Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie '1930-1939'

Le Chien jaune – de Jean Tarride – 1932

Posté : 11 décembre, 2012 @ 2:59 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, d'après Simenon, Maigret, TARRIDE Jean | Pas de commentaires »

Le Chien jaune

En 1932, Simenon est adapté pour la première fois au cinéma, et à deux reprises : par Jean Renoir avec La Nuit du Carrefour, et par Jean Tarride avec ce Chien jaune, les deux premiers Maigret d’une très longue liste. Petite anecdote amusante, mais pas facile à caser dans un dîner en ville : dans ces deux films, le réalisateur dirige un membre de sa famille dans le rôle du commissaire Maigret, son frère aîné Pierre pour Jean Renoir, et son père père Abel pour Jean Tarride.

Tiré d’un très grand roman, Le Chien jaune a tout pour être une grande réussite. Tarride suit à la lettre le livre de Simenon, adopte les mêmes décors (réels) : les ruelles de Concarneau, son port, sa campagne, et le petit hôtel de l’Amiral où Maigret passe le plus clair de son temps à observer les va-et-vient de la populace locale. Tarride filme les rues obscures et venteuses, s’attache à la vie qui s’installe dans cette petite communauté.

Bref, il fait tout comme Simenon. Sauf que l’écrivain a du style, et qu’il sait mieux que quiconque instaurer une ambiance en une phrase. Tarride n’a pas ce talent. Le Chien jaune peine à créer une atmosphère, la faute aussi à des acteurs qui déclament leur texte, et peut-être plus que tout à un Maigret antipathique.

Abel Tarride a beau avoir le physique imposant du commissaire, il est constamment à côté de la plaque. Dans les romans de Simenon, Maigret est une masse qui se fond dans l’environnement qu’il découvre. Incarné par Abel Tarride, c’est un être intrusif, brutal et peu aimable.

Plus connu comme dramaturge que comme acteur (même s’il a quelques films muets derrière lui), Abel Tarride n’est guère convaincant. A vrai dire, il donne l’impression d’être un père filmé par un fils qui veut le mettre en valeur. Un fils qui ne voit pas que ce Maigret-là n’est pas à la hauteur du personnage.

Le film vaut surtout pour son intérêt historique, et pour quelques séquences nocturnes bien troussées.

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939

Posté : 6 décembre, 2012 @ 7:52 dans 1930-1939, BOND Ward, CARRADINE John, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sur la piste des Mohawks (Drums along the Mohawk) – de John Ford – 1939 dans 1930-1939 sur-la-piste-des-mohawks

1939 est souvent considéré comme la plus grande année du cinéma américain. On pourrait ajouter que c’est aussi l’année la plus faste de John Ford. En quelques mois (et alors qu’il tourne Les Raisins de la Colère) sortent sur les écrans La Chevauchée fantastique, Vers sa destinée, et ce Sur la piste des Mohawks. Une liste tout simplement hallucinante !

Dans cette série de chefs d’œuvre, ce dernier film fait presque figure de curiosité, tant il est méconnu. Drums along the Mohawk, premier film en couleurs de Ford, est pourtant tout aussi réussi que les autres. En tant que formaliste, Ford est au sommet. Il n’a pas encore adopté le dépouillement relatif qui marquera ses films d’après-guerre, et chaque plan de ce film impressionne par la beauté pictural de ces cadres, et par l’utilisation des couleurs.

Le choix d’utiliser la couleur, après plus de vingt ans de cinéma, ne doit visiblement rien au hasard. La couleur est ici totalement au service du sujet : la place des pionniers américains vivant à la « frontière » en 1776, lors de l’indépendance des Etats-Unis. Les couleurs, vives et chaudes, rehaussent l’importance de cette nature à la fois sublime et hostile, d’où les Indiens (à la solde des Anglais) surgissent comme par magie, menaces quotidiennes sur la vie de ces pionniers.

Le vert des forêts, le jaune des moissons, le rouge des couchers de soleil… Les couleurs vives sont omniprésentes et envoûtantes, et semblent justifier l’amour que les pionniers ont pour ces terres isolées et éloignées des grands événements historiques qui se déroulent simultanément à l’action du film : la guerre pour l’indépendance, dont on ne voit que des menaces lointaines, l’arrivée de messagers porteurs de nouvelles inquiétantes, ou le retour d’hommes meurtris.

Ford s’intéresse à une poignée d’hommes et de femmes qui ont décidé de s’installer loin de la civilisation, dans un pays qui reste à construire, où tout reste à faire. La ferme qu’achètent Henry Fonda et Claudette Colbert symbolise parfaitement ces contrées encore sauvages : la terre est défricher, la maison est à construire ; et même là, rien n’est jamais acquis pour de bon… A travers le destin de ce couple qui quitte la civilisation pour s’installer loin de tout, dans un pays où les « voisins » les plus proches se trouvent à des heures de cheval, Ford raconte l’histoire de tous ces pionniers qui ont accompagné la naissance des Etats-Unis.

Sur la piste des Mohawks est sans doute le meilleur film consacré à cette période, notamment parce qu’il reste constamment à hauteur d’hommes, ne montrant de l’histoire en marche que ce que les pionniers en voyaient.

C’est aussi un petit chef d’œuvre de mise en scène, qui utilise constamment brillamment les décors naturels. L’apogée du film : une course poursuite à pied ébouriffante, dans le soleil levant et à travers l’immensité de la nature, où Fonda court chercher de l’aide, les Indiens attaquant le fort dans lequel se sont réfugiés les pionniers. Un moment de cinéma qui ne ressemble à aucun autre, absolument sublime.

• Le film est disponible dans un coffret formidable réunissant trois chef d’œuvre de Ford de la fin des années 30, avec Vers sa destinée et Je n’ai pas tué Lincoln. Trois grands films visuellement splendides ayant pour toile de fond la naissance des Etats-Unis.

Le Roi du Bluff (The Half-naked truth) – de Gregory La Cava – 1932

Posté : 29 novembre, 2012 @ 3:16 dans 1930-1939, LA CAVA Gregory | Pas de commentaires »

Le Roi du bluff

Prince oublié de la comédie américaine, Gregory La Cava signe avec ce Half-naked truth un film au rythme trépidant, et à l’inspiration débridée. Un petit chef d’œuvre de mise en scène sans la moindre baisse de régime, porté par un Lee Tracy survolté, lui aussi vedette de la comédie tombée dans les limbes de l’oubli.

Tracy, acteur filiforme gorgé d’énergie brute, est ici un bateleur de fête foraine qui, après une soirée qui se termine mal, part avec son pote roi de l’évasion (l’indispensable Eugene Pallette) et la fougueuse « Mexicaine » (Lupe Velez) direction Broadway, où il espère bien faire de la belle une star.

« Espérer » n’est d’ailleurs pas le mot qui convient : Tracy a une confiance en lui, un culot et une force de persuasion assez incroyables. Et il obtient très exactement ce qu’il cherche. Mais la célébrité et la richesse ont leur revers, etc, etc… On voit bien où La Cava veut arriver : l’argent et la gloire ne font pas le bonheur, et une suite luxueuse d’un grand palace ne remplacera jamais la bonne vieille sciure d’une piste de cirque.

Qu’importe : l’important n’est pas le but, mais le chemin. Et ce chemin est totalement fou. En 1h15, on assiste à l’ascension et la chute d’un artiste, à l’arrivée d’une princesse turque, à un défilé de nudiste dans les rues de New York, à l’irruption d’un lion dans une suite impériale… Et pendant 1h15, Lee Tracy est une tornade bondissante, à qui rien ne résiste, et surtout pas le pauvre Frank Morgan, grand homme de théâtre dépassé par ce type que rien n’arrête, et qui le pousse au bord de la dépression nerveuse.

Les paillettes, le monde du spectacle et celui de la presse, en prennent un sacré coup au passage.

Co-scénariste et réalisateur, La Cava est constamment inspiré. Dès la première séquence, qui nous plonge littéralement dans le bain : la caméra filme en plongée vertigineuse (c’est le cas de le dire) un homme plongeant de trente mètres de haut dans un mètre cinquante d’eau. Le plan est saisissant, comme toute l’introduction, où La Cava utilise à merveille toutes les possibilités de son décor de foire.

Suivent quelques éclats de génie, comme cette utilisation exceptionnelle de la bande son dans une scène clé du film, lorsque Lee Tracy se retrouve seul, sans ses proches, et où le moindre bruit lui évoque les musiques de la fête foraine. C’est tout simplement brillant.

Impressionnant aussi de voir à quel point, en 1932, La Cava maîtrise déjà tout du cinéma parlant : le rythme des dialogues, la bande son… Injustement ignoré au profit de Lubitsch ou Capra, La Cava est un cinéaste tout aussi passionnant, plus « canaille » et acerbe, et tout aussi drôle. Et ce Half-Naked truth, comme My Man Godfrey, son film le plus célèbre, est un chef d’œuvre.

Mary (Sir John greift ein) – d’Alfred Hitchcock – 1931

Posté : 16 novembre, 2012 @ 7:30 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Mary

Drôle d’expérience, de découvrir ce méconnu Mary après avoir revu Meurtre !, l’un des bijoux oubliés du jeune Hitchcock : Mary est la version allemande du précédent. A une époque, les premières années du parlant, où le doublage n’existait pas encore, et où de nombreuses productions françaises et anglaises étaient tournées simultanément dans la langue originale, et en allemand pour l’important marché outre-Rhin, Mary est l’unique version allemande d’un de ses films que tourne Hitch lui-même.

Les décors sont les mêmes, le scénario est le même. On imagine bien Hitchcock boucler ses scènes anglaises, et enchaîner en dirigeant ses acteurs allemands pour « l’autre film ». Car les deux films sont quasiment identiques, les acteurs ne sont pas les mêmes. D’où, lorsqu’on voit les deux films à la suite comme votre serviteur l’a fait, l’étrange impression d’avoir vécu une expérience rare.

Malgré leurs similitudes, avantage certain à la version anglaise originale. Pour la version allemande, Hitchcock semble avoir traité avec un peu plus de nonchalance un certain nombre de séquences : la première apparition de Fane, comédien travesti en femme dont l’ambiguïté sexuelle disparaît d’ailleurs presque entièrement de la version allemande ; la fameuse séquence du miroir avec le dilemme moral du héros illustré en musique, plus platement ici ; ou encore celle du repas entre Sir John et le couple de modestes régisseurs, qui reste amusante, ne va plus aussi loin dans le contraste entre deux mondes. Exit aussi le tapis très épais dans lequel semblent s’enfoncer les invités.

La fin est également nettement moins romantique et originale (un rideau de théâtre qui tombait dans la version anglaise, les deux héros à l’arrière d’une voiture ici). Quant à Alfred Abel, solide acteur habitué des films de Fritz Lang (Docteur Mabuse, Metropolis), sa prestation est bien moins suave et habitée que celle d’Herbert Marshall. Même les « défauts » de la version anglaise semblent manquer ici, comme les étranges hésitations du juré n°1 qui se trompait en comptant les papiers « coupables » et « non coupables ». Mine de rien, tout est un peu plus lisse, dans cette version allemande.

Voilà pour le jeu des sept différences. Mais Mary reste un film virtuose et passionnant, comme sa version originale. Et c’est une curiosité incontournable pour tout vrai passionné de Sir Hitchcock.

Safe in Hell (id.) – de William A. Wellman – 1931

Posté : 8 novembre, 2012 @ 12:00 dans 1930-1939, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

Safe in hell

Film méconnu du grand Wellman, Safe in Hell a été tourné durant cette parenthèse enchantée pour le cinéma américain, entre la fin de la Prohibition et la mise en place du code de censure Hayes, ces quelques mois durant lesquels on pouvait boire et fumer sur grand écran, où la violence physique et psychologique pouvaient aller vraiment loin, et où un cinéaste pouvait se passer d’un happy end artificiel et dire merde à la morale…

Dans cette petite perle noire, romantique mais désespérée, Wellman ne se prive pas d’utiliser au maximum toutes ces possibilités. Son héroïne, interprétée par une Dorothy Mackaill belle et touchante, rayonnant d’érotisme troublant, et au jeu d’une modernité impressionnante, se prostitue parce que son marin de fiancé l’a laissée pour passer de longs mois en mer. Elle passe la moitié du film en nuisette (une habitude pour les comédiennes du début des années 30), se saoule avec d’autres hommes qui meurent tous d’envie de coucher avec la belle, et qui multiplient les allusions ouvertement sexuelles, qui ne sont pas pour lui déplaire… Difficile d’imaginer un tel personnage, quelques mois plus tard !

La belle, donc, laissée seule à la Nouvelle Orléans, croit avoir tué l’un de ses « clients » d’un soir. Son fiancé, enfin de retour, découvre qu’elle vendait ses charmes, mais décide de l’aider malgré tout à fuir. Ils embarquent alors à destination d’une île des Caraïbes, où se réfugient toutes sortes d’hommes recherchés par la justice, et que l’arrivée de cette belle jeune femme va troubler au plus haut point…

Autant dire, et sans dévoiler la fin, que le jeune marin va se mordre les doigts toute sa vie d’avoir choisi cet enfer sur terre pour installer sa belle, que ce grand nigaud à baffer laisse une nouvelle fois seule pour repartir en mer. On peut pas dire qu’il apprenne beaucoup des erreurs du passé, celui-là…

La mise en scène de Wellman (qui signe cette même année L’Ennemi public, avec Cagney) impressionne, notamment lors de la première séquence entre les deux fiancés, où l’utilisation des cadrages, du montage, est brillantissime. Le culot du cinéaste, et le ton libre et cruel qu’il donne à son film, est tout aussi impressionnant. Safe in hell… Un titre douloureusement ironique qui résume parfaitement l’esprit de cette curiosité assez formidable.

What price Hollywood ? (id.) – de George Cukor – 1932

Posté : 10 octobre, 2012 @ 12:50 dans 1930-1939, CUKOR George | Pas de commentaires »

What price Hollywood

Une star d’Hollywood donne sa chance à une petite serveuse, qui devient en quelques films l’une des plus grandes stars, pendant que la carrière de son pygmalion périclite… Plus le nom de sa protégée monte au fronton des cinémas, plus il s’enfonce dans la dépression et l’alcoolisme. Il finit par tout perdre. L’histoire vous dit quelque chose ? Normal, le film de Cukor a inspiré A Star is born (dont Cukor lui-même réalisera la deuxième version, en 1954), et il est l’une des inspirations revendiquées pour The Artist. Tout le début du film de Cukor a été repris fidèlement par Michel Hazanavicus dans son film muet.

Le réalisateur français s’est consacré uniquement au destin croisé de ses deux stars. Le film de Cukor, lui, est plus foisonnant, ou plus brouillon, c’est selon. What Price Hollywood ? semble plus spontané, moins construit. Surtout, on sent que Cukor, grand filmeurs de femmes, est bien plus intéressé par la petite serveuse qui devient une grande star que par le personnage du réalisateur Max Carey. C’est dommage, parce que le personnage interprété par Lowell Sherman est passionnant, et l’alchimie avec Constance Bennett, dans le rôle principal, est de celles qui forgent les légendes. Mais au fil du film, la relation entre ces deux-là devient secondaire, Cukor lui préférant celle nettement plus convenue et moins intéressante de la jeune star avec son mari (Neil Hamilton, charmant mais un peu transparent). Le destin tragique de Max n’est alors pas aussi bouleversant qu’il devrait l’être…

Constance Bennett, elle, trouve un rôle en or : à la fois belle et émouvante, légère et grave, drôle et tragique… Un rôle complexe et d’une extrême richesse, qu’elle assume avec talent. Me souviens pas l’avoir vue aussi juste et pleine de nuances que dans ce rôle.

Le film est aussi, et surtout, l’une des visions les plus passionnantes du Hollywood de l’âge d’or. La manière dont Cukor filme les studios évite les clichés, et nous fait réellement pénétrer au cœur de la machine à rêve. On empreinte les portes dérobées, on déambule dans les larges allées ou entre les câbles et les cordes des décors, et on a l’impression d’être de la famille. Et si le côté « machine » est bien perceptible, l’aspect « rêve » l’est tout autant. Alors que la plupart des films sur le cinéma dénonce le cynisme et la cruauté d’Hollywood, Cukor, lui, filme son milieu de travail avec amour et tendresse, sinon avec bienveillance. Visiblement pas blasé par l’usine à rêve, il n’élude pas le côté autodestructeur de certaines idoles. Mais il aime Hollywood, et ça se sent.

Les Piliers de la Société (Stützen der Gesellschaft) – de Douglas Sirk (Detlef Sierck) – 1935

Posté : 8 octobre, 2012 @ 7:00 dans 1930-1939, SIRK Douglas | Pas de commentaires »

Les Piliers de la Société (Stützen der Gesellschaft) - de Douglas Sirk (Detlef Sierck) – 1935 dans 1930-1939 les-piliers-de-la-societe

C’est l’un des premiers films de Sirk (qui s’appelait encore Detlef Sierck), et l’une des plus personnelles de ses œuvres de jeunesse. Ce Danois installé en Allemagne adapte en effet l’une des œuvres les plus célèbres d’Ibsen, et dépeint une bourgeoisie du Danemark complexe, à la fois pilier incontournable d’une société à qui elle donne un cadre et une direction, et rongée par l’hypocrisie et le mensonge.

Le consul Bernick résume parfaitement la complexité du propos : lui qui aime se présenter comme le plus important de cette société, armateur qui fait vivre des centaines de personnes sur ses chantiers, le fait au détriment de centaines d’autres, qu’ils conduit à la ruine, voire à la mort (les deux vont souvent ensemble). Quant à son empire et à son statut social, il les doit à un double mensonge, fait au détriment de son beau-frère qui – la belle aubaine – était parti vivre dans les grands espaces américains, loin de cette société étouffante. Sauf que le beauf, après des années d’exil, est de retour…

Stylistiquement parlant, Sirk est encore un peu brouillon. La force, déjà réelle, de sa mise en scène, n’a pas l’élégance de ses grands mélos à venir. Et on le sent peu à l’aise avec le grand moment de bravoure : un naufrage durant une tempête dont on ne voit que des gros plans de vagues qui se répètent, et viennent frapper le pont d’un bateau vaguement reconstitué en studio. Au niveau du rythme, c’est parfait ; mais l’impression de sympathique bricolage nous laisse un peu en marge du drame qui se noue.

Les personnages, eux, inspirés d’Ibsen, sont la grande force du film. Le consul, en particulier, est un personnage proprement monstrueux. Physiquement imposant (on pense au Falstaff de Welles), il est d’une complexité rare, monstre d’égoïsme qui se voit comme un bienfaiteur, mais n’agit au fond jamais pour le bien général. Egoïste qui s’ignore, il réalise trop tard la portée de ses décisions (et l’impact de sa fortune) sur la vie des petites gens…

Sirk n’atteindra la pleine valeur de son art qu’aux Etats-Unis, plus d’une dizaine d’années plus tard. Mais il y a dans ces Piliers… les bases d’une œuvre géniale et très cohérente.

Miracles à vendre (Miracles for sale) – de Tod Browning – 1939

Posté : 3 octobre, 2012 @ 2:40 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, BROWNING Tod | Pas de commentaires »

Miracles à vendre

C’est un fait : l’arrivée du parlant (et la mort de Lon Chaney) a marqué une rupture forte dans la carrière de Tod Browning. Après Dracula, et surtout Freaks, peut-être le sommet de son œuvre, en tout cas le point culminant de toutes ses névroses de cinéaste, Browning a continué sa carrière avec une poignée de films plus inégaux, plus dispensables, et surtout beaucoup moins marqués par la noirceur et le pessimisme immenses de ses films précédents.

Miracles for sale est ainsi une petite distraction rare dans l’œuvre de Browning, une comédie légère et joyeuse très loin du tragique de L’Inconnu par exemple. Pourtant, Browning retrouve une nouvelle fois le monde du music-hall et ses faux-semblants, qui constituent l’essentiel de son œuvre. Comme Lon Chaney dans West of Zanzibar, Robert Young interprète ici un magicien. Mais le propos est radicalement différent, cette fois.

Ici, Browning s’amuse avec les apparences, les décors de théâtre, les trucages. C’est même tout le fond d’un film basé sur une enquête policière teintée de surnaturelle, extrêmement compliquée à suivre. D’ailleurs, on ne tarde pas à décrocher de cette intrigue tarabiscotée, que je n’essaierai même pas de résumer ici.

Qu’importe : l’intérêt réside dans la frontière, ténue, entre le paranormal et la réalité. Pas comme une interrogation profonde sur les forces de l’au-delà, mais comme un récit très ludique sur l’art de l’illusion. Car le personnage principal n’est pas seulement magicien, c’est aussi un grand septique, qui tente d’expliquer avec toute sa rationalité les phénomènes étranges auxquels on assiste, et qui finissent par convaincre les policiers de l’existence de forces surnaturelles. Après un premier quart d’heure un peu poussif, ce jeu devient même assez brillant, et surtout très entraînant.

Amusant et plutôt enthousiasmant, le film tire continuellement un petit sourire, grâce aussi à une poignée de seconds rôles qu’on aime, comme cet éternel râleur de William Demarest, ou encore le père vaguement grognon et haut en couleur de Robert Young, interprété par Frank Craven.

Browning, qui ne tournera plus aucun film, termine sa carrière sur une œuvre mineure, mais très plaisante.

L’Homme qui en savait trop (The Man who knew too much) – d’Alfred Hitchcock – 1934

Posté : 7 septembre, 2012 @ 5:28 dans * Polars européens, 1930-1939, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

L'Homme qui en savait trop 34

Hitchcock trouve définitivement son créneau avec ce film dont on a tendance à sous-évaluer l’audace : derrière le flegme et la légèreté apparents de ce polar british, au-delà de l’impression que tout est filmé avec une certaine indolence, Hitchcock glisse une noirceur et une violence de propos assez inattendues…

La longue fusillade de fin en est un bon exemple : Hitchcock y souffle le chaud et le froid d’une manière particulièrement audacieuse. A la fois pleine d’humour (le chef de la police qui boit son thé imperturbable tandis que les coups de feu secouent le quartier), grinçante (les policiers qui ne peuvent répliquer au déluge de feu parce qu’ils ne sont pas armés), et d’une violence assez rare. Car cette fusillade est une véritable boucherie qui n’a rien de fun : flics et voyous y meurent sous les balles.

Avec ce mélange des styles, mine de rien, Hitchcock se montre grave et évoque la perte de l’innocence. La petite Nova Pilbeam (qui sera trois ans plus tard une belle héroïne hitchcokienne dans Jeune et Innocent) ne sortira pas indemne de cette histoire dont elle est le moteur passif. Et quand une jeune femme en petite tenue, débordant de vie et d’insouciance, cède sa chambre à des policiers en mission, c’est la mort qu’elle laisse entrer dans son environnement. Comme le Royal Albert Hall, lieu prestigieux des grandes festivités londoniennes, se transforme en théâtre mortel…

L’histoire est strictement la même que dans le remake que signera Hitchcock lui-même deux décennies plus tard (la neige de Saint-Moritz sera remplacée par le soleil du Maroc, et le Français Pierre Fresnay par le Français Daniel Gélin) : un couple en vacances découvre un projet d’attentat, dont les auteurs enlèvent leur enfant pour les pousser à garder le silence. Même trame, et même climax, dans ce Royal Albert Hall où un coup de cymbale doit coïncider avec le coup de feu mortel, avec une même montée en puissance, la même puissance, et le même cri libératoire.

Dans cette première version, la mise en scène d’Hitchcock est moins sophistiquée que dans celle de 1956. Mais elle est tout de même d’une grande inventivité, et regorge de grandes idées. L’apparition de Pierre Fresnay en sauteur à ski par exemple, malgré des transparences très approximatives, est d’une grande originalité, et plonge immédiatement le spectateur au cœur de l’action.

