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Archive pour la catégorie '1930-1939'

Cantique d’Amour (Song of Songs) – de Rouben Mamoulian – 1933

Posté : 7 octobre, 2011 @ 10:31 dans 1930-1939, DIETRICH Marlene, MAMOULIAN Rouben | Pas de commentaires »

Cantique d'amour

Entre 1930 et 1935, Marlene Dietrich a tourné huit films (et rien à jeter), dont sept avec Josef Von sternberg. La seule exception ? Ce Cantique d’amour, un titre assez repoussant qui cache un très beau film de Mamoulian. Marlene y interprète une jeune femme très simple qui, après la mort de son père, part vivre « à la ville » avec sa tante acariâtre. Elle tombe bientôt sous le charme d’un sculpteur qui refuse de s’engager avec celle dont il est pourtant amoureux. Abandonnée par son amant, mise à la porte par sa tante, elle finit par se marier avec un riche officier qu’elle n’aime pas. Elle prendra aussi un amant, sèmera pas mal de malheur derrière elle, avant de… mais ne comptez pas sur moi pour dévoiler la fin.

Rouben Mamoulian est un très grand cinéaste, dont la caméra ne se contente pas d’illustrer l’histoire. La toute première séquence symbolise, en une poignée de plans magnifiques, la « naissance » d’une jeune femme qui, après la mort de son père, commence sa propre vie de femme. La symbolique n’est pas d’une grande légèreté (Marlene Dietrich, abattue, marche d’un pas de plus en plus alerte le long d’une allée plantée d’arbres en fleurs… C’est le printemps, la vie qui reprend). Mais qu’importe, tout le film sera un exercice de style sur le même modèle. La caméra fera bien plus qu’illustrer le scénario : elle en soulignera tous les éléments forts, exacerbant les sentiments des personnages… et du spectateur.

Il y a, surtout, une scène d’une sensualité incroyable. Dans son atelier, le sculpteur Waldo a convaincu la prude Lily de poser nue pour lui, lui assurant qu’elle n’est rien de plus qu’un modèle asexué. Sauf qu’au fur et à mesure que la sculpture prend forme, on voit bien que le regard de Waldo (excellent Brian Aherne) change, que sa main est moins sûre, qu’un trouble s’est posé sur sa voix. Bien sûr, on ne voit rien de plus que les épaules de Marlene. Mais la main de Waldo effleurant le sein de sa sculpture dépasse le simple pouvoir de suggestion. C’est l’une des scènes les plus sensuelles qu’il m’ait été donné de voir (et je suis prêt à casser la gueule au premier qui me dit que c’est comme dans Ghost !).

Tout est excessif dans Cantique d’amour, y compris l’impression de déjà-vu créé par un scénar bourré de rebondissements attendus (on pense parfois à Blonde Vénus, que Marlene a tourné juste avant avec Von Sternberg). Y compris les personnages masculins stéréotypés, incarnés par des acteurs parfaits (Aherne, donc, mais aussi Lionel Atwill en richard un brin libidineux). Mais l’intelligence de la mise en scène tire continuellement le film vers le haut, exacerbant le moindre sentiment. Quand Marlene est en colère, ça fait très mal. Quand elle désire, ça fait très envie. Et quand elle est triste, c’est bouleversant. Et puis il y a sa beauté, à la fois presque irréelle et pourtant d’une troublante humanité. Derrière le masque du mythe se cache une actrice d’une sensibilité extrême.

Le film est habité par sa présence, mais il est aussi hanté par sa sculpture, symbole presque abstrait de l’histoire de désir, d’amour, de haine et de désespoir qui unit l’artiste et son modèle. C’est original, délicat et profondément émouvant. De là à dire qu’il s’agit d’un chef d’œuvre à redécouvrir absolument, il n’y a qu’un pas que je franchis allégrement…

La Cigogne en papier (Orizuru Osen) – de Kenji Mizoguchi – 1934

Posté : 6 octobre, 2011 @ 1:54 dans 1930-1939, FILMS MUETS, MIZOGUCHI Kenji | Pas de commentaires »

La Cigogne en papier

Le dernier film muet de Mizoguchi est paradoxalement l’un de ses plus bavards ! Entrecoupés de (trop) nombreux cartons, l’histoire tragique de la pauvre Osen, jeune femme sacrifiée par ses bourreaux, puis sacrifiée volontaire, est un peu plombée par ses dialogues trop nombreux qui la plupart du temps n’apportent pas grand-chose à la compréhension, et ne permettent pas d’apprécier la force des images.

Des dialogues qui apparaissent sur des cartons, comme dans n’importe quel film muet, mais qui sont dits en voix off par un « benshi ». Le benshi, c’est en quelque sore l’équivalent monolithique du pansori coréen, le chant et le côté fascinant en moins. Ce narrateur était indispensable dans le Japon rural du début du XXème siècle, où beaucoup de spectateurs étaient incapables de lire les cartons. Planté au pied de l’écran, il jouait les dialogues en direct. Une véritable institution qui explique en partie pourquoi le cinéma japonais a mis autant de temps à passer au parlant (nous sommes en 1934, là). La Cigogne en papier est un film de transition pour Mizoguchi, qui inclut le benshi dans la bande sonore du film.

Peut-être est-ce pour le mettre en valeur qu’il a multiplié à ce point les cartons. Mais décidément, cela n’apporte rien, bien au contraire. Dans la première partie, en tout cas, confuse et basée sur les activités illicites d’une bande de malfaiteurs qui utilisent la jeune femme comme appât pour monter des arnaques. Difficile à suivre précisément, cette intrigue policière est maladroite et ennuyeuse. Mais il faut passer le cap de cette première partie : dans la seconde moitié, le film devient beaucoup plus passionnant, lorsqu’il se concentre exclusivement sur les rapports entre Osen et son « petit frère » Sokichi.

On a franchement envie de le baffer, ce Sokichi, étudiant en médecine sans envergure et complètement soumis, qui passe la première partie du film à pleurnicher (incapable de se rebeller ou de se prendre en main pour débarrasser sa « grande sœur » de l’emprise de ses maîtres), et la seconde à se voiler la face avec hypocrisie : mais d’où vient l’argent que la petite Osen récolte pour financer ses études à lui ? Mieux vaut pas se demander, il sera toujours temps d’avoir l’air surpris lorsque la jeune femme sera arrêtée pour avoir fait la putain… Osen, d’abord victime malgré elle, se transforme en victime consentante, sacrifiant sa vie, son honneur, et finalement sa santé mentale, pour permettre à ce p’tit con à peine reconnaissant de vivre la vie qu’il doit vivre.

L’histoire est racontée à grand renforts de flash-backs (et de flash-backs dans les flash-backs). Une construction audacieuse et complexe, rare chez Mizoguchi, qui ne fait que renforcer le sentiment de tragédie inéluctable. Le film commence par une scène de nuit, sur le quai de gare d’une ville privée d’électricité. Dans l’anonymat de la foule, deux silhouettes ressortent : celle d’un notable visiblement hermétique à l’impatience du petit peuple ; et celle d’une femme aux épaules tombantes, qui semble attendre avec résignation son dernier souffle… Ce sont ces deux êtres qui semblent ne pas se connaître, mais qui évoquent intérieurement leur jeunesse commune. Lui se souvient qu’il se serait suicidé, s’il n’avait pas été sauvé par Osen, et qu’il se serait sans doute laissé entraîner dans une vie de misère. Elle se souvient qu’elle a tout sacrifié pour le bien de Sokichi, en secret et sans rien attendre en retour. Et « rien », c’est justement ce qu’elle a eu…

Le Mystérieux Mister Wong (The Mysterious Mr. Wong) – de William Nigh – 1934

Posté : 30 septembre, 2011 @ 4:09 dans * Pre-code, 1930-1939, NIGH William | Pas de commentaires »

Le Mystérieux Mister Wong.jpg - Galerie de photos

William Nigh restera (un peu) célèbre pour avoir réalisé toute une série de petites productions consacrées au détective Mister Wong, souvent joué par Boris Karloff. Ce Mystérieux Mister Wong, interprété par le grand rival de Karloff, Bela Lugosi, n’a cependant pas grand-chose à voir avec la série à venir : le Mr. Wong du titre n’est pas un détective, mais un dangereux criminel qui symbolise à lui seul la « phobie de l’Asiatique », alors plutôt répandue en Amérique. Le film est donc nauséabond ? Ben… Disons plutôt que, comme Tintin au Congo, il est à remettre dans son contexte !

D’ailleurs, le débat n’a pas vraiment de raison d’être, puisque le film est avant tout sans grand intérêt. A vrai dire, on a l’impression d’assister à deux films différents : d’un côté un film légèrement fantastique, dans lequel un grand méchant (Lugosi, donc, aussi crédible en Chinois que Johnny en jeune mulâtre) cherche à réunir douze pièces en or distribuées il y a bien longtemps par Confucius lui-même, et qui paraît-il donnent un pouvoir énorme à celui qui les possède toutes (mais on se désintéresse bien vite de ce pseudo pouvoir, même le réalisateur, qui expédie le grand méchant ad patres en un dixième de seconde…) ; et de l’autre un film d’aventure plein de légèreté porté par Wallace Ford, acteur sympathique cantonné à un seul type de personnage : les anti-héros qui n’aspirent qu’à profiter d’une vie facile, mais qui se retrouvent entraînés malgré eux dans des péripéties pleines de dangers (son film le plus célèbre restera le méconnu O.H.M.S. de Raoul Walsh, en 1937).

Le problème, c’est que confronter des personnalités aussi différentes que Ford et Lugosi ne fait pas un film, loin s’en faut. Maladroit et un peu ennuyeux, Mysterious Mr. Wong fait partie de ces films qui ne méritaient pas de ne pas tomber dans l’oubli…

Quatre de l’espionnage (Secret Agent) – d’Alfred Hitchcock – 1936

Posté : 16 septembre, 2011 @ 8:37 dans * Espionnage, * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Quatre de l'espionnage

J’avais le souvenir d’un film un peu maladroit, mais ce film méconnu de la période anglaise d’Hitchcock m’a franchement bluffé. Après un premier tiers pas tout à fait convaincant (malgré une première scène surprenante, qui nous montre un vétéran manchot renversant un cercueil vide à l’issue d’une cérémonie funéraire), cette histoire d’espionnage assez conventionnelle prend une dimension inattendue, et le film devient admirable, en grande partie grâce à la mise en scène d’Hitchcock.

Ne sous-estimons pas toutefois la réussite du scénario (adapté d’une pièce de théâtre elle-même inspirée d’un roman de Somerset Maugham), particulièrement habile et manipulateur, qui nous fait tout d’abord croire à une fantaisie d’aventures autour d’un triangle amoureux, traité avec une grande légèreté et beaucoup d’humour, pour se transformer peu à peu en un suspense sombre et cynique, cruelle histoire d’espionnage débarrassée de tout folklore romantique.

La menace d’une nouvelle guerre mondiale est sous-jacente dans ce film tourné en 1936. Mais l’intrigue prend place dans une autre époque troublée, pas si lointaine : nous sommes en 1916, et le personnage principal (joué par John Gielgud, acteur shakespearien par excellence), un écrivain travaillant pour les services secrets britanniques, est chargé de se rendre en Suisse pour démasquer un agent double au service de l’Allemagne. Sur place, il découvre que son patron lui a « attribué » une épouse (magnifique Madeleine Carroll, qui passe admirablement de la légèreté presque inconséquente, à la gravité douloureuse), un peu trop occupée à folâtrer avec un Anglais de passage (Robert Young). Il est également aidé dans sa tâche par un homme de main, le « Général », qui se prétend mexicain (Peter Lorre qui, même s’il est dans le bon camps, fait froid dans le dos).

Hitchcock s’amuse à prendre continuellement le contre-pied de ce qu’on attend de lui. Le film n’est ainsi jamais ce qu’il prétend être : alors qu’il pose les bases d’une comédie, Hitchcock nous entraîne vers un drame sombre et tendu ; alors qu’il nous annonce un « whodunit » dans lequel il faudrait découvrir l’identité du traître, il nous mâche le travail. Parce que l’identité de l’agent double ne fait aucun doute : d’ailleurs, Hitchcock ne prend même pas la peine de nous présenter différents candidats possibles : le coupable est ainsi tout désigné.

Loin d’affaiblir le film, cette certitude accroît sa force. Et c’est dans une séquence d’une grande cruauté que se trouve le tournant du film : notre héros et le Général entraînent dans une escapade en montagne l’homme qu’ils pensent être le coupable (et dont nous savons parfaitement qu’il est innocent), après l’avoir « démasqué » grâce à un bouton de manchette, et le tuent sans songer à l’interroger… Cynique et cruelle, ce passage est l’un des sommets du film (il sera d’ailleurs repris avec quelques variantes par Clint Eastwood dans La Sanction).

Le film est imparfait, certes, mais il est parsemé de passages mémorables : la découverte du cadavre à l’église, sublime moment de suspense avec un style proche de l’expressionnisme allemand ; l’incontournable scène de train, avec une catastrophe ferroviaire très cinégénique ; l’innocence perdue dans les yeux de Madeleine Carroll, le regard vide alors que le village est en fête autour d’elle…

Plus encore que dans Les 39 Marches, l’actrice est sublime. Comme Anny Ondra (The Manxman et Chantage) ou Joan Barry (A l’Est de Shanghai), Madeleine Carroll est une blonde hitchcockienne dont on n’a pas dit assez de bien…

La Vénus blonde (Blonde Venus) – de Josef Von Sternberg – 1932

Posté : 8 septembre, 2011 @ 6:54 dans 1930-1939, DIETRICH Marlene, VON STERNBERG Josef | Pas de commentaires »

La Vénus blonde

La cinquième collaboration de Marlene Dietrich et de Josef Von Sternberg est, à première vue, le plus purement mélodramatique de leurs films : c’est l’histoire d’un couple qui se déchire pour la garde de leur enfant. Mais c’est aussi, peut-être, l’œuvre la plus complexe de leur filmographie commune, un film moins « aimable » que leurs œuvres précédentes (tous les personnages sont mus par des préoccupations égoïstes, à part l’enfant, victime de ce cruel jeu d’adultes), plus âpre, plus adulte aussi…

C’est d’ailleurs le vrai sujet du film : la difficulté de vivre en adulte, après avoir connu l’insouciance de la jeunesse. La scène bucolique qui ouvre le film, et le brusque changement de ton et d’époque qui suit, est particulièrement importante. Tout commence donc par une séquence primesautière dans la campagne allemande de l’après-guerre : un groupe de jeunes étudiants américains en balade rencontre une troupe d’actrices se baignant nues dans un lac.

Fondu au noir… et on retrouve quelques années plus tard l’une d’entre elles (Dietrich) mariée à l’un d’entre eux (Herbert Marshall), le couple vivant avec son fils de 6 ans dans un modeste appartement new-yorkais. L’ancien étudiant tente de joindre les deux bouts en réalisant des expériences scientifiques ; elle a laissé tomber sa carrière pour s’occuper de sa famille.

Ce n’est que le début d’une véritable tragédie familiale : pour soigner son mari irradié par du radium, la belle reprend son ancien boulot, et accepte l’argent offert par un riche séducteur (le tout jeune Cary Grant), qui l’attire dans son lit pendant que le mari est en Europe pour se faire soigner. Au retour de ce dernier, la vérité éclate, le mari chasse la femme, qui prend la fuite avec son fils, bientôt poursuivie par toutes les polices. Le temps passe, et Marlene s’installe dans une vie de misère, avant de se résoudre à laisser son fils à son père…

Le côté mélodramatique est excessivement poussé, et tourne même à la cruauté la plus extrême : ballotté entre ces deux parents qui se déchirent, ce gamin tellement attachant est l’enjeu presque déshumanisé de cette « guerre » à laquelle se livre l’ancien couple. Le voir condamné à faire un choix entre son père et sa mère est un déchirement…

Au-delà de l’histoire à proprement parler, le film parle surtout de la difficulté de vivre en couple, d’accepter les compromis, d’assumer sa responsabilité d’adulte, de donner un sens à sa vie… Derrière le mélo très dur, c’est un thème pas facile que Sternberg aborde. Et il le fait sans caresser le spectateur dans le sens du poil, en allant au bout de la cruauté, en montrant les faiblesses et les mesquineries de ces personnages, et sans jamais chercher à magnifier ses acteurs. Cary Grant est un riche oisif pas méchant, mais inconsistant ; Herbert Marshall est un homme droit et honnête, mais fier jusqu’à l’injustice ; quant à Marlene, elle finit par entraîner son enfant dans sa déchéance…

Contrairement à leur précédent film commun (Shanghai Express), où chaque plan la sublimait, Sternberg ne l’épargne pas ici, lui faisant chanter des numéros particulièrement ineptes, l’affublant d’une horrible « choucroute » sur la tête, ou la déguisant en grand singe !

Les 39 marches (The 39 steps) – d’Alfred Hitchcock – 1935

Posté : 29 août, 2011 @ 8:45 dans * Espionnage, * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Les 39 marches

En deux films, Hitchcock assoit définitivement son style, et sa réputation : L’Homme qui en savait trop (première version), et surtout ces 39 marches, chef d’œuvre qui lui a ouvert les portes d’Hollywood. Dans cette adaptation d’un roman de Buchnan, tout l’univers hitchcockien est déjà là, très maîtrisé : son thème de prédilection du faux coupable bien sûr, mais aussi son goût pour les grands espaces, pour les trains, pour les intrigues d’espionnage, ou encore pour les couples mal assortis qui se nouent dans l’adversité.

Le film évoque évidemment La Mort aux trousses, chef d’œuvre absolu qu’il tournera près d’un quart de siècle plus tard. Les points communs entre les deux films sont nombreux : la rencontre dans un train, l’importance de monuments historiques (le mont Rushmore dans La Mort…, le Forth Bridge d’Edinbourgh dans Les 39 marches), ou encore le poignard planté dans le dos d’une victime qui meurt dans les bras du héros, Cary Grant là, Robert Donat ici.

Donat, d’ailleurs, est sans doute le premier vrai héros hitchcockien : il a l’humour et l’assurance d’un « monsieur tout le monde » un peu hors normes, dont Cary Grant sera l’interprète idéal de la période américaine. Les 39 marches est bien plus qu’un brouillon de La Mort aux trousses : c’est l’un des sommets de la période anglaise d’Hitchcock, l’un de ses films les plus maîtrisés. Moins léger que Une Femme disparaît, mieux interprété que Jeune et innocent, mieux construit que L’Homme qui en savait trop, le film est mené à un rythme frénétique, sans le moindre temps mort : c’est une course à travers le pays (comme La Mort aux trousses), qui commence à Londres et se termine au fin fonds de l’Ecosse, ou le personnage de Robert Donat espère trouver les personnes qui sauront l’innocenter : un soir, à Londres, il a rencontré une mystérieuse jeune femme qui se disait poursuivie par des espions, et qui a trouvé refuge chez lui. Au petit matin, il l’avait retrouvée poignardée. Lui-même poursuivi par un réseau d’espions, les « 39 marches », et par la police qui voit en lui le coupable désigné, son visage en première page de tous les journaux, il part sur la piste du seul indice dont il dispose, qui le conduit en Ecosse.

Hitchcock filme magnifiquement la sublime lande écossaise, comme il filme avec amour la campagne anglaise dans nombre de ses films. Mais on lui sent beaucoup moins d’empathie pour les Ecossais que pour les Anglais pur souche : le portrait qu’il dresse de la vie dans la campagne écossaise est plutôt morbide. Mais la scène est belle et d’une grande efficacité, comme toutes les scènes dans la lande, ou encore la rencontre-évasion sur le pont de Forth, particulièrement virtuose.

C’est aussi là qu’on rencontre l’une des blondes hitchcockiennes les plus marquantes de la période anglaise : Madeleine Carroll, jolie comme c’est pas possible. Enchaînée malgré elle à Robert Donat, elle fera tout son possible pour le faire arrêter, avant de réaliser, tardivement, qu’il est réellement innocent. Le couple que ces deux-là forment est formidable.Les séquences londoniennes, qui ouvrent et referment le film, sont curieusement plus statiques, et moins vivantes, que le cœur écossais de l’intrigue, ébouriffante démonstration de maîtrise cinématographique…

Ceux du Viking (The Viking) – de Varick Frissell et George Melford – 1931

Posté : 27 août, 2011 @ 8:55 dans 1930-1939, FRISSELL Varick, MELFORD George | Pas de commentaires »

Ceux du Viking

Premier film parlant du cinéma canadien, The Viking est resté célèbre pour avoir connu ce qui reste peut-être la pire tragédie de l’histoire du cinéma : alors que le tournage était presque terminé, le réalisateur Varrick Frissell et vingt-six autres personnes ont trouvé la mort dans l’explosion du bateau sur lequel ils tournaient, au cœur des mers glacées de Terre-Neuve. C’est tragique, évidemment, mais ça devient gênant lorsque ce drame est utilisé comme le principal argument de vente du DVD, qui brandit fièrement sur sa jaquette le bandeau « Le film qui a coûté la vie au réalisateur Varick Frissell… ».

Rien que pour ça, le DVD a failli rester sur une étagère. J’aurais eu tort : bien au-delà de son intérêt historique, The Viking est, en tout cas en partie, un film d’une force visuelle assez exceptionnelle. Quelle est la part exacte du travail de Frissell, ancien documentariste et grand amoureux du grand Nord canadien et de ses habitants ? Quelle est celle de George Melford, cinéaste chevronné qui a tourné des dizaines de films à partir des années 10 ? Difficile à dire, aujourd’hui, mais si c’est à Melford qu’on doit les rares scènes d’intérieur, alors on peut dire que le réalisateur chevronné à saloper le travail… Si c’est à Frissell qu’on les doit, alors disons que ce dernier avait un talent fou pour filmer les paysages et les hommes face à la nature…

Parce que la première partie du film, qui se situe dans un petit village de chasseurs, dans les grands espaces enneigés de Terre-Neuve, est presque pénible, tant elle est maladroite : les comédiens dans les scènes de pure comédie ne savent pas quoi faire de leur corps, la caméra est statique et frontale comme aux premiers temps du muet, et les dialogues sont criés comme dans une salle dont l’acoustique serait pourrie… Bref, on a bien du mal à s’accrocher, et à s’intéresser à des personnages stéréotypés, malgré le charme du personnage féminin joué par Louise Huntington (qui ne laissera pas une grande trace dans l’histoire du cinéma).

L’intrigue tourne autour de la rivalité entre deux hommes, pour les beaux yeux de Louise. L’un est un chasseur de phoques chevronné et fort-en-gueule (c’est le méchant) ; l’autre est un jeune gars considéré comme un poissard et un lâche par tout le monde (c’est le gentil), et qui décide de s’embarquer pour la prochaine campagne de chasse aux phoques, pour prouver sa valeur à tous, et surtout à la belle Louise… Tous deux se retrouvent à bord du même bateau, le « Viking », dont le capitaine se vante de n’avoir jamais perdu un homme en trente ans de campagnes.

Dès que le Viking appareille, le film prend une toute autre ampleur. C’est au dur labeur de ces hommes, auxquels Frissell a consacré toute sa courte filmographie, que l’on assiste, dans des séquences très belles et très impressionnantes. On découvre les pénibles tâches sur le pont du bateau, la coque se frayant difficilement un chemin dans les étendues glacées, les hommes marchant sur la glace, tirant derrière eux le lourd navire… et finalement les chasseurs s’éloignant du bateau et partant à travers les glaces. Ce sont les scènes les plus spectaculaires : tournées en décor réel, elles font prendre conscience de l’ampleur de la nature, et de la menace qu’elle représente sur ces hommes qui marchent littéralement sur une mer vivante et mouvante, se cherchant un chemin sur les blocs de glace, évitant le piège de l’eau glaciale, omniprésente.

Fasciné par cette chasse hallucinante, Frissell n’en a pas moins conscience de la tuerie qui s’ensuit : il filme les phoques, que l’on abat pour leurs fourrures, avec une empathie déchirante. Tout en rendant un hommage extraordinaire à ces hommes qu’il admire visiblement.

La troisième et dernière partie du film est tout aussi impressionnante, et plus dramatique : les deux rivaux se retrouvent seuls au milieu de l’immensité glacée, le bateau étant reparti sans eux. Ils sont à des dizaines, voire des centaines de kilomètres de toute trace de civilisation. Idéal pour que le jeune homme révèle sa vraie valeur… ? Je ne dévoilerai pas la fin, mais décidément, affronter la calamiteuse première partie du film n’est pas un effort trop grand pour le spectacle impressionnant qui suit…

Une femme disparaît (The Lady vanishes) – d’Alfred Hitchcock – 1938

Posté : 17 août, 2011 @ 9:17 dans * Espionnage, * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | 1 commentaire »

Une femme disparaît

Le plan qui ouvre ce sommet de la période anglaise d’Hitchcock est inoubliable : ce long plan surplombe un village perdu dans les Alpes suisses, recouvert par la neige. Lentement, la caméra nous fait découvrir ce lieu isolé, dont le calme est à peine perturbé par une voiture qui circule sans bruit, presque fantomatique, s’approchant peu à peu des habitations, laissant apercevoir quelques personnes immobiles sur le quai de la gare. Totalement immobile, et pour cause : dans ce plan beau et irréel, Hitchcock ne filme qu’une grande maquette, ne faisant aucun effort pour tenter de convaincre le spectateur du contraire.

Toute la période anglaise du maître est marquée par la présence de ces maquettes qu’Hitchcock prenait un plaisir fou et enfantin à filmer. Celle-ci est inoubliable. Pourtant, après ce plan d’ouverture, les maquettes disparaissent pour de bon. Du film et de l’œuvre d’Hitchcock, qui pense alors tourner son ultime film anglais (son départ pour Hollywood, où il doit réaliser un Titanic qui ne se fera finalement pas avec lui, est programmé). Il aura toutefois le temps de tourner un dernier film en Angleterre, La Taverne de la Jamaïque, avec Charles Laughton. Mais le contrôle lui échappera en partie, et Une femme disparaît peut objectivement être considérée comme les véritables adieux d’Hitchcock à son pays natal (jusqu’à Frenzy en tout cas).

Et ces adieux ne pouvaient pas être plus réjouissants. Une femme disparaît est une réussite de tous les instants, l’un des meilleurs « films de train » qui soient, sans doute le meilleur en mode léger. Le ton du film, malgré la menace de conflit mondial qui s’inscrit en filigrane sur cette histoire d’espionnage, est en effet au pur divertissement, ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que le cinéaste prend son travail à la légère, bien au contraire : on assiste à une démonstration exceptionnelle du génie hitchcockien.

En une séquence époustouflante, il dresse le décor : une auberge de Suisse dans laquelle cohabitent malgré eux des voyageurs de toutes les nationalités, et de toutes les catégories sociales. Un seul point commun entre eux : ils attendent un train retardé par la neige, et doivent passer une nuit supplémentaire sur place, durant laquelle on apprendra à mieux les connaître. Il y a cette riche héritière (Margaret Lockwood), oisive et inconséquente, promise à un mariage de raison. Il y a cette vieille dame, Miss Froy, qui rentre en Angleterre après des années d’absence, et avec laquelle elle sympathise (Dame May Whitty). Il y a ce musicien plein de vie, qui noue une relation d’amour-haine avec l’héritière (c’est Michael Redgrave). Il y a cet avocat carriériste qui refuse de s’afficher avec sa maîtresse.

Il y a encore ce tandem d’Anglais totalement hermétiques à la crise mondiale, et qui ne pensent qu’à avoir des nouvelles de leur équipe de crocket préférée… Ce tandem, interprété avec un flegme irrésistible par Basil Radford et Naunton Wayne, est la caution humoristique de ce film. Les deux personnages, pourtant secondaires, ont à ce point marqué le film de leur présence, qu’on les reverra dans les années suivantes dans quelques autres films, notamment dans Train de Nuit pour Munich, autre « film de train » avec Margaret Lockwood (réalisé par Carol Reed).

Cette séquence dans l’auberge ne sert toutefois qu’à présenter les personnages : la partie principale du film commence le lendemain matin, dans le train qui les ramène vers l’Angleterre. Et c’est là que le génie hitchcockien prend toute son ampleur. Loin de se sentir à l’étroit dans le décor d’un train, le cinéaste profite de cette contrainte pour signer un film au mouvement perpétuel : qui va continuellement de l’avant, au même rythme que le train.

Formellement, c’est un bijou. Quant à l’histoire, elle est cauchemardesque à souhait : après s’être endormie face à la brave Miss Froy, notre oisive héritière se réveille pour entendre l’ensemble des voyageurs affirmer qu’il n’y avait pas de vieille dame avec elle. Presque convaincue elle-même d’avoir rêvé, elle ne reçoit le soutient que de ce musicien qui lui a gâché sa dernière nuit dans l’auberge…

Le suspense, le rythme, l’humour, l’alchimie entre les comédiens… Une femme disparaît est une réussite absolue, l’un de ces nombreux états de grâce que Hitchcock a eu tout au long de sa carrière. Comme Les 39 Marches ou La Mort aux trousses, c’est aussi l’un de ces purs divertissements (malgré la toile de fond où l’angoisse de la guerre est bien présente) vers lesquels Hitchcock a toujours aimé revenir, régulièrement, tout au long de sa carrière.

Agent Secret (Sabotage) – d’Alfred Hitchcock – 1936

Posté : 26 juillet, 2011 @ 10:11 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred, SIDNEY Sylvia | Pas de commentaires »

Agent Secret (Sabotage) - d'Alfred Hitchcock - 1936 dans * Polars européens agent-secret

Formellement, ce film méconnu d’Hitchcock, adaptation d’un roman de Joseph Conrad, est une splendeur. Toute la première partie, d’ailleurs, est à placer dans le panthéon hitchcockien. Malgré une absence d’humour plutôt rare dans l’œuvre du cinéaste, cette plongée au cœur des quartiers populaires de Londres (pas ceux, moite et inquiétant, de Frenzy, plutôt un quartier modeste mais chaleureux, un village dans la ville ; les temps ne sont pas les mêmes) est passionnante et fascinante. En quelques plans étonnants, Hitch plante le décor : la capitale anglaise vit sous la menace de mystérieux terroristes.

Une menace que les Londoniens prennent plutôt à la légère (étonnante scène d’un métro plongé dans le noir, dont les passagers sortent un large sourire aux lèvres), mais dont on pressent que les conséquences vont être terribles : parce qu’on connaît le roman, mais surtout parce qu’un ton aussi sombre chez Hitchcock ne peut pas être anodin. Et de fait, le point d’orgue du film est une tragédie, sans doute la séquence la plus insoutenable de toute l’œuvre hitchcockienne. Et mieux vaut ne pas lire plus loin si on n’a jamais vu le film…

Cette séquence est marquée du sceau de l’horreur, parce qu’elle tourne autour de l’image même de l’innocence : un jeune garçon, qui trimballe sans le savoir une bombe dans les rues bondées de Londres. Cette bombe, le spectateur sait très exactement à quelle heure elle doit exploser. Et Hitchcock fait monter la tension en filmant ces images d’insouciances, et des plans de plus en plus rapprochés sur les horloges de la ville. Jusqu’à l’explosion, qui coûte la vie au garçon, et à plusieurs passagers d’un bus. Terrible.

Le principal défaut du film repose sur les conséquences de cette tragédie, trop facilement évacués. Après cette séquence, inoubliable, qui est sans doute la raison d’être du film, Hitchcock tombe un peu dans la facilité. Des rebondissements trop téléphonés, un semblant de happy-end, laissent un arrière-goût étrange, d’inachevé.

C’est dommage, parce que toute la première moitié du film est exceptionnelle. Les personnages, notamment, sont formidablement bien dessinés : il y a ce flic infiltré, qui soupçonne Verloc, le patron d’un cinéma (étonnant Oscar Homolka), d’être l’auteur des sabotages qui se multiplient. Il y a la femme de ce dernier, jeune beauté émouvante (Sylvia Sidney, craquante et bouleversante). Il y a un étonnant artificier clandestin, qui dissimule ses bombes dans la cuisine où travaille sa fille et où joue sa petite-fille… Hitchcock filme ce petit monde avec une ironie plus mordante qu’à l’accoutumée, qui crée un malaise persistant.

La dernière partie du film ne manque pas d’intérêt, cela dit. Plusieurs séquences sont même exceptionnelles. Celle, bouleversante, où Mme Verloc, qui vient d’apprendre la mort de son jeune frère, se met à rire devant un dessin animé… ; ce rire fait ressentir violemment l’horreur de cette innocence sacrifiée. Celle, aussi, de la mort de Verloc, tué de la main de sa femme ; s’est-il volontairement dirigé vers cette mort, rongé par la culpabilité ? Hitchcock le laisse penser, tout en faisant planer le doute.

Méconnu, mal aimé, Sabotage n’a pas connu un très gros succès en salles : les spectateurs n’y ont pas retrouvé la patte habituelle du cinéaste. Ils feront par contre un triomphe à ses deux réalisations suivantes : Jeune et innocent et Une femme disparaît.

Damaged Lives (id.) – de Edgar G. Ulmer – 1933

Posté : 23 juillet, 2011 @ 10:41 dans 1930-1939, ULMER Edgar G. | Pas de commentaires »

Damaged Lives

Film de jeunesse pour Ulmer (il est tourné avant The Black Cat), Damaged Lives est une commande destinée à sensibiliser un public tenté par une vie dissolue sur le danger des maladies sexuellement transmissibles : on est dans l’avant Code-Hayes, et on peut encore aborder frontalement le sexe à l’écran, et filmer un homme clairement infidèle à sa femme. On est aussi dans l’avant-télévision, et le cinéma est encore le médium le plus efficace pour faire passer un message de santé publique.

Le film a un côté démonstratif et moralisateur (c’est même sa raison d’être), et on n’échappe pas à une visite édifiante d’un hôpital, où on découvre dans une série de plans cliniques et froids l’état de (vrais ?) malades, filmés dans des salles blanches aseptisées… Pourtant, il tient remarquablement bien la route, et se regarde avec un vrai plaisir.

Il révèle le savoir-faire évident d’Ulmer, son sens de la narration, son talent pour tirer le meilleur des pires contraintes (qu’elles soient budgétaires ou scénaristiques), et sa capacité à filmer des personnages en les débarrassant de tous les stéréotypes auxquels on est en droit de s’attendre. C’est d’ailleurs ce qui fera la force de ses films « de minorités » qu’il tournera durant toute la seconde moitié de la décennie (Moon over Harlem, par exemple) : ses personnages ont beau être des « types » d’individus, censés être représentatifs, il les fait vivre réellement, en leur donnant une personnalité propre.

C’est particulièrement vrai ici, avec un couple bouleversant confronté tous deux à une « erreur de jeunesse » du jeune homme, tenté par une aventure sans lendemain avec une jeune femme, avec laquelle il a une relation sexuelle. Quelque temps plus tard, il apprend que sa maîtresse avait une « maladie honteuse », qu’il a lui-même attrapé et refilé à sa future femme. C’est moche…

Cette situation donne lieu à quelques très belles scènes : celle où la maîtresse (qui n’est pas fille de petite vertue sans scrupule qu’on pourrait imaginer) révèle son secret à son amant d’un soir ; où celle où la fiancé tente de mettre fin à ses jours et à ceux de son amoureux. C’est bien sûr énorme et un brin larmoyant, mais Ulmer filme ça avec beaucoup de sensibilité. Le résultat est une curiosité très, très recommandable.

De manière plus anecdotique, on découvre aussi dans un second rôle Jason Robards Sr, le père du futur acteur de Il était une fois dans l’Ouest, Les Hommes du Président ou Magnolia.

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