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Archive pour la catégorie '2020-2029'

Novembre – de Cédric Jimenez – 2022

Posté : 12 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, JIMENEZ Cédric | Pas de commentaires »

Novembre

Cédric Jimenez, cinéaste pas toujours délicat, qui s’attaque aux attentats du 13 novembre ? On pouvait craindre le pire. La surprise est bonne. Thriller efficace, Novembre est aussi et surtout une espèce de voyage intense et respectueux au sein de notre mémoire collective. Contrairement à Revoir Paris, qui était une évocation qui se libérait de tout poids lié à une reconstitution précise, le film de Jimenez colle réellement aux événements qui ont bousculé la France ces jours-là.

Mais Jimenez choisit de ne rien filmer des attentats eux-mêmes, prenant le parti-pris (évident à ce stade de notre traumatisme à tous) de ne pas mettre en image des tueries dont, tous, on s’est fait nos propres images insoutenables. Son film reconstitue avec minutie les heures et les jours qui ont suivi, et il a la pertinence d’un témoignage personnel, à ceci près que ce serait celui de flics qui se seraient retrouvés plongés dans cette horreur, confrontés à l’urgence de retrouver et de neutraliser au plus vite les survivants de ces attaques.

Plutôt que de se risquer à une représentation des attentats, Jimenez fait dont appel à notre mémoire. Si son film est si fort, si marquant, c’est parce qu’il donne le sentiment de nous plonger dans les coulisses d’images que l’on a bel et bien vues dans ces heures d’angoisse : ces images vides d’un immeuble criblé de balles par exemples, ou d’une capitale foudroyée par la douleur avec des gyrophares en arrière-plan. Novembre réveille ces souvenirs-là, ces images diffusées à la télévision il y a sept ans, qui ne disaient rien d’autre que l’angoisse, la peur et la douleur collectives.

Novembre restitue un récit derrière ces images d’attente, en nous faisant partager l’urgence de ces policiers qui, eux, n’étaient pas dans l’attente mais dans l’action. Là, Jimenez prend des libertés en inventant des personnages, et particulièrement celui du superflic joué par Jean Dujardin. Mais ces libertés, au service de l’efficacité, ne nuisent pas au propos. Après tout, le film n’est pas un documentaire, mais une fiction. Une fiction qui prend en compte le vécu personnel de chacun de ses spectateurs, ce qui n’est pas une mince affaire.

Alors oui, Novembre est une réussite. Radicalement différent du sensible et très beau Revoir Paris, et finalement assez complémentaire. On en sort en tout cas assez assommé. Moins par l’incroyable déluge de feux de la scène de l’assaut, que par tous les souvenirs, toutes les sensations et émotions, qu’il fait resurgir avec une acuité troublante.

Poulet frites – de Jean Libon et Yves Hinant – 2022

Posté : 5 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars européens, 2020-2029, DOCUMENTAIRE, HINANT Yves, LIBON Jean | Pas de commentaires »

Poulet frites

Quatre ans après le formidable Ni juge, ni soumise, les deux auteurs de la série documentaire Strip Tease sortent de leurs cartons une autre pépite : une enquête autour d’un meurtre à Bruxelles, dont l’indice le plus important, celui qui pourrait innocenter le principal suspect, est une frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et qui a « le même calibre » que les frites cuisines par ledit suspect.

On retrouve dans Poulet frites le même esprit que dans le précédent long métrage (et que dans feu la série) : une manière de capter la réalité en filmant les personnages au plus près, dans leur routine quotidienne. Ici, l’équipe a semble-t-il suivi l’équipe de policiers (et la juge Anne Gruwez, la même qui était au cœur de Ni juge…, formidable personnage de cinéma) pendant de longs mois. Cette enquête avait d’ailleurs été diffusée dans Strip Tease il y a une bonne quinzaine d’années, en trois épisodes d’une heure.

Le duo Libon/Hinant en livre un montage inédit, et dans un beau noir et blanc. Et le résultat est passionnant à tous les niveaux. C’est d’abord une plongée documentaire fascinante dans le quotidien de ces flics qui ont accepté de se faire filmer dans la routine de leur travail, devant une caméra qui capte aussi bien lemoments de grâce et d’autres moins glorieux. C’est aussi un vrai polar, auquel le montage au cordeau donne un rythme de fiction.

On s’attache à ces personnages : les policiers souvent dépassés d’abord, mais aussi ce suspect trop évident dont on voit bien que les flics eux-mêmes doutent de la culpabilité. « Si je l’avais tuée, je m’en souviendrais, quand même ! » lance-t-il à plusieurs reprises, rappelant l’essence même de Strip Tease : une manière brute et frontale de filmer des personnages et des répliques qu’un scénariste n’oserait pas inventer. Comme cet indice central dans l’enquête : cette frite retrouvée dans l’estomac de la victime, et cette réplique définitive de l’enquêteur : « Ce qui m’a frappé, c’est le calibre de la frite… »

Les Papillons noirs – mini-série de Olivier Abbou et Bruno Merle – 2022

Posté : 3 décembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, ABBOU Olivier, MERLE Bruno, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Les Papillons noirs

Voilà une mini-série française qui tient toutes ses promesses, et dont l’ambition et la complexité, révélées d’emblée par un générique mystérieux et fascinant, sont parfaitement tenus. Il y a deux niveaux de narration, dans Les Papillons noirs. D’abord, la relation entre un jeune écrivain en panne d’inspiration et le vieil homme qui l’embauche pour qu’il écrive ses souvenirs. Ensuite, ces souvenirs eux-mêmes : l’histoire d’un couple qui a semé la mort à travers la France, pendant des années…

La série joue admirablement sur le rapport entre le passé et le présent, entre la fiction et la réalité. Avec toujours cette frontière si ténue : ce jeu un peu sadique autour de la perception. Le fait que le fil conducteur est l’écriture d’un livre que tout le monde pense être une fiction n’est pas anodin. Le vieil homme (Niels Arestrup, troublant) est le voisin que tout le monde rêverait d’avoir. Le jeune écrivain (Nicolas Duvauchelle, d’une intensité folle) est pour tous ce génie de la littérature dont l’inspiration est un trésor…

Nicolas Duvauchelle est un choix parfait, parce qu’il incarne à la fois la force brute et une vraie fragilité, toujours borderline. Il est le vrai cœur de l’histoire, y compris dans les longs flash-backs dont les horreurs baignées de soleil pèsent sur son propre destin. Les Papillons noirs, c’est avant tout sa descente à lui dans une réalité d’une noirceur insondable, et d’une intimité inattendue.

On n’en dira pas plus, pour ne pas déflorer les nombreuses surprises que réserve la série. Si la tension connaît quelques passages plus creux, le scénario machiavélique relance constamment la machine, pour réussir à surprendre épisode après épisode, emportant tout dans une spirale fascinante et lugubre. Bien plus qu’un simple thriller hyper efficace (ce qu’il est), Les Papillons noirs est un trip addictif et dérangeant dans des abîmes de noirceur.

Le Serment de Pamfir (Pamfir) – de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk – 2022

Posté : 1 décembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, SUKHOLYTKYY-SOBCHUK Dmytro | Pas de commentaires »

Le Serment de Pamfir

Il y a d’abord ce masque sous lequel apparaît le personnage principal, qui le renvoie d’emblée à une mythologie basée sur le rapport aux forces de la nature. Il y a aussi cette présence animale, et les grognements qu’il pousse en faisant l’amour à sa femme. Il y a encore cette omniprésence de la forêt, la manière dont il se fond en elle en la traversant au pas de course, sa marchandise de produits de contrebande sur le dos…

Voir un film ukrainien en 2022, ce n’est pas une expérience qu’on aborde de manière anodine. On s’attend, bien sûr, à ce que la géopolitique y tienne une place centrale. Et là repose la première surprise de ce Serment de Pamfir. Le film n’est pas coupé du monde, loin de là : la question des frontières est omniprésente, centrale même. Mais si la situation sociale est abordée, point de trace en revanche de la menace russe. Le film, c’est vrai, a été tourné plusieurs mois avant le début de la guerre.

Il n’empêche : ce conflit pèse forcément dans la manière dont on perçoit le film aujourd’hui. Il en trouble la perception, poussant à chercher des signes qui n’y sont pas. Le Serment de Pamfir est de fait un film moins influencé par l’actualité que par l’héritage culturel du pays. Le rapport aux anciens est omniprésent, et difficile : le rapport au père d’abord, et surtout, mais aussi le rapport aux traditions, souvent ancestrales. C’est d’ailleurs autour d’un carnaval aux codes assez insondables que se termine le film, carnaval annoncé dès la toute première scène.

Le Serment de Pamfir est aussi un vrai film de genre, puissant et passionnant, qui flirte souvent avec les codes du western : pour son rapport à la nature donc, mais aussi pour sa tension, et les rapports de force entre les personnages. Ce Pamfir qui cherche avant tout à être un bon mari et un bon père, et qu’un incident amène à se confronter au potentat local, très westernien. Le film a aussi la simplicité du western, voire la même propension à réduire certains personnages à ce qu’ils incarnent.

Ce pourrait être sa limite, mais le personnage principal est tellement fort (dans tous les sens du terme) qu’il dépasse de loin toutes les facilités scénaristiques. Et il y a la forme : ces très longs plans séquences d’une beauté foudroyante, la caméra mobile créant constamment un mouvement qui emporte tout, jusqu’à cette fameuse scène du carnaval, virtuose et immersive, qui semble concentrer en un unique lieu toute la vie de cette région, pendant que Pamfir finit par ne plus faire qu’un avec la nature qui l’entoure, jusqu’à s’enfoncer inexorablement dans ses entrailles.

R.M.N. (id.) – de Cristian Mungiu – 2022

Posté : 30 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, MUNGIU Cristian | Pas de commentaires »

RMN

Le film s’ouvre dans un abattoir, où un employé roumain rudoie son supérieur après que celui-ci l’est traité de feignant, « comme tous les gitans ». Et on sent bien que c’est le côté « gitan » qui l’a mis hors de lui, plutôt que le côté « feignant ». Il quitte son job et retourne dans son petit village de Transylvanie, où cohabitent difficilement les communautés roumaines et hongroises, et où on vit mal l’arrivée de deux Sri-Lankais embauchés par la grande usine locale, une boulangerie industrielle.

Il faut dire que cette usine, qui est le plus grand employeur local, paye au minimum, et que la plupart des travailleurs du coin sont partis à l’étranger pour gagner une meilleure paye. Mais quand même, doit-on accepter que ces étrangers viennent prendre nos boulots ? Et puis on vient à peine de retrouver la paix après d’être débarrassé des gitans, alors… Peut-on vraiment ouvrir notre communauté à tout le monde ! « On a rien contre eux, du moment qu’ils restent chez eux… »

Ajoutons encore un Français venu compter les ours pour une OMG, et la culture allemande encore bien présente des siècles après une première vague d’immigration… Il y a, concentré dans ce petit village roumain, à la fois tout le métissage culturel européen, et toute l’hostilité vis-à-vis de l’étranger… Un paradoxe explosif que Cristian Mungiu saisit avec une acuité exceptionnelle. Et notamment lors d’un très, très long plan séquence (fixe) au cours duquel le cinéaste filme une assemblée lancée en plein débat sur le sort à réserver aux Sri-Lankais.

Tous les habitants du village sont là, réunis et tournés vers les notables locaux qu’on ne voit pas. Ce qu’on voit en revanche, c’est l’animosité, la défiance, la manière dont l’hostilité dirigée vers deux travailleurs sans histoire dévoile peu à peu les vieilles rancœurs, le mur qui sépare les deux communautés historiques. Et en même temps, les tourments et troubles des personnages principaux, attirés et séparés par le drame qui se noue dans le village.

D’un côté : Matthias, l’ouvrier qui revient au village, un colosse mal dégrossi, qui retrouve une épouse qu’il a visiblement maltraitée avant son départ, son fils qui ne parle plus depuis qu’il a fait une mystérieuse rencontre dans les bois, son père qui souffre d’un mal dont on ne sait pas grand-chose. Et de l’autre : Csilla, visiblement l’ancienne maîtresse de Matthias, mais aussi le bras droit de la patronne de la boulangerie. Une femme bien, qui fait ce qu’elle peut pour les deux ouvriers venus de si loin…

Quinze ans après sa belle Palme d’Or (4 mois, 3 semaines, 2 jours), Cristian Mungiu signe un film merveilleux, d’une grande puissance et visuellement splendide. Un film qui réussit le tour de force de nous plonger dans les tourments intimes de ses personnages, et de présenter un portrait complexe, pertinent et très percutant d’une Europe tiraillée par les questions d’identité et d’ouverture. La peur de l’autre, l’incompréhension, la quête de soi… Des thèmes fascinants, pour un film magnifique dont le final, déconcertant, hante longtemps le spectateur.

L’Innocent – de Louis Garrel – 2022

Posté : 27 novembre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GARREL Louis | Pas de commentaires »

L'Innocent

Un petit vent de folie douce souffle sur cette comédie douce-amère, qui flirte allégrement avec le cartoonesque. Une scène illustre bien la manière dont Louis Garrel, devant et derrière la caméra, fait surgir le grotesque sans avoir l’air d’y toucher : son personnage (Abel, comme dans tous les films qu’il réalise lui-même) s’engueule avec sa meilleure amie (Noémie Merlant), et c’est dans un champ détrempé que ça se passe, les chaussures des deux amis s’alourdissant pas après pas de la terre qui colle aux semelles.

Le moment n’est pas drôle en soi : il y a même une vraie tension entre les deux personnages, qu’une tragédie commune relie et sépare en même temps. Mais ce détail absurde des deux amis qui s’enfoncent dans le champs (pourquoi dans les champs?) libère quelque chose chez le spectateur, comme si Louis Garrel nous autorisait à se moquer tendrement de ces personnages, tellement inspirés par sa propre histoire personnelle.

Abel, donc, est un jeune adulte un peu paumé, qui ne sait surtout plus quoi faire avec sa mère, pétillante sexagénaire qui a un cœur grand comme ça, et qui a développé une étrange habitude depuis qu’elle donne des cours de théâtre dans les prisons : elle y tombe amoureuse. Et là, ça a l’air bien sérieux avec ce braqueur repenti (« c’est fini tout ça ») qui s’apprête à retrouver la liberté pour mener une vie rangée, honnête, sans entourloupe…

Sauf qu’Abel n’y croit pas une seconde. D’abord, comment fait-il pour payer à sa mère une boutique en plein centre ville ? Alors il le suit, il l’espionne. Et c’est à un véritable jeu d’équilibriste que se livre Louis Garrel, devant et derrière la caméra, avec ce film original et très séduisant. Moins pour l’histoire que pour le ton, sorte d’équilibre impossible et pourtant tenu entre tragédie et burlesque, entre vérité et excès…

Il y a du Woody Allen dans cet équilibre-là, dans cet humour décalé, et dans cette manière de placer la notion de jeu et de théâtre au cœur de tout. Louis Garrel, chouette auteur : une révélation pour moi. Louis Garrel, grand directeur d’acteurs aussi. Bon… de grands acteurs, c’est vrai, mais son mérite n’en est pas moins grand : encore fallait-il aller chercher Anouck Grinberg, qui fait son grand retour après une panouille dans Les Volets verts. Quant à Roshdy Zemm, après Les Enfants des autres et avant son propre film Les Miens, c’est décidément son année….

EO (IO) – de Jerzy Skolimowski – 2022

Posté : 10 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, SKOLIMOWSKI Jerzy | Pas de commentaires »

EO

Cinéaste rare, le Polonais Jerzy Skolimowski a remporté le Prix du Jury au dernier festival de Cannes, la fameuse « Palme du cœur ». Et du cœur, il y en a dans ce film vu par les yeux d’un âne, et inspiré du Au hasard Balthazar de Bresson, dont Skolimowski dit que c’est le seul film qui l’a fait pleurer dans sa vie.

Adopter le point de vue d’un animal… Rien à voir avec le Cheval de guerre de Spielberg, où le cheval est finalement avant tout une astuce scénaristique pour passer d’un lieu à l’autre, d’un personnage à l’autre. Skolimowski va beaucoup, beaucoup plus loin, faisant réellement de l’âne EO son personnage principal, et son narrateur. Et plus il va loin dans cette démarche, plus le film est beau.

EO raconte donc les tribulations de cet âne qui porte un regard totalement dénué de jugement mais plein d’incompréhension sur le monde qui l’entoure, alors que les hasard et accidents de sa vie l’amènent à traverser l’Europe. On le découvre dans un cirque ambulant, où il fait équipe avec une jeune femme qui le traite avec amour… et dont il est séparé par l’intervention de défenseurs des animaux.

Skolimowski est un défenseur des animaux, pas de doute là-dessus. Pourtant, on sent bien qu’il n’a pas une admiration sans borne pour ces militants qui privent son héros de l’affection de la jeune femme. Pas plus que pour qui que ce soit d’ailleurs. L’âne ne juge pas, mais on n’est pas bien sûr de pouvoir dire la même chose du cinéaste qui, à travers le regard de son drôle de héros, filme une humanité à peu près unanimement hostile.

