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Archive pour la catégorie '1920-1929'

Variétés (Varieté) – d’Ewald André Dupont – 1925

Posté : 15 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DUPONT Ewald André, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Variétés 1925

Dix ans avant le film de Nicolas Farkas (avec Jean Gabin), le même roman de Felix Hollaender était adapté en Allemagne (et en muet, bien sûr), par un cinéaste dont le nom m’avait jusqu’à présent totalement échappé… et c’est une splendeur.

Bien plus que son remake, ce Variétés là nous plonge dans l’univers du cirque et des voltigeurs, ces artistes de trapèze qui sont au cœur du film. Dupont, en alternant scènes intimes et séquences grouillantes de vie, donne du corps à cette vie nomade de saltimbanques constamment sur la route, constamment dans le mouvement.

La mise en scène est d’une inventivité folle, pour souligner le mouvement parfois frénétique, parfois pesant. La séquence d’ouverture est en cela impressionnante, avec cette lente marche d’un prisonnier dont on sent tout le poids de l’existence sur les épaules, sentiment décuplé par le décor, couloir interminable et bas qui semble écraser le personnage.

Ce prisonnier, c’est Emil Jannings, qui ne va pas tarder à raconter ce qui l’a amené en prison. Une histoire on ne peut plus banale : un bête triangle amoureux. Un couple, un troisième larron qui séduit la jeune femme, et un cocu d’autant plus abattu qu’il a quitté femme et enfant pour suivre sa belle. On ne peut plus classique, donc, à ceci près que ces trois-là forment un trio de trapézistes, et que le cocu est le porteur des deux autres…

Sur le papier, c’est cette menace potentielle qui est à peu près la seule originalité du récit. A l’écran, ce dilemme moral tient à peu près trois minutes, le temps d’un numéro de voltige assez oppressant. Pas plus, comme si Dupont, justement, se désintéressait de cette originalité dramatique. Le décor est spectaculaire, mais ce sont les détails, les petits accidents de la vie, qui l’intéressent vraiment.

La manière dont il filme Jannings jaugeant sa femme et sa future maîtresse, soumis à un dilemme autrement plus complexe. La mise en scène de Dupont est d’une précision et d’une intelligence remarquables. Suffisamment pour donner très envie d’en découvrir beaucoup plus de ce réalisateur tombé dans l’oubli, qui signe là ce qui ressemble bien à un chef d’œuvre. Passionnant, magnifique, et superbement restauré en 2015, ce qui ne gâche rien.

13 Washington Square (id.) – de Melville W. Brown – 1927

Posté : 14 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, BROWN Melville W., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

13 Washington Square

Pas de quoi se relever la nuit, mais elle est plutôt marrante, cette comédie signée par un réalisateur qui n’a pas laissé une trace inoubliable dans l’histoire du cinéma : un certain Melville W. Brown, dont je n’avais encore jamais entendu parler, mais dont la vivacité de la mise en scène donne envie d’en connaître plus.

La grande faiblesse de ce film, c’est sans doute la légèreté de son enjeu dramatique, qui ne dépasse pas le stade du petit potin mondain. En gros : une femme du grand monde renonce au voyage qu’elle s’apprêtait à faire en Europe lorsqu’elle apprend le projet de son fils de se marier avec une femme d’un niveau social bien plus bas. Elle se fait alors passer pour une bonne et retourne en toute discrétion dans sa maison pour contrecarrer les projets de son fils.

La grande force, c’est justement la vivacité de la mise en scène, la manière dont Brown filme ce vaudeville bon enfant en reprenant les codes visuels du thriller, voire du film d’épouvante dans une maison hantée. Toute la seconde partie du film se concentre en effet dans cette grande maison, au 13, Washington Square, où les différents protagonistes se croisent ou s’évitent, bougies à la main, affrontant l’obscurité et l’incertitude de ce qu’ils vont trouver derrière chaque porte.

Le spectateur, lui, est constamment dans la connivence : tout est légèreté et dérision, et le danger que les personnages pressentent n’est que faux-semblant. On sent bien que le faux diacre et vrai escroc joué par Jean Hersholt a un grand cœur. Et que la froide Mrs De Peyster (Alice Joye) finira par s’assouplir. Pas de vrai suspense donc, juste le plaisir de voir cette demi-douzaine de personnages jouer à se faire peur.

Dans ce va-et-vient incessant et sans conséquence, ZaSu Pitts tire particulièrement son épingle du jeu. Dