Le Crépuscule des Aigles (The Blue Max) – de John Guillermin – 1966
Les derniers mois de la Grande Guerre, du point de vue des aviateurs allemands. Un sujet original, confié à un cinéaste inégal (John Guillermin) qui dispose ici de moyens démesurés. On a ainsi droit à quelques scènes de bataille assez spectaculaires dans lesquelles, avec des centaines de figurants, Guillermin tente de reconstituer le chaos de la Grande Guerre, avec des vues aériennes de ces champs constellés de tranchées séparées par d’absurdes no-man’s land pour lesquels les soldats meurent.
Mais justement, jamais on ne ressent cette impression de chaos. Tout semble trop propre, trop préparé, trop bien rangé. La visite de l’hôpital, malgré les bras en écharpe, les visages emmaillotés, et les tâches de sang omniprésents, ne parvient pas à faire sentir la souffrance et l’absurdité de ces combats. Dès la séquence d’ouverture, au cœur d’une bataille d’infanterie, cet aspect trop lisse saute aux yeux, et aux oreilles surtout : tout est trop calme, trop harmonieux, trop à sa place.
La réalisation est trop propre, trop sage. Il aurait fallu un cinéaste d’une autre trempe pour mettre en scène un film aux thèmes si forts. L’un d’eux, l’opposition entre l’aristocratie et les modestes, aurait pu faire du film le pendant aérien de La Grande Illusion. Mais Guillermin n’est la plupart du temps pas à la hauteur de son sujet, à quelques passages près : l’arrivée de George Peppard le prolétaire dans ce milieu privilégié par exemple. Ou cette séquence nocturne au cours de laquelle les pilotes boivent leur champagne tandis qu’au loin, on entend les premières détonations de la bataille qui se livre.
Il y a un autre thème fort, qui vaut quelques beaux moments : l’érection du personnage de Peppard en héros national, et l’utilisation que fait l’Etat-Major de son image pour booster le moral du peuple allemand. Mais là aussi, le film souffre de la comparaison avec Mémoires de nos pères, qui déclinera ce thème d’une manière autrement plus convaincante.
Le plus réussi finalement, c’est le personnage principal, homme mystérieux, froid et ambitieux, qui ne veut qu’une chose : abattre vingt avions ennemis pour décrocher la mythique « Blue Max », la plus prestigieuse des médailles militaires. Cynique, insensible aux morts qui tombent autour de lui, il ne semble exister que dans sa rivalité avec un autre pilote bourré de testostérones, avec lequel il se dispute la trop belle et trop facile Ursula Andress (un vrai rôle de garce, pour rester correct).
La dernière partie du film est la plus réussie. A partir de la débacle de l’armée allemande, le cynisme des personnages et de cette guerre devient enfin le sujet central du film, et Guillermin lui-même semble apporter une attention nouvelle à sa mise en scène : des plans plus agressifs, un montage audacieux (notamment lors de l’ultime vol du « héros »), et une impression assez forte, in fine…
• Blue ray chez Fox, avec la seule bande annonce en bonus.