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Archive pour la catégorie '1930-1939'

Quels seront les cinq ? (Five came back) – de John Farrow – 1939

Posté : 27 août, 2012 @ 10:36 dans 1930-1939, CARRADINE John, FARROW John | Pas de commentaires »

Quels seront les cinq ? (Five came back) - de John Farrow - 1939 dans 1930-1939 quels-seront-les-cinq

Voilà un petit trésor méconnu, signé par l’excellent John Farrow, futur réal du noir La Grande horloge et de Wake Island, joyau du film de guerre. Ici, ce cinéaste touche-à-tout plonge au cœur de ce qui ressemble bien à un pur film d’aventures comme Hollywood les aime. Un avion transportant douze personnages s’écrase au cœur de la forêt amazonienne. Les rescapés s’organisent pour survivre en attendant que les réparations nécessaires au départ soient faites.

Mais le cadre du film d’aventures n’est qu’un prétexte, comme la menace sourde et invisible des Indiens coupeurs de tête qui habitent la région, et la nécessité de ne choisir que cinq passagers pour repartir, ne sont que des catalyseurs pour révéler les individus tels qu’ils sont vraiment. Dans ce Koh Lantah reconstitué en studio, les rapports de force traditionnels se retrouvent bouleversés, les conventions ne servent plus à rien, puissants et modestes se retrouvent à égalité, et les actes deviennent soudain plus importants que les origines sociales.

Pour que le thème soit le plus efficace possible, les scénaristes (dont Dalton Trumbo, bien avant la Liste Noire, et alors qu’il venait d’écrire son roman Johnny s’en va-t-en guerre, qu’il adaptera trente ans plus tard) ont choisi de réunir des types très marqués : un couple âgé, un milliardaire et sa secrétaire sur le point de se marier, une jeune femme de petite vertu, un veuf bougon, un dragueur un peu lourd, un flic colérique, un criminel repenti, un enfant de 10 ans, une petite frappe au grand cœur… Une galerie un peu caricaturale, certes, mais qui se révèle aussi attachante qu’efficace.

D’autant que Farrow filme avec pas mal de nuances et d’intelligence les changements qui s’opèrent (en bien ou en mal) dans le comportement et les rapports de ces naufragés. Cette femme peu respectable à qui on ne laisse pas même le droit de consoler l’enfant en pleur finira par être appelée « tante Peggy ». A l’inverse, ce milliardaire charmant et attentionné révélera sa médiocrité et son égoïsme dans l’adversité.

C’est d’ailleurs la partie centrale du film qui est la plus passionnante. La plus calme, aussi (après un crash un peu kitsch) : c’est le moment où tous réapprennent à vivre dans ce qui n’est pas loin de ressembler à une société idéale, débarrasser des conventions et des tracas du quotidien.

On a le droit de trouver ça naïf, mais la fin du film, brutale et cruelle, arrive pour signaler que, non, les auteurs du film ne sont pas dupes. Ce rêve de société idéale n’est qu’une chimère…

Le Crime du docteur Crespi (The Crime of Dr. Crespi) – de John H. Auer – 1935

Posté : 12 août, 2012 @ 6:03 dans 1930-1939, AUER John H., FANTASTIQUE/SF | Pas de commentaires »

Le Crime du docteur Crespi

Chirurgien génial, hanté par la traîtrise de son ancien disciple, qui lui a « volé » la femme qu’il aimait, Erich Von Stroheim profite de l’accident de son rival pour lui injecter un virus de son invention, qui le fait paraître mort aux yeux de tous. Mais le pauvre, immobilisé, est bien conscient… Von Stroheim espère bien qu’il profitera au maximum de son propre enterrement !

Il y a dans The Crime of Dr. Crespi, petite production inspirée d’une œuvre d’Edgar Poe, une scène particulièrement marquante, vers le milieu du film : dans une obscurité profonde, le chirurgien s’approche de son rival apparemment mort, et lui dévoile (ainsi qu’aux spectateurs) l’horrible vérité. Avec un rictus sadique qui rappelle soudain à quel point Von Stroheim jouait à merveille les monstres, lui qui fut quelques années plus tôt le plus monstrueux des grands cinéastes du muet.

C’est, et de loin, la scène la plus marquante d’un film qui souffre par ailleurs, et furieusement, d’un vrai cinéaste et d’un directeur d’acteur. Les seconds rôles manquent totalement de profondeur, et débitent (mal) des dialogues ineptes. La première demi-heure, surtout, manque cruellement de rythme, et n’offre rien de bien excitant au spectateur : ni suspense, ni décors auxquels se raccrocher, pas même de jolie starlette qui ferait oublier l’ennui qui pointe.

Heureusement, il y a Von Stroheim, celui qu’on surnommait alors « l’homme que vous adorez haïr », et qui dévore littéralement l’écran par sa présence magnétique et ses fascinants tics d’acteur : le voir se préparer une cigarette et la fumer du bout des lèvres suffit à mon bonheur de cinéphile !

Brumes (Ceiling Zero) – de Howard Hawks – 1936

Posté : 26 juin, 2012 @ 10:45 dans 1930-1939, CAGNEY James, HAWKS Howard | Pas de commentaires »

Brumes

Voilà un Howard Hawks particulièrement méconnu. Mineur, c’est vrai, mais tout de même hautement recommandable. Interrogé à ce sujet plus de quarante après plus tard, James Cagney reconnaîtra d’ailleurs que Ceiling Zero est le sommet de sa collaboration avec Pat O’Brien, avec qui la star formait un tandem-vedette à l’époque.

Le film est adapté d’une pièce de théâtre de Frank ‘‘Spig’’ Wead, ancien aviateur à qui John Ford rendra hommage en 1957 dans L’Aigle vole au soleil, inspiré de sa vie. Malgré son thème, le film reste d’ailleurs curieusement très théâtral, respectement le plus souvent l’unité de lieu et de temps, et les différents actes de la pièce. Rien de très spectaculaire, donc, dans cette histoire de pilotes de l’aéropostale qui bravent les conditions météo les plus difficiles pour acheminer leur courrier : tout repose sur les personnages et la curieuse nostalgie qui teinte le film d’une couleur inattendue.

Car les héros de ce film sont déjà des êtres d’un autre temps. Les pionniers de l’aéropostale n’ont plus rien à prouver, si ce n’est à eux-mêmes, et les temps héroïques ont disparu au profit d’une ère dominée par les règles de sécurité et le profit. Les deux vieux compères, O’Brien et Cagney, sont deux vétérans qui affrontent chacun à leur manière les affres du temps : O’Brien en s’adaptant à l’ère du temps, devenant même le garant du respect des règles ; et Cagney en refusant absolument toute évolution personnelle.

En apparence insouciant, dragueur et irrespectueux des règles, il est une aberration dans ce monde auquel il n’appartient plus vraiment. Et son inconséquence d’un autre temps aura des conséquences dramatiques… C’est le dur passage à l’âge adulte qu’appréhende le personnage de Cagney, et ce passage se fait dans la douleur.

Hawks mène son film au rythme de ses grandes comédies (La Dame du Vendredi…), mais il y a là une gravité et une profondeur qui évoquent d’autres classiques du cinéaste (La Captive aux yeux clairs…). La construction du film est très théâtrale, et pourtant la mise en scène de Hawks fait complètement oublier ces contraintes. Ces faux-semblants font tout le sel de ce film apparemment très simple, mais riche et passionnant.

Les 5 Gentlemen maudits – de Julien Duvivier – 1931

Posté : 21 mai, 2012 @ 11:59 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Les 5 gentlemen maudits

Cinq amis occidentaux se retrouvent dans une ville sainte de Tunisie, et son maudits par un sorcier local lorsque l’un d’eux bouscule une jeune femme dont il voulait ôter le voile. Le sorcier leur assure qu’ils mourront tous l’un après l’autre, avant la prochaine pleine lune. Le lendemain, l’un d’entre eux se noie accidentellement. Quelques jours après, un deuxième meurt dans un accident d’avion. Puis, un troisième est assassiné. Les deux derniers, un Français devenu millionnaire par héritage, et son ami Anglais, finissent par prendre au sérieux la malédiction, et partent à la recherche du sorcier…

Disons-le tout de suite : Julien Duvivier ne prend absolument pas au sérieux son histoire de malédiction, qui n’est qu’une excuse à peine déguisée pour filmer sa toile de fond. En l’occurrence les rues bondées de monde et baignées de soleil de Moulay-Indriss, cité traditionnelle de Tunisie où les rites vont bon train, et où les vieilles traditions sont toujours en vigueur en ce début des années 30.

On n’est pas loin du documentaire déguisé, mais le film est un témoignage peut-être plus fascinant encore. Parce que rares sont les films de fiction populaire dont la toile de fond est à ce point criants de vérité. Normal : Duvivier tourne sur le vif, avec des acteurs qui se mêlent à la population. Et pourtant, les images sont d’une beauté assez époustouflante. Rien à voir avec les traditionnelles images volées que l’on voit souvent dans les films de fiction. Ici, le cinéaste soigne le moindre de ses plans, jouant avec les « gueules » des autochtones, avec les couchers de soleil, avec la foule en mouvement, avec les champs infinis, ou avec le mystère qui se dégage des ruines.

D’ailleurs, Les 5 Gentlement maudits est avant tout un film visuel. Est-ce l’effet du temps sur la copie ? Est-ce une volonté de Duvivier ? La plupart des dialogues sont difficiles, voire impossibles, à comprendre (seul Harry Baur, dans un rôle qui n’est utile que pour assurer une tête d’affiche au film, est vraiment audible ; à l’exception de Robert Le Vigan, dont la diction est bien plus claire que celle des autres comédiens). Mais qu’importe : le plaisir est de chaque instant dans ce film que Hergé a sans aucun doute vu à sa sortie (on en retrouve des plans entiers dans les cases du Crabe aux pinces d’or).

Un film qui est l’ultime cri d’amour au cinéma muet d’un cinéaste qui a eu du mal à accepter le passage au parlant. Au bonheur des dames était déjà un film muet tardif (tourné par Duvivier en 1930)… Les 5 Gentlemen maudits, le deuxième « talkie » du cinéaste après David Golder, est essentiellement tourné comme un film muet. Avec toute la richesse visuelle que cela implique.

Au bonheur des dames – de Julien Duvivier – 1930

Posté : 30 avril, 2012 @ 6:35 dans 1930-1939, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Au bonheur des dames Duvivier

C’est l’un des derniers films français muets, alors que le parlant s’était déjà généralisé. Et il fallait du courage à Duvivier, pour imposer cette technique considérée alors comme archaïque, pour un film aussi ambitieux que cette adaptation du roman de Zola. Un roman où la foule et le bruit jouent un rôle primordial. Et pourtant, le muet restitue parfaitement ce vacarme d’un nouveau monde : celui des grands magasins qui se développent en condamnant les petites boutiques d’antan. Une époque qui disparaît, une autre qui commence… Un peu comme le cinéma muet, à qui Duvivier offre un dernier soubresaut, mais qui disparaissait déjà au profit du parlant qui remisait les artisans d’hier, aussi talentueux soient-ils, au rang de dinosaures inutiles. Un bel adieu en signe de chant d’amour.

Car cette année-là, l’immense majorité des films français n’étaient rien d’autre que du théâtre filmé (souvent platement), et mal dialogués. Qu’importe la forme pourvu qu’on ait le son. Ici, la caméra de Duvivier se substitue parfaitement au style de Zola pour transcrire ce monde grouillant. Le cinéaste filme remarquablement la foule et son mouvement perpétuel : le bruit omniprésent est clairement tangible, par la seule force des images… Un art narratif qui atteint une sorte de perfection.

Paradoxalement, le son (le bruit, plutôt) est au cœur de ce film muet, qui se fait de plus en plus assourdissant, jusqu’à l’apogée du film, avec un montage alterné ahurissant qui souligne d’une manière incroyable la folie et la rage grandissantes du petit commerçant, Baudu, qui voit son magasin courir à sa perte, sa fille malade mourir de chagrin, et sa nièce (Denise, jeune orpheline jouée par Dita Parlo) tomber amoureuse du patron du grand magasin installé jusqu’en face de chez lui (Pierre de Guingand apporte son charme et son élégance à Mouret, le faux méchant de l’histoire).

Et curieusement, le moment le plus calme du film, ce film où cette cohue semble enfin s’effacer le temps d’un court instant, comme si le monde retenait son souffle, est aussi celui où Dita Parlo prononce l’unique réplique parlée du film : après avoir giflé gentiment un Mouret un peu trop entreprenant, elle s’exclame : « Pardon, je ne l’ai pas fait exprès », réplique douce et désuète qui souligne joliment cette parenthèse enchantée. C’est aussi dans cette scène que Dita Parlo parvient enfin à s’extirper de la ville tentaculaire : son visage se dessine pour la première fois sur un ciel ensoleillé et pur, que ne vient pas perturber le bitume, la foule ou les immeubles. Seule, enfin.

Au bonheur des dames est l’une des plus belles adaptations d’un roman de Zola, bien plus passionnante, par exemple, que le Nana de Renoir. Duvivier, s’il prend quelques libertés, retrouve l’esprit du roman, en évitant tout manichéisme, et en soulignant la mesquinerie des hommes et leur vision étriquée. Du patron du grand magasin ou du petit commerçant de quartier, lequel est le plus coupable ? « Le seul responsable, c’est le progrès », conclut finalement Dita Parlo (et Duvivier), avec une pointe d’amertume, mais en regardant enfin vers l’avenir. Non sans de cruels sacrifices : le progrès est incontournable, mais il a un prix.

Swingtime in the movies (id.) – de Crane Wilbur – 1938

Posté : 19 avril, 2012 @ 4:56 dans 1930-1939, BOGART Humphrey, COURTS MÉTRAGES, GARFIELD John, WILBUR Crane | Pas de commentaires »

Swingtime in the movies

Petit court métrage sans grand intérêt, si ce n’est celui de découvrir les coulisses d’un tournage hollywoodien… version parodique tout de même. Tourné à peu de frais dans les décors de la Warner, le film met en scène un réalisateur tyrannique à l’accent étranger fortement marqué, qui mélange régulièrement les mots. Un clin d’œil à peine voilé à Michael Curtiz, resté célèbre pour avoir réclamé des singes (monkeys) à la place de moines (donkeys) sur un tournage.

Un film sur un tournage de film ? Ce n’est ni une première, ni une dernière. Ici, les gags abondent, rarement drôles : l’humour est lourdingue, les acteurs approximatifs, et le scénario à peu près inexistant.

Mais l’avantage de filmer les coulisses d’un grand studio, c’est qu’on peut utiliser tout ce qui passe pat là : la cantine par exemple, où on assiste à un numéro musical sans le moindre intérêt, mais où on croise aussi quelques stars venues se restaurer et qui se retrouvent jouer les figurants. On croise ainsi Priscilla Lane, sa sœur et John Garfield (qui venaient de tourner dans Rêves de jeunesse… de Michael Curtiz), ainsi que George Brent (qui venait de tourner La Bataille de l’Or… de Michael Curtiz), Pat O’Brien et Humphrey Bogart (qui venaient de tourner Les Anges aux figures sales… de Michael Curtiz). Rien que pour ça…

Up the river (id.) – de John Ford – 1930

Posté : 16 avril, 2012 @ 5:37 dans 1930-1939, BOGART Humphrey, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Up the river

Alors que les détenus d’un pénitencier s’apprêtent à jouer un match de base-ball, un zèbre passe dans la cour. Un vrai zèbre, rayé comme les tenues des prisonniers, et qui se contente de passer dans le champ de la caméra avant de disparaître comme il était venu. Une image fugitive, absurde, qui montre bien que Ford se permet absolument tout dans ce faux film de prison.

« Up the river », c’est une expression argotique qui signifie « en taule ». On ne l’entend d’ailleurs jamais dans le film, mais elle était prononcée par le héros de Born reckless, le précédent film de Ford, qui adoptait déjà un on très léger et une vraie liberté.

Cette histoire d’amitié (et d’amour) derrière les barreaux frôle souvent le grand n’importe quoi. Elle se révèle même parfois idiote, mais sympathique, à l’image de cette scène comique dans parole dans laquelle les quatre détenus d’une même cellule se volent l’un après l’autre les oreillers.

L’esprit du film est toujours bon enfant. Car ce film de prison est tout, sauf une dénonciation des conditions de vie dans les pénitenciers américains (il faudra attendre Je n’ai pas tué Lincoln pour que Ford aborde le problème). Au contraire : les prisonniers (qui s’appellent eux-mêmes « les pensionnaires ») arborent tous un large sourire, sont toujours prêts à s’entraider, entrent dans le bureau du directeur dès qu’ils le veulent, discutent avec les femmes détenues dans la prison voisine, et font copain-copain avec les nouveaux venus.

Pas de méchant à l’horizon dans cette prison (si ce n’est l’indispensable Ward Bond en gros bras plus bête que vraiment méchant), dont le « roi », Spencer Tracy, est prêt à tout pour aider son ami Humphrey Bogart, y compris s’évader pour régler son compte à celui qui le fait chanter, et s’assurer que Bogie épousera bien Claire Luce.
Mais il ne s’évade que pour la bonne cause : pas question de rater le match de base-ball qui se prépare au sein du pénitencier. Un vrai centre de vacances, je vous dis, où la fille du directeur se balade tranquillement et joue avec les prisonniers…

Film très léger et parfois très approximatif, Up the River recèle toutefois quelques moments très fordiens, comme cette première nuit en prison où les masquent tombent discrètement. Alors qu’un groupe de prisonniers chante au loin, la nostalgie apparaît dans les yeux des uns, et le désespoir se transforme en larmes dans ceux des autres. Un passage bref, mais beau.

Bogart, dont c’était le deuxième rôle au cinéma, est un jeune premier très sympathique. Sa mèche rebelle et son look de rebelle de bonne famille font bel effet. Mais on sent Ford plus attiré par le tandem viril et amusant formé par Warren Hymer et Spencer Tracy, dont c’était le tout premier rôle au cinéma. Ces deux-là ont les meilleures scènes du film, souvent muettes.

Doctor Bull (id.) – de John Ford – 1933

Posté : 8 avril, 2012 @ 6:12 dans 1930-1939, FORD John | Pas de commentaires »

Doctor Bull

Une petite ville de province en proie aux premières affres de la modernisation. Des commérages, un couple de charmants jeunes gens, un homme simple observant ses prochains avec une pointe de nostalgie et une profonde bonté… Doctor Bull est une sorte de brouillon de Judge Priest, film-jumeau que John Ford tournera l’année suivante.

« Brouillon », car on trouve dans ce Doctor Bull un esprit et un thème remarquablement proches, et que le héros (un juge là, un médecin de campagne ici) est interprété dans les deux cas par Will Rogers, acteur avec qui Ford commençait une collaboration qui aurait pu être longue et fructueuse s’il n’était pas mort dans un accident d’avion, peu après le tournage de Steamboat round the bend.

Rogers interprète l’un de ces personnages qu’il affectionne : un médecin confronté aux manigances et aux bassesses de ses semblables, alors que lui-même ne rêve que de profiter de moments de calme et de tranquillité avec la veuve avec laquelle il entretient une liaison sage loin du tumulte environnant (ah ! ce rêve de charentaises au coin du feu…), ce qui déchaîne les commérages les plus méprisants.

Ford va parfois très loin dans son propos, n’évitant pas les excès démonstratifs : la guérison miracle qui intervient dans le film et qui souligne la supériorité de la médecine de campagne (la tradition rurale) face à aux grands scientifiques (la modernité), est énorme !

Mais ce qui est beau dans ce film, ce sont les petits moments en marge : les soirées hors du temps de Will Rogers avec son amie, le énième accouchement d’une mama italienne dans une maison pleine de vie, cette vieille guimbarde qui sillonne des rues qui sentent encore le crottin de cheval, l’apparition fugitive du médecin à son procès…

Doctor Bull n’a pas la puissance nostalgique du beau Judge Priest, ni la richesse narrative de Steamboat round the bend, mais ce premier volet du triptyque Rogers/Ford séduit par ces moments en creux, et par son rythme délicieusement nonchalant. Une ode sincère et d’un autre temps à une certaine douceur de vivre…

Le Secret magnifique (Magnicicent Obsession) – de John M. Stahl – 1935

Posté : 7 avril, 2012 @ 9:52 dans 1930-1939, STAHL John M. | Pas de commentaires »

Le Secret Magnifique — Stahl

Le Secret magnifique, pour la postérité, c’est avant tout le sublime mélodrame réalisé par Douglas Sirk en 1954. Comme pour d’autres de ses chef d’œuvres des années 50, Sirk a puisé son inspiration dans la filmographie de John M. Stahl, maître oublié du mélo des années 30, resté dans les mémoires pour un film noir en couleurs avec une Gene Tierney très troublante : Péché mortel. On peut comprendre la postérité : le film de Sirk surpasse de beaucoup celui de Stahl.

Les deux films, adaptés d’un roman de Lloyd C. Douglas, sont sur le papier très semblables. Un chirurgien aimé de tous meurt car l’appareil respiratoire qu’il a inventé était utilisé, lorsqu’il en avait besoin, pour ramener à la vie un riche playboy gâchant ses talents dans une vie oisive et égoïste. Rongé par le remord, ce dernier tente de se racheter aux yeux de la veuve du docteur, dont il tombe amoureux. Il découvre aussi la philosophie de vie altruiste de sa « victime ». Mais lorsqu’il tente de l’appliquer, sans la comprendre vraiment, il cause sans le vouloir un accident, qui rend la veuve aveugle.

Pourtant, les deux films sont très différents. Alors que le film de Sirk est une brillante mise en image des émotions les plus fortes, celui de Stahl est, dans sa première partie en tout cas, étonnamment statique et démonstratif. Un peu prisonnier de son scénario, Stahl se repose totalement sur le dialogue pour introduire des personnages qui auraient mérité d’avantage de finesse. Sirk définissait la vacuité de l’existence du playboy interprété par Rock Hudson par la grâce et la subtilité de sa mise en scène. Stahl, lui, se contente de présenter son Robert Taylor de playboy par une série de dialogues un peu lourds et sans vie. Surnage toutefois la prestation décalée d’un Charles Butterworth irrésistible en souffre-douleur éternellement digne, qui apporte une touche comique très réussie.

Mais il faut attendre la cécité de l’héroïne (Irene Dunne, très émouvante mais moins complexe que Jane Wyman dans le film de Sirk) pour que l’émotion éclate enfin, et que le talent de Stahl rende enfin justice à son matériau. Pour qu’on passe du simple scénario illustré au vrai cinéma. Et du beau cinéma, lacrymal comme on l’aime et assez bouleversant.

Mais Stahl n’en rajoute pas dans les grands violons : sa mise en scène est discrète et sensible, et ses acteurs d’une sobriété exemplaire. Robert Taylor en tête, qui trouve ici l’un de ses grands rôles de jeunesse. La magie opère alors totalement. Et même lorsque Stahl arrive à la grande scène : celle de la promenade dans un Paris nocturne de carte postale, le film est d’une sensibilité extrême qui touche au cœur.

Le Général est mort à l’aube (The General died at dawn) – de Lewis Milestone – 1936

Posté : 25 janvier, 2012 @ 2:31 dans 1930-1939, COOPER Gary, MILESTONE Lewis | Pas de commentaires »

Le Général est mort à l'aube

Gary Cooper a un petit côté Indiana Jones avant l’heure dans ce chef d’œuvre méconnu qui a pourtant tout de la machine à créer un mythe ! Un sujet en or, un couple plus glamour tu meurs (Cooper et Madeleine Carroll), un cinéaste exceptionnel (Lewis Milestone, incroyablement inspiré)… Résultat : un film extraordinaire où les petits drames humains et le souffle de la grande histoire sont inexorablement liés.

Les premières minutes évoquent curieusement le Shanghai Express de Josef Von Sternberg : mêmes personnages occidentaux impliqués dans une guerre civile chinoise qui n’est pas la leur, même importance d’un train, même vision de la ville traditionnelle et baignée dans la brume. Pourtant, le film de Milestone s’éloigne bien vite du chef d’œuvre de Sternberg. Le thème lui-même n’est pas le même : ce qui intéresse le cinéaste, c’est ce personnage de mercenaire au grand cœur tiraillé par ses contradictions, que joue merveilleusement Cooper.

Aventurier décidé à mettre sa vie au profit d’une grande cause, Cooper est aussi tiraillé par sa petite condition d’homme. Seul au milieu d’une société qui n’est pas la sienne, il ne peut résister à l’attirance irrépressible qu’exerce sur lui Madeleine Carroll (on le comprend), attiré sans doute autant par elle que par la société occidentale qu’elle représente à ses yeux.

Mais il y a un piège derrière cette tentation trop belle : la douce Madeleine attire (sans le vouloir vraiment, mais un peu quand même) le beau Gary dans un piège qui pourrait lui être fatal, mais qui pourrait sauver la vie de son père, un traître sans scrupule qui n’est salaud que pour pouvoir se payer le voyage qui lui permettra de vivre ses derniers mois dans SON Amérique. Un déraciné, comme le personnage de Cooper.

C’est ce qui fait le sel de ce grand film d’aventures étonnamment intimiste : l’Histoire est là, en marche, mais la caméra ne quitte jamais vraiment les êtres humains, des personnages que l’Histoire retiendra sans doute, qui réalise sans aucun doute leur destinée, mais qui donnent pourtant l’impression de ne pas être à leur place. C’est aussi le cas du grand méchant du film, un général chinois sanguinaire (interprété par Akim Tamiroff) qui dissimule, de plus en plus mal, des fêlures qui tranchent avec le côté absolu de sa tyrannie.

Le Général est mort à l’aube (quel beau titre !) est ainsi parsemé de séquences impressionnantes et bouleversantes : au-delà du suspense, il y a surtout le malaise et le mal-être des personnages, incapables de trouver leur place dans un monde complètement fou. Dans ce chaos en marche, la romance potentiellement mortelle entre Madeleine Carroll et Gary Cooper fait figure de refuge bien peu réconfortant…

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