C’est d’ailleurs quand l’âne s’enfonce au plus profond de la nature, belle et sauvage, que le film est le plus beau, le plus intense, le plus vivant même. Dans ces moments, le cinéaste radicalise son esthétisme, et nous entraîne dans une espèce de trip sensoriel sublime et fascinant, qui évoque les plus grands moments de David Lynch ou Bella Tarr. A ceci près que lui ose un décalage du point de vue vers le règne animal, ce qui est quand même assez audacieux.

Et convainquant, même si Skolimowski verse volontiers du côté de l’anthropomorphisme, jouant avec le regard et les réactions de son héros, et nous livrant des visions des souvenirs heureux de l’âne. Là, franchement, on pourrait faire la moue. Mais non : la sincérité du propos est telle qu’on se laisse embarquer par l’émotion, et qu’on finit par voir les retours réguliers à la civilisation, et à un style plus classique, comme l’irruption de dangers potentiels.

Il faut dire que l’humanité filmée par Skolimowski est gratinée : du violent, de l’aviné, du haineux… Qu’ils soient fermiers, pompiers, chasseurs, ou supporters de foot, la quasi-totalité des personnages humains du film ne font qu’utiliser les animaux ou les envoyer à la mort. Le film marque d’ailleurs par son utilisation très parcimonieuse de la violence, qui apparaît souvent sans qu’on s’y attende, brisant brutalement des moments de grâce ou de douceur.

Rares sont les personnages qui trouvent grâce aux yeux du réalisateur. Le jeune prêtre, peut-être, qui semble vouloir offrir à EO une retraite paisible, dans une espèce de havre de paix italien. Mais ce havre cache l’un de ces drames amoureux humains totalement incompréhensibles pour un animal comme cet âne, avec une Isabelle Huppert qui apparaît tardivement (et inutilement longuement, comme si Skolimowski voulait profiter de la participation de l’actrice), diva ramenant le jeune prêtre à un drame tristement banal.

Ne serait-ce que pour la forme, extraordinaire et rare, EO est une merveille. Et il y a un peu plus que ça : la vision délicieusement sincère d’un jeune cinéaste octogénaire, dont l’audace et la maîtrise de son art font un bien fou, comme un appel à tous les cinéastes du monde : osez, allez au bout de vos visions ! Skolimowski a 84 ans, et il a l’enthousiasme d’un jeune artiste sans le moindre cadre. C’est beau.

Les Enfants des autres – de Rebecca Zlotowski – 2022

Posté : 2 novembre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, ZLOTOWSKI Rebecca | Pas de commentaires »

Les Enfants des autres

Promis : je ne répéterai pas une fois encore que Virginie Efira est immense, qu’elle a ce talent rare (si rare) pour faire naître une émotion et son contraire dans le même instant, qu’elle est de la trempe d’une Vivien Leigh (j’ai vérifié : je ne l’ai déjà écrit que deux fois sur ce blog). Bref. Parlons du film plutôt. De ce film si beau et si pudique que porte une Virginie Efira si émouvante, bouleversante, intense et nuancée…

Bon. Virginie Efira est grande, c’est un fait. Et ce fait inspire visiblement les cinéastes les plus passionnants du moment. La preuve avec ce film si personnel de Rebecca Zlotowski, qui offre à l’actrice un rôle qui ressemble bien à un alter ego : une femme ayant dépassé la quarantaine qui vit une belle histoire d’amour avec un père divorcé (Roshdy Zem, magnifique), dont la fillette lui fait prendre conscience de son envie désormais urgente d’être elle-même mère.

L’influence ce Truffaut baigne cette chronique d’une histoire d’amour. Pas seulement dans cette façon d’ouvrir et de conclure chaque séquence « à l’iris », comme si chaque scène se terminait par la fin d’une journée et par l’arrivée du sommeil, soulignant ainsi le temps qui s’écoule implacablement (et ça a du sens). On retrouve aussi chez Rebecca Zlotowski la même manière quasi amoureuse de filmer ses acteurs, au plus près, dans ce qu’ils ont de plus intime, et pourtant sans jamais être impudique.

On n’a pas si souvent vu filmer aussi intimement la naissance non pas du désir, mais du sentiment : ces doigts qui se cherchent dans la nuit parisienne, puis ces corps nus qui s’enlacent dans une étreinte passionnée et tendre. Oui, tendre. Le sexe est beau dans ce film, et ça non plus, ce n’est pas si courant. Comme il n’est pas si courant de voir des corps nus filmés avec une telle délicatesse, sans fard mais sans voyeurisme.

Et puis il y a la fille de son amoureux, cette enfant à laquelle le personnage de Virginie Efira donne tout son amour, mais qui ne sera jamais vraiment sa fille, parce qu’elle a déjà une maman (Chiara Mastroianni, beau personnage et belle présence). Et cette relation là, cet amour là, est le vrai cœur du film. Quelle est la place de la belle-mère dans une famille recomposée ? Le thème n’a pas souvent été abordé au cinéma. Il l’est ici avec une intelligence et une vérité exemplaires.

Et Virginie Efira (voilà que je m’y remets) donne corps à toutes les nuances de cette relation, toute la complexité du rôle qu’elle tient dans cette famille. Elle est magnifique, donc. Toute en nuances, comme toujours, comme le résume cet unique plan la suivant, seule, dans la solitude d’une nuit parisienne. C’est d’amour, qu’il faut aimer cette actrice.

Ava (id.) – de Tate Taylor – 2020

Posté : 23 octobre, 2022 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), TAYLOR Tate | Pas de commentaires »

Ava

Une tueuse à gages avec des états d’âmes… Non, ce n’est pas Luc Besson qui réalise. Ce n’est même pas lui qui écrit. D’ailleurs, il n’a rien à voir avec le film, et c’est plutôt une bonne nouvelle. Autre bonne nouvelle : c’est Jessica Chastain qui interprète ladite tueuse. Et comme elle est une actrice plutôt passionnante et surprenante, on évite les clichés les plus éculés.

Côté intrigue en revanche, rien de bien neuf : la tueuse, qui bosse pour une mystérieuse agence, se retrouve bientôt sur la liste des gêneurs à abattre par la même agence. Côté action, rien de bien neuf non plus. Elle est forcément super-forte à toutes les techniques de combats, armées ou à mains nues, et vous dézingue une mini-armée à elle seule, même en robe fendue (rouge pétant) et talons hauts.

Tout ça est filmé avec une vraie efficacité, et se regarde avec un certain plaisir vaguement absent. John Malkovich cachetonne sans trop cabotiner. Colin Farrell s’est fait une nouvelle coupe et nous offre quelques moments marrants et politiquement incorrects en impliquant son ado de fille dans ses affaires de meurtres. Geena Davis fait son retour dans un rôle assez réjouissant de maman indigne…

Il me semble avoir fait à peu près le tour. Après une journée de merde, et avec pleins de trucs dans la tête dont vous savez que vous ne pourrez pas totalement vous défaire, regarder Ava est une option tentante…

Entre la vie et la mort – de Giordano Gederlini – 2022

Posté : 20 octobre, 2022 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, GEDERLINI Giordano | Pas de commentaires »

Entre la vie et la mort

Un jeune homme se suicide en se jetant sous les roues d’une rame de métro. Le chauffeur n’a que le temps d’apercevoir le visage du malheureux : celui de son propre fils, qu’il n’a plus revu depuis des années. Beau point de départ pour un polar âpre et très ancré dans le réel, qui ne manque ni de bonnes intentions, ni de bons moments. L’une des belles idées aussi, est d’avoir fait du personnage principal, le conducteur rongé par la culpabilité et le besoin de comprendre, un immigré : un Italien solitaire, ayant fuit en France on ne sait quel passé.

Sans doute le film aurait-il d’ailleurs gagné en laissant planer le mystère des origines. La peinture de cet homme seul et déraciné, vivant dans un appartement sans charme dans un immeuble sans charme, luttant seul pour se rendre justice, était suffisamment forte pour se suffire à elle-même. Toute la première partie, assez opaque dans le fond mais remarquablement intense, est d’ailleurs très réussie, et passionnante. Et l’acteur espagnol Antonio De La Torre apporte ce qu’il faut de mystère et de rage ravalée à ce personnage d’écorché.

Parallèlement sa quête de vengeance, le réalisateur filme le travail de la police : une flique sur la corde (Marina Vacth) surveillée par son supérieur qui est aussi son père (Olivier Gourmet), plaçant définitivement le thème de la paternité au cœur du film. Un peu superflu pour le coup, surtout que cette relation père-fille là, si intense soit-elle, a un petit côté déjà-vu, et n’apporte pas grand-chose.

Dans sa dernière partie, le réalisateur chilien Giordano Gederlini verse aussi un peu dans les facilités qu’il avait soigneusement évitées jusque là, faisant de son polar très noir un revenge movie assez classique dans le fond. Toujours avec cette patte hyper-réaliste et très noire qui donne tout de même un liant à ce film qui esquisse trop de pistes pour être totalement convainquant.

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