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Archive pour la catégorie '1930-1939'

Gloria – de Hans Behrendt et Yvan Noé – 1931

Posté : 13 mai, 2022 @ 9:23 dans 1930-1939, BEHRENDT Hans, GABIN Jean, NOE Yvan | Pas de commentaires »

Gloria

Voilà un film de jeunesse très méconnu pour Gabin, version française d’un film allemand réalisé par Hans Behrendt. Star aussi populaire des deux côtés du Rhin (on l’a vue à la fois dans Metropolis en Allemagne, et dans L’Argent en France), Brigitte Helm est la vedette des deux versions. Le reste de la distribution est, pour l’essentiel, différent. Le personnage principal est ici incarné par André Luguet, que Gabin retrouvera pour ce qui sera son premier grand film, Cœur de Lilas.

Dans Gloria, Gabin est encore cantonné au second rôle. Mais le film vaut surtout pour ses rapports avec le héros, Brigitte Helm n’existant qu’à peine dans cette équation. Il est le mécanicien du pilote joué par Luguet, as de l’aviation qui ronge son frein après avoir accepté d’arrêter les acrobaties aériennes à la demande de sa femme (Brigitte Helm), et qui finira par tenter la traversée de l’Atlantique. L’exploit de Charles Lindgbergh, réalisé quatre ans plus tôt, est encore dans tous les esprits.

Gabin s’invitera à ce voyage à hauts risques, pour ce qui est jusqu’alors le plus consistant de ses personnages. Lui qui se contentait le plus souvent d’être le bon gars souriant et plein de santé, gagne en profondeur. Face à un André Luguet très bien, mais dont le jeu est plus daté, Gabin est déjà d’un naturel confondant. Dans la grande scène du banquet, où son rôle est purement visuel et de second plan, il dévore littéralement l’écran, éclipsant tous les autres au jeu plus convenu.

Inégal mais sympathique, le film est plutôt bien tenu dans sa montée en tension. Si les scènes aériennes ont une dimension un peu limitée (on n’est pas chez Wellman, dont le Wings avait nettement plus d’ampleur), mais les gros plans sont parfaitement utilisés pour filmer le danger et la tension. Une belle curiosité.

On purge bébé – de Jean Renoir – 1931

Posté : 8 mai, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

On purge bébé

Premier film parlant de Renoir, qui laisse aller son amour du théâtre, cet amour que l’on retrouvera régulièrement, de French Cancan à son testamentaire Petit Théâtre…. Ici, c’est une adaptation très simple et très linéaire de la célèbre comédie de Feydeau, comédie pleine de rythme qui permet de voir très vite la limite de l’exercice, pour Renoir. Car le rythme, ici, est parfois très approximatif. Dans la première partie, surtout, où les dialogues semblent toujours avoir une ou deux secondes de retard.

Ça s’arrange par la suite, et on prend même un plaisir grandissant à voir ces deux époux hystériques s’engueuler devant leur invité pour savoir qui des deux va se taper la corvée de purger leur fils, sale gosse qui, ce matin, « n’y est pas allé ». Manière étonnante d’éluder le mot chier, caca ou toilettes, dans un film qui, au fond, ne parle que de ça, ne faire rire qu’autour de ça.

Jacques Louvigny nous amuse avec ses grands gestes excédés et ses certitudes constamment mises à mal (le peau de chambre incassable… qui se casse et son réjouissant « Et voilà »). Marguerite Pierry est très bien en insupportable mère de famille dénuée de toute pudeur, qui se balade en robe de chambre un seau d’eaux de toilettes à la main. Fernandel apparaît deux minutes dans le rôle inattendu d’un amant. Et surtout, il y a Michel Simon dans le rôle de l’invité malencontreux, et c’est une nouvelle occasion de constater l’ampleur de son talent.

Qu’il cabotine ou qu’il reste en retrait, observant le « drame familial », il est d’une justesse confondante. Il est aussi le premier intérêt d’On purge bébé, sympathique petite chose qui semble quand même bien mineure par rapport aux grands films qui vont suivre, notamment La Chienne et Boudu sauvé des eaux, pour lesquels il donnera à Michel Simon des rôles autrement plus riches.

Mr. Dodd part pour Hollywood (Stand-in) – de Tay Garnett – 1937

Posté : 24 avril, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, BOGART Humphrey, GARNETT Tay | Pas de commentaires »

Mr Dodd part pour Hollywood

Un titre à la Capra, l’histoire à la Capra d’un capitaliste très raide qui s’éveille à l’humanité… Mais ce n’est pas du Capra. C’est Tay Garnett qui officie derrière la caméra, et ça change pas mal les choses. L’homme est nettement plus resté dans les mémoires pour des films plus sombres (Le Facteur sonne toujours deux fois, bien sûr). Il a pourtant une longue histoire avec la comédie : c’est même au côté de Mack Sennett qu’il a fait ses premiers pas au cinéma.

Cela étant dit, le réalisateur n’était peut-être pas le meilleur choix pour donner le rythme qui conviendrait à cette farce très légère. On sourit souvent, on rit parfois (le plus souvent pour des chutes), on vibre pour ces personnages. Mais il manque cette petite touche de folie qui ferait de Stand-in autre chose que l’aimable pochade qu’il est foncièrement. Sympathique, attachant, mais tout de même assez anodin. On imagine ce qu’un Hawks ou un Sturges aurait fait de cette histoire.

La première scène donne le ton : le conseil d’administration d’une grande banque de l’Est, dont le président est un vieillard encore vert, entouré par ses fils et petit-fils, ces derniers étant eux-mêmes à l’âge de la retraite. Une manière joyeusement ironique de souligner que les grands studios hollywoodiens sont entre les mains de vieux bureaucrates ne connaissant rien au monde du cinéma.

Car ces vieux-là sont sur le point de vendre à un affairiste un studio au succès faiblissant. Convaincu (pour des raisons purement comptables) que la vente serait une erreur, l’héritier de la dynastie se rend à Hollywood avec les pleins pouvoirs pour redresser le studio. Le jeune banquier, raide et froid, est vite confronté à un Hollywood aux antipodes, et rencontre une jeune doublure (stand-in) dont il est incapable de voir qu’elle est tombée amoureuse de lui.

C’est Leslie Howard et Joan Blondell, très bien l’un et l’autre, même s’ils ont le gros défaut de n’être ni Cary Grant, ni Ginger Rogers. Et ils ont autour d’eux une chouette galerie de seconds rôles pour donner corps aux différents aspects de la machine à fabriquer du rêve. On croise ainsi Alan Mowbray, Jack Carson, et surtout un Humphrey Bogart en pleine ascension, dans un registre plutôt inhabituel pour lui à cette époque : un producteur sympathique et intègre. Et il dévore déjà l’écran.

L’Assaut – de Pierre-Jean Ducis – 1936

Posté : 15 février, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, DUCIS Pierre-Jean, VANEL Charles | Pas de commentaires »

L'Assaut 1936

Existe-t-il un gage de qualité imparable pour le cinéma français des années 30 ou 40 ? Eh bien oui : Charles Vanel. La filmographie de l’acteur est longue comme le bras, et pas une fois il n’a semblé à côté de la plaque, pas à sa place, ou pas simplement formidable. Il l’est une nouvelle fois ici, dans le rôle d’un chef de parti politique dont l’ascension irrésistible est contrariée par les assertions d’un maître chanteur.

Vanel, une nouvelle fois, est l’atout principal de ce film adapté d’une pièce d’Henri Bernstein, à qui il confère sa dignité, et un mélange de force et de fragilité. « L’assaut », c’est celui de la meute, ces forces contraires qui apparaissent pour tenter de mettre à terre un homme qui a voulu s’élever au-dessus des autres, dixit l’homme en question : Charles Vanel, en député en pleine ascension qu’un article de presse vient diffamer.

C’est l’éternelle histoire du doute qui s’instille lorsqu’une accusation, même infondée, vient salir le plus honnête des hommes. Le doute qui circule sur les terrasses des bistrots où l’on commente l’affaire, mais aussi celui que le diffamé lit dans le regard de ses proches. Digne mais ébranlé, Charles Vanel apporte un mélange de force tranquille et de fragilité menacée à son personnage.

Mais c’est dans une sorte de parenthèse dans l’histoire qu’il se montre le plus émouvant : lorsque la jeune femme qu’il croyait destinée à son fils déclare son amour pour lui, « vieillard » de 53 ans (oui, à chaque période ses vieillards) résigné depuis longtemps à vivre dans le souvenir de son épouse décédée depuis des années. Entre l’actrice Alice Field et lui se passe alors un très beau moment de cinéma, assez bouleversant.

Belle figure de patriarche entouré d’enfants aimants (dont Madeleine Robinson, toute jeunette et déjà très bien), de conseillers plus ou moins fidèles, et de cette jeune femme qui pourrait être sa fille (il rêvait d’ailleurs qu’elle épouse son fils).

A l’exception d’Alerme, joyeusement gourmand en influenceur de l’ombre, on ne peut pas dire que les seconds rôles soient surprenants, ni même franchement profonds. Mais ce petit film malin donne une vision assez passionnante du milieu politique de la 3e République, mais aussi d’une certaine bourgeoisie provinciale. Et puis Pierre-Jean Ducis (qui??) signe une réalisation souvent très inspirée, avec quelques fulgurances. On retiendra en particulier le splendide travelling fendant la foule avec lequel on entre dans l’enceinte du tribunal. Le genre de plans qui mérite à lui seul de découvrir un film.

Les Révoltés du Bounty (Mutiny on the Bounty) – de Frank Lloyd – 1935

Posté : 15 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, LLOYD Frank | Pas de commentaires »

Les Révoltés du Bounty

Vingt-sept ans avant la version de Lewis Milestone, quarante-neuf ans avant celle de Roger Donaldson, Les Révoltés du Bounty version Frank Lloyd n’est pas le premier film qui évoque l’authentique mutinerie ayant éclaté à bord d’un bateau de la Royal Navy : le mérite en revient au méconnu In the wake of the Bounty, tourné trois ans plus tôt, qui reste surtout dans l’histoire pour être le tout premier film dans lequel apparaît Errol Flynn, dans le rôle de Fletcher Christian.

Ici, c’est Clark Gable qui s’y colle, et il devait gravement convoiter le rôle, puisqu’il y sacrifie ses incontournables moustaches… Face à lui, le grand Charles Laughton dans le rôle du tyrannique capitaine Bligh… Et dans le rôle central du jeune sous-officier à travers le regard duquel le film est raconté, Franchot Tone, toujours impeccable. Avec un casting comme ça, le plaisir est assuré. Il est effectivement immense.

Derrière la caméra : le vétéran Frank Lloyd, pas un nouveau venu dans l’univers maritime, puisqu’il a déjà à son actif une adaptation de L’Aigle des mers (dix ans avant celle portée par Errol Flynn, toujours lui). Et dire que le gars sait filmer les grandes voiles, les mats et les marins est un euphémisme. Avec certes de gros moyens financiers, mais la technique de 1935, Lloyd fait mieux que ses successeurs, signant un authentique chef d’œuvre du genre, qui reste totalement bluffant plus de huit décennies plus tard.

Lloyd se révèle aussi à l’aise dans le drame humain que dans le spectaculaire, réussissant aussi bien les face-à-face entre ses personnages que les scènes de tempête. Le film est immersif, tendu et passionnant. Ça sent l’iode, la sueur et le sang, la sensation d’isolement est étouffante, le sentiment d’injustice est révoltant. On a envie de se mutiner avec Clark Gable, on partage la peur et le dégoût de Franchot Tone, la douleur et la colère de Donald Crisp, et puis on ressent l’humanité douloureuse de douloureuse de Charles Laughton…

C’est immersif et impressionnant. C’est le souffle de l’aventure. C’est du grand cinéma, qui en remontrerait à l’immense majorité des grosses productions récentes. Hissez la grande voile, sans hésitation et avec délectation…

 

San Francisco (id.) – de W.S. Van Dyke – 1936

Posté : 9 janvier, 2022 @ 8:00 dans 1930-1939, VAN DYKE W.S. | Pas de commentaires »

San Francisco

Suite de ce petit cycle Clark Gable… et c’est du lourd, du très lourd, San Francisco, soit l’un des plus grands chefs d’œuvre de la première grande période du film catastrophe (avec L’Incendie de Chicago et La Mousson), basée sur un fait historique bien réel : le tremblement de terre qui a ravagé San Francisco en 1906.

Hollywood oblige, le séisme apparaît comme un châtiment divin pour laver la ville de toute sa salissure morale, symbolisée en l’occurrence par un seul homme : Blacky, patron du plus grand cabaret de la Barbary Coast, ce quartier aux immeubles vieillissants et prompts à l’embrasement, où se concentrent le vice et la corruption.

Tout en symboles lourdement appuyés, le film aurait pu tourner au prêchi-prêcha insupportable. La jeune héroïne, chanteuse à la voix cristalline qui débarque en ville, est tiraillée entre son amour pour Blacky le voyou, et la grande musique pure que lui offre le patron de l’opéra. Entre le vice et la vertu, avec pour arbitre un prêtre au regard bienfaisant. Et reconnaissons que dans les deux dernières minutes, le film plonge tête la première dans la religiosité hollywoodienne.

Mais il le fait avec un souffle et un style indéniable. Et avant ça, avant ces deux dernières minutes tellement too much, W.S. Van Dyke signe tout simplement un grand film, triomphe du système des studios où tout, mais vraiment tout, fonctionne parfaitement. Un scénario formidable pour commencer (signé Anita Loos, auteur de Rose de Minuit ou Femmes), et un cinéaste en état de grâce qui donne rythme, atmosphère et émotion à cette histoire pleine de musique et de mouvements.

Et il y a les acteurs : Jeanette Mac Donald, aussi bonne actrice que grande chanteuse ; Spencer Tracy, parfait en prêtre au visage constamment bienveillant ; et Clark Gable, quasiment de tous les plans, et absolument renversant. A-t-il jamais été aussi bon que dans ce rôle de mauvais garçon au grand cœur ? A-t-il jamais été aussi profondément émouvant qu’à ce moment précis où il voit les deux êtres qu’il aime le plus lui tourner le dos par sa faute ?

Il y a dans ce film une vie incroyable, une intensité folle qui n’attend pas le tremblement de terre lui-même, qui arrive d’ailleurs fort tard, et qui n’occupe qu’une petite partie du long métrage. Mais quelle partie, chef d’œuvre de montage serré au cordeau qui tire le meilleur de trucages certes spectaculaires et généreux, mais qui sentent bon le décor de studio. Ce montage si dynamique rend palpable la violence du séisme et la cruauté de ses effets.

Rien à jeter dans ce San Francisco qui reste un modèle du genre, et un exemple triomphal du savoir-faire des grands studios hollywoodiens (la MGM en l’occurrence). Chef d’œuvre.

Chronique mondaine (After Office Hours) – de Norman Z. McLeod – 1935

Posté : 8 janvier, 2022 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, McLEOD Norman Z. | Pas de commentaires »

Chronique mondaine

Quand le rédacteur en chef très cynique d’un grand journal américain réalise que la jeune journaliste qu’il vient de renvoyer peut lui ouvrir les portes d’un potentiel scandale mondain de premier plan, cela donne une comédie de mœurs charmante, portée par Constance Bennett et Clark Gable, couple de cinéma dont l’alchimie est immédiatement parfaite.

Et quand la comédie de mœurs se transforme à mi-film en une comédie policière, à l’occasion d’une séquence qui, elle, n’a rien d’une comédie, eh bien cela n’enlève rien au plaisir, grand, que l’on prend devant ce nouveau témoin de la grandeur de la machine hollywoodienne. Chronique mondaine est un pur film de studio, confié à un réalisateur touche-à-tout et talentueux, et dans lequel on retrouve tout le savoir-faire de Hollywood.

Au scénario, quand même, Herman Mankiewicz, quelques années avant Citizen Kane. Le film n’a évidemment pas la force ni l’ampleur du chef d’œuvre de Welles, mais il faut reconnaître une vraie générosité dans ce scénario là, un vrai sens de l’intrigue et de la construction, et surtout une vivacité dans les dialogues, qui en fait tout le prix.

C’est particulièrement vrai dans les réparties moqueuses et pleines de passion que s’envoient Bennett et Gable, que tout oppose évidemment, mais réunis par l’amour évidemment. Elle un peu naïve mais pas tant que ça, lui menteur professionnel mais honnête jusque dans ses mensonges

Des potins à scandale aux faits divers en passant par la chronique mondaine, le film de McLeod plonge avec bienveillance dans les aspects les moins bienveillants du journalisme, avec une légèreté qui emporte vite l’adhésion. La seconde partie, est tout aussi enthousiasmante avec son crime et son faux suspense, parsemé de vrais moments de comédie, et porté par des seconds rôles joyeusement décalés (la mère, le photographe).

Au cœur de ce film enlevé et euphorisant, une scène surprend, et marque les esprits : celle du meurtre, forcément centrale, et dont toute l’action se déroule hors-champs, les protagonistes s’étant décalés jusqu’à sortir du champs fixe d’une caméra qui ne fixe plus, durant de longs instants, qu’un décor vide, simplement habité par les bruits du drame. Moment d’autant plus fort qu’il est inattendu.

Seuls les anges ont des ailes (Only angels have wings) – de Howard Hawks – 1939

Posté : 16 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Seuls les anges ont des ailes

Voilà du Hawks pur jus, et du meilleur cru. Disons-le franchement : Seuls les anges ont des ailes est à classer au rang des immenses réussites du gars, à côté de classiques comme Le Port de l’angoisse, et plus encore Rio Bravo. C’est dire. Vingt ans avant son superbe western, Hawks signe avec cette ode à l’aéropostale (trois ans après Brumes) l’un de ces films d’homme comme il les aime tant. Pas un film misogyne, non, mais un film sur un univers purement masculins, où il est bien difficile pour une femme de trouver sa place.

Cary Grant en sait quelque chose, lui qui trimballe derrière un cynisme radical une blessure de cœur causée, on l’apprendra tardivement, par Rita Hayworth. Toute jeune, et déjà d’une beauté foudroyante. Cette douleur, Grant la noie sous un autoritarisme brutal, avec lequel il dirige ce petit aérodrome dans les montagnes, loin semble-t-il de la civilisation. Sa première apparition déconcerte d’ailleurs, l’élégant et rigolard héros de comédies se transformant en aventurier au regard sombre et au blouson de cuir. Même la tigresse Jean Arthur, jeune femme indépendante échouée par hasard dans ce coin paumé aura bien du mal à percer l’armure.

Un univers d’hommes, avec son équilibre si imparfait, bouleversé par l’arrivée d’une femme, puis de deux… C’est peut-être, avec Rio Bravo donc, le plus hawksien de tous les films de Hawks. L’un des plus parfaits, avec son rythme trépidant, et sa construction tellement parfaite qu’elle frise l’abstraction. Les 120 minutes du film coulent avec une évidence absolue, à tel point qu’on en oublie les énormes ficelles scénaristiques…

Un nouveau pilote débarque dans ce microcosme si fermé ? Le hasard veut que ce soit l’homme qui a provoqué par lâcheté la mort du frère de l’un des personnages principaux, le toujours attachant Thomas Mitchell. Et ce nouveau pilote (Richard Barthelmess, qui avait déjà joué les hommes de l’air pour Hawks dans La Patrouille de l’aube) arrive avec sa femme… qui ne peut être que Rita, celle qui a brisé le cœur de Cary.

Improbable, oui, mais qu’importe : seul compte la fluidité, le rythme, et l’émotion toujours contenue, en tout cas jusqu’à un gros plan sur des yeux enfin humides. Seuls les anges ont des ailes est un chef d’œuvre à tous les niveaux : dans la manière de mettre en scène cet univers d’hommes, et d’y confronter deux femmes très différentes, pour la qualité et la simplicité de ses scènes aériennes, mais aussi et surtout pour les moments en creux.

Cette atmosphère si typique des films d’Hawks, cette capacité qu’il a de créer un cocon de bien-être au cœur d’un drame, par la grâce de quelques plans resserrés autour d’un petit groupe, d’une lumière tamisée, et de quelques notes de musique. Un chef d’œuvre, du genre de ce qu’Hollywood peut faire de mieux…

Entrée des artistes – de Marc Allégret – 1938

Posté : 2 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, ALLEGRET Marc | Pas de commentaires »

Entrée des artistes

Il y a deux films dans Entrée des artistes. D’abord, celui que l’histoire a retenu : une vision quasi-documentaire des coulisses du Conservatoire, avec Louis Jouvet dans le rôle d’un professeur d’art dramatique qui pourrait s’appeler Louis Jouvet, que l’on voit donner des cours à quelques-uns de ses élèves, parmi lesquels Bernard Blier.

Cette partie là du film est passionnante, et assez fascinante parce qu’elle nous donne à voir les difficultés, la cruauté même de l’apprentissage du métier d’acteur. La mise en scène y est pleine de vie, pleine d’humanité et d’empathie pour ces personnages qui, d’une certaine manière, ont tous décidé de renoncer à quelque chose pour vivre cette vie d’incertitude et de passion. Jouvet y règne en maître. Ou plutôt non : il y est un maître qui ne règne pas, qui se met constamment au niveau de ses élèves. Il y est absolument magnifique, dans un rôle forcément difficile : presque lui. Et ce presque lui, il l’incarne avec une justesse absolue.

Il s’y livre aussi, mine de rien, comme dans cette scène superbe où il refuse le renoncement de l’une de ses élèves. « J’ai eu 17 ans, je ne les ai plus parce que tu les as… Les 17 ans, il n’y en a pas pour tout le monde à la fois. » Du Henri Jeanson dans le texte, mais dieu que Jouvet les dit bien, ces mots de Jeanson, son auteur préféré, celui qui lui offrira le sublime écrin des Amoureux sont seuls au monde. Ici, Jeanson joue admirablement sur la présence du grand Jouvet, dans ce rôle si visiblement transparent.

La porosité entre la fiction et la réalité est au cœur du film. Cela peut donner une autre très belle scène, approche méta comme les aime Jeanson, le futur scénariste de La Fête à Henriette. François et Isabelle dans une chambre au petit matin, presque entièrement habillés. Et lui : « Au cinéma, quand on veut montrer avec subtilité, sans le dire, à cause des enfants au-dessus de 6 ans, que deux êtres se sont aimés, on promène le regard du spectateur tout autour de la chambre. On lui montre une cigarette qui se consume, un lit défait, un oreiller qui est tombé par terre… » Exactement ce que montre la caméra d’Allégret dans le même mouvement.

Cela donne aussi un final qui tire vers le polar, et qui lui peine à convaincre. Entrée des artistes n’est, hélas, que ponctuellement centré sur les coulisses du Conservatoire. L’essentiel de l’intrigue est donc basé sur l’histoire d’amour d’Isabelle et François (Jeanine Darcey et Claude Dauphin), et à la passion contrarié de Cœcilia (Odette Joyeux), trois apprentis comédiens pour lesquels la frontière entre la réalité et la comédie a une tendance à être floue. Sur le papier en tout cas, mais Allégret échoue à donner du corps à ce trouble qu’on imagine central dans le scénario de Jeanson, et on reste largement étranger à la passion de ce triangle amoureux.

Dommage. Entrée des artistes est sans doute d’avantage un film de scénariste que de réalisateur. On y prend toutefois un vrai plaisir, grâce aux excellents seconds rôles (les incontournables Dalio, Blier, Roquevert, et une mention à Carette, formidable en petit journaliste un peu dépassé), et pour la vision qu’il nous offre de Jouvet au travail. Même si le plan, tellement long et enamouré qu’il en devient gênant, est là pour nous rappeler qu’on est bien dans une fiction, et pas dans un documentaire…

Toboggan – de Henri Decoin – 1933

Posté : 24 novembre, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Toboggan

Premier « vrai » film pour Henri Decoin, qui venait de diriger la version française des Requins du pétrole. Ce Toboggan peut être considéré comme la vraie naissance d’un cinéaste passionnant et éclectique, après une grande carrière de sportif (il a été champion de natation et de water polo). Le sport y occupe encore une place centrale, puisque le personnage principal, boxeur déchu qui remonte sur le ring par amour pour une jeune femme, est interprété par Georges Carpentier, l’un des plus grands noms de la boxe française, ancien champion du monde alors presque quadragénaire.

Toboggan est un beau titre, pour un film qui raconte l’histoire d’un champion qui brûle ses derniers feux. C’est aussi le titre d’une chanson assez fascinante qui revient régulièrement, comme pour rappeler inlassablement l’issue forcément négative de cet ultime combat. Beau thème, étonnamment amer pour un cinéaste (de 43 ans) qui n’en est qu’à ses premiers pas derrière la caméra.

Pour ses débuts, Decoin se révèle meilleur formaliste que raconteur d’histoire. La narration manque sans doute de rythme, voire même d’originalité. Mais esthétiquement, Toboggan est la plupart du temps une très grande réussite. Le film s’ouvre dans un campement de laissés pour compte. En quelques images, Decoin sait créer une atmosphère, à la fois pleine de vie et pleine de rudesse. C’est comme ça aussi que le film se refermera, par un plan d’une amertume magnifique, sans illusion et sans concession.

Entre temps, Decoin se montrera moins inspiré avec l’imagerie de la haute société, mais il réussira quelques grands moments de cinéma : l’utilisation de ces images d’archive du vrai Georges Carpentier, retraçant le parcours de Romanet (le personnage) avec la voix off amusée et enthousiaste de sa petite amie Lisa (Arlette Marchall). Les scènes de combat sont essentiellement filmées en plans larges, parfois en plongée. Celles des entraînements sont en revanche ultra stylisées, se résumant souvent à quelques secondes marquantes : des coups de poing dans l’air, une ombre portée sur un mur… Passionnants débuts.

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