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Archive pour la catégorie '1920-1929'

The Black Watch (id.) – de John Ford – 1929

Posté : 28 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FORD John | Pas de commentaires »

The Black Watch

Pour le moins inégal, ce Ford des premiers temps du parlant. The Black Watch aborde de nombreux thèmes, ébauche de multiples pistes. Parfois avec beaucoup de bonheur, parfois avec un résultat nettement moins convaincant.

Les scènes dialoguées sont ainsi lourdes et figées, franchement peu convaincantes. Cela s’explique : quelques mois seulement après l’apparition du parlant, Hollywood tâtonne encore dans ce domaine. Le moins qu’on puisse dire ici, c’est que ces dialogues pèsent sur le rythme et la cohérence du film. Il faut dire aussi que ces scènes dialoguées ont été confiées à Lumsdal Hare, l’acteur qui joue l’officier en chef de la Black Watch et qui était aussi metteur en scène de théâtre. Une fausse bonne idée.

C’est dans les scènes plus vivantes que l’on retrouve le talent de Ford. Ce moment, notamment, où le personnage joué par l’incontournable Victor McLaglen s’éloigne dans la nuit, laissant derrière lui les chants de ses camarades de régiment qu’une mission secrète l’oblige à abandonner, les laissant croire qu’il est un lâche fuyant la violence des combats.

L’histoire se déroule durant la Grande Guerre, alors que son régiment d’Ecossais, la Black Watch, s’apprête à embarquer pour le front de France. L’occasion pour Ford de filmer des scènes de camaraderie comme il les aime tant, et de nous plonger dans la culture écossaise comme il l’a tant fait avec l’Irlande. L’occasion aussi de filmer une séquence mémorable sur un champ de bataille des Flandres, images plongées dans l’obscurité et réduites à quelques plans percutants et dramatiques.

McLaglen, lui, a dû quitter ses frères d’arme pour mener à bien une mission top secret en Inde, où il doit éviter une guerre civile. Cette partie, centrale, est plombée par plusieurs handicaps. D’abord, cette manie hollywoodienne de confier des rôles d’indigènes à des acteurs très blancs (Roy d’Arcy et Myrna Loy, qui surjouent lourdement l’accent indien, sans avoir grand-chose de pertinent à jouer). Et puis un exotisme à la limite de la caricature.

Quelques belles idées surnagent dans cette Inde de carte-postale : Victor McLaglen en séducteur patriotique (un emploi pour le moins inattendu), une évocation très d’actualité de la violence extrême au nom de la religion, ou encore une scène de massacre assez glaçante, qui vient mettre un sacré coup à la notion de bien ou de mal, et que Ford filme en laissant planer le doute sur ses intentions. Il sera en tout cas plus ouvertement critique lorsqu’il filmera une autre scène de massacre assez similaire, dans le sous-estimé Quatre hommes et une prière.

J’ai été diplômé, mais… (Daigaku wa deta keredo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 19 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

J'ai été diplômé mais

Fraîchement diplômé, un jeune homme n’ose pas avouer à sa mère qu’il ne trouve pas de travail. Sa fiancée, à qui il finit par se livrer, décide de travailler dans un bar pour subvenir à leurs besoins…

Voilà résumé en deux phrases, et en onze minutes de fragments survivants, l’histoire de ce long métrage dont l’essentiel a disparu. Mais les onze minutes qui restent retracent à grands traits toutes les étapes du scénario, et suffisent à comprendre que, même si le film n’atteignait sans doute pas les sommets de tant de chefs d’œuvre à venir, il ne manquait pas d’intérêt.

La scène d’ouverture est forte : un entretien d’embauche, entouré par deux plans qui se répondent montrant les pieds du jeune diplômé franchir le pas de porte du potentiel employeur, plein d’entrain en entrant, plein de dépit en sortant.

De ce qu’on peut en voir, Ozu met l’accent sur le mal-être de ce jeune homme et sa honte de voir la femme qu’il aime se montrer dans des bars…ce qui pouvait être bien audacieux dans le Tokyo de 1929. La jeune femme, c’est Kinuyo Tanaka, grande star de l’âge d’or du cinéma japonais (et future grande cinéaste éphémère), qu’Ozu dirige pour la première fois : dix films suivront au total, pendant plus de vingt-cinq ans.

Le Galopin / Un garçon honnête (Tokkan kozo) – de Yasujiro Ozu – 1929

Posté : 14 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS, OZU Yasujiro | Pas de commentaires »

Un garçon honnête

Il ne subsiste qu’un bon quart de ce moyen métrage qui durait à l’origine une quarantaine de minutes. Le montage pour le moins serré s’en ressent, avec de longues séquences manquantes ou écourtées, mais le film n’en reste pas moins parfaitement compréhensible, et assez charmant. Une pure comédie pour le coup, genre pas si courant dans le cinéma d’Ozu : une histoire d’enlèvement d’enfant que le cinéaste tourne en dérision avec un esprit très slapstick américain.

L’enfant en question est joué par Tomio Aoki, que l’on reverra beaucoup dans le cinéma d’Ozu (dans Gosses de Tokyo notamment), mais aussi chez Naruse (La Rue sans fin) ou plus tard chez Kon Ichikawa (La Harpe de Birmanie). Sa bouille ronde et son air sérieux font merveille dans ce film, où il fait tourner en bourrique l’homme qui l’enlève et celui qui l’emploie… deux « méchants » pas très sérieux pour le coup.

Les premières minutes ont un petit côté étrangement amateur, qu’Ozu rattrape bien vite lorsque la pure comédie se met en place, et que la jeune victime commence à martyriser ses bourreaux. C’est alors vif et drôle, toujours très léger, une petite chose bien sympathique qui n’annonce pas vraiment les grands chefs d’œuvre à venir du cinéaste, mais que l’on découvre avec une curiosité réjouie.

Hitchin’ Posts (id.) – de John Ford – 1920

Posté : 9 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Hitchin' Posts

Je croyais ce Hitchin’ Posts totalement perdu, comme l’immense majorité des Ford de cette époque, voilà que je découvre qu’il n’en est rien… enfin pas totalement : de ce film qui devait durer quelque chose comme cinquante minutes, il en subsiste trois (minutes), précieusement conservées par la Library of Congress, et dans un état assez exceptionnel.

Trois minutes, c’est peu, et ça ne permet évidemment pas d’appréhender l’ensemble de l’histoire. Mais en l’état, ce fragment peut se suffire à lui-même. Le découvrir est en tout cas enthousiasmant… et très frustrant. Parce que ces trois minutes sont absolument magnifiques, laissant penser que Ford est déjà au sommet de son talent. Et que si tout le film était de ce niveau, alors Hitchin’ Posts avait tout du chef d’œuvre.

En quelques secondes seulement, Ford plante une atmosphère profondément nostalgique : celle du Sud de l’après-guerre civile, où les anciens riches propriétaires sont réduits à jouer leur avenir aux cartes. On découvre ainsi deux d’entre eux jouant une main fatidique. L’un gagne (beaucoup), l’autre perd (gros). Les deux hommes réagissent avec une même grandeur, une même humanité qui dit beaucoup de tout ce que la guerre leur a enlevés…

La scène se passe sur un bateau à vapeur avançant au rythme lent du fleuve, ce genre de bateaux et de rythmes que Ford retrouvera dans Steamboat Round the Bend quinze ans plus tard. Et le décor est tout sauf anodin. Après la défaite lourde de conséquence du propriétaire, un plan de coupe montre une jeune femme sur le bord du fleuve saluant le passage du bateau, geste léger qui contraste avec le drame qui se noue.

Quant au vainqueur, Ford le film à la porte de la cabine, les rives du fleuve défilant lentement en arrière-plan dans une image visuellement splendide, qui dit aussi beaucoup du rythme de la vie, du temps qui passe lentement mais inexorablement. C’est beau, simple, et ça prend aux tripes. Enthousiasmant et hyper-frustrant, donc : un fragment fordien de plus dont on sort en espérant qu’un jour, peut-être, un miracle permette de découvrir la suite de cette merveille.

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin – de Julien Duvivier – 1929

Posté : 4 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

La Vie miraculeuse de Thérèse Martin

Il n’y avait a priori aucune chance pour que je me laisse emporter par un biopic consacré à Sainte-Thérèse de Lisieux. Non, vraiment, aucune chance. Et c’est bien pour compléter doucement l’intégrale des Duvivier que je me décide à me plonger dans ce film, l’un de ses derniers muets, et l’une de ses dernières incursions dans le penchant mystique de son œuvre, auquel on doit tout de même quelques grands films (dont Don Camillo ne fait définitivement pas partie), L’Agonie de Jérusalem ou La Divine Croisière.

Contrairement à ces deux films, La Vie Miraculeuse de Thérèse Martin n’est pas à proprement parler une œuvre « religieuse ». Il y est question de religion bien sûr, en tout cas de la foi et de ce que cela entraîne dans le destin de Thérèse et de sa famille. Mais le point de vue reste constamment cartésien : pas de miracle, ni d’apparition au programme, si ce n’est une sorte de personnification des doutes et des pulsions de la jeune femme qui a décidé de se consacrer à Dieu, renonçant ainsi aux plaisirs et aux joies de la vie.

En cela, le film marque même une rupture assez forte avec les précédents films que Duvivier a consacré à ce thème de la foi. Parce que le doute est omniprésent, parce que la caméra du cinéaste met avant tout en lumière les souffrances de la jeune femme et surtout du père, beau personnage sacrificiel joué par Lionel Salem (Jésus dans L’Agonie de Jérusalem), bouleversant lorsqu’il assiste au départ de sa « petite reine », dont il sait qu’il ne la serrera plus jamais dans ses bras, et qu’il ne la reverra qu’à travers les barreaux très évocateurs du carmel.

Au temps pour la beauté rédemptrice de la foi, si souvent représentée à l’écran à cette époque. Duvivier filme un quotidien rude et hostile, et c’est avec une scène particulièrement aride que Thérèse (intense Simone Bourday, la révélation du film) revêt l’habit, après qu’on lui a coupé les cheveux sans ménagement (bien avant la Sigourney Weaver d’Alien 3 ou la Demi Moore de G.I. Jane).

Et me voilà emporté par ce destin sacrifié, qui prend aux tripes, et par la puissance évocatrice des images de Duvivier, déjà au sommet de son art. C’est la force et l’intelligence de sa mise en scène qui font le poids de ce beau film, sa manière d’utiliser les surimpressions, les plongées profondes ou les très gros plans, ou encore le split-screen, grâce auquel il ouvre le film avec deux scènes quasi-semblables mais séparées par quinze ans, pour évoquer la rencontre des parents de Thérèse. Brillant et passionnant.

You never know women (id.) – de William Wellman – 1926

Posté : 3 mars, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, WELLMAN William A. | Pas de commentaires »

You never know women

On jurerait que Wellman n’a tourné ce film que pour la séquence finale, superbe moment de tensions dans un théâtre désert et plongé dans la pénombre. Un jeu du chat et de la souris, mais aussi un vrai jeu de dupes qui utilise aussi bien les codes du cinéma que ceux du music-hall, avec apparitions fantomatiques, suspense et joyeux trucages. Particulièrement réussi : ce moment où la proie du faux gentleman semble fondre dans la nuit, pour laisser apparaître celui que l’on n’attendait pas…

You never know women nous plonge dans les coulisses du théâtre, et dans le quotidien d’une troupe d’artistes russes en tournée en Amérique. Et c’est bien ce décor qui fait la particularité du film dont l’histoire est par ailleurs bien classique : une femme croit être amoureuse d’un bellâtre, et ne se rend pas compte que celui qu’elle considère comme son grand frère est lui-même amoureux d’elle… et que, sans aucun doute, elle se trompe sur ses propres sentiments.

C’est qu’il faut constamment mettre les points sur les i avec les femmes, les aider à comprendre leur cœur… Non, ce n’est pas moi qui le dit, mais en substance les personnages masculins de ce film un brin misogyne quand même. Oui, il faut remettre dans le contexte de l’époque. Et puis ce petit sexisme est largement compensé par la peinture peu glorieuse que le film donne des hommes : pas très courageux, franchement jaloux, ou carrément dégueulasses, en gros.

Le fin est belle, donc. Le début est assez brillant aussi : cette courte séquence d’introduction d’accident, où Wellman filme avec beaucoup d’intensité un chantier de construction, et un câble qui menace de céder. C’est tendu, superbement filmé, et ça semble annoncer quelque chose de beaucoup plus sombre que ce qui va suivre. Mais cette séquence se conclue par l’irruption d’un faux héros, et vrai profiteur, à qui Lowell Sherman prête son habituelle suavité teintée de cynisme

Quant à la belle, c’est Florence Vidor, vraiment très belle, et vraiment très aveugle, incapable de voir l’amour fou que lui voue son compagnon de scènes de toujours, joué par Clive Brook (pas suave, et très martial). Le film oscille entre moments d’intimités assez beaux, et longs numéros de music-hall que Wellman filme avec moins d’inspiration que les nombreuses scènes aériennes de sa filmographie (il tournera Wings l’année suivante). Ça n’en reste pas moins très sympathique. Et quel final !

Un père (The Good Provider) – de Frank Borzage – 1922

Posté : 11 décembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, BORZAGE Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Good Provider

Bon… Je pense que voilà la preuve définitive absolue que Frank Borzage est l’un des cinéastes les plus sensibles de toute l’histoire du cinéma. Le simple fragment de 7 minutes disponible, le seul qui semble avoir survécu de ce long métrage, suffit pour tirer des torrents d’émotion. Et c’est avec une économie de moyen remarquable que Borzage (qui, certes, ne pouvait pas savoir que ne subsisteraient que ces sept précieuses minutes) réussit cet exploit.

Je ne m’avancerai pas à préciser de quoi parle le film. Ce qu’on peut en comprendre d’après cette unique séquence est assez simple : dans une famille bourgeoise, le dialogue est rompu entre le fils devenu jeune homme et le père vieillissant, malgré les efforts de la mère. Efforts vains, comme on peut le voir au début de cette scène. Le fils s’en va, bravache mais pas radicalement braqué. Le père reste, assis sous son porche. La mère le rejoint. La suite est un long dialogue du vieux couple, que la caméra cadre en plan moyen.

C’est simple, direct, et pourtant d’une beauté qui vous saisit les triples. Peut-être par la grâce de ce plan qui soudain devient large, soulignant en une poignée de secondes la solitude qui entoure désormais ce couple de parents dont les enfants s’éloignent. Peut-être aussi grâce à ce plan soudain rapproché sur la main du père qui, avec maladresse et hésitation, saisit celle de sa femme qui ne s’y attendait plus… Peut-être simplement pour l’émotion retenue qui transparaît de ces regards qui ne se croisent pas.

Borzage saisit tout ça, toutes ces émotions changeantes et profondes, avec cette délicatesse et cette sensibilité exacerbées qui sont sa marque. Bien sûr, ce fragment donne une furieuse envie de découvrir un jour The Good Provider. Mais même comme ça, cet éclat brillant suffit à rappeler à quel point Borzage est grand.

