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Archive pour la catégorie '1930-1939'

Marius – de Alexandre Korda et Marcel Pagnol – 1931

Posté : 16 juillet, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, KORDA Alexandre, PAGNOL Marcel | Pas de commentaires »

Marius

Fanny aime Marius. Marius aime Fanny. Mais deux choses freinent leur amour. D’abord, leur pudeur de jeunes gens. Et puis, l’appel de la mer, l’envie d’ailleurs qui ronge Marius de l’intérieur.

De cette histoire toute simple, Marcel Pagnol (véritable auteur, même si la mise en scène est assurée par Alexandre Korda) tire un film magnifique, qui réussit à tirer sourires et larmes dans le même mouvement. Un film où le verbe haut et chaud du vieux port de Marseille n’est qu’un voile pudique qui dissimule mal une immense tendresse.

La tendresse d’un père et de son fils, César et Marius, immense Raimu face à un Pierre Fresnay particulièrement intense. On la sent constamment, cette tendresse, jusque dans la violence feinte de leurs engueulades. Mais quand ils baissent la garde et qu’ils s’avouent des maladroits « je t’aime bien » entrecoupés de longs silences et de regards étonnés, l’émotion est immense, et le moment est magique.

C’est la même tendresse qui se cache (mal) derrière la mère si exubérante (Alida Rouffe), ou derrière le voisin si soupe au lait, Panisse (Charpin). Dans ce petit bout de quartier dont on ne sort jamais, c’est un microcosme plein de vie que filment Pagnol et Korda (l’un aux commandes, l’autre à la pure mise en scène), avec les petites mesquineries et les grands sacrifices dont sont capables les hommes.

C’est presque une version condensée de la condition humaine, avec fort accent marseillais (à peine pesant les premières minutes), soleil écrasant, et voiles qui bouchent l’horizon.

Le film est beau, parce que les acteurs sont formidables. Il ne faut pas oublier Oriane Demazis, en grande amoureuse sacrificielle, dont le jeu est un peu plus daté que celui de ses camarades, mais bien émouvante tout de même. Il est beau aussi parce qu’il y a dans la simplicité du procédé une intensité et un rythme exceptionnels.

Pagnol, d’ailleurs, n’a pas besoin de se départir du dispositif théâtral original, avec personnages qui entrent et sortent des différents plateaux. Nul besoin de rajouter des extérieurs inutiles. Grand dramaturge, il est aussi un grand cinéaste, et son œuvre parfaitement cinématographique. Et bouleversante.

La Lumière verte (Green Light) – de Frank Borzage – 1937

Posté : 15 juin, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, BORZAGE Frank | Pas de commentaires »

La Lumière Verte

Après la mort d’une patiente, un chirurgien décide de garder pour lui l’erreur fatale commise par son confrère, et endosse la responsabilité. Mais quand il rencontre la fille de la défunte, c’est le coup de foudre… jusqu’à ce qu’elle découvre qui il est.

Le drame médical n’est pas un genre qui m’enthousiasme particulièrement habituellement, ni dans la littérature, ni au cinéma. Mais celui-ci étant signé Borzage, difficile de passer à côté. Et ç’eut été dommage : Green Light est un bien joli film, dans lequel on retrouve cette petite musique si familière et si envoûtante, propre à tous les bons Borzage.

Le scénario, pourtant, est lourdement pesant. Il y a ce beau sacrifice d’abord, puis l’histoire d’amour impossible, et encore l’exil, vers une région touchée depuis des décennies par une épidémie de fièvre mortelle véhiculée par des tiques, qui a coûté la vie à des tas de scientifiqueset que notre bon docteur va tout faire pour éradiquer, quitte à tester ses trouvailles sur son propre corps.

L’histoire ne nous épargne rien des rebondissements dramatiques inhérents à ce genre. Mais il y a le regard si délicat de Borzage, et l’interprétation assez fine d’Errol Flynn, remarquable dans ce rôle très éloigné de ses habituels exploits d’escrimeur… encore que son personnage a clairement un côté très chevaleresque. Son unique collaboration avec Borzage est une belle expérience.

La Dame et le Barbu /La Femme et les favoris / La Dame et les barbes (Shukujo to hige) – de Yasujiro Ozu – 1931

Posté : 19 mai, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

La Dame et le barbu

Il y a des perles dans la période muette d’Ozu. La Dame et le Barbu est, disons, une curiosité : une pure comédie à peine teintée de quelques touches mélancoliques, qui revendique une vraie légèreté, plutôt rare dans la filmographie du cinéaste.

Parti pris amusant : la plupart des gags tournent autour du corps humains. Les mains sur lesquels tape le bâton de kendo, les orteils que le héros sans chaussettes tente de dissimuler, le ridicule de certains personnages qui passe par leur dentition… et bien sûr la barbe du héros, joué par une grande star de l’époque, Tokihiko Tokada.

Doit-il ou garder cette barbe d’un noir profond ? C’est tout l’enjeu du film, et le grand dilemme de cet homme dont on ne sait s’il est plus séduisant avec ou sans. On n’est certes pas dans la veine la plus profonde d’Ozu. Pourtant, le bien nommé La Dame et le Barbu s’inscrit parfaitement dans sa filmographie.

On y retrouve à la fois la légèreté se heurtant à une rude réalité de ses comédies d’étudiants, mais aussi quelques thèmes chers à Ozu : le choix de se marier ou non, la confrontation de la tradition et de la modernité (symbolisée par les différents personnages féminins), ou l’influence de la culture américaine qui, ironiquement, prend la forme d’une grande affiche du Chant du Bandit, film avec Laurel et Hardy « all talking » (alors que Ozu repoussera jusqu’en 1933 son passage au parlant).

Ozu s’amuse (et nous avec), et pose surtout les bases d’un cinéma plus personnel. Quelques scènes sont déjà mémorables. Avec des trouvailles formelles, comme ce superbe jeu de lumières balayées sur l’intérieur d’une voiture dans la nuit. Et des plans magnifiques sur le visage de la « mauvaise fille », qui se prend à rêver d’une autre vie. Même dans la pure comédie, une douce mélancolie, déjà.

Sherlock Holmes / Les Aventures de Sherlock Holmes (The Adventures of Sherlock Holmes) – de Alfred L. Werker – 1939

Posté : 12 mai, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, LUPINO Ida (actrice), POLARS/NOIRS, Sherlock Holmes, WERKER Alfred | Pas de commentaires »

Sherlock Holmes 1939

On ne change pas une équipe qui gagne… Il faut battre le fer tant qu’il est chaud… Bref : vous voyez ce que je veux dire. Le succès du Chien des Baskerville n’a pas tardé à enclencher le tournage d’une seconde enquête de Sherlock Holmes et de son complice Watson, toujours campés par l’excellent Basil Rathbone et le fendard Nigel Bruce.

Quelques mois seulement séparent la sortie des deux films, ce qui paraît très peu, y compris vu de 2024, alors qu’on pense déjà aux quinze suites potentielles avant même que le premier ne soit tourné. Mais rappelons que personne n’a encore la télévision dans son salon en 1939, et que certaines séries B à suites ressemblent d’avantage à nos séries d’aujourd’hui qu’à de simples films.

C’est déjà le cas de Sherlock Holmes, et ça le sera encore plus à partir du troisième film, où la série prendra une nouvelle direction. Mais n’anticipons pas trop… Après le plus célèbre des romans de Conan Doyle, c’est un recueil de nouvelles qui est librement adapté ici, et qui est surtout l’occasion de rencontrer le principal antagoniste de Holmes : le professeur Moriarty, qu’interprète avec gourmandise le prince maléfique de la série B (et C, et D… et Z), George Zucco.

Et puisqu’on en est aux interprètes, il faut souligner la présence, dans un rôle important, d’Ida Lupino. L’actrice est alors au tournant de sa carrière. Si elle est loin d’être une débutante, elle n’occupera le premier plan qu’à partir de l’année suivante, en enchaînant deux films sous la direction de Walsh : Une femme dangereuse et High Sierra. Ce qui a de la gueule.

Pour l’heure, elle joue les faire-valoir dans un polar de série B dont, finalement, je n’ai pas dit grand-chose. Peut-être parce que le film a les mêmes qualités et les mêmes limites que Le Chien des Baskerville, dont on retrouve le rythme, le suspense et la drôlerie, et cette envie bien sympathique de créer des atmosphères angoissantes.

Après la lande brumeuse, l’intrigue se concentre davantage sur les ruelles de Londres, essentiellement de nuit. Parce que la nuit, c’est comme la brume : c’est très cinégénique, et ça permet de faire des économies de dingue sur les décors. Bref, c’est bien sympathique, plein de dialogues réjouissants. Un plaisir modeste qui ne se refuse pas…

L’Affaire Blaireau – d’Henry Wulschleger – 1932

Posté : 22 avril, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, WULSCHLEGER Henry | Pas de commentaires »

L'Affaire Blaireau

Le braconnier Blaireau a-t-il, ou non, botter les fesses du garde-chasse (qui porte le même nom que le chien dudit braconnier) ? Question épineuse à laquelle on peut en ajouter une autre : quel crédit accorder à un film qui fait rimer « Dans mon beau château je vais rentrer bien vite » avec « Vive la liberté et les pommes de terre-frites » ?

Le Cinéma de Minuit de Patrick Brion, créé deux mois avant ma naissance (autant dire que c’est pas jeunes), racle les fonds de tiroir avec cette comédie tirée d’un roman d’Alphonse Allais et réalisée par Henry Wulschleger, réalisateur inconnu de ma personne, mais qui a eu semble-t-il une petite réputation auprès de certains cinéphiles pointus. Qui ont sans doute vu ses premiers films muets, plutôt que les innombrables comédies, comme celle-ci, tournées avec Bach.

Bach ? Une autre découverte : un comique-troupier qui eut son heure de gloire, et fut la vedette d’une bonne douzaine de films de Wulschleger, trimballant son sourire débonnaire, incarnation d’un bonheur attaché à la simplicité, à la liberté, et au beaujolais, riant des malheurs et de tout possible sujet sociétal.

On échouerait à chercher le moindre intérêt sur le fond à cette comédie qui n’a au fond qu’une raison d’être présentée dans un programme aussi essentiel que le Cinéma de Minuit : celle de dévoiler un cinéma qui eut ses adeptes il y a quatre-vingt-dix ans. Bref, on découvre L’Affaire Blaireau avec un regard moins cinéphile qu’anthropologue…

Avant, ce n’était donc pas forcément mieux. Le film se contente de creuser le sillon de la bonhomie forcée, avec chansons très datées, acteurs en route libre, dialogues approximatifs, humour grivois… Sur la forme, on retiendra quand même quelques beaux cadrages et des mouvements de caméra étonnamment modernes (dont la toute première scène, pleine de promesses non tenues), gâchés par un montage hasardeux. Suffisant, en tout cas, pour donner envie de découvrir Wulschleger dans un autre contexte.

Le Chien des Baskerville (The Hound of the Baskervilles) – de Sidney Lanfield – 1939

Posté : 15 avril, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, LANFIELD Sidney, POLARS/NOIRS, Sherlock Holmes | Pas de commentaires »

Le Chien des Baskerville 1939

Combien d’acteurs, depuis l’invention du cinéma, ont interprété Sherlock Holmes ? Rien que sur ce blog, on peut en retrouver une dizaine. Et ce n’est qu’une toute petite partie de la très abondante filmographie qui fait du détective imaginé par Conan Doyle l’un des personnages les plus prolifiques du 7e art (avec Dracula ?).

Tiens… Même question sur la plus célèbre de ses enquêtes : combien de fois Le Chien des Baskerville a-t-il été adapté ? Au moins huit au cinéma d’après wikipédia (c’est qu’on investigue sur ce blog), deux fois plus à la télévision. La plus célèbre est sans doute la version Hammer de 1959, avec Peter Cushing et Christopher Lee. Mais celle tournée vingt ans plus tôt est elle aussi très recommandable.

Cette version de 1939 est aussi la seule américaine, et le premier film à réunir le tandem formé par Basil Rathbone et Nigel Bruce, qui se retrouveront à quatorze reprises pour une série de films jusqu’en 1946. Rathbone qui, au risque de ne vraiment pas être original, reste le meilleur Holmes, en tout cas le plus conforme à l’image que l’on s’en fait… à moins que ce soit ses films et sa prestation qui aient infusé sur la vision du lecteur…

Ce n’est pas le cas de Nigel Bruce, que je continue à trouver profondément réjouissant dans le rôle de Watson, mais qui n’a pas grand-chose à voir avec le personnage tel qu’il a été imaginé par Conan Doyle. Bruce en fait un type attachant et courageux, mais un peu idiot et ridicule, beaucoup moins proche du Watson original que… de la plupart des rôles de Bruce.

Ce premier film du tandem est en tout cas une belle réussite, bien plus ambitieuse que la réputation de séries B fauchées et tournées à la va-vite que véhicule la longue série. Sans être une immense production, il y a en tout cas une vraie volonté de plonger le spectateur dans une atmosphère angoissante et mystérieuse, particulièrement convaincante.

Le rythme est impeccable, les décors très réussis, en particulier cette lande plongée dans la brume (toujours pratique pour limiter un budget, mais toujours très cinégénique), où se situe le cœur de l’action, et où se déroulent les séquences les plus mémorables. Le film a été un gros succès. Coup d’envoi d’une série qui devait prendre une direction inattendue. Mais ça, c’est une autre histoire…

L’Emprise (Of human bondage) – de John Cromwell – 1934

Posté : 6 mars, 2024 @ 8:00 dans * Pre-code, 1930-1939, CROMWELL John | Pas de commentaires »

L'Emprise

Une peste et un couillon… et un couple impossible au cœur de cette première adaptation du roman de W. Somerset Maugham (deux autres suivront), l’histoire d’un jeune homme souffrant d’un handicap (un pied-bot), qui tombe amoureux de la fille qu’il ne faut pas : une profiteuse, froide, cruelle et inconstante.

Il ne faut pas longtemps pour comprendre qu’elle n’est pas faite pour lui. D’ailleurs, elle n’est faite pour personne. Mais voilà : il en est dingue, et cette passion n’a rien de rationnelle. Alors il sombre, embourbé dans une relation toxique comme le cinéma américain n’en montrerait plus avant un bon moment.

Parce que le film est tourné en 1934, juste avant l’entrée en fonction du code Hayes, et qu’il serait désormais impossible de mettre en scène un tel personnage, aussi amoral, passant d’un homme à un autre, couchant hors mariage. Coup de bol pour Bette Davis, qui avait déjà une vingtaine de films à son actif, mais qui devient une vraie star grâce à ce rôle taillé pour la performance.

Et c’est vrai qu’elle a ici une occasion parfaite de dévoiler l’étendue de son talent. Le film suit le parcours du brave Philip (Leslie Howard), qui noue lui aussi des relations avec plusieurs femmes (le genre de détails que le code Hayes bannira). Un parcours surtout marqué par ses rencontres successives avec Mildred, le personnage que joue Bette Davis.

Et chacune de ces rencontres met en valeur un degré supérieur de la déchéance de la jeune femme, jusqu’à très, très bas. Elle est effectivement assez impressionnante, même si son jeu paraît par moments un peu daté. Pas aidé, c’est vrai, par un montage qui manque cruellement de rythme et une mise en scène qui paraît souvent un peu sage.

Quelques fulgurances, quand même : le gros plan sur les pieds de Leslie Howard qui sort du café sous la pluie de Londres ; ou ce couple qui traverse une rue bondée en se regardant dans les yeux, comme coupés du monde, sous un concert de klaxons…

Topaze – de Louis Gasnier – 1933

Posté : 2 mars, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, GASNIER Louis | Pas de commentaires »

Topaze

Grand homme de théâtre, Louis Jouvet n’a jamais joué Topaze sur scène. Mais il en fut le premier interprète au cinéma, pas le dernier : pas moins de cinq adaptations dans cette seule décennie 1930, aux quatre coins du monde. Il faut croire que la corruption érigée en art de vivre est un concert porteur à cette époque, sans hypocrisie mais avec beaucoup de cynisme.

Dans sa pièce, Marcel Pagnol (qui en signera lui-même une adaptation en 1951, avec Fernandel dans le rôle-titre) s’amuse à mettre en scène des personnages qui n’ont entre eux qu’un seul point commun, qu’un seul fil conducteur : une amoralité à toute épreuve. De l’art de transformer un couillon idéaliste et bien naïf en un maître en escroquerie dénué de tous scrupules.

Ne soyons pas trop gourmand : d’un point de vue purement psychologique, le film de Louis Gasnier est très peu convaincant. Et entre la dictée mythique du Jouvet des premières scènes (« des moutonsssss… ») et la crapule sûre d’elle de la dernière partie, il y a un monde auquel on a bien du mal à croire.

Gasnier n’est pas non plus un grand metteur en scène, et son film manque cruellement de rythme. De là à dire que le film est un ratage, il n’y a pas loin. Mais il y a Jouvet, réjouissant, et les seconds rôles, dont beaucoup connaissent leurs rôles comme s’ils les avaient créés (c’est d’ailleurs le cas de Pauley en chef-escroc, et de Larquey en collègue au grand cœur).

Et il y a l’ironie cynique du texte, le plaisir que l’on prend à voir l’ex-couillon envoyer promener celle qui s’est tant servie de son grand cœur, et tous ceux qui l’ont pris pour l’idiot qu’il n’est finalement pas. Pas renversant, non, mais bien sympathique ce Topaze qui, en passant, est aussi le premier rôle du grand Jouvet au cinéma, la même année que la première adaptation de Knock. Rien que pour ça…

J’ai été recalé, mais… (Rakudai wa shita keredo) – de Yasujiro Ozu – 1930

Posté : 27 février, 2024 @ 8:00 dans 1930-1939, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

J'ai été recalé, mais

Si éloigné en apparence des grands films d’après-guerre d’Ozu, J’ai été recalé, mais… est en revanche typique d’une partie importante de sa filmographie des premières années : une comédie universitaire comme il en a déjà réalisé plusieurs, souvent avec bonheur.

Le titre évoque évidemment J’ai été diplômé, mais… dont il est une sorte de jumeau. On retrouve de fait dans ce film beaucoup d’éléments qu’Ozu a déjà filmé dans des contextes similaires : la camaraderie des étudiants, la triche aux examens, les premiers amours, ou encore les premiers pas difficiles dans la vie adulte.

Derrière la légèreté apparente, et en grande partie réelle, Ozu impose déjà quelque chose de la douce nostalgie qui ne cessera d’habiter son œuvre. Beaucoup de ses films, pour ne pas dire la plupart, sont basés sur un changement d’époque, la disparition d’une période d’insouciance, d’innocence…, qui mène les personnages vers une vie plus solitaire. C’est le cas déjà ici.

Ozu, qui n’a pas fait lui-même d’étude, filme ici la vie universitaire comme un paradis déjà perdu, ou presque. La dernière séquence, sans se départir d’une certaine légèreté, peut être vu comme une sorte de porte d’entrée vers son grand œuvre à venir : on y voit des amis diplômés, qui réalisent que les années d’étude qu’ils viennent d’achever étaient peut-être bien les plus belles qu’ils vivraient.

C’est la naissance de la nostalgie qu’il raconte alors. Et le fait que l’un des amis en question soit joué par Chishu Ryu, le grand interprète des chefs d’œuvre à venir, rajoute rétrospectivement à la force de l’image. Il tient ici un rôle assez secondaire : l’un des cinq étudiants qui vivent dans la même pension, inséparables, se préparant ensemble à leurs examens à venir.

Le personnage central est joué par Tatsuo Saito, complice incontournable d’Ozu ces années-là. Il est l’un des cinq « mousquetaires », le seul à rater son examen, qui passe de l’insouciance de cette vie de groupe symbolisée par les pas de danse très « burlesque américain » que la bande effectue à toutes occasions, à un sentiment brusque de rejet et de solitude. Tout en se consolant dans les bras de la belle Kinuyo Tanaka, et dans la légèreté renouvelée de l’université.

C’est une vraie comédie, souvent amusante, mais parfois grave aussi, que signe Ozu, qui au passage évoque une nouvelle fois la galère du monde du travail. Autre constante de ses films ces années-là. C’est mineur et prometteur, c’est joyeux et pas si léger. C’est en tout cas un vrai plaisir ozuphile.

La Crise est finie – de Robert Siodmak – 1934

Posté : 16 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, SIODMAK Robert | Pas de commentaires »

La Crise est finie

La filmographie de Robert Siodmak est un coffre aux trésors qui ne cesse de surprendre. Le futur réalisateur des Tueurs et d’autres chefs d’œuvre du film noir hollywoodien a eu plusieurs vies, et l’une d’elles l’a amenée en France, où il a signé une poignée de films très recommandables, voire formidables (Mollenard, une merveille). La Crise est finie, l’un des premiers qu’il tourne chez nous, n’est pas le plus connu. Il est peut-être le plus surprenant.

Une opérette : voilà ce que Siodmak, dont le nom évoque plutôt des atmosphères très sombres, et très pessimistes, réalise avec ce film, adapté d’une nouvelle de son frère Curt. Une opérette comme on en tourne à la douzaine à cette époque en France, et avec des habitués du genre : Danielle Darrieux et Albert Préjean.

C’est surtout pour la première que je me suis lancé dans cette Crise… joyeuse. Mais le film est tout à la gloire du second, Préjean, sans surprise mais plein de vie. Il est presque de toutes les scènes, et surtout de tous les morceaux de bravoure, c’est à dire les moments chantés qui rythment le film. Joyeux, surtout quand il chante « la crise est fini-e » (le e prononcé est important), avec une conviction contagieuse.

Darrieux, elle, se contente de promener son joli minois, sans avoir grand-chose à jouer tant son personnage (comme tous les autres personnages d’ailleurs) est monobloc et sans aspérité. Le scénario, d’ailleurs, ressemble à tant d’autres, vagues prétextes pour des bluettes musicales, romantiques et chantantes sans grands enjeux.

La Crise est finie est clairement dans ce registre. On y prend pourtant un grand plaisir, grâce au rythme et à l’ambition de la mise en scène, ample et généreuse. Et grâce à l’émotion, assez inattendue, qu’insuffle Siodmak, notamment avec le personnage quasi-muet de la mère de Darrieux, dont les apparitions sont comme des rappels de la simplicité et de la profondeur de la vraie vie.

Ce qui frappe aussi dans le film, c’est la beauté de la photo, contrastée et tout en ombres et en clairs obscurs. La Crise est finie est peut-être la comédie la plus innocente de Siodmak. Le film annonce pourtant, esthétiquement, la grandeur de son œuvre noire à venir.

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