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Archive pour la catégorie '1930-1939'

Paris-Béguin – d’Augusto Genina – 1931

Posté : 20 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, GABIN Jean, GENINA Augusto | Pas de commentaires »

Paris-Béguin

Une diva de théâtre refuse de jouer une scène qu’elle trouve stupide, évoquant les doutes d’un cambrioleur tombant amoureux de sa victime. Le soir-même, elle surprend chez elle un cambrioleur… qui doute de ses actes et tombe sous le charme de l’actrice.

Le cambrioleur, c’est un tout jeune Jean Gabin, dans l’un de ses premiers rôles au cinéma. Il est encore un peu léger, et manque de cette intensité qui le caractérisera dans ses plus grands films d’avant-guerre. Mais tout de même : son jeu réaliste et naturel est déjà bien place.

C’est d’ailleurs pour lui que le film mérite (un peu) d’être vu. Parce qu’il est une vraie curiosité dans la riche filmographie de Gabin. Parce qu’il marque aussi la première rencontre de l’acteur avec Fernandel, qu’il retrouvera brièvement la même année dans le nettement meilleur Cœur de Lilas, et avec qui il fondera la Gafer trois décennies plus tard.

Ne cherchons pas du génie là où il n’y en a pas. L’envie de voir tout Gabin reste la meilleure raison de voir le film. Film pas dénué de bonnes idées, mais d’un ennui assez… conséquent. Belle idée notamment de mettre en parallèle la pièce et la « vraie vie ». Belle idée aussi de nous plonger dans les coulisses d’un spectacle très médiocre. Belles idées à peine ébauchées, hélas.

La mise en scène est sans relief, les dialogues très approximatifs, et le rythme lentement plan-plan. Surtout, il manque de la folie, de la vie, de la musique… Augusto Genina se montre un peu plus inspiré dans l’aspect « noir » de son histoire, filmant les malfrats avec une soudaine et intermittente intensité, que dans les coulisses du music-hall, qu’on aurait aimé plus musicales.

Le film sombre dans les travers de ces premières années du parlant, avec une mise en scène trop statique et un montage trop lâche. En hésitant constamment entre le noir et la bluette, Genina rate sa cible, au moins jusqu’à quinze minutes du dénouement. Lorsque le drame, enfin, devient ouvertement sombre, le récit gagne en intensité. Quelques scènes (dans le bistro surtout) sont même parfaitement tenues. Juste le temps d’imaginer ce que le film aurait pu donner, réalisé par l’Anatole Litvak de Cœur de Lilas

Zouzou – de Marc Allégret – 1934

Posté : 12 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, ALLEGRET Marc, COMEDIES MUSICALES, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Zouzou

Aimable curiosité, dirons-nous, que ce film qui hésite constamment entre le drame amoureux et l’opérette. Curiosité que l’on retient avant tout pour la rencontre inattendue, et forcément historique, entre une Joséphine Baker au sommet de sa popularité, et un Jean Gabin en pleine ascension : Zouzou s’inscrit entre deux films de Julien Duvivier (Maria Chapdelaine et Golgotha).

Avec Joséphine Baker et Gabin, venu lui-même du music-hall, on pouvait s’attendre à un festival de numéros chantés et dansés. Pourtant, à de rares exceptions près (une chouette chanson dans un bal pour Gabin, surtout), il faut attendre les vingt dernières minutes pour que le film se transforme en une quasi-comédie musicale. Changement assez abrupt et radical, qui expédie un peu vite le triangle amoureux plein de promesses.

Le drame amoureux, donc… Baker et Gabin sont jumeaux. Si si. Enfin presque : c’est leur père d’adoption qui l’affirme, joli rôle pour l’indispensable Pierre Larquey en homme de cirque vieillissant. Mais en grandissant, la sœurette tombe amoureuse du frérot, ce dernier ne gardant pour elle qu’une profonde affection fraternelle. Oups. On ne peut pas dire que cette trame tienne ses promesses hélas, si ce n’est une dernière image assez belle, vision douce-amère du triomphe de l’artiste.

