Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie '1920-1929'

L’Aigle (Sky High) – de Lynn Reynolds – 1922

Posté : 10 mai, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, REYNOLDS Lynn, WESTERNS | Pas de commentaires »

Sky High

Tom Mix est un policier des frontières, chargé de démanteler un réseau d’immigration clandestine entre les Etats-Unis et le Mexique, dans ce western à peu près contemporain. Beaucoup de chevaux donc, dans ce film, mais aussi des automobiles et un avion… Bienvenue dans le Far West de 1920…

Bon, la première chose qui frappe les esprits en voyant le film, ce ne sont pas les modes de transports du 20e siècle (même si une voiture apparaît dès la toute première scène), mais la légèreté avec laquelle le film évoque le sort des immigrés : des Chinois en l’occurrence, dont le rôle se limite à quelques apparitions rigolardes pas loin d’être franchement humiliantes.

C’est donc sur une note un peu dégueulasse que s’ouvre ce western à l’histoire par ailleurs très convenue. Une histoire dont on ne contrefiche très vite, tout comme on se désintéresse du sort des personnages principaux, que ce soit celui de Tom Mix ou cette jeune femme perdue sur une corniche du Grand Canyon (c’est une longue histoire).

Ce qui compte en revanche, et là où le film marque des points, c’est justement dans sa manière d’utiliser les spectaculaires décors réels du Grand Canyon. Plusieurs intertitres au début du film l’annoncent : c’est lui, le Grand Canyon, qui sera l’acteur principal de Sky High. C’est la raison d’être de ce western, autoproclamé premier film tourné dans ce décor spectaculaire.

Pas vérifié la véracité de cette auto-proclamation, et qu’importe. Le fait est que, l’introduction mise à part, chaque plan semble conçu pour utiliser la profondeur de ce canyon, son aspect dramatique et spectaculaire. La jeune femme filmée sur sa corniche avec le danger en contrebas, Tom Mix fuyant ses ennemis en utilisant les accidents du paysage… L’utilisation de ce décor naturel tient toutes ses promesses.

Etait-ce vraiment nécessaire d’y rajouter une cascade en avion ? Pas sûr. Les scènes aériennes, alternant des plans larges en décor naturel et des gros plans en studio ont, pour le coup, nettement plus vieilli que les scènes plus simples dans le canyon. Et la simple vision d’un avion surplombant ce canyon n’a sans doute pas la force qu’elle avait sur les spectateurs de 1922.

Au final : un film discutable sur le fond. Mais le fond étant vite évacué, un vrai plaisir en tant que pur film d’action, porté par un Tom Mix en pleine forme.

Maman de mon cœur (Mother Machree) – de John Ford – 1928

Posté : 4 mai, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WAYNE John | Pas de commentaires »

Mother Machree

Ford est immense. Cela se mesure au bonheur que l’on a de voir cette rareté. Cela se mesure aussi à la frustration que l’on a de ne pouvoir en voir qu’une petite partie. Une petite demi-heure, soit quatre séquences, les seules à avoir survécu.

C’est déjà plus que la majorité des films muets de Ford bien sûr, mais c’est bien peu au vu de la beauté et de la puissance visuelle de ce qui reste. La première scène, surtout, qui trouve sa place dans le panthéon des grands moments fordiens.

Dans une Irlande telle que la rêve Ford, une femme de pêcheurs et son fils attendent le retour du père. La tempête éclate, le drame survient… Ce drame, Ford ne le filme qu’à travers le regard de cette jeune femme dont on pressent le destin tragique. La pluie qui martèle les carreaux, des éclairs comme des coups de poignards, et l’annonce du drame, qui se limite à l’apparition des tenants de l’ordre, prêtre et gendarmes…

Après une première séquence aussi forte, Ford réussit à garder une belle intensité. La veuve et son fils partent vers l’Amérique et croisent en route un ogre de cirque, le grand Victor McLaglen, qui tombe amoureux de la belle et la suivra de l’autre côté de l’océan. Leur relation donne quelques passages plus légers, plein d’humour et de tendresse. Mais, une fois sur le sol américain, c’est surtout le manque de l’Irlande qui se dégage de ces deux-là.

En Amérique, où la mère courage ne retrouve pas l’humanité de la Verte Érin. Pas de grandes scènes dramatiques ou lyriques pour illustrer ce manque : juste un escalier interminable que notre héroïne, fatiguée, ne gravit que pour trouver porte close.

Dommage, quand même, qu’une grande partie du film ait disparu. La dernière séquence nous retrouver notre héroïne des années plus tard, dans une grande demeure dont on ne comprend pas trop si elle en est la propriétaire ou si elle y est gouvernante, ni de quoi parlent les jeunes gens qui s’y retrouvent.

Ce qu’on comprend en voyant le film, en revanche, c’est que son fils est devenu un jeune homme à la belle prestance, et qu’il chante (bien) une jolie chanson à la gloire des mères courages, un chant (seul passage vraiment sonore dans ce film muet) qui émeut la maman aux larmes. Rideau…

La tentatrice (The Temptress) – de Fred Niblo – 1926

Posté : 24 avril, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, NIBLO Fred | Pas de commentaires »

La Tentatrice

Elle n’a pas mauvais fond, Elena, cette femme trop belle qui n’attire qu’amour et convoitise. Mais voilà, elle a le don de semer le malheur autour d’elle, à trop plaire aux hommes. Le visage grave et les yeux tristes de Greta Garbo montrent bien qu’elle en a conscience : sa vie est placée sous le signe de la tragédie, inévitablement.

Un rôle taillé sur mesure pour la Garbo, donc, que cette « tentatrice » que l’on découvre en femme du monde à Paris, qu’elle devra fuir pour échapper à un scandale (lié à un homme, bien sûr), direction l’Argentine.

Fred Niblo signe un film ample, inégal, et dense. Première partie, donc, dans le « beau monde » dont le réalisateur souligne le cynisme et la mesquinerie. Sans doute Elena est-elle coupable de plaire. Mais que dire de son mari, si affable, qui ne s’offusque de ses infidélités que quand le scandale touche son nom…

Une scène, surtout, illustre joliment ce monde : celle du repas, filmé en grande partie sous la table où la caméra dévoile les jeux de jambes, de pieds et de mains, cachés des regards.

Mais l’essentiel de l’action se déroule en Argentine, où Elena et son mari ont fui le scandale, et où elle retrouve celui qu’elle aime vraiment, ingénieur chargé de construire un barrage.

Cette partie est à la fois pleine de charme, avec de solides seconds rôles (Lionel Barrymore est de la partie) et quelques passages folkloriques plutôt réussis, et un peu plus caricaturale. La faute surtout à un grand méchant peu crédible que Niblo introduit avec un jeu d’ombre grandiloquent. Bel affrontement, tout de même, à coup de fouets rageurs.

Ca commence par un bal masqué, ça continue dans une soirée mondaine, puis dans la pampa argentine, pour un climax digne d’un film catastrophe avec un attentat contre un barrage… Fred Niblo n’évite pas quelques passages un peu creux. Mais il y a une générosité bien séduisante dans ce film.

La Toilette de la Tour Eiffel – anonyme – 1924

Posté : 17 avril, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, anonyme, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE | Pas de commentaires »

La Toilette de la Tour Eiffel

Me voilà les mains toutes moites après avoir vu ce superbe documentaire consacré aux ouvriers qui repeignent la Tour Eiffel. En quelques minutes à peine, ce petit film Pathé rend un hommage vibrant à ces hommes que l’on voit braver l’altitude, le vertige, le plus souvent sans la moindre protection.

Aucune autre signature que celle de Pathé, hélas : on aurait aimé savoir qui a tourné ces images magnifiques, vertigineux travellings aériens, gros plans profonds sur les visages des peintres, un poème visuel jouant des lignes de fer qui s’entrelacent…

On aurait aimé aussi voir un documentaire sur les coulisses de ce documentaire, tant les images, tournées en 1924, impressionnent et envoûtent. Jamais, peut-être, on n’a vu la Tour Eiffel filmée de la sorte…

Crépuscule de gloire (The Last Command) – de Josef Von Sternberg – 1928

Posté : 15 avril, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, VON STERNBERG Josef | Pas de commentaires »

Crépuscule de gloire

Le succès des Nuits de Chicago, superbe film noir, a donné des ailes à Sternberg, qui s’offre un grand film sur la Révolution russe, un genre incontournable dix ans après les faits, pour beaucoup de grands cinéastes. Entre deux chefs d’œuvre (suivra Les Damnés de l’océan), ce Crépuscule de gloire ferait presque figure de petite œuvre mineure. On est quand même loin de la splendeur visuelle de ces deux autres films, ou même de la fascination qu’ils exercent.

