Pas de printemps pour Marnie (Marnie) – d’Alfred Hitchcock – 1964
Longtemps mal aimé, Marnie fait désormais l’objet d’un véritable culte auprès des cinéphiles. Le film occupe en tout cas une place à part dans l’œuvre d’Hitchcock, qui délaisse le suspense pur et signe une œuvre curieusement lancinante, où le cinéaste semble privilégier la psychologie au rythme. Le plus adulte de ses films, peut-être, le moins directement séduisant aussi.
Pourtant, on sent constamment la patte du cinéaste dans ce portrait d’une menteuse et voleuse pathologique. Dès la première séquence : avant même de nous montrer le joli minois de Tipi Hedren, dans un rôle très éloigné de celui des Oiseaux, Hitchcock identifie son personnage en filmant en gros plan un sac jaune qu’elle serre sous le bras, et dans lequel elle trimballe son butin.
L’actrice (malmenée par Hitchcock sur le tournage) est extraordinaire, dans ce qui restera le rôle de sa vie, et l’un des personnages les plus complexes de toute l’œuvre d’Hitchcock. A la fois dure et froide, et abîmée par une enfance qui, sans dévoiler la clé du film, n’a pas franchement été facile. La séquence finale avec sa mère, derrière une apparente simplicité, est d’une cruauté qui fait froid dans le dos. Les fantômes de Marnie, particulièrement douloureux, ont notamment le visage d’un Bruce Dern tout jeune, douze ans avant qu’il tienne le premier rôle de Complot de famille.
Cruel et sans concession, Marnie est réalisé par un Hitch qui, par moments, semble se citer lui-même : les réminiscences de Sueurs froides et de La Maison du Docteur Edwardes sont bien là. Mais c’est aussi un Hitch d’une infinie délicatesse, qui filme avec une pudeur extrême un personnage tragique.
Il offre aussi à Sean Connery l’un de ses meilleurs rôles. La manière dont il le filme se demandant où il a bien pu voir cette belle blonde qui vient postuler pour un emploi est un petit chef d’œuvre de mise en scène.