On ne peut pas dire non plus que les numéros musicaux soient transcendants, tentative un peu maladroite de s’inscrire dans la lignée d’un Busby Berkeley. Mais il y a une chose qui tire vraiment le film vers le haut, c’est la qualité des décors, signés Alexandre Trauner : à la fois ceux d’un Paris populaire en avance sur le réalisme poétique, et ceux du show musical où triomphe Joséphine Baker, franchement impressionnants. Ça, et le plaisir de découvrir un Jean Gabin encore tout jeunot, même si ce Zouzou est clairement en retrait par rapport à d’autres de ses films de jeunesse : Cœur de Lilas, La Belle Marinière ou Le Tunnel.

L’Affaire du courrier de Lyon – de Maurice Lehmann (et Claude Autant-Lara) – 1937

Posté : 9 novembre, 2021 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, AUTANT-LARA Claude, LEHMANN Maurice | Pas de commentaires »

L'Affaire du courrier de Lyon

L’affaire du courrier de Lyon, c’est avant tout un authentique fait divers survenu en 1796, sous le Directoire. Le crime lui-même, l’attaque meurtrière d’une voiture chargée d’une riche cargaison, est tristement banale. L’enquête et le procès qui ont suivi le sont moins, puisqu’ils ont abouti à la condamnation et à l’exécution d’un innocent, père de famille bourgeois reconnu à tort par plusieurs témoins.

Ce fait divers a donné lieu à plusieurs films entre la fin du muet et les premières années du parlant, dont une version réalisée par Léon Poirier. Mais la plus célèbre est celle-ci, signée par Maurice Lehmann (Fric-Frac) et son assistant Claude Autant-Lara. Le film pousse loin le thème de la ressemblance entre l’accusé et le véritable coupable, en confiant les deux rôles au même Pierre Blanchard, acteur au jeu souvent excessif, mais qui finit par atteindre une belle gravité tragique ici.

Curieusement, on sent bien que l’intérêt des réalisateurs se détache assez vite du personnage du faux coupable, pour se focaliser sur le sentiment de culpabilité qui gagne d’autres personnages a priori plus secondaires : deux des vrais coupables d’abord, joués par Jean Tissier et le truculent Dorville, et surtout le juge instructeur qu’interprète Jacques Copeau, grand homme de théâtre, créateur du Vieux Colombier et maître de Louis Jouvet, qui n’a tourné que dans une poignée de films pour le cinéma.

Bien sûr, les personnages de Pierre Blanchard et de Dita Parlo (sa femme) sont forts et tragiques. Mais ce personnage de juge est le plus passionnant du film, celui aussi qui inspire le plus Lehmann, dans quelques scènes au cours desquelles les doutes prennent forme dans l’esprit de cet homme si convaincu d’être le garant de la vérité, scènes où la mise en scène se fait soudain plus intense, plus virtuose aussi, donnant corps à ces doutes.

Le film est aussi très réussi pour la peinture qu’il dresse de cette période révolutionnaire, du sentiment d’insécurité, du fossé qui sépare la vie parisienne et la province pourtant distante de quelques kilomètres seulement (« C’est bien un cheval de Parisien, ça ! »), et de l’inhumanité d’une police et d’une justice encore balbutiantes, dont cette affaire sera l’un des révélateurs. Comme Lesurque, le faux coupable, deviendra l’un des symboles de l’erreur judiciaire.

Le Roman d’un jeune homme pauvre – d’Abel Gance – 1935

Posté : 6 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, GANCE Abel | Pas de commentaires »

Le Roman d'un jeune homme pauvre

Abel Gance a signé des films immenses, révolutionnaires, mais pas que… Adapté d’un roman à succès qui semble être une belle source de guimauverie (mais je ne l’ai pas lu, donc…), Le Roman d’un jeune homme pauvre est loin, très loin de La Roue, dont chaque plan ou presque était renversant. Passé les quelques minutes d’introduction, brillante séquence de vente aux enchères, le film est au mieux anodin, au pire un peu pénible, tant l’histoire que Gance porte à l’écran paraît d’un autre temps, bourrée de clichés et de rebondissements faciles.

Heureusement, il y a Pierre Fresnay, formidable en marquis ruiné qui accepte un poste de régisseur (comble de la déchéance pour cet aristocrate sans le sou), justement dans un domaine dont le propriétaire cache un lourd secret qui lui est intimement lié. Evidemment, le marquis désargenté va tomber amoureux de la fille de la maison, qui se méfie des chasseurs de dot, et qui va passer tout le film à souffler le chaud et le froid sur le pauvre Fresnay, qui est quand même de bonne composition.

Enormes ficelles, réalisation d’une modestie qui confine au désintérêt manifeste pour Gance, qu’on a connu plus fervent que dans ce film cousu de fil blanc, dont surnagent simplement quelques idées originales, comme cette vieille dame qui rêve de construire une cathédrale pour y être enterrée, ou les scènes muettes confrontant un Pierre Fresnay digne mais désemparé à la faim qui le tenaille… Mais tout ça reste bien mineur, bien faiblard, et souvent bien ennuyeux.

Romance à Manhattan (Romance in Manhattan) – de Stephen Roberts – 1935

Posté : 18 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, ROBERTS Stephen | Pas de commentaires »

Romance à Manhattan

Cette charmante bluette aborde mine de rien un thème très fort : celui de l’immigration et de la difficulté que rencontre un étranger pour s’intégrer dans la société américaine. Le film est traité comme une comédie, un rien naïve, où l’on sait parfaitement que tout finira par de grands sourires béats. Mais quand même, l’humour est constamment teinté d’une amertume bien présente.

La séquence d’ouverture est particulièrement forte. On y découvre le personnage principal, un jeune Tchécoslovaque mettant le pied avec enthousiasme sur le sol new-yorkais, un large sourire aux lèvres, la confiance de celui qui touche du doigt le rêve pour lequel il a bataillé des années. C’est Francis Lederer, acteur tchèque découvert dans le Loulou de Pabst, qui fait comme son personnage ses premiers pas en Amérique.

Mais le rêve, pour le personnage, est voilé par une réalité certes édulcorée par la bonté ambiante, mais tout de même assez rude. En résumé, l’homme doit être expulsé, avant même d’avoir la chance de trouver sa place sur le sol américain. Alors il se sauve, se cache, et rencontre une jeune comédienne sans le sou. Et comme c’est un film optimiste, la jeune femme est un grand cœur, et elle a les traits de Ginger Rogers. Ce qui a tendance à conforter l’immigré dans son envie de ne voir que les bons aspects de chaque chose.

Le réalisateur Stephen Roberts n’a pas le talent d’un Gregory La Cava ou d’un Preston Sturges. Il n’a ni leur fantaisie, ni leur sens du rythme. Mais il se montre plutôt habile lorsque, comme dans cette belle séquence d’ouverture, il met en scène la cruauté, voire l’inhumanité de la machine étatique, en la filmant comme une scène de pure comédie.

Naïf et ancré dans le réel. Le film confronte les personnages à un véritable rouleau compresseur sans visage. Mais il reste surtout l’humanité : l’histoire d’amour de deux êtres qui n’auraient jamais dû se rencontrer, et la bienveillance de tous ceux qui les entourent, jusqu’aux policiers du quartier, dont le principal est incarné par la sympathique vieille baderne J. Farrell MacDonald, qui se transformeront en anges gardiens dans un final digne des grandes fables humanistes de Frank Capra.

