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Archive pour la catégorie '2020-2029'

Indiana Jones et le cadran de la destiné (Indiana Jones and the dial of destiny) – de James Mangold – 2023

Posté : 14 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), FANTASTIQUE/SF, FORD Harrison, MANGOLD James | Pas de commentaires »

Indiana Jones et le cadran de la destinée

Quinze ans déjà qu’on avait quitté notre aventurier préféré, vieillissant mais encore fringuant, à l’issue d’un épisode pour le moins faiblard malgré quelques beaux moments. Quinze ans d’annonces et de rendez-vous manqués, et voilà qu’il revient à l’aube du grand âge, et sans le regard d’un Spielberg qu’on croyait immuable. Sans Lucas aussi, ce qui pour le coup est plutôt rassurant.

Et curieusement, ce grand âge et ce regard neuf sont sans doute les meilleures nouvelles de ce cinquième opus tardif (42 ans depuis le premier film quand même) et enthousiasmant, qui nous cueille d’emblée avec une longue séquence introductive qui nous ramène à la grande période de la trilogie originelle. Même époque ou presque (la fin de la guerre en l’occurrence), mêmes ennemis (les Nazis), même rythme effréné, même nonchalance rigolarde d’un Harrison Ford rajeuni numériquement.

L’illusion est presque parfaite. Presque, parce qu’on n’échappe pas tout à fait à une espèce de lissage numérique, qui dresse une petite distance entre l’action et le spectateur. Plutôt bluffant quand même, et mené à un rythme d’enfer par un James Mangold dont on attendait le meilleur, et qui ne nous offre rien d’autre, bien plus qu’un disciple appliqué : un cinéaste enthousiasmant qui garde son identité tout en s’inscrivant ouvertement dans la lignée de Spielberg.

Après ces vingt premières minutes de pure nostalgie, la transition est brutale, et rude. Vingt-cinq ans ont passé. L’archéologue aventurier est désormais un universitaire vieillissant sur le point de sa retraite. Et c’est dans un appartement sans charme de New York qu’on le retrouve, émergeant difficilement d’une nuit trop courte. Corps fatigué, visage accusant ses 80 printemps, voix un peu plus éraillée, regard lessivé par les années et les drames récents de sa vie.

Et là, la claque : qu’un héros aussi mythique, incarné par une aussi grande star, dans une saga aussi importante, assume à ce point son âge, sans tricher, sans même rien en cacher (jamais Harrison Ford n’avait encore dévoilé aussi frontalement les effets de l’âge sur son corps), voilà qui tranche pour le moins radicalement avec le tout venant des grosses productions hollywoodiennes. Et le fait de retrouver d’abord Harrison Ford comme revenu d’une autre époque ne fait que renforcer la brutalité de ce vieillissement, qui sera constamment l’un des thèmes forts du film, si ce n’est son axe central.

Le film de Mangold séduit aussi par son refus de céder à peu près à toutes les tendances mortifères du cinéma hollywoodien actuel : il évite la surenchère gratuite, ne cède pas au fan service jusqu’au-boutiste, et ne tire pas un trait sur les événements du quatrième volet, ce que bien d’autres sagas (de Terminator à Halloween) ne se sont pas gênés de faire. Au contraire : ce qui pouvait sembler être des boulets tout pourris fournissent les éléments les plus émouvants de ce film. Et non, on ne peut pas en dire sans gâcher quelques surprises, et une conclusion magnifique qui remuera les fans de la première heure.

Il y a, quand même, tout ce qu’on attend d’un Indiana Jones : des escales dans plusieurs continents, quelques réminiscences des premiers épisodes (le retour de Sallah notamment, dans un rôle modeste mais truculent et nostalgique), des courses-poursuites dans les modes de transport les plus inattendus (séquence géniale dans un tuk tuk à Tanger, séquence rigolote à cheval dans la fameuse parade des héros de la lune à New York), et un artefact aux pouvoirs mystérieux, en l’occurrence un cadran imaginé par Archimède il y a 2000 ans, censé permettre le voyage dans le temps.

C’est généreux et inventif, avec ce petit plus qui change tout : Indiana Jones est vieux. Et il le sait. « Those days are come and gone », lance-t-il à son vieil ami avant de s’envoler pour une aventure qui ressemble furieusement à un ultime baroud d’honneur pour un homme qui se sait en bout de course. Mais il a de beaux restes, pour le moins, et tiens largement sa place dans les nombreux morceaux de bravoure.

Et puis Mangold réussit haut la main là où Spielberg et Lucas avaient échoué en 2008 : avec le sidekick d’Indy, et avec le grand méchant. Oublié l’agaçant personnage de Shia LaBeouf. Dans le rôle de la filleule d’Indiana Jones, Phoebe Waller-Bridge apporte une fraîcheur et une fausse légèreté assez parfaites. Dans celui du Nazi de service, Mads Mikkelsen est formidable, évitant les clichés faciles, et s’imposant comme le méchant le plus fascinant de la saga.

Et cette dernière scène, dont on ne peut rien dire, mais qui assure au personnage une sortie digne de lui. Le film offre deux heures trente de pur plaisir nostalgique. Mais même s’il n’y avait que cette dernière scène, elle justifierait que Harrison Ford renfile son Fedora pour cette cinquième et ultime fois. Et puis, qu’une saga basée sur une idée presque cartoonesque de l’action se conclue sur un épisode abordant frontalement le vieillissement, ça a quand même pas mal de gueule…

* Voir aussi : Les Aventuriers de l’Arche perdueIndiana Jones et le Temple maudit, Indiana Jones et la Dernière Croisade et Indiana Jones et le Royaume du Crâne de cristal.

Showing up (id.) – de Kelly Reichardt – 2022

Posté : 13 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, REICHARDT Kelly | Pas de commentaires »

Showing up

First Cow, son dernier film en date, avait été une sorte d’apogée pour Kelly Reichardt, qui nous plongeait au cœur de l’Amérique des pionniers comme peu de cinéastes avant elle. Après ce western fascinant et sublime, on ne s’attendait pas à ce qu’elle creuse le même sillon. De fait, elle emprunte un chemin apparemment radicalement différent, aux antipodes cette fois de la notion même du cinéma de genre.

On pourrait résumer (comme certains critiques ne se sont pas privés de le faire) Showing up comme un film où il ne se passe rien. Ce n’est pas tout à fait faux, mais c’est encore moins vrai : il se passe énormément de choses dans ce film, mais des petits riens physiques, ou de grandes tempêtes intérieures. Bref, rien de spectaculaire, et pas de grand travail de reconstitution : le film suit le quotidien d’une sculptrice bien d’aujourd’hui, dans les derniers jours qui précèdent son exposition.

Rien de spectaculaire, et rien de séduisant non plus : Michelle Williams, aux antipodes de son rôle incandescent de The Fabelmans, incarne une artiste de l’ombre, qui mène une vie morne et plutôt solitaire, pas très sympathique et franchement pas aimable. Pas même un génie : ses sculptures séduisent, mais provoquent davantage de réactions polies que de réels enthousiasmes…

Son quotidien, dans ces derniers jours avant sa grande expo, ce sont ses longues séances de travail dans son garage sans charme, à la porte à moitié ouverte sur la route et les poubelles. Ses relations taiseuses avec ses parents divorcés et son frère à moitié frappé. Les liens qu’elle ne cherche jamais à tisser avec les autres artistes qui fréquentent la même école d’art qu’elle, ou sa voisine et collègue qui lui ouvre son cœur mais qu’elle ne cesse d’envoyer chier…

Derrière cette froideur, on sent pourtant quelque chose de douloureux, une incapacité à s’ouvrir à l’autre, et une frustration sourde qui semble parfois sur le point d’exploser. Une scène, surtout, contient toute cette douleur qui ne demande qu’à sortir : celle où, seule dans son appartement alors que sa voisine reçoit des amis, elle manipule et observe les sculptures qu’elle vient de terminer. Là, Kelly Reichardt capte une tension dont on sent qu’elle peut se transformer en violence explosive…

Il y a la frustration, il y a aussi le dégoût que le personnage semble éprouver pour elle-même, et qui se cristallise autour de ce pigeon, personnage central du film, que notre héroïne retrouve à moitié bouffé par son chat, et dont elle se débarrasse en lançant un cruel « va mourir ailleurs », alors que sa voisine le recueille et le soigne. Ce pigeon sera mine de rien un révélateur, un guide, et un lien avec la société, et même avec la vie…

Le film est fait de petits riens, de minuscules accidents. Il est lent, très. Mais cette lenteur, qui mène à la frontière de l’ennui sans jamais vraiment y verser, finit par nous mener dans un étrange état second, où les émotions affleurent sans jamais s’imposer. Un film peu aimable, mais beau et douloureux, comme son personnage principal.

L’Amour et les forêts – de Valérie Donzelli – 2023

Posté : 12 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, DONZELLI Valérie | Pas de commentaires »

L'Amour et les forêts

C’est devenu presque une évidence sur ce blog : Virginie Efira est une actrice d’une justesse et d’une intensité incomparables. La Vivien Leigh du XXIe siècle, ai-je déjà avancé, et je confirme une nouvelle fois après avoir vu, et ressenti profondément, ce film sur une relation toxique, un couple qui semble heureux mais qui se révèle être une véritable prison pour l’épouse littéralement enfermée et terrorisée par un mari possessif jusqu’à la maladie.

Elle est une nouvelle exceptionnelle, donc. Mais il faut aussi souligner la prestation glaçante de Melvil Poupaud, qui réussit à glisser une troublante humanité, et même une authentique fragilité dans son incarnation d’un homme odieux, tyrannique et dangereux, capable on le sent d’allonger à tous moments la sinistre liste des femmes mortes sous les coups de leurs conjoints.

C’est tout le sujet de ce film fort, belle adaptation du roman d’Eric Reinhardt qui rend palpable ces tragédies quotidiennes et révoltantes. Pourtant, la violence physique reste le plus longtemps absente. Mais c’est une autre forme de violence que filme Valérie Donzelli : l’emprise de plus en plus étouffante de cet homme sur sa femme, qui transforme peu à peu une belle histoire d’amour en un calvaire que tout le monde voit venir. Tout le monde, sauf la principale intéressée.

Là, il fallait le talent d’une Virginie Efira pour maintenir ce fragile équilibre entre la femme intelligente et déterminée, et cette épouse qui réalise trop tard que son prince charmant l’enferme dans une maison qui ressemble bien plus à un cachot qu’à un palais. C’est révoltant, glaçant, et très dur par moments. Et c’est filmé avec un mélange de crudité et de fantaisie par une Valérie Donzelli qui raconte son film au plus près de son héroïne.

La fantaisie de la réalisatrice prend les formes d’une séance chantée et désenchantée, scène faussement légère qui, à la manière de Jacques Demy, marque une rupture radicale dans la vie de la jeune femme. Ou d’une étonnante balade dans la forêt avec un amant d’un jour interprété par un Bertrand Belin hors du temps, comme une bouffée d’air désespérée avant la noyade. Dans le fond et dans la forme, L’Amour et les forêts est un film puissant.

Mayday (Plane) – de Jean-François Richet – 2023

Posté : 11 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), RICHET Jean-François | Pas de commentaires »

Mayday

Il y a des gens comme ça qui ont la poisse. Comme les quatorze passagers de ce vol commercial qui devrait être sans problème, en cette soirée de Nouvel An, si un orage particulièrement violent n’obligeait le pilote à faire un atterrissage d’urgence sur une île. Ce serait déjà passablement contrariant, mais il se trouve que cette île est une zone de non-droit tenue par des milices terroristes… Oui, pas de bol.

Voilà une série B aussi chiche en moyens que généreuse en tension et en action. Et, surprise, c’est un cinéaste français que l’on a connu plus ambitieux chez nous qui est derrière la caméra : Jean-François Richet, qui continue donc un parcours assez atypique, entre grosses productions françaises (Mesrine, L’Empereur de Paris) et films de genre américains (Assaut sur le Central 13, Blood Father).

On est surpris, d’abord, de voir de sa part un film si dénué de gros effets, si modeste en quelque sorte. Parce que la première partie est un quasi-huis clos, qui ne sort à peu près jamais de l’avion, voire même du cockpit. Richet choisit le point de vue presque exclusif du pilote joué par Gerard Butler, et c’est la meilleure idée de ce début de film. Des catastrophes aériennes, on en a vu des tonnes au cinéma, mais le plus souvent du point de vue passif des passagers. Ce changement de paradigme est assez fascinant.

Il crée en tout cas une tension qui ne retombe jamais. Il faut dire que Richet construit son film au cordeau, évacuant tout le gras tout en faisant exister (a minima, mais tout de même) ses personnages. Surtout, ses scènes d’action qui s’enchaînent bientôt sont sèches, brutales, et d’une redoutable efficacité. Et puis Mayday ne pête jamais plus haut que son cul : Richet assume avec gourmandise le statut de série B de son film, et assure haut la main le plaisir.

Ghostbusters : l’héritage (Ghostbusters : Afterlife) – de Jason Reitman – 2021

Posté : 10 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, FANTASTIQUE/SF, REITMAN Jason | Pas de commentaires »

Ghostbusters  l'héritage

Dans l’immense collection actuelle des suites-remakes-reboots et toute autre manière d’exploiter jusqu’à la lie les recettes éprouvées pour assurer un succès sans trop de risques, ce retour-ci a quelque chose de joliment rafraîchissant. Quelque chose qui ressemble à de la douce nostalgie sans doute.

Le fait que le scénariste et réalisateur de ce troisième (ou quatrième, si on compte le remake au féminin récent et déjà oublié) opus soit le fils d’Ivan Reitman n’est évidemment pas anodin. Comme ne l’est pas le fait que la jeune héroïne du film ait 12 ans, soit exactement l’âge qu’avait Jason lorsque son père tournait SOS Fantômes 2.

Tout est dans ce parti-pris là : la sincérité de cette suite tardive, le respect, l’amour, et aussi l’envie de trouver ses propres marques. Ce Ghostbusters là fait en gros ce qu’un fils fait avec un père qu’il aime : il lui rend un hommage vibrant, tout en s’en démarquant ouvertement. L’esprit est là, les références aux deux premiers films sont omniprésentes, mais Jason Reitman, tout en signant une suite directe (avec la même menace, les mêmes fantômes, les mêmes gadgets), signe un film assez différent.

Le décor du film n’est pas anodin : loin de New York, le fils Reitman situe son action dans le coin le plus paumé d’Amérique. Les acteurs des deux premiers films, très présents par références interposées, n’apparaissent en fait que quelques minutes, farouchement nostalgiques et un peu déconnectées du récit. Surtout, le fait de recentrer le film sur des enfants et adolescents fait de cet Afterlife un peu plus qu’un hommage au Ghostbusters original : un hommage à tout un pan du cinéma des années 1980, symbolisé par les Goonies.

Jason Reitman est un réalisateur plutôt habile (on lui doit Juno), et pour tout dire nettement plus emballant que son père. Et ça se sent dès les premières images : même s’il touche visiblement à ses limites dans les scènes d’action, pas très immersives, il révèle d’emblée une ambition formelle et un sens du rythme qui renvoie les deux premiers films à une sorte de préhistoire du genre. Attachant, le film trouve un étrange équilibre, hommage tendre sincère, et nouveau départ qui apporte un vrai vent de fraîcheur à la saga.

A défaut d’être ébouriffant (le film reste quand même très sage), l’approche est séduisante, et même touchante. Suite, reboot, hommage… Qu’importe, le plaisir est bien là.

Chien de la casse – de Jean-Baptiste Durand – 2023

Posté : 7 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, DURAND Jean-Baptiste | Pas de commentaires »

Chien de la casse

Chien de la casse est un peu au film de banlieue ce que La Mort aux trousses était au film noir : une sorte de contre-pied réjouissant, qui ramène le « genre » à ses fondamentaux. Parce qu’au fond, il est plus souvent question de la jeunesse et du désœuvrement que de la banlieue elle-même. Ici, les vieilles pierres et les grands espaces remplacent les barres d’immeubles et les horizons fermés, et les jeunes font de grandes phrases, citent Montaigne, et s’emmerdent.

Et il y a ce grain de sable qui vient remettre en cause le fragile équilibre de ces soirées à ne rien faire : une jeune auto-stoppeuse dont tombe amoureux le plus taiseux de la bande, révélant aux autres leurs propres doutes, leurs incertitudes et leur fragilité. Et voilà à peu près le meilleur résumé que je peux faire de ce film où, foncièrement, il ne se passe rien.

Rien d’autres en tout cas que des discussions stériles, des silences, de l’attente, de petits trafics pas bien méchants… Il ne se passe rien, et il ne fait même pas beau, dans cet arrière-pays du Sud de la France, où l’avenir se résume à de maigres possibilités : se barrer dans l’armée, se créer son propre emploi, ou rêver d’un ailleurs dont on sait bien qu’il n’existera pas.

C’est un premier film, mais le réalisateur Jean-Baptiste Durand affiche une maîtrise de son art, et de son sujet, qui lui permettent d’éviter les grands discours, l’approche trop démonstrative. Son film se concentre sur l’amitié de deux jeunes hommes inséparables, mais que tout semble opposer. L’un (Anthony Bajon, étrangement séduisant) est un taiseux immobile, qui passerait volontiers ses journées devant sa « Play » à enchaîner les parties de FIFA. L’autre (Raphaël Quenard) est un tchatcheur lettré et ouvert, qui parle aux jeunes comme aux vieux.

On aurait vite de conclure qu’il y a le dominant et le dominé, mais la vie est autrement plus complexe et nuancée, et le film de Jean-Baptiste Durand aussi. Ce que révèle le cinéaste, c’est ce lien invisible qui unit deux êtres dissemblables, et qu’ils n’ont peut-être même pas choisi. « Je suis pas ton ami, je suis ton frère. Même si tu me hais, je resterais quand même ton frère », lance Miralès à Dog. Et c’est la vérité de ce lien qui domine, au-delà de la tension qui monte, au-delà de la tristesse et de la peur du lendemain.

Chien de la casse, surtout, frappe par son rythme et la puissance des émotions, pourtant tues. Jusqu’à la douleur d’une perte dont on ne dira rien, mais que Durand filme avec une pudeur et une simplicité bouleversante. Au-delà de la performance d’acteurs merveilleux (Bajon et Quenard, deux grandes révélations de ces dernières années), c’est peut-être bien la naissance d’un grand cinéaste que Chien de la casse nous offre. Bref, un film qui pourrait bien faire date.

About Kim Sohee (Saheum Sohee) – de July Jung – 2022

Posté : 4 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, JUNG July | Pas de commentaires »

About Kim Sohee

Une critique sociale inspirée d’une histoire vraie. Oui, ça peut faire peur, surtout quand on connaît le fait divers. Et une fois n’est pas coutume, sans doute vaut-il mieux le connaître avant de voir le film. Pour une fois, donc, vive le spoil !

Kim Sohee, c’est une jeune étudiante coréenne que son lycée place dans un centre d’appel d’un grand groupe de télécommunication pour son stage professionnel. Pleine de vie, pleine de projets, la jeune femme ne tarde pas à être broyée par la pression que lui mettent ses managers, par l’inhumanité de la tâche qu’elle doit accomplir, et par le silence de tous ceux qui l’entourent : profs, amis, et même parents… Jusqu’à la tragédie, qui fait de la jeune Kim Sohee une sorte de symbole de cette Corée rongée par l’obsession chiffrée de la performance, à tous les niveaux.

Ce pourrait être plombant, c’est absolument passionnant, et bouleversant. July Jung (dont c’est le deuxième long métrage, huit ans après A girl at my door) signe une mise en scène précise et intime, suivant au plus près du visage et du corps le parcours de cette jeune femme, danseuse acharnée prête à répéter cinquante fois le même mouvement, que l’on voit inexorablement se détacher de tout, comme si la réalisatrice filmait la vie qui lui échappait, souffle par souffle.