Reste que Sternberg signe un film passionnant, et très original par son introduction et sa conclusion dans les coulisses d’Hollywood, où les ennemis d’hier se retrouvent : ancien révolutionnaire et ancien général tsariste, qu’un tournage de film réunit en inversant les rôles. Cruellement.

Le film prend assez clairement fait et cause pour la « Grande Russie ». Moins pour une quelconque vision politique des choses que pour une attirance pour un certain romantisme : la grandeur de la perte, en quelque sorte. Le « héros », joué par Emil Jannings, assez grandiose, est un homme qui fut immense et qui a tout perdu, jusqu’à ses illusions lors d’une séquence centrale dure et bouleversante, l’un des rares moments spectaculaires d’un film qui, par ailleurs, prend le temps de s’attacher aux détails.

C’est flagrant dès l’introduction, qui décrit longuement le quotidien anti-glamour au possible d’un petit figurant dans la grande machine hollywoodienne, repoussant étrangement le cœur du film, ce long flash-back d’une heure dans les derniers jours de la Russie des tsars.

La révolution n’est guère sympathique, donc, malgré la présence de William Powell (première fois que je le vois sans la parole) en révolutionnaire devenu réalisateur puissant et revanchard. Mais le tsar lui-même est (brièvement) mis en scène comme un pantin un peu ridicule, et coupé du monde.

Et puis cette improbable histoire d’amour, étrangement touchante, à peine abordée finalement, mais qui donne au film une vraie profondeur, et au passage entre les deux époques, une douleur profonde et vraiment perceptible. Comme un symbole de l’entente impossible entre deux mondes.

Le Cabinet des figures de cire (Das Wachsfigurenkabinett) – de Paul Leni et Leo Birinsky – 1924

Posté : 2 avril, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, BIRINSKY Leo, FILMS MUETS, LENI Paul | Pas de commentaires »

Le Cabinet des figures de cire

Il y a quand même dans l’expressionnisme allemand une gourmandise de cinéma franchement réjouissante, une envie de tirer toute la moelle de cet art encore jeune, qui n’a pas vraiment d’équivalent dans l’histoire du cinéma.

Les maisons tout en arrondis et en recoins du Bagdad des 1001 nuits, les caves aux lignes aussi torturées que le tsar dans le Kremlin d’Ivan le Terrible, ou ces surimpressions qui illustrent l’effervescence d’une fête foraine… Pas besoin du son, pas besoin non plus de grandes phrases (les intertitres sont rares) ou d’effets spectaculaires pour plonger dans la folie de ces histoires.

Le Cabinet des figures de cire repose sur un dispositif malin, qui permet d’aborder trois époques, trois figures monstrueuses de l’Histoire. Le héros est un écrivain à qui le patron d’un cabinet de curiosité demande d’écrire des histoires horribles concernant trois de ses statues de cire : le calife de Bagdad, Ivan le Terrible, et Jack l’Eventreur.

Première surprise : l’écrivain en question est joué par William Dieterle, futur cinéaste (américain) que l’on n’associe pas naturellement à l’expressionnisme, si ce n’est pour quelques passages marquants du Portrait de Jennie, peut-être. Il est d’ailleurs très bien en écrivain qui s’imagine lui-même dans des rôles d’amoureux héroïques, se mettant en scène dans les bras de la jeune femme qu’il a rencontré dans ce cabinet des curiosités.

Ce dispositif permet aussi de justifier tous les excès : ce sont des histoires de foire qui nous sont racontées, des histoires où le réalisme n’a pas cours, et où les cabotinages d’Emil Jannings (en calife bonhomme) et Conrad Veidt (en tsar glaçant) sont aussi réjouissants, ou effrayants, qu’une virée en train fantôme.

Une virée que Paul Leni achève en (courte) apothéose, avec un face-à-face avec Jack l’Eventreur qui touche à l’abstraction, cauchemar formellement très audacieux où le réalisateur se défait de toutes les conventions narratives, pour ne plus se fier qu’à une règle : celle d’un cinéma total.

Vers la mort / Le pionnier de la Baie d’Hudson (North of Hudson Bay) – de John Ford – 1923

Posté : 30 mars, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

North of Hudson Bay

Dans la série des raretés signées Ford, ce North of Hudson Bay a bien belle allure. Certes, le film a en partie disparu (il n’en reste que 40 minutes, version tronquée et amputée de sa dernière partie). Mais même en l’état, ce film d’aventures dans le Grand Nord canadien s’impose comme le digne pendant nordique de The Iron Horse ou Three Bad Men, ses grands westerns muets. Et puis la version survivante, si incomplète soit-elle, permet de suivre l’intrigue sans problème, ce qui est déjà une bonne chose.

L’histoire, c’est donc celle d’un jeune aventurier que joue Tom Mix, et qui décide de partir vers le Grand Nord pour rejoindre son frère (Eugene Pallette, dont on croit déjà percevoir la truculence de la voix, même sans le son). Ce dernier vient de trouver un énorme filon dans la mine qu’il exploite avec son partenaire. De quoi attiser la convoitise des salauds de ce bout du monde, notamment le potentat local, qui imagine un ingénieux système pour que la lumière du soleil déclenche, en son absence, un fusil habilement disposé.

Lorsque Tom Mix arrive, c’est pour découvrir que le frangin a été assassiné, et que c’est son partenaire qui est accusé du crime, condamné à la « marche de la mort » : obligé de s’enfoncer dans la nature hostile jusqu’à ce que mort s’ensuive. Bien sûr, le Tom va s’en mêler, comprendre l’imposture, affronter les éléments et les méchants, séduire la belle (qui n’est autre que la nièce du machiavélique basterd), et triompher.

Enfin on le suppose, parce que c’est en pleine action que le métrage survivant s’arrête. Certes, notre couple semble alors provisoirement tiré d’affaires, mais les méchants sont toujours là, la nature est toujours hostile, et on sort alors d’une longue séquence d’action franchement bluffante qui rend cette fin abrupte particulièrement frustrante.

Dans les minutes qui précèdent, on a quand même vu Tom Mix affronter une meute de loups à mains nus (dans une tanière très cinégénique, John Ford n’est sans doute jamais aussi enthousiasmant que quand il a des ombres à filmer), puis se battre avec deux méchants armés dans la neige, et enfin se lancer en canoë à la poursuite de la belle perdue dans les rapides…

Le sens de l’action de Ford est la grande force de ce film, qui commence pourtant un peu mollement, autour de l’une de ces figures maternelles tragiques comme les aime le cinéaste, mais avec une utilisation trop abondante d’intertitres. Mais dès qu’il s’agit de filmer l’action et la violence, Ford se réveille, de la manière la plus inventive et brutale qui soit, à l’image de Tom Mix dégondant une porte pour s’en servir comme d’un bouclier et foncer vers des hommes armés.

De quoi faire regretter, outre les scènes manquantes, que ce North of Hudson Bay soit l’unique occasion de découvrir les étincelles que provoque la rencontre entre John Ford et Tom Mix. Les deux hommes, qui sont pourtant deux des plus grands noms du western ces années-là, n’ont travaillé ensemble que sur deux films. Le premier, Three jumps ahead (un « vrai » western celui-là) est considéré comme perdu.

La Roue – d’Abel Gance – 1923

Posté : 19 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, GANCE Abel | Pas de commentaires »

La Roue

Sept heures de grand cinéma, sept heures d’émotion, de claques dans la gueule, d’images inoubliables, mais aussi de démesure et d’une certaine forme (jubilatoire) de mégalomanie… La Roue, chef d’œuvre que l’on découvre enfin dans la version (longue !) voulue par Abel Gance, est un monument du septième art. Un film visuellement d’une force incroyable. Une grande fresque démesurée. Mais avant tout, un immense bonheur de cinéma.

Dès le générique, deux choses frappent l’esprit : la démesure égotique de Gance, qui se filme lui-même en gros plan ; et sa manière de donner du mouvement à l’image, cette manière unique de filmer les rails, qui est en soit un vrai poème visuel, sorte de quintessence du geste cinématographique. En quelques images, et avant même de camper son histoire, Gance happe le spectateur. Dès ce générique, déjà, les sept heures du film n’ont plus rien d’intimidantes, au contraire.

C’était il y a près de cent ans, et on doit pouvoir affirmer sans crainte que personne n’a jamais filmé une voie ferrée avec autant de force depuis. Gance, dans son film, multiplie les effets visuels, tout en racontant son histoire avec un classicisme séduisant. Bref, c’est comme si tout le cinéma, dans toute sa complexité, était réuni dans La Roue. Sens du cadre, du rythme, utilisation de tous les trucages à disposition (caches, surimpressions, montages, tâches de couleurs)… Gance n’expérimente pas : il maîtrise comme personne le langage cinématographique.

Dans le prologue, on ne voit pas réellement l’accident de train se produire. Mais le plan qui le précède, le montage syncopé qui suit, puis l’utilisation conjuguée de ce montage et de couleurs vives, de gros plans dramatiques et de plans larges chaotiques… Tout ça nous plonge littéralement dans le drame, le vacarme, le sang et les larmes.

On retrouve tout au long du film la même puissance dans le chaos interne qui hante le mécanicien Sisif, dont les gros plans habités sont autant d’images inoubliables. Gance filme la culpabilité avec une force rare. Dans le prologue, celle de l’aiguilleur. Puis celle de Machefer qui aveugle son ami. Et celle de Sisif bien sûr, terrible.

Sisif, cet homme humble, courageux et généreux, dont la vie est broyée parce qu’il tombe amoureux de la fillette qu’il a sauvée et élevée, devenue femme, et qui croit toujours être sa fille. Une jeune femme totalement innocente, qui n’a pas la moindre idée des ravages qu’elle provoque chez ceux qu’elle aime : son père, mais aussi son frère, tous deux devenant des rivaux sans le vouloir.

La Roue a la force des plus grandes tragédies, avec des moments extraordinaires. Cette déchirante scène des retrouvailles où Norma est repoussée, sans comprendre pourquoi, par son « père » et son « frère ». Ou cette autre scène où le père et le fils se trouvent de part et d’autre d’une pièce, séparés par le silence pesant et le mot NORMA qui apparaît en surimpression. Un truc tout simple, mais qui rend palpable le tourment intérieur de ces deux-là.

Gance filme avec la même force l’environnement du drame : la gare, les trains, la poésie des lignes et des machines, la mort et l’enterrement de « Norma » la locomotive, déchirante agonie. Superbe plan aussi des adieux de Sisif aux locomotives, avec ce qui est à la fois un plan fixe et un travelling, la caméra étant installée sur la plate-forme rotative qui tourne à 360°, simple, beau et déchirant.

En découpant son film en un prologue et quatre époques, Gance crée autant de mouvements différents, qui se répondent et se complètent. Au vent d’espoir qui souffle sur la troisième époque, avec un ton qui s’adoucit au moins pour un temps, succède ainsi la lente agonie de la quatrième époque. A la chaude scène en couleurs dans le dancing d’un hôtel répond l’extrême tension du drame dans la montagne, avec son montage syncopé…

S’il y a un bémol, c’est peut-être le jeu de Séverin-Mars (Sisif), dont le maniérisme d’un autre âge flirte avec le ridicule dans sa grande scène de cécité. Et encore… Cette impression première disparaît vite, et le souvenir de ce visage en gros plan hante longtemps la mémoire du spectateur. Quoi qu’il en soit, quelle modernité ! La Roue, même un siècle après sa sortie, reste un immense choc.

Nosferatu, le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1922

Posté : 16 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FANTASTIQUE/SF, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Nosferatu

On connaît l’histoire : le film s’appelle Nosferatu, mais c’est bien une adaptation du Dracula de Bram Stoker que signe Murnau. Une adaptation relativement fidèle mais qui ne dit pas son nom, faute de posséder les droits.