Sa dernière culotte (Long Pants) – de Frank Capra – 1927

Posté : 29 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Sa dernière culotte

Seconde collaboration entre le jeune Frank Capra et le comique Harry Langdon (après The Strong Man). Et difficile de trouver encore ce qui sera le style du cinéaste, ou son univers. On peut tenter de trouver des signes, se dire que l’histoire de ce jeune homme qui rêve d’un grand amour romanesque avant de réaliser tardivement que le vrai bonheur est depuis toujours à portée de main, évoque avec vingt ans d’avance celle de La Vie est belle. Au moins soulignera-t-on que Capra a de la suite dans les idées…

Mais la vérité, c’est que cette comédie est totalement dénuée du sous-texte social qui habitera tous les grands films de Capra, et d’à peu près tout arrière-plan d’ailleurs. Capra y peaufine son talent de conteur et sa maîtrise du langage cinématographique, mais son art est mis au seul service de Langdon, dont le personnage lunaire se situe quelque part à la croisée des chemins entre Chaplin et Keaton. Chaplin pour les mimiques et quelques mouvements de corps. Keaton pour le visage constamment surpris et impassible.

Il est ici un jeune homme à peine sorti de l’enfance, que sa mère rêve de voir continuer à porter des culottes courtes, meilleur remède à ses yeux contre les envies d’aventure. Elle n’a pas tort : à peine le paternel lui a-t-il offert son premier vrai pantalon qui quitte le giron familial et part à l’aventure. Oh ! Pas loin : à quelques mètres de sa maison, où il tombe immédiatement sous le charme d’une jeune femme de passage, qui se révèle être une hors-la-loi en cavale.

Et c’est là qu’apparaît l’un des moments de bravoure du film : une parade amoureuse de Langdon qui tourne littéralement autour de la jeune femme sur son vélo, enchaînant les figures acrobatiques avec un sérieux affiché franchement irrésistible. C’est de cette posture fière et totalement puérile à la fois que viennent les moments les plus drôles : Langdon se débattant avec son chapeau haut de forme… Langdon tentant d’attirer l’attention d’un policier qui s’avère être un mannequin… Les situations sont étirées au maximum, et c’est de ce temps distendu que viennent les rires.

Jusqu’à cette scène où Langdon, filmé de dos, totalement immobile, assiste passif à une bagarre acharnée entre deux femmes très court vêtues. Et on imagine bien les futurs censeurs du code Hayes assis à la place de Langdon, vomissant tous leurs repas avalés depuis quatre mois… Mais on n’y est pas encore : il y a un vrai vent de liberté qui souffle sur cette comédie, sans prétention mais pas si anodine que ça.

Un punch à l’estomac (So this is love ?) – de Frank Capra – 1928

Posté : 8 novembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, CAPRA Frank, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Un punch à l'estomac

Une jeune vendeuse raide dingue du champion de boxe local, rustre imbu de sa propre personne. Un jeune artiste trop discret secrètement amoureux de ladite jeune vendeuse… Voilà une petite bluette charmante qui a le mérite de la simplicité. En moins d’une heure, Capra nous emballe cette comédie craquante et marrante avec un rythme imparable et un vrai talent comique qui emportent tout.

Il fera plus personnel et plus original à l’avenir, dès ses derniers films muets. Mais ce Capra un peu anecdotique n’en est pas moins une très chouette comédie, qui utilise à merveille le joli minois malin de Shirley Mason, qui dépasse rapidement son personnage de jeune amoureuse un peu aveugle pour devenir le véritable moteur du film, tout sauf nunuche pour le coup. Il faut la voir gaver (littéralement) le boxeur dont elle a vite compris la vraie nature, pour éviter à celui que finalement elle aime de se faire massacrer.

Moins d’une heure de métrage, donc, et près de la moitié consacrée au seul combat de boxe final, vers lequel tout le film converge. Comment un artiste poltron va se retrouver sur le ring face à un authentique champion ? C’est tout le problème que résout habilement Capra dans la première partie de son film, avant d’entrer dans le vif du sujet. Et dès l’arrivée dans les vestiaires, une parenté frappante apparaît : celle avec les combats de boxe filmés par Chaplin.

Sans doute Charlot boxeur a-t-il inspiré Capra : le fer à cheval qu’est tenté d’utiliser le héros joué par William Collier Jr ressemble à un clin d’œil à peine déguisé, tout comme le pain et les saucisses avec lesquels il sort de l’épicerie où travaille celle qu’il aime. L’espèce de « danse » à laquelle se livrent les deux combattants à peine montés sur le ring, en revanche, annonce la fameuse scène des Lumières de la Ville, que Chaplin tournera trois ans plus tard. De là à imaginer que l’influence a été réciproque…

Le Tourbillon de Paris – de Julien Duvivier – 1928

Posté : 28 septembre, 2022 @ 8:00 dans 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Tourbillon de Paris

La période muette de Duvivier est décidément passionnante, révélant un cinéaste déjà au sommet de son art. De ce pan méconnu de sa filmographie, malgré son éclectisme, il se dégage quelques constantes, notamment l’utilisation courante des surimpressions. Cette signature visuelle atteint sans doute son apogée dans Le Tourbillon de Paris, où cette tendance à faire cohabiter deux plans différents sur la même image est poussée à l’extrême.

Faire resurgir des images du passé, souligner l’ivresse de la vie parisienne, confronter un personnage à ses fantômes, donner corps aux paroles d’une chanson révélant l’état d’âme d’une artiste… Duvivier utilise la surimpression en virtuose, s’en servant pour effacer avec naturel, et même évidence, les limites techniques du cinéma muet. Muet, vraiment ? Cette virtuosité du cinéaste donne le sentiment au contraire que Le Tourbillon de Paris est un film pleins de sons.

Le son de la neige qui crisse d’abord. C’est dans un décor enneigé que le film commence, dans un village de haute montagne isolé par la neige (Tignes, bien avant l’essor des stations de ski, encore un village coupé du monde), où s’est réfugiée une chanteuse parisienne dépassée par son propre succès. C’est là que son mari, un aristocrate écossais très à cheval sur les vieux principes, la retrouve après une longue période de séparation.

C’est qu’il entend bien faire respecter les traditions, en l’occurrence que sa femme renonce à sa vie professionnelle pour mener une douce vie d’épouse dévouée. La belle, elle, aimerait bien renouer avec la fièvre du théâtre, et avec le tourbillon de sa vie mondaine. Alors elle le fait, retrouvant les sommets malgré les efforts d’une presse magouilleuse, et notamment d’un critique très à l’aise avec son propre petit pouvoir. Et en passant, Duvivier dézingue la presse en général et la critique en particulier.

Comme beaucoup de films de cette époque (mais aussi d’époques plus tardives), le beau portrait d’une femme libre et en avance sur son temps est un peu ruiné par la conclusion du film, où la jeune artiste indépendante se range et devient l’épouse soumise qu’on attend qu’elle soit. Le féminisme a encore son chemin à trouver, dans cette France d’il y a presque un siècle.

Le film est par ailleurs une merveille, tant dans sa partie parisienne pleine de vie et de folie, que dans sa partie montagnarde, où Duvivier filme la neige et les grandes étendues désertes avec une inventivité et une intensité rares.

Et puis il y a les acteurs, tous formidables. Gaston Jacquet, acteur fétiche de Duvivier à l’époque du muet (et qu’il retrouvera jusque dans les années 1950), avec qui il a tourné une douzaine de films. Dans le rôle du mari un peu âgé attendant avec résignation que son épouse revienne à la raison (oui), il est admirable, tout en retenue. Et Lil Dagover, grande actrice allemande vue chez Lang (Les Araignées, Les Trois Lumières…) et Murnau (Tartuffe), parfaite dans le rôle de la jeune femme qui, au fond, cherche sa vraie place.

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