Et ce n’est que la première partie. Au mitan du film, la rupture, et un autre point de vue : celui d’une policière dont on sent d’emblée qu’elle, au contraire de Kim Sohee, a perdu ses illusions depuis bien longtemps. Mais son propre parcours, dans les pas de la jeune femme, dresse un troublant parallèle, et va plus loin encore dans le constat de ce pays où toute humanité est sacrifiée sur l’autel du profit, du résultat, du classement, de la hiérarchie.

Révoltant, troublant, désespérant, déchirant, magnifique, ce portrait croisé sans concession de deux femmes si éloignées, et pourtant presque jumelles, est d’une puissance assez incroyable. Le genre de films dont on espère qu’il contribuera à faire bouger les lignes. Même si ce n’est pas le cas, c’est une merveille, ce qui est déjà pas mal.

De grandes espérances – de Sylvain Desclous – 2022

Posté : 17 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, DESCLOUS Sylvain | Pas de commentaires »

De grandes espérances

Dans Mon crime, son personnage était constamment dans l’ombre de son amie actrice et pseudo-meurtrière. Pourtant, elle dévorait l’écran par un magnétisme assez rare. Ce magnétisme explose littéralement dans De grandes espérances où, sur un autre registre, elle est de toutes les scènes, et presque de tous les plans. Rebecca Marder est une actrice magnifique, et c’est la première qualité de ce film que de le confirmer.

Et mine de rien, il est d’une extrême richesse ce personnage de jeune femme brillante, issue de la classe la plus populaire, et destinée aux plus hautes fonctions de l’État. Elle est presque trop parfaite : belle, intelligente, engagée à gauche, grande amoureuse, débatteuse enflammée, visionnaire et courageuse. Mais il y a cet écueil sur une route toute tracée : une altercation imbécile sur une petite route de Corse, un homme trop agressif, un petit ami trop lâche, et un fusil trop à portée de main…

Et voilà comment la peinture sociale, déjà passionnante grâce à ce personnage si fort, tourne au thriller politico-romantique. Et comment les failles apparaissent : une fragilité jusque là si bien cachée, un père pas très présentable quand on fréquente d’anciens ministres, et un mensonge qui passe mal. Le mensonge : ce sujet si complexe qui laisse la brillante oratrice muette face au jury de l’ENA, comme si, soudain, la réalité du monde et la pureté des convictions se télescopaient.

Le manichéisme apparent (le gentil social de gauche face au méchant capitaliste de droite) se heurte très vite à une vérité bien plus complexe. Les uns et les autres sont du même monde, du même moule, et les bons sentiments n’y font rien. Le film de Sylvain Desclous n’appuie jamais sur ces contradictions, mais distille des petites touches de cynisme, qui renforcent paradoxalement l’humanité des personnages.

Les scènes entre la fille et le père sont particulièrement fortes, en ce qu’elle mettent en évidence le mur qui sépare les couches sociales, quels que soient les liens. Elles sont belles et pudiques ces scènes, comme des parenthèses d’authenticité refoulée dans un monde où tout n’est que posture et représentation. La dernière image, sans rien en dire, est magnifique de pudeur et d’émotion.

Le dernier mercenaire – de David Charhon – 2021

Posté : 16 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, CHARHON David | Pas de commentaires »

Le dernier mercernaire

Envie de débrancher le cerveau ? Ce film là en vaut un autre. Il est assez con, avec une histoire inutilement alambiquée d’espionnage et de trahison. Il est globalement très mal joué, avec des acteurs pas aidés par des dialogues souvent lourdingues. Les scènes d’action sont au mieux divertissantes, jamais percutantes. Bref, pas grand-chose à sauver. Mais si on choisit celui-là plutôt qu’un autre, c’est pour Jean-Claude Van Damme, dans son premier film d’action en français. Et là, c’est un festival.

Il faut l’aimer, Van Damme, pour apprécier Le dernier mercenaire. Et voilà : il se trouve que j’ai depuis longtemps une tendresse que je n’arrive pas même à m’expliquer pour lui, en dépit de ses films, très largement pas terribles. Et cette manière qu’il a de sans cesse rebondir en se moquant de lui-même, en parodiant sa propre image, a quelque chose de touchant, et d’assez passionnant.