Nosferatu ou Dracula, c’est bien la première grande adaptation du roman (l’une des meilleurs avec celle de Coppola), et l’un des films fondateurs du cinéma d’horreur. Le plus important de tous, peut-être, qui pose les bases de toute une esthétique du genre, dont l’influence se fait encore sentir aujourd’hui.

Dans l’imaginaire collectif, l’apparence de Nosferatu/Orlok, a été supplantée par celle de Bela Lugosi dans le Dracula de Browning, dix ans plus tard, plus romantique, plus élégante. Mais l’incarnation que livre l’énigmatique Max Schreck est mille fois plus romantique, plus traumatisante, cette longue silhouette raide comme la mort, ces traits incroyables, ce regard comme fou…

Schreck est tellement loin de tout ce qu’on a pu voir avant ou depuis qu’une légende l’entoure lui-même, légende qui hante le film. Qui est donc cet acteur que l’on n’a plus jamais vu ailleurs, si ce n’est un vampire, un vrai vampire ?… Bon, pour de vrai, il n’est pas tout à fait l’acteur d’un seul rôle : il apparaîtra notamment dans un autre Murnau, Les Finances du Grand Duc.

Qu’importe : Schreck justifie à lui seul le culte qui continue à entourer Nosferatu. Murnau a signé des films plus denses, plus maîtrisés, plus parfaits en un mot (et pas seulement L’Aurore). Ici, il n’évite pas certaines longueurs. Mais aussi, combien d’images troublantes, de moments traumatisants…

La charrette mystérieuse qui semble voleter à travers le paysage, le visage de Nosferatu à travers les planches cassées d’un cercueil, la silhouette du vampire qui se dresse sur un bateau devenu un tombeau, son ombre qui se dirige vers la douce Ellen, décidée à se sacrifier, la file des cercueils que l’on porte à travers la ville…

Les rares effets spéciaux ont un peu vieilli, mais ils ont l’avantage d’être rares, justement. L’atmosphère, elle, est oppressante et angoissante. Et là, le film reste un modèle du genre…

Le Balourd (The Boob) – de William A. Wellman – 1926

Posté : 15 janvier, 2020 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WELLMAN William A., WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Balourd

La comédie n’occupe par une place importante dans la riche filmographie de William Wellman. Celle-ci fait donc figure de curiosité. Tourné juste avant l’ère des chefs d’œuvre, The Boob n’est pas un film majeur, mais il porte déjà en lui le talent du cinéaste.

Ça commence d’ailleurs par une jolie scène sur une balançoire, que Wellman réutilisera (en la magnifiant) dès l’année suivante dans son monumental Wings. On trouve aussi de ci, de là, quelques beaux portraits de cette Amérique profonde et miséreuse, qui sera au cœur de son nettement plus sombre Beggars of Life.

Ici, Wellman joue ouvertement la carte de la surenchère comique, avec cette histoire d’un jeune homme un peu balourd (c’est le titre) qui décide d’arrêter de méchants bootlegers pour plaire à la fille qu’il aime et qui l’ignore, préférant le panache d’un citadin, qui se trouve être le chef des bootleggers.

On n’est pas dans le suspense, ni dans le film à intrigue. La piste des méchants, le balourd la trouve grâce aux « tuyaux » d’une vieille dame très digne qu’il prend en stop (sur son cheval). Très beau personnage d’ailleurs, que cette vieille dame, qui s’émeut d’un baiser fugace que lui donne le jeune homme. Moment rare de cinéma, où une femme âgée est montrée autrement que simplement une femme âgée.

Tout n’est pas aussi délicat et surprenant. Et Wellman privilégié le gag, avec quelques jolis trouvailles visuelles ; surimpressions, scènes de rêve, un chien filmé au ralenti pour faire croire qu’il est ivre… L’alcool, source inépuisable de gags : « I hope this is blood », lance un vieux cow boy qui casse la bouteille qui était dans sa poche en s’asseyant sur une selle, et sent le liquide couler sur sa cuisse.

C’est parfois un peu surjoué, mais c’est léger, rigolo, et plein de vivacité, et on a le plaisir de voir Joan Crawford dans l’un de ses premiers rôles. Et Wellman réussit une belle scène de poursuite en voiture, rythmée et spectaculaire. Même en signant une comédie, le cinéaste est déjà un homme d’action avant tout.

1...56789...22
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr