Play it again, Sam

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Archive pour la catégorie '2010-2019'

Polar (id.) – de Jonas Akerlund – 2019

Posté : 13 juin, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, AKERLUND Jonas | Pas de commentaires »

Polar

Encore tout enthousiasmé par Drunk et Mads Mikkelsen, révélation bien tardive pour moi, j’enchaîne avec ce que j’ai sous la main, en l’occurrence une production Netflix aux antipodes, que le grand Mads a tourné juste avant le film de Vinterberg. Quelques points communs, quand même : dans les deux films, il interprète un homme taiseux à la croisée des chemins, et dans les deux cas il y dévoile ses immenses qualités d’acteur physique.

Voilà pour les points communs. Pour le reste, c’est le grand écart. Adaptaté d’un webcomic espagnol apparemment culte (je confesse une inculture absolue sur le sujet), réalisé par un Suédois surtout connu pour ses clips, le film affiche une hyperviolence totalement décomplexée et un mauvais goût assumé et assez extrême. Pour faire simple, Polar serait une sorte de rencontre improbable entre Reservoir Dogs (pour la violence brute), Hudson Hawk (pour l’humour régressif et les méchants caricaturaux) et John Wick (pour l’action pure coupée de tout réalisme).

Que ce soit assumé et décomplexé ne rend pas le film moins con et moins désagréable pour autant. Parce qu’il l’est, avec une misogynie hallucinante et une complaisance pour la violence comme on n’en a pas si souvent vu. Tout ça pourrait faire rire, même d’un rire jaune et crispé, mais même pas. Jonas Akerlund donne l’impression d’inventer son film au fur et à mesure, selon l’humeur du jour. Alors il oscille entre un ton très comics noir à la Sin City, et une noirceur plus ancrée dans la réalité, entre la farce solaire et le drame glacial. Une constante, hélas : la complaisance.

Au cœur de cette chose assez pénible, une confirmation aussi, et quand même : Mads Mikkelson est grand. Lui est formidable, réussissant à glisser une humanité et une drôlerie à un personnage hyper violent et d’une noirceur insondable. Il fallait le faire.

The Nice Guys (id.) – de Shane Black – 2016

Posté : 9 juin, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, ACTION US (1980-…), BLACK Shane | Pas de commentaires »

The Nice Guys

On connaît par cœur la recette du buddy movie, et ce n’est pas Shane Black qui l’a inventée. Certes. Mais il lui a quand même donné quelques-uns de ses fleurons : L’Arme fatale (son premier scénario), Le Dernier Samaritain (sa première production), Au-revoir à jamais (son premier bide), et Kiss Kiss Bang Bang (sa première réalisation)… Une liste impressionnante pour les amateurs de films d’action esprit eighties.

The Nice Guys invoque très clairement cet esprit, comme un retour aux sources après un passage par chez Marvel (Iron Man 3). Et on ne s’en plaint pas. Parce que non, il n’a pas inventé le buddy movie, mais c’est tout comme quand même, tant il a donné ses lettres noblesses à ce mélange d’action et d’humour, basé sur l’éternel modèle du duo mal assorti.

D’un côté : un détective privé pas très efficace, pas très honnête, pas très courageux et pas très bon père. De l’autre : un gros bras dont le boulot est… d’être persuasif, mais qui ne rêve que de s’installer en bon privé. Les deux se rencontrent autour de la disparition d’une jeune fille, liée de manière inattendue à la mort pas très accidentelle d’une star du porno, dans le Hollywood des années 70. Et leur rencontre donne le ton : le premier, Ryan Gosling, se fait rudement rudoyer par le second, Russell Crowe.

Un bon buddy movie repose souvent sur la qualité des acteurs. On est servi, ici : Ryan Gosling qui passe la plus grande partie du film à s’en prendre plein la gueule ; Russell Crowe qui passe la plus grande partie du film à se résigner avec lassitude à être violent… Les deux sont totalement réjouissants, dans un registre auquel ils ne sont pas franchement habitués. La magie opère parfaitement entre eux.

L’histoire n’a aucun intérêt, et s’avère même assez con. Mais Shane Black sait que tout ce qui compte, c’est le rythme, les scènes d’action au bon moment, et les punchlines. En vrai métronome de sa spécialité, il emporte le morceau dès les premières minutes, et ne relâche jamais l’attention. The Nice Guys apporte au spectateur exactement ce qu’il attend, avec un vrai sens du spectacle et une certaine authenticité dont on réalise à quel point ils manquent dans le tout venant du blockbuster hollywoodien actuel.

Voyages à travers le cinéma français – de Bertrand Tavernier – TV – 2018

Posté : 4 avril, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, TAVERNIER Bertrand, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Voyages à travers le cinéma français - série

Ces « voyages à travers le cinéma français » resteront donc l’ultime réalisation de Bertrand Tavernier. Et après le long métrage du même nom (mais sans S), ce prolongement télévisuel en huit épisodes d’une heure est une belle illustration de la curiosité, de la passion et de la générosité du cinéaste et cinéphile. Les deux facettes de sa personnalité sont intimement liés dans ce voyage amoureux, dont la construction révèle la vision intime de l’homme.

Voyage… le film s’articulait autour de Lyon, la ville où Tavernier a grandi, où il a découvert le cinéma, où il a tourné son premier film. De la maison familiale à l’Institut Lumière, c’est son parcours personnel de cinéphile qu’il nous faisait partager avec ferveur pendant deux heures. Bien trop court pour ne pas laisser un peu de frustration et d’envie. D’où la série, qui reprend le même parti-pris intime. La forme est un peu plus convenue, mais la passion et la subjectivité restent la règle, naturelle, discutable et enthousiasmante.

Chaque épisode s’articule autour d’un thème plus ou moins précis. L’occasion de vérifier que, outre l’étendue hallucinante de sa culture, Tavernier a des goûts très sûrs. Ses cinéastes de chevet ? Henri Decoin, Jean Grémillon, Jacques Beker ou Sacha Guitry, qu’on a le sentiment de totalement méconnaître en découvrant les extraits de films choisis par Tavernier.

Ces choix ne cessent de surprendre, comme la manière dont Tavernier les introduit. Il sait mettre en valeur la beauté d’un mouvement de caméra, ou celle d’un dialogue. Il laisse le temps aux extraits de vraiment parler, révélant le sublime des dialogues de Jeanson pour Les Amoureux sont seuls au monde. Il surprend, en mettant en parallèle Tati et Bresson.

Au fil des épisodes, il salue le génie et le formidable éclectisme de Duvivier, met en valeur ce qu’il considère comme une spécificité française (l’importance des chansons dans les films), ou réhabilite quelques cinéastes mésestimés comme Maurice Tourneur, Henri Calef, Gilles Grangier, Anatole Litvak (dont le Cœur de Lilas est décidément une merveille) ou Jean Boyer, dont on a désormais très envie de découvrir le film avec Danielle Darrieux, Un Mauvais Garçon.

Toujours en marge des aspects trop évidents de l’histoire du cinéma français, il consacre une large part de l’épisode consacré à l’Occupation à Claude Autant-Lara, dont il signe un superbe portrait, salaud tardif et type odieux que sa filmographie rachète. Tavernier n’esquive pas les défauts des cinéastes qu’il aime : il les aborde frontalement pour mieux exprimer leur singularité. Clouzot, pas plus qu’Autant-Lara, n’est pas un type chaleureux. Mais derrière son austérité, Tavernier devine un regard acide et amusé.

La série s’achève par un épisode intitulé « Mes années 60 » : cette décennie au cours de laquelle Tavernier a fait ses premiers pas au cinéma, en tant que critique ou attaché de presse. Impossible pour lui d’aller plus loin, d’aborder une période où lui-même était devenu cinéaste. Une fin logique, donc, même si on aurait aimé que la série se prolonge, longuement, tant on sent que Tavernier a fait des choix parfois cruels.

Sibyl – de Justine Triet – 2019

Posté : 26 février, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, EFIRA Virginie, TRIET Justine | Pas de commentaires »

Sybil

Une psychanalyste décide de se séparer de la plupart de ses patients pour se consacrer à son autre vocation : l’écriture. Elle accepte toutefois d’accompagner une jeune actrice totalement paumée, vivant une aventure destructrice avec l’acteur principal du film qu’ils sont en train de tourner. Fascinée, la psy-romancière s’inspire des souffrances de la comédienne pour l’écriture de son livre…

Raconté comme ça, le film ressemble à une histoire perverse mais assez convenue de manipulation et de faux semblant. C’est beaucoup plus que ça. Justine Triet, grande scénariste et grande réalisatrice, en fait le portrait d’une femme qui se refuse à laisser sortir les souffrances qu’elle porte en elle, sans doute parce que son métier est d’écouter et d’aider les autres.

Virginie Efira, décidément la plus grande actrice du moment, apporte une intensité folle à cette femme constamment à la recherche de la maîtrise totale, qui se construit une espèce de carapace mais n’en est que plus déchirante lorsqu’elle baisse la garde. Face à elle : Adele Exarchopoulos et Gaspar Ulliel (dans son dernier rôle au cinéma), dont les déchirements seront de puissants révélateurs.

Justine Triet fait de son film un voyage mental fascinant et troublant, avec une force incroyable. Avec un montage au cordeau, des sauts temporels, des images réminiscentes, elle nous plonge dans les affres de cette psy dont les propres failles se font de plus en plus douloureuses au fil des séances qu’elle mène, des conseils qu’elle prodigue, ou des confessions qu’elle entend. La réalisatrice sait créer des moments forts de cinéma (le tournage sur le bateau, la scène du karaoké…). Mais loin d’avoir un effet patchwork, ces beaux moments parfois si disparates relèvent tous du même mouvement, dirigé vers une libération attendue.

Si le film est si puissant, c’est pour sa manière de mettre à nu les douleurs enfouis de son héroïne. C’est aussi pour son aspect cathartique, qui plonge le spectateur dans un état assez terrible. Sibyl est un film fort, l’œuvre d’une cinéaste importante, portée par une grande Virginie Efira. Mais on n’en sort pas vraiment le sourire aux lèvres, ni le cœur léger.

Skyscraper (id.) – de Rawson Marshall Thurber – 2018

Posté : 25 février, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, ACTION US (1980-…), THURBER Rawson Marshall | Pas de commentaires »

Skyscraper

Depuis plus de trente ans, ce n’est pas, loin s’en faut, le premier ersatz de Piège de cristal. Mais celui-ci va très, très loin dans la filiation, pompant des séquences entières et copiant-collant le principe de base du chef d’œuvre de John McTiernan : une grande tour en grande partie déserte, des terroristes aux motivations pas bien claires, une famille en otage, et un flic qui ne demande rien à personne mais qui doit affronter une armée à lui seul pour sauver les siens…

Ce Skyscraper flirte aussi ouvertement d’un autre classique, qui a inspiré Die Hard : La Tour infernale. On retrouve la folie du gigantisme (mais avec un aspect critique nettement plus ténu), et les flammes qui s’emparent de l’immeuble immense, dans une débauche pyrotechnique largement numérique. Ajoutez un climax en guise de clin d’œil assez inattendu à La Dame de Shanghaï, et vous obtiendrez un film qui ne fait rien pour cacher ses références.

Ce n’est pas un mal, d’ailleurs. Au moins n’a-t-on pas l’impression d’être pris pour des cons. Cela dit, rien de bien neuf sous le soleil. Les quelques idées originales sont noyées sous des déluges d’effets numériques et d’effets pyrotechniques étouffants, qui se moquent de la vraisemblance (la manière dont Dwayne Johnson grimpe par l’extérieur de la tour tel le Tom Cruise de MI 4, mais en remplaçant le gant high-tech par du chatterton!), et étouffent les personnages.

Le trauma de Dwayne Johnson, ex agent d’élite amputé d’une jambe à la suite d’une opération de sauvetage qui a mal tourné, tourne vite court. Tout juste la jambe artificielle sert-elle d’élément de suspense dans des séquences de pure action. Un peu court.

Hitchcock (id.) – de Sacha Gervasi – 2013

Posté : 18 février, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, GERVASI Sacha | Pas de commentaires »

Hitchcock

Il y a une belle idée à l’origine de ce film : évoquer la figure d’Alfred Hitchcock à travers le couple qu’il forme avec sa femme et plus proche collaboratrice, Alma Reville. Et une autre belle idée : concentrer le film sur une période clé de sa carrière, la gestation de Psychose. Ou comment, après le triomphe absolu de La Mort aux trousses, Hitchcock a voulu sortir de sa zone de confort et retrouver l’esprit d’aventures et le goût du risque qui ont marqué ses débuts, aux côtés d’Alma.

Et cela donne peut-être la plus belle scène du film. Cette scène où les deux époux sont dans leurs lits séparés, vieux couple au quotidien fait d’habitudes immuables, et où Hitch livre son désir de se mettre en danger et de miser sa fortune sur ce désir, aveu qu’Alma accueille avec un regard et un sourire remplis d’amour. Le film de Sacha Gervasi (le scénariste du Terminal de Spielberg) est avant tout ça : l’histoire d’amour d’un couple autant artistique que romanesque. Et c’est là qu’il est le plus réussi.

Avoir pimenté cette relation complexe (Hitchcock est quand même fasciné par ses fameuses blondes) d’une possible liaison que pourrait entretenir Alma avec un scénariste est en revanche bien inutile, et a une fâcheuse tendance à affadir le propos, gommant tout ce qui fait la singularité de ce couple unique dans l’histoire du cinéma (pour le moins), basé sur l’amour sans doute, sur le respect certainement, et sur une extraordinaire alchimie avant tout.

Anthony Hopkins est convainquant dans le rôle-titre, même si son jeu est fatalement contraint par le corps disproportionné que le maquilleur lui a réservé à grand renfort de latex. L’acteur semble par ailleurs habité par la figure d’Hannibal Lecter, qui semble resurgir de manière inattendue lorsqu’il dirige Janet Leigh/Scarlett Johansson dans la scène de la voiture. Helen Mirren, elle, est remarquable dans celui d’Alma, femme de l’ombre mais femme de caractère, épouse fidèle et dévouée, mais femme farouchement indépendante. Joli personnage.

On sent quand même Sacha Gervasi plein d’une ambition qu’il ne parvient pas vraiment à mettre en images. Trop sage, il échoue à rendre vraiment palpable les pulsions de Hitch, ses obsessions macabres que le réalisateur tente de personnifier en faisant échanger Hitchcock avec Ed Gein, le tueur en série qui a inspiré Norman Bates et qui sort ici de l’esprit un rien dérangé du grand cinéaste. Vaguement inspiré, disons.

Là où le film est vraiment frustrant, c’est dans le portrait d’artiste. Tout l’aspect créatif de Psychose passe à la trappe, se limitant à deux scènes d’affrontement avec la censure (personnifiée par Kurtwood Smith), assez savoureuses.

Mais rien sur l’utilisation du noir et blanc, sur les choix esthétiques… Le film passe plus de temps à évoquer la campagne de publicité qui a précédé la sortie de Psychose que le travail du réalisateur, qui semble se limiter à des rapports très complexes avec les actrices. Hélas, le rapport le plus passionnant sur le papier, celui d’amour-haine avec Vera Miles, n’est qu’évoqué, et aurait mérité un autre traitement, d’autant que Jessica Biel l’interprète avec une certaine fadeur.

 Il y a quand même un vrai plaisir à assister au tournage d’un chef d’œuvre. Et de ce côté là, Gervasi ne se prive pas de mettre en scène longuement l’envers du décor, avec un casting sans faute, qui flirte avec le mimétisme tout en restant convaincant : Scarlett Johansson en Janet Leigh, Jessica Biel en Vera Miles, James D’Arcy en Anthony Hopkins. Chacun s’accroche à un détail : la voix pour l’une, l’allure pour l’autre, les gestes nerveux pour le troisième… Pour un peu, on s’y croirait, mais c’est le moins que l’on pouvait attendre d’un tel projet.

Le Mystère Henri Pick – de Rémi Bezançon – 2019

Posté : 5 janvier, 2022 @ 8:00 dans 2010-2019, BEZANCON Rémi | Pas de commentaires »

Le Mystère Henri Pick

Dans une bibliothèque réservée aux manuscrits refusés, une jeune éditrice découvre un roman écrit par un pizzaiolo mort depuis quelques années, qui devient un véritable phénomène. Mais un célèbre critique littéraire met en doute l’identité de l’auteur. Il se rend dans le petit village breton où il vivait pour mener l’enquête et démasquer la supercherie…

Belle idée que cette enquête littéraire, imaginée par David Foenkinos qui en a fait un roman. Le résultat n’est pas totalement abouti : quelques maladresses, des dialogues parfois lourdingues, un dénouement qui déçoit un peu… Mais on prend un vrai plaisir dans ce film enquête, où l’amour des livres transparaît constamment, et sur lequel souffle une vraie fraîcheur.

Dans le rôle du critique, à la fois attachant et odieux, Fabrice Lucchini est très bien, tout en sobriété et en gourmandise de jeu. Le couple improbable qu’il forme avec Camille Cottin, met un peu de temps à trouver son équilibre. Mais quand l’alchimie s’installe entre ces deux-là, cela donne les plus beaux moments du film. Le personnage de Camille Cottin souffre certes d’une écriture approximative, mais l’actrice est toujours parfaite, sorte d’incarnation d’une douceur de vivre très… provinciale.

Le Mystère Henri Pick, au fond, parle sans doute moins de littérature que de cette douceur de vivre que trouve Lucchini en Bretagne, loin d’un monde parisien dominé par l’injonction du succès. En filigrane aussi, le poids de la notoriété, la folie médiatique… C’est parfois maladroit, voire un peu lourd, mais l’atmosphère douce-amère de cette jolie comédie séduit et emporte l’adhésion.

Ad Astra (id.) – de James Gray – 2019

Posté : 31 décembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, FANTASTIQUE/SF, GRAY James | Pas de commentaires »

Ad Astra

Le réalisme immersif d’Alfonso Cuaron dans Gravity ? Pas pour lui. La métaphysique pompeuse de Christopher Nolan avec Interstellar ? Pas son truc… Le cinéma de James Gray est avant tout une plongée dans les affres de l’âme humaine. Un cinéma à hauteur d’hommes, souvent sous les attraits du film de genre. Ad Astra, première expérience science-fictionnesque de Gray, ne fait pas exception. Et on a bien le droit d’estimer qu’Ad Astra, sans doute moins spectaculaire, est aussi supérieur aux deux grands succès de Cuaron et Nolan.

Ad Astra raconte la quête de Brad Pitt, astronaute vivant dans l’ombre d’un père devenu une légende après avoir disparu près de trente ans plus tôt dans une mission aux confins du système solaire. La quête du père et de sa propre identité : le voilà envoyé sur la piste de ce père disparu, qui pourrait bien ne pas être mort, et qui pourrait bien ne pas être le héros que tout le monde croit. Et le voilà parti pour un long voyage solitaire dans des contrées inconnues et dangereuses… James Gray signe un grand film de science-fiction, sur une trame qui pourrait être celle d’un western.

On pense au John Wayne de La Prisonnière du désert bien sûr, dont Brad Pitt est un bel héritier. Comme un clin d’œil au genre, James Gray s’autorise d’ailleurs une scène digne d’une attaque d’indiens : une course poursuite entre le convoi de notre héros et des véhicules étrangers sur la surface déserte de la lune, séquence sans aucun rapport avec l’intrigue principale, et assez bluffante.

Le cinéma de Gray est avant tout humain, ce qui ne l’empêche pas de soigner le spectacle, avec quelques morceaux de bravoure parfaitement tendus, dans lesquels il s’approprie parfaitement les codes du « film d’espace ». Sans pour autant marcher sur les pas de Cuaron. La séquence d’ouverture sonne d’ailleurs comme un manifeste. La situation ressemble à celle de Gravity, à ceci près que le film de Gray est ancré sur terre : un astronaute en mission à l’extérieur d’un module, une catastrophe, et… la chute, avec une vraie gravité, le module étant au sommet d’une tour plantée sur le sol.

Cette chute annonce le destin de Brad Pitt, magnifique de sobriété et d’émotion dans le rôle de cet homme brisé par le poids de ce père disparu (joué par Tommy Lee Jones). Un homme rongé par la solitude, étranger à lui-même, lancé dans une quête de lui-même. Tout ça mêlé à une mission à haut risque pour sauver l’humanité. C’est ambitieux, intime, spectaculaire et humain. James Gray, décidément très grand cinéaste, emballe tout ça avec une maîtrise totale et une grande simplicité.

Au final, moins tape-à-l’œil que Gravity ou Interstellar, Ad Astra se révèle à peu près aussi impressionnant, sans doute plus profond, et assurément plus émouvant. Grand film, grand cinéaste.

Un balcon sur la mer – de Nicole Garcia – 2010

Posté : 4 décembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, GARCIA Nicole | Pas de commentaires »

Un balcon sur la mer

« Je me suis perdu. » Une ultime réplique, toute simple en apparence, mais qui provoque des torrents d’émotion, comme si Nicole Garcia ouvrait d’un coup toutes les vannes, de tous ces sentiments étouffés, ces souvenirs réfrénés, qui sont au cœur de ce très beau film bien à sa manière. A sa manière, c’est-à-dire intense, ambitieux, généreux, et si intime. Nicole Garcia filme ses personnages, ses décors même, comme si chaque plan devait être le plus important de sa vie. Sa vision du Sud de la France (et de l’Algérie) ne pourrait pas être filmé par un autre qu’elle. Et devant sa caméra, les acteurs semblent se révéler plus que jamais.

Jean Dujardin est simplement extraordinaire dans le rôle de cet agent immobilier, marié et père de famille, dont l’enfance refoulée surgit sans crier gare et remet en cause tout son confort bourgeois, lorsqu’il rencontre par hasard une jeune femme qu’il a aimé lorsqu’ils étaient gosses, à Oran, dans les derniers temps de l’Algérie coloniale. Trouble, attirance, souvenirs qui réapparaissent… et qui ne sont peut-être pas si limpides que ça.

« On n’a pas tous les mêmes souvenirs », lance Marie-Josée Croze, elle aussi magnifique dans le rôle de cette blonde apparition, qui semble constamment cacher quelque chose. Difficile, bien sûr, de ne pas penser à la Kim Novak de Sueurs froides, référence assez évidente, sans en dire trop. Il y a une sorte de suspense hitchockien dans Un balcon sur la mer. Il y a aussi une arnaque financière pas vraiment indispensable, qui n’apporte pas grand-chose.

Il y a surtout le rapport au passé. Aux souvenirs, plutôt. Cette errance de Jean Dujardin dans les éclats de sa mémoire, ces réminiscences constamment confrontées à une réalité qui le détrompe. Nicole Garcia utilise admirablement les flash-backs, comme des bribes de son histoire qui reviennent à la mémoire de Marc (Dujardin). La musique, superbe, est là pour faire éclater plus fort encore cette émotion qui vous tenaille.

Me voilà totalement conquis par ce film merveilleux, par cette femme et cet homme perdus, qui apprennent à se réconcilier avec leur enfance et avec eux-mêmes, par les personnages périphériques qui ne peuvent qu’assister impuissant au drame qui se noue (parmi lesquels Sandrine Kiberlain, Michel Aumont, et Claudia Cardinale dans rôle modeste mais beau de la mère de Marc). Nicole Garcia, qui a elle-même dû quitter Oran lors de l’indépendance en 1962, à peu près au même âge que ses personnages, a peut-être bien signé son chef d’œuvre, et son film le plus personnel.

Sydney, l’autre Chaplin – de Serge Bromberg et Eric Lange – 2017

Posté : 29 novembre, 2021 @ 8:00 dans 2010-2019, BROMBERG Serge, CHAPLIN Charles, DOCUMENTAIRE, LANGE Eric | Pas de commentaires »

Sydney l'autre Chaplin

De Sydney Chaplin, on connaît surtout les apparitions dans les films de son frère : un vendeur de saucisses dans Une vie de chien, un père suspicieux dans Le Pèlerin… On sait vaguement qu’il a lui-même connu un certain succès éphémère en tant qu’acteur, et qu’il a joué un rôle de l’ombre relativement important dans le parcours de Charlie. Ce documentaire passionnant fait de Sydney bien plus qu’un personnage de l’ombre : un homme complexe et attachant, à la vie assez incroyable.

On y découvre l’ampleur de l’influence qu’a eu Sydney sur Charles, à la fois dans ses choix et la gestion de sa carrière, mais aussi artistiquement. Dans les années 1910 surtout, mais même au-delà. Bien avant Le Dictateur (en 1921), Sydney a ainsi réalisé et interprété un King, Queen and Joker dans lequel son personnage prend la place d’un roi. Il y est également un barbier qui rase un client sur le rythme d’une musique. Certes, la scène n’a pas le génie de celle de Charlie, mais tout de même.

De la même manière, le verbiage imaginaire mais tellement compréhensible du dictateur dans le classique de Charlie semble avoir été inventé quatre ans plus tôt par Sydney dans un film personnel, tourné (en couleurs) lors d’une visite de l’exposition universelle de Paris. Le documentaire de Serge Bromberg et Eric Lange doit beaucoup à ces images d’archives, rares et précieuses, dont beaucoup sont dues à Sydney lui-même. On le découvre sur les plateaux de son frère, ou lors de ses très nombreux voyages autour du monde.

On connaissait déjà les images en couleurs qu’il a tournées sur le tournage du Dictateur, témoignage exceptionnel du travail de Charles Chaplin. Sydney en a filmé bien d’autres, souvent inédites, que l’on découvre ici avec passion : dans les studios de son frère, lors du fameux voyage en Asie au début des années 1930, ou bien plus tard au Manoir de Ban à Corsier-sur-Vevey. Précieux témoin du parcours exceptionnel de Charlie, dans l’ombre duquel il est toujours resté, sans en tirer la moindre amertume.

Témoin privilégié, Sydney est toujours resté proche de son frère malgré quelques scandales. Mais il a lui-même eu une vie étonnante : frère de, acteur, réalisateur et vedette de cinéma, homme à femmes mais proche de ses épouses, fondateur de la première compagnie aérienne privée en 1919, adepte du naturisme, inlassable globe-trotter… Ce documentaire fait découvrir l’homme, dans toute sa complexité.

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