Notre pain quotidien (Our daily bread) – de King Vidor – 1934

Posté : 13 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

Notre pain quotidien

Grand, grand film sur la Grande Dépression. Cinq ans avant Les Raisins de la colère, King Vidor signe déjà une grande ode à la solidarité, et un superbe chant d’amour à ses individus oubliés par la société. Mais Vidor n’est pas Ford. Sa vision à lui converge constamment vers l’idée de foule, comme dans son chef d’œuvre de 1928, et toujours en ancrage dans le contexte qu’il filme.

Il y a aussi parfois un peu de naïveté dans le cinéma de Vidor, en particulier dans cette décennie 1930. Mais cette naïveté est d’une pureté qui emporte tout : la beauté de celui qui ne peut s’empêcher de croire en l’être humain, tout en ayant conscience de ses limites et de ses faiblesses.

Le héros de Notre pain quotidien, car il y en a un quand même, est un chômeur pauvre mais bien marié, qui hérite d’une ferme abandonnée. Les deux amoureux n’y connaissent pas grand-chose à la terre, mais ils ont du cœur. Et ils ne tardent pas à ouvrir la porte à un fermier (John Qualen, qui sera aussi des Raisins…) chassé de ses terres avec sa famille, puis à d’autres laissés pour compte, jusqu’à créer une sorte de communauté idéale.

Vidor est sans doute un plus grand utopiste que Ford. C’est ainsi qu’il filme la foule : non pas comme une masse inhumaine et déshumanisante, mais comme une utopie, une accumulation de personnalités, qui trouve son apogée dans la séquence finale, magnifique et dramatique, et cette eau qui surgit du haut d’une colline pour irriguer le champ et le cœur des personnages.

Tout converge vers ce geste sublime et ultime, presque comme un programme social, politique et humain : la volonté de renverser l’ordre établi qui exclut tant de personnes, et qui a tant tendance à titiller les pires instincts de chacun. Mais l’humanité est la plus forte. Notre pain quotidien, film profondément américain par un certain évangélisme, est aussi et surtout une grande œuvre universelle qui continue à faire rêver d’un monde meilleur.

L’oiseau de paradis (The Bird of Paradise) – de King Vidor – 1932

Posté : 12 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

L'Oiseau de Paradis

King Vidor derrière la caméra, Dolores Del Rio et Joel McCrea devant… Franchement, il ne m’en faut pas plus pour faire mon bonheur, a priori. Et il fallait bien le talent du premier et le charisme des deux autres pour rendre attirante cette histoire qui semble franchement naïve et caricaturale : un marin en escale sur une île paumée dans le Pacifique tombe amoureux d’une jeune indigène destinée à être sacrifiée au fieu volcan… Voilà le genre d’histoires qu’on n’oserait plus filmer aujourd’hui.

Naïve et caricaturale sur le papier, cette histoire donne naissance à une imagerie naïve et caricaturale : un paradis où les indigènes vivraient de vin et de fêtes, à moitié nus en harmonie parfaite avec la nature. Mais cette imagerie cache une vérité plus complexe. Derrière ses aspects de conte exotique de carte postale, le film est finalement très amer.

King Vidor, grand formaliste et grand cinéaste social, fait partie de ces réalisateurs tournés vers les autres, vers ceux qui ne sont pas dans la norme hollywoodienne. Il n’est sans doute pas le grand cinéaste ethnologue que fut Julien Duvivier, ou que sera d’une certaine manière (et par intermittence) John Huston. Mais quand même… Un autre que lui se serait sans doute contenté de cette imagerie de roman photo qu’on image très en vogue à l’époque, où l’exotisme et le grand spectacle faisaient bon ménage (King Kong, c’est l’année suivante).

Vidor est un homme de studio : il fait ce qu’on attend de lui en filmant Dolores Del Rio (superbe et le maquillage impeccable) et Joel McCrea (athlétique et bronzé comme tout bon Californien de cinéma). Mais leurs personnages ont du poids, et leur histoire d’amour porte en elle le choc des mondes, cette barrière infranchissable de la langue et de la culture sur laquelle la romance est basée. Avec cette vérité, Vidor ne triche pas. Et son film, tout en flirtant constamment avec les clichés les plus éculés, impose un ton sombre et désabusé, assez précieux.

La Citadelle (The Citadel) – de King Vidor – 1938

Posté : 10 octobre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, VIDOR King | Pas de commentaires »

La Citadelle

King Vidor pose sa pierre pour les Dossiers de l’écran avec cette ode assez didactique à la grandeur du serment d’Hippocrate, adaptation d’un roman d’A.J. Cronin, spécialiste du mélo médical, très en vogue pendant quelques décennies au milieu du siècle dernier. C’est parfois très beau, parce que Vidor est quand même un cinéaste immense. C’est aussi, parfois, un peu difficile à avaler.

Le récit est ambitieux : destin d’un jeune médecin novice venu d’Ecosse, qui découvre le métier de la manière la plus radicale qui soit, exploité par le médecin titulaire d’un village de mineur au Pays de Galles, avant d’essuyer quelques déconvenues, puis de gravir les échelons en ravalant ses ambitions humanistes. Récit ambitieux, qui aurait mérité un scénario plus maîtrisé que cette succession de tranches de vie qui manche d’un liant.

Indépendamment l’une de l’autre, chacune de ces tranches de vie est passionnante. La première partie du film surtout, superbe peinture d’un microcosme de mineurs, à laquelle Vidor apporte son talent pictural et sa capacité à donner corps à des atmosphères. La première image du jeune médecin débarquant dans cette gare balayée par la pluie rappelle par ailleurs que Vidor fut l’un des très grands cinéastes du muet.

La suite est à l’avenant dans cette cité ouvrière de studio d’où émerge une vérité tellement marquante, qui annonce avec quelques petites années d’avance le How green was my valley de Ford. On retrouve le même mélange de gravité (l’accident au fond de la mine) et de candeur (la demande en mariage, l’une des plus innocentes et touchantes qui soit).

Ce monde de la mine n’est pourtant pas le cœur du film. Hélas. The Citadel raconte un pan de l’histoire de la médecine moderne, dénonçant au passage les pratiques de praticiens qui sont davantage des notables jouisseurs que des médecins au service de leurs patients. Pas sûr que Vidor soit l’homme idéal pour un tel thème, qu’il aborde avec un peu de grandiloquence, et de maladresse.

On l’a aussi connu plus inspiré dans la direction d’acteur. Robert Donat en fait beaucoup, Rosaling Russel n’a pas l’occasion d’en faire assez… Quelques très beaux moments, quand même, tirent le film vers le haut. Un joyeux « attentat » contre un égout putride, toutes les scènes dans le restaurant italien, la découverte du microscope… Là, Vidor laisse éclater son génie, et l’émotion jaillit de petits riens. Mineur, tout de même, dans sa filmographie.

Police montée (The Renegade Ranger) – de David Howard – 1938

Posté : 29 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, HOWARD David, WESTERNS | Pas de commentaires »

Police montée

Rita Hayworth en cheffe de gang dans un western… Voilà une curiosité qui m’avait échappée jusqu’à présent. Cela étant dit, The Renegade Ranger est bien ça : une curiosité. Et Rita Hayworth en cheffe de gang dans un western, ça a quand même nettement moins de classe que Barbara Stanwyck (40 tueurs), Marlene Dietrich (L’Ange des maudits), ou bien sûr Joan Crawford (Johnny Guitare), en cheffes de gangs, dans des westerns nettement plus marquants.

Elle est très bien, Rita Hayworth : la beauté d’un ange, la douceur révoltée, les tenues impeccables en toutes circonstances, pistolera qui n’hésite pas à mouiller la chemise (c’est vraiment une image), mais qui s’empresse de passer la plus belle de ses robes dès qu’elle rentre au bercail. Bref, pour la poussière et la sueur, on repassera. Elle est très bien, donc, mais elle n’a, strictement, rien à jouer.

Et comme le seul rôle un peu intéressant, celui du Ranger chargé d’arrêter la belle en fuite, est joué par un George O’Brien tout sourire en roue libre (il a beau avoir une carrière prestigieuse, comprenant Le Cheval de fer et L’Aurore, excusez du peu, il reste un acteur très limité), disons que The Renegade Ranger n’est pas exactement le meilleur exemple d’un film de personnages.

Bon, ce n’est pas non plus un grand western d’action : David Howard n’est pas le cinéaste le plus excitant du monde, et ses bagarres, comme ses chevauchées et ses fusillades, sont bien mollassonnes, typiques des séries C, D ou E tournées à la chaîne dans les années 30. Il y a sans doute un peu plus de moyen dans cette petite production RKO que dans un film bis de la Republic, mais The Renegade Ranger est clairement conçu comme une œuvre de complément pour double-programme, comme sa durée (à peine une heure) le laisse deviner.

Du coup, on s’ennuie moins longtemps, et on se dit que Rita Hayworth a fait du chemin entre ces premières années où elle enchaînait les films de série pour la plupart tombés dans l’oubli, et son âge d’or, qui n’allait pas tarder à s’annoncer : l’année suivante, elle serait choisie par Howard Hawks pour Seuls les anges ont des ailes. Là, on est encore loin, très loin de Gilda.

Le Sel de Svaténie (Džim Švante) – de Mikhaïl Kalatozov – 1930

Posté : 23 septembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, DOCUMENTAIRE, FILMS MUETS, KALATOZOV Mikhaïl | Pas de commentaires »

Le Sel de Svanétie

Quelques décennies avant Quand passent les cigognes et Soy Cuba, ses deux grands classiques, Mikhaïl Kalatozov signait une espèce de docu-fiction qui était déjà une date dans le genre. Pas d’intrigue, pas de personnage clairement identifié, mais une province de Georgie, perdue au milieu des hautes montagnes du Caucase. Une province qui, jusque dans les années 1920, gardait un mode de vie à peu près inchangé depuis des siècles, voire des millénaires, coupés du monde jusqu’à la construction d’une route par le pouvoir bolchévique.

Le Sel de Svaténie est un film qui glorifie le bolchévisme, qui permet l’arrivée de la modernité, et donc de l’humanité, dans les contrées les plus reculées. C’est un film dirigé contre la religion, encore très ancrée avant l’arrivée de la « civilisation », et au nom de laquelle on laisse mourir un nouveau né pour mieux accompagner un mort jusqu’à l’autre vie, mort pour qui on sacrifie un cheval en le faisant galoper en aveugle jusqu’à ce que son cœur éclate, tandis que le grand prêtre encourage les proches à être généreux, pour mieux empocher les dons.

Bref, c’est un film de propagande. Un film dont la construction est, par ailleurs, assez classique, succession de séquences qui illustrent chacune l’un des pans de la vie de cette communauté comme figée dans le passé. Vie de labeur et de souffrance : on travaille la laine, on casse la pierre pour se faire des toits, on traverse de hautes montagnes pour se fournir en sel…

Pourtant, Le Sel de Svanétie est un film envoûtant et magnétique. Cruel aussi, tant le quotidien de ces hommes et de ces femmes si marqués est dur et sans joie. On hésite quand même à parler de cinéma ethnographique, même si on a le sentiment d’être plongé dans cette vie d’un autre temps. Kalatozov, mine de rien, construit une vraie dramaturgie, qui culmine dans le montage en parallèle de l’accouchement et de l’enterrement.

Le film est sans doute plus proche de la fiction que du documentaire, même si les décors sont réels (et impressionnants). C’est en tout cas du cinéma absolument magnifique, avec des images d’une beauté rude et saisissante, l’un des sommets de cette avant-garde russe apparue à la fin du muet. Montage rapide, gros plans dramatiques, lumières très contrastées… Du grand, du très cinéma, impressionnant et d’une beauté à couper le souffle.

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