edward Grand, Philip Yordan et même Nicholas Ray… Du beau monde, pour une histoire qui respecte à la lettre les codes de ce qui est une sorte de sous-genre, le film de cirque, tout en visant plus haut. Résultat : un film de pur divertissement qui utilise très intelligemment ses gros moyens, mais aussi le portrait d’une époque.

Le « plus grand cirque du monde », que dirige le personnage de John Wayne, est une institution aux Etats-Unis, où existe une vraie tradition circassienne. Mais l’homme rêve d’autre chose, d’ailleurs, d’Europe : cette Europe tournée vers des divertissements moins « ambiance Far West ». C’est un peu le choc des cultures, la conquête d’un vieux monde. Et c’est passionnant, notamment parce que ce vieux monde prend les allures d’un vieil amour, et qu’il y a dans le film une belle volonté de dresser des ponts, de réparer ce qui est cassé…

Hathaway ne fait pas pour autant dans l’introspection. Tout est exacerbé dans son film : les joies, les peurs, les enthousiasmes, les catastrophes aussi. L’épopée européenne du grand cirque sera ainsi confrontée à un naufrage aussi spectaculaire que grotesque, et à un gigantesque incendie qui donne lieu à des images assez incroyables à vingt mètres du sol…

Tourné en 1964, Le plus grand cirque du monde a déjà des allures de dinosaure dans la production hollywoodienne de l’époque. Mais la tradition a encore, et toujours, du bon. Hathaway signe un sommet du genre, aussi enthousiasmant qu’un spectacle de cirque vu par les yeux d’un enfant.

Les Désaxés (The Misfits) – de John Huston – 1961

Posté : 12 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, HUSTON John | Pas de commentaires »

Les Désaxés

C’est pour des films comme The Misfits que le terme « mythique » a été inventé, sûr… Rarement un film et sa légende auront été aussi parfaitement raccord. Rarement la légende aura nourri à ce point la force d’un film, à moins que ce soit le contraire.

Dans The Misfits, tous les personnages survivent, hantés par un passé qu’ils voient et ressentent cruellement comme un paradis perdu : la femme morte d’Eli Wallach, le mari de Thelma Ritter parti avec sa meilleure amie, les enfants de Clark Gable, les parents de Montgomery Clift, et les rêves d’enfants de Marylin. Un passé que tous pensent surmonter en s’enfonçant dans un paysage désolé, tout en montagnes escarpées et en déserts arides, et en se confrontant à des mustangs sauvages, derniers rescapés d’une Amérique de liberté.

Un décor de fin du monde qui colle parfaitement à l’histoire autour du film, qui symbolise elle aussi la fin d’un monde, celui de l’âge d’or d’Hollywood, qui brûle ici ses derniers feux. C’est le tout dernier rôle de Clark Gable, qui mourra quelques jours après le tournage. C’est le dernier film achevé de Marilyn Monroe. Et c’est le dernier très grand film de Montgomery Clift, qui n’est plus que le fantôme de lui-même avec cette gueule abîmée et ses épaules fatiguées… Tout un pan du cinéma hollywoodien qui disparaît dans cet ultime chef d’œuvre.

Le film est en soi une merveille, magnifique et envoûtante. Son côté légendaire lui donne une dimension supplémentaire, déchirante, qui ne fait que renforcer sa force, la douleur explosive de Marilyn, superbement émouvante, celle toute en arrogance de Gable, ivre de liberté. Et la cruauté avec laquelle tous voient leurs illusions se heurter à la réalité dans l’inoubliable scène des mustangs. La liberté a un prix ? C’est la leçon pleine d’amertume que prendront les personnages.

L’Or de McKenna (McKenna’s Gold) – de Jack Lee Thompson – 1969

Posté : 14 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, THOMPSON Jack Lee, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Or de McKenna

Gregory Peck, Omar Sharif, Eli Wallach, Raymond Massey, Lee J. Cobb, Burgess Meredith, Telly Savalas, et même Edward G. Robinson… Ce n’est pas si courant, une telle accumulation de grands noms dans un western. Une affiche qui fait sens quand on voit le nom du réalisateur : Jack Lee Thompson, qui a quelques années plus tôt lancé la mode des gros films de guerre prestigieux avec Les Canons de Navarone.

L’Or de McKenna procède à peu près de la même ambition pour le western hollywoodien, genre en nette perte de vitesse, largement concurrencé par la télévision et par le western spaghetti. La solution pour lui redonner du peps ? Signer un grand spectacle, un très grand spectacle, en multipliant les têtes d’affiche et en offrant des paysages grandioses.

Sur ce dernier point, on n’est qu’en partie servi. La première séquence, surprenante, laisse espérer un spectacle original et un rien psychédélique à défaut d’être franchement convainquant : les paysages de canyons et le personnage principal sont introduits par une voix off évoquant une légende indienne, et surtout par le regard d’un aigle qui surplombe la scène… Longue, très longue introduction pour un film qui saura prendre son temps. Ce qui, dans certains cas, peut être une qualité.

Avec ces plans très larges, on peut espérer le meilleur. Lorsque la caméra se rapproche, il ne faut pas longtemps pour attendre le pire. Le personnage principal, ce shérif qui patrouille seul dans le désert, c’est Gregory Peck, qui deviendra sans le vouloir le seul dépositaire du secret le mieux gardé de l’Ouest : l’emplacement d’un canyon légendaire qui contiendrait des torrents d’or, et que des tas de gens veulent retrouver. Voilà pour l’histoire.

Gregory Peck dans un western : on repense à La Cible humaine, à Duel au soleil ou à La Ville abandonnée, et on se dit chouette ! Et puis on déchante. Peck n’a à peu près rien à jouer, il passe le plus clair du film prisonnier du méchant Omar Sharif (très bien, d’ailleurs) à ne rien décider, à tenter de vagues évasions sans trop y croire, et à susciter l’envie chez les deux personnages féminins : une Indienne folle d’amour et fortement caricaturale (Julie Newmar, pas du tout Indienne dans la vraie vie) et une otage très passive (Camilla Sparv, rarement vu une actrice aussi inexpressive).

Alors on s’ennuie, assez fermement. Puis arrive Eli Wallach flanqué d’une demi-douzaine de personnages attirés par l’or, et on se dit que Edward Robinson, Lee J. Cobb et Burgess Meredith vont dynamiser le récit. Mais non. Ils ont en gros droit à une longue scène de présentations autour d’un feu de camp, quelques apparitions en arrière-plan, et une débâcle sanglante pour clore rapidement leur cachetonage.

Alors on se re-ennuie, jusqu’à l’arrivée au fameux canyon, où se déclenche la colère divine, où le western flirte allégrement avec le fantastique, et où une vague curiosité pointe le bout de son nez. Vague, très vague. Et on voit arriver la fin en se disant que la télévision et le western spaghetti ont du bon.

L’Ange exterminateur (El Ángel exterminador) – de Luis Bunuel – 1962

Posté : 12 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, BUNUEL Luis, FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

L'Ange exterminateur

A la fin d’une soirée de la grande bourgeoisie, les hôtes « oublient » de rentrer chez eux. Le lendemain, ils réalisent qu’ils sont incapables physiquement de quitter la pièce où ils ont tous passé la nuit… Difficile de ne pas penser au Huis-clos de Sartre avec cette intrigante intrigue, mais Bunuel prend bien garde de prendre ses distances en insérant des images du monde extérieur. Pas question pour lui d’expliquer les causes de cette situation, qui doit finalement plus au pur fantastique du Village des damnés de Wolf Rilla. Qu’importe les causes, donc, seules les conséquences comptent vraiment.

Le parti-pris fantastique, avec ses incursions surréalistes (des moutons et un ours qui traversent la maison, une main qui s’anime), est surtout l’occasion de confronter des grands bourgeois à eux-mêmes. Et il ne faut pas longtemps pour que le vernis craque, d’abord par petites touches sournoises : des répliques acerbes, une absence d’empathie de plus en plus assumée… Puis avec une radicalité qui ne cesse de grandir.

Derrière son aspect de fable un peu poétique, parfois loufoque, Bunuel pointe du doigt le phénomène de caste, la frontière absurde que décide une certaine catégorie sociale autoproclamée supérieure. Que les domestiques « quittent le navire » dans les premières minutes, comme un réflexe naturel de défense, n’est pas un détail : il est temps de laisser ses grands hommes et ses grandes femmes si dignes révéler ce qu’ils sont réellement.

Et ce n’est pas bien glorieux, assène Bunuel, révélant derrière les apparences de ces bourgeois ce que l’humanité peut avoir de plus mesquine, ou de plus minable. Le poétique et le burlesque ont fait long feu : c’est alors l’extrême cruauté du regard qui domine. Et lorsque les dernières apparences sont tombées, et que Bunuel « lâche » enfin ses personnages, le voilà qui semble reprendre son dispositif dans l’enceinte d’une église, prêt à s’attaquer à sa nouvelle cible, tout aussi hypocrite et méprisable à ses yeux. Cruel, brillant, et grinçant.

Un temps pour mourir (Tiempo de morir) – d’Arturo Ripstein – 1966

Posté : 8 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, RIPSTEIN Arturo, WESTERNS | Pas de commentaires »

Tiempo de morir

Arturo Ripstein a une bonne vingtaine d’années lorsqu’il réalise ce premier film, western mexicain écrit par Gabriel Garcia Marquez et Carlos Fuentes (sacrées signatures, quand même). L’âge du jeune réalisateur n’est pas un détail, tant il semble à contre-temps avec le sujet et le ton du film.

Une histoire assez classique de western, à vrai dire : un homme revient dans son village après des années de prison, mais doit affronter la haine des enfants de l’homme qu’il a tué il y a si longtemps. Ce qui est moins classique en revanche, c’est le rythme, lent, comme écrasé par cette chaleur qui ralentit tout.

« S’il n’y avait pas les morts qu’on a enterré ici, on aurait quitté cet endroit depuis longtemps », commente le barbier. Le décor, c’est vrai, est plus dominé par la poussière et les traces des morts passés, que par les signes de vie. Murs crasseux, ruelles désertes, végétation rare… Cette petite ville semble n’être qu’un passage vers la mort, comme un symbole de ce qui reste de Juan après 18 ans de prison.

Juan, le personnage central du film, à qui Jorge Martinez de Hoyos (qu’on a vu dans Les Sept Mercenaires ou Les Professionnels) apporte sa démarche lourde et fatiguée, et son regard presque enfantin. C’est avec lui qu’on entre dans le film, la caméra de Ripstein le suivant longuement, traversant à pied des paysages désertiques entre la prison qu’il quitte et le village où sa vie s’est arrêtée, et où il retourne.

Avant d’y arriver, une croix se dresse sur son passage, et c’est là que la caméra le filme enfin de face, comme un symbole, comme l’annonce de ce qu’on sent bien déjà écrit. Le temps qui passe, l’inéluctable marche du temps, le poids de ses actions… Des thèmes forts et rares qui, au-delà du rythme étonnant, font le poids du film, beau portrait d’un homme qui est parti dans la force de sa jeunesse et revient vieillissant.

Ripstein a renié Tiempo de morir. On a le droit de ne pas être d’accord avec lui. Tout en s’inscrivant ouvertement dans une tradition très américaine du genre, jusqu’à citer le dernier plan de La Prisonnière du Désert dans la scène d’ouverture, Ripstein s’approprie totalement les codes du western, dégraissant totalement le récit pour se recentrer sur le poids du destin et sur l’aspect mortifère des personnages.

Le rythme lent, fascinant, est renforcé par la longueur des plans, souvent plans-séquence très mobiles qui suivent constamment les personnages, où les rares accélérations de l’action sont illustrées par une caméra soudain portée nerveusement. Ce pourrait être lourdement pesant, c’est pourtant plein de vie, d’une immense soif de vivre. Fascinant et rêche, Tiempo de morir révèle d’emblée le talent du jeune cinéaste.

Le Voyeur (Peeping Tom) – de Michael Powell – 1960

Posté : 22 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars européens, 1960-1969, POWELL Michael | Pas de commentaires »

Le Voyeur

1960 est une année évidemment très importante dans l’histoire du cinéma, ne serait-ce que parce qu’elle a vu l’avènement de la Nouvelle Vague. C’est aussi l’année où deux grands cinéastes anglais ont signé deux de leurs plus grands films, tous deux basés sur le destin de jeunes hommes étouffés par leurs géniteurs et dont l’Œdipe a fait des tueurs en série… et des figures mémorables du 7e Art. Mais si Hitchcock a obtenu d’emblée un triomphe populaire et critique avec Psychose, Michael Powell s’est lui heurté à un mur d’incompréhension avec son Peeping Tom.

Il a fallu du temps, et quelques ambassadeurs dithyrambiques dont la voix porte (Tavernier ici, Scorsese outre-Atlantique) pour réhabiliter le film, et toute la filmographie de Michael Powell. Le Voyeur, traduction française plus banale que le titre original, est un film aussi intense, et aussi maîtrisé que le chef d’œuvre d’Hitchcock. Impossible d’ailleurs de ne pas comparer les deux films, ne serait-ce que pour leurs personnages principaux (et le choix d’Anna Massey pour interpréter Susan, l’actrice devant renouer avec l’univers des tueurs en série quelques années plus tard pour Frenzy… devant la caméra d’Hitchcock).

Le traumatisme de l’enfance, la figure parentale castratrice, les difficiles rapports amoureux, la figure menaçante de la police, et surtout le langage cinématographique comme sujet même du film… Le Voyeur aurait sans doute pu être réalisé par Hitchcock lui-même. Michael Powell, toutefois, invente ici une forme nouvelle, gommant la frontière entre le regard de l’homme et celui de la caméra, glissant d’une vue subjective à une image plus classique.

Son « héros », Mark, jeune homme charmant mais rongé par le souvenir d’un père qui avait fait de lui un cobaye vivant, semble ne vivre qu’à travers la caméra qu’il ne quitte pas, et par laquelle il cherche à retrouver le sentiment de peur ultime qui était l’obsession de son père, et qui est devenue la sienne. Jusqu’à faire de sa caméra, ce prolongement de son œil et de son corps, un outil de mort, au sens premier du terme.

Dans sa forme et dans le fond, le film inspirera profondément (autant que le cinéma d’Hitchcock) le Brian De Palma de Blow Out ou Body Double. Michael Powell, avec une image aux couleurs vives et crues, aux antipodes du noir et blanc de Psycho, signe à la fois un modèle de thriller, flippant et émouvant dans le même mouvement, et un grand film quasi conceptuel, où chaque image, chaque association de plans, chaque mouvement de caméra, fait sens, dit quelque chose de la psyché de son héros malade.

Le film dit aussi beaucoup de la force des images, de la capacité qu’a le cinéma de prendre le dessus sur la vie. Le Voyeur n’est pas pour autant un film théorique. Michael Powell y réussit une série de séquences de meurtres particulièrement flippantes, toutes sur un modèle similaire, mais toutes complètement différentes, captant parfaitement l’apparition de la peur dans le regard de ses victimes… et provoquant la nôtre par la même occasion. Grand film.

Diamants sur canapé (Breakfast at Tiffany’s) – de Blake Edwards – 1961

Posté : 19 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, EDWARDS Blake | Pas de commentaires »

Diamants sur canapé

Elle est décidément irrésistible, Audrey Hepburn. Irrésistible et unique, mélange d’élégance aristocratique et de fille de la rue, capable de faire passer les plus beaux vêtements de créateurs en tenues de tous les jours… à moins que ce ne soit le contraire. Touchante et écervelée, légère comme le champagne et complexe comme un grand single malt. A voir le film de Blake Edwards, et même à lire le court roman de Truman Capote, impossible d’imaginer qui que ce soit d’autre dans le (beau) rôle de Holly Golightly…

Le livre est un chef d’œuvre. Le film pas mal non plus. Blake Edwards, en mal de reconnaissance après quelques pures comédies sans grande envergure, se laisse parfois emporter par son penchant pour un humour un rien gras. On ne lui pardonne pas, surtout, d’avoir fait du personnage du locataire japonais, photographe irascible et probablement érotomane, une caricature d’Asiatique hollywoodien, sous les traits très grimés et outranciers d’un Mickey Rooney en route libre.

On lui pardonne en revanche les nombreuses libertés narratives prises avec le texte de Capote, même si toutes ont plutôt tendance à lisser le trouble du livre. Mais, hey, c’est une production prestigieuse, le happy-end est de rigueur, et la romance aussi… Inutile de faire la fine-bouche, surtout que la fin, inédite, est assez belle, comme cette jolie scène chez Tiffany’s, ou le personnage de Patricia Neal qui transforme le narrateur, probable homosexuel sans identité dans le livre, en un écrivain édité et gigolo à ses heures. George Peppard est un comédien lisse et sans caractère ? Son choix est plutôt malin, pour un personnage qui est finalement plus témoin qu’acteur dans le livre…

Et il y a Audrey Hepburn, donc, impériale et fragile, dont la première apparition devant la vitrine de Tiffany’s dit bien toute la complexité, toute l’ambivalence même. Un port altier, mais des pauses de gamine. Une chasseuse de dot qui baisse la garde avec beaucoup d’émotion, en retrouvant des années après l’homme simple qui l’a sortie de la misère en l’épousant (à 14 ans). Et le Moon River de Johnny Mercer et Henry Mancini, écrin parfait pour l’actrice.

Certes, le film gomme en grande partie les aspérités des personnages et du récit imaginés par Truman Capote. Sans doute Billy Wilder aurait-il été plus à son aise avec ce récit trouble et politiquement très incorrect. Mais tout de même. La musique est belle, l’enchantement prend, Audrey Hepburn est grande, la fadeur de George Peppard n’a sans doute jamais été aussi bien utilisée, et on a droit à l’un des plus beaux regards baignés de pluie qui soit…

L’Aîné des Ferchaux – de Jean-Pierre Melville – 1963

Posté : 15 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, d'après Simenon, MELVILLE Jean-Pierre, VANEL Charles | Pas de commentaires »

L'Aîné des Ferchaux

Le film s’ouvre sur une scène de boxe d’un rare tragique. La voix off de Belmondo le précise : ce combat est sa chance de devenir professionnel, à condition qu’il le gagne. On sait bien qu’il le perdra… Belmondo n’a peut-être jamais été aussi proche d’un anti-héros de film noir américain que dans ce film, dont l’action se déroule justement en grande partie de l’autre côté de l’Atlantique, sur les routes d’une Amérique populaire, loin des clichés glamours, mais si proche de l’image qu’en donne le film noir.

Belmondo, jeune homme qui fait le deuil de la vie qu’il aurait pu avoir, embauché comme « secrétaire particulier » par Charles Vanel, vieil homme qui fait le deuil de la vie qu’il a eue. Lui est un tout puissant banquier poussé à prendre la fuite pour éviter la prison qu’un scandale provoqué par son arrogance lui promet. Les deux hommes se trouvent, d’une certaine manière, tous deux cyniques et dénués de toute empathie. A ceci près que le vieux est riche et acculé, et le jeune pauvre et affamé.

Comment voulez-vous qu’une telle rencontre donne lieu à un semblant d’optimisme. Ce n’est clairement pas la vision de Melville, qui adapte ici un roman de Simenon, le seul de sa carrière, l’un de ses grands hommages au cinéma américain qui l’a tant nourri. Il y est question de Frank Sinatra, de Marlon Brando. Mais c’est plutôt la silhouette d’Alan Ladd ou de Robert Mitchum que l’on entrevoit derrière la démarche lasse de Belmondo, superbe dans le dernier de ses trois Melville.

Melville filme l’Amérique comme peu de cinéastes français l’on fait, à travers un road trip fascinant, qui dévoile le pathétique de ce « couple » improvisé dans l’urgence : deux hommes opposés sur à peu près tout si ce n’est le cynisme et l’indifférence, et qui se replient peu à peu l’un sur l’autre. L’Aîné des Ferchaux n’est pas le plus typique des films de Melville. Pas le plus aimable non plus, avec ses longues scènes d’affrontement silencieux entre deux personnages antipathiques.

Mais la longueur de ces scènes et le côté inconfortable de l’entreprise font beaucoup pour rendre palpable le sentiment d’enfermement ressenti par les deux hommes, magnifié par la belle musique de Georges Delerue. Et puis il y a Vanel et Belmondo, formidables malgré les conditions du tournage (Belmondo a, au mieux, viré le Stetson et les lunettes noires de Melville après que ce dernier s’en est pris un peu trop violemment à Vanel, incident qui a marqué la rupture définitive entre le cinéaste et le jeune acteur). Leur rencontre, pathétique et tendue, est une raison bien suffisante pour redécouvrir le film.

Le Soleil des voyous – de Jean Delannoy – 1967

Posté : 13 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, DELANNOY Jean, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Le Soleil des voyous

Un ancien gangster menant une vie de bourgeois se laisse tenter par un dernier coup avec l’aide d’un vieil ami de l’armée. Film de braquage on ne peut plus classique avec l’éternelle construction en trois temps : préparation, réalisation, conséquences. Zéro surprise, ambition très réduite, mais vraie efficacité pour ce polar anonyme mais pas désagréable.

Jean Delannoy n’est pas un auteur. Alphonse Boudard n’est pas le plus fin des scénaristes et des dialoguistes (on lui devait déjà Du rififi à Paname et Le Jardinier d’Argenteuil). Et Gabin est au pic de sa période pantouflarde. Bref, Le Soleil des voyous est un film confortable et sans aspérité. Ceci étant dit, la rencontre improbable entre Gabin et Robert Stack fonctionne étonnamment bien, et donne quelques belles scènes de camaraderie.

Pour le reste, Delannoy enfile les poncifs comme des perles, et ne rate pas une occasion de prouver que la jeunesse est quand même la grande plaie de cette époque et que, quand même, rien ne vaut les belles amitiés viriles d’autrefois. Jean Gabin est dans sa zone de confort, avec son sens de l’honneur à l’ancienne, son visage grognon (jamais un sourire) et même son épouse préférée Suzanne Flon.

Le Soleil des voyous n’ajoute rien à la gloire de Jean Gabin, recyclant en grande partie les thèmes de Mélodie en sous-sol. Mais si on se cantonne à cette période bien précise de sa filmographie, le film, tendu et sans temps mort, est plutôt une réussite. Très mineure, mais tout de même.

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