Ici, il est un mercenaire, un espion, un roi du déguisement et de la castagne, une véritable légende qui trimballe derrière lui des décennies d’exploits pour la France, et surtout l’aura de l’acteur. Et c’est ce dernier aspect qui rend le personnage attachant. Pas ce gag lourdingue d’un Van Damme qui passe devant l’affiche de Bloodsport en lançant un « ça c’est un mec ! ». Mais cette vision d’un Van Damme en proie à une immense lassitude qui nous ressort son fameux grand écart, ou ce héros soudain renvoyé à sa fragilité de père absent, incapable de parler à ce fils qu’il ne connaît pas.

Dans cette comédie d’action, l’objet de toutes les attentions n’est qu’un macguffin comme un autre. Ce qui compte, c’est cette relation père-fils au centre de tout. Ou plutôt non : pas la relation, le personnage du fils n’a pas grand-intérêt. Mais la fêlure du grand homme, cette incapacité qu’à Van Damme de livrer ses sentiments, de faire face à ses choix de père misérable. Et Van Damme est très bien dans ce rôle d’homme fatigué et plein de doutes.

Enfin… de doutes… Rien de très sérieux, quand même. Tout n’est que prétexte à enchaîner les blagues et les scènes d’action. Miou-Miou cachetonne, Alban Ivanov et Eric Judor font ce qu’on attend d’eux (sans filtre), Patrick Timsit serre les dents, Assa Sylla surnage dans un rôle à peine écrit. Et Van Damme s’impose au milieu de ce petit monde avec une humilité inattendue. La seule raison d’être du film.

Mon crime – de François Ozon – 2023

Posté : 14 avril, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 2020-2029, OZON François | Pas de commentaires »

Mon crime

François Ozon aime le cinéma français des années 1930, et il aime Danielle Darrieux. Il l’avait déjà montré il y a vingt ans avec 8 femmes, l’un des derniers grands rôles de la star. Il le réaffirme aujourd’hui avec Mon crime, une fantaisie policière où l’ombre rassurante de Darrieux plane constamment.

C’est sa voix que l’on entend le temps de deux chansons. Et l’action se déroule dans le Paris de 1935, alors que la carrière de l’actrice explose : les deux héroïnes assistent d’ailleurs à la projection de Mauvaise graine, le film que Billy Wilder a tourné en France avec Darrieux. Voilà pour le décor, et presque pour le parrainage.

L’ambiance, elle aussi, semble tout droit sortie du cinéma français de cette époque. A la fois pour l’intrigue et la manière légère de l’aborder : cette histoire d’une apprentie comédienne accusée d’un meurtre qu’elle n’a pas commis, et qui décide de se l’approprier avec son amie apprentie avocate, lorsque les deux jeunes femmes, sans le sou, comprennent à quel point l’histoire va faire d’elle des héroïnes modernes.

Il est question de la domination des hommes sur les femmes, de révolution qui s’annonce, mais aussi du pouvoir de l’image et des médias… mais sur un ton que n’aurait pas renié Sacha Guitry, à qui on pense beaucoup tout au long du film. La virtuosité, l’éloquence, le grain de folie… Du Guitry presque dans le texte.

Porté par deux actrices enthousiasmantes (Nadia Tereskiewicz, César du meilleur espoir cette année, et Rebecca Marder, à qui le César du meilleur espoir revenait presque de droit cette année), le film d’Ozon n’oublie pas non plus ce qui faisait la grandeur du cinéma français des années 30 : la richesse des seconds rôles.

Et là, c’est un bonheur assez rare : Fabrice Lucchini, plus proche de Louis Jouvet que jamais en juge pédant et à côté de la plaque ; Isabelle Huppert en vieille gloire du muet qui refuse de jouer les femmes vieillissantes ; Michel Fau en procureur phallocentré (« Si on ne la condamne pas pour son crime, chaque femme pensera qu’elle aura le droit de nous égorger à la première maîtresse ! ») ; André Dussolier en père, disons, pragmatique… Tous prennent visiblement un grand plaisir, très, très communicatif.

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