Et si le jeu de Leslie Banks n’a pas la force et les nuances de celui de James Stewart, le couple qu’il forme avec Edna Best ne manque pas non plus de charme. Quant à Peter Lorre, impressionnant en tueur stoïque au milieu des balles, il est inoubliable, dans une composition qui évoque celle de James Cagney dans White Heat (avec une relation trouble avec une femme qui pourrait être sa mère, étonnant parallèle avec le film à venir de Walsh). C’est son premier film hors d’Allemagne, et on sent que Hitchcock est fasciné par l’interprète de M le maudit. Encore un point commun avec Fritz Lang…

L’Incendie de Chicago (In old Chicago) – de Henry King – 1938

Posté : 5 septembre, 2012 @ 12:52 dans 1930-1939, KING Henry, WESTERNS | Pas de commentaires »

L'Incendie de Chicago

La première séquence est absolument magnifique. Dans le soleil couchant, sortant de l’immense obscurité du désert, comme venant de nulle part, un chariot tiré par deux chevaux amène une famille vers la toute jeune cité de Chicago, guère plus grande alors que ces villes du Far West qui peuplent les westerns. Mais le père n’y arrivera pas, victime d’un accident stupide, le destin le privant de cette ville pleine d’avenir dont il rêve tant. « Enterrez-moi ici, je n’ai pas réussi à aller jusqu’à Chicago, c’est Chicago qui viendra jusqu’à moi », lance-t-il à sa femme et à ses trois jeunes enfants avant de rendre l’âme…

Cette famille d’immigrés irlandais, les O’Leary, seront les symboles de cette ville américaine en pleine expansion. Car si le film parle de la naissance et de la folie grandissante d’une ville à la fois belle et malsaine, il le fait à travers le destin de cette famille, ce « clan pas comme les autres ». La mère courage, garante de l’esprit américain, fera de ses enfants des stéréotypes du rêve américain. Le plus jeune fondera une famille mixte en épousant une immigrée allemande. Le plus âgé deviendra avocat, puis maire de Chicago. L’autre sera l’homme puissant de l’ombre, du genre à plier la loi à ses intérêts plutôt qu’à se plier à la loi.

Evidemment, entre les frères, on sait que l’entente ne peut pas durer. Surtout quand une femme entre en scène. Suivront magouilles, tricheries, mensonges, déceptions, trahisons… Mais il faudra attendre l’ultime péché du fils perdu (Tyrone Power) pour que le destin se décide à punir la famille, et donc la ville entière : un incendie immense (et historique) qui ravage toute la vieille ville, faisant table rase d’un passé basé sur le vice et le crime.

Le film est typique de la production hollywoodienne de l’époque : l’incroyable savoir-faire de la machine à rêve est au service d’un message biblique qui cristallise les valeurs américaines. Ce que résume le discours final, assez pénible, de la mère O’Leary. Pas de rédemption sans destruction, du passé faisons table rase. Au sens propre.

Mais il y a ce fameux savoir-faire, et le talent immense d’Henry King, qui réussit parfaitement à faire vivre ses personnages, et à faire ressentir le pouls de cette ville séduisante et répugnante à la fois, magnifique reconstitution du Chicago des années 1870. Le grand moment de bravoure est également à la hauteur de l’attente : les vingt-cinq minutes hyper spectaculaires de l’incendie restent d’une force impressionnante.

Le film aurait toutefois gagné à être (beaucoup) plus long : on sent que King et son monteur ont été tenus par les exigences des studios, et que de nombreux épisodes de cette fresque ont dû être supprimés (sans doute jamais tournées), ou écourtés au maximum. Résultat : le film n’a pas ce souffle historique et épique qu’il aurait dû avoir, et certaines ellipses nuisent à la force du film.

Dommage, parce que la rivalité entre les deux frères (Power et Don Ameche) tient toutes ses promesses. C’est de cet affrontement que naît l’émotion, c’est sur cette relation d’amour-haine que King base tout son film : la descente aux enfers et la résurrection de toute une ville…

1...2930313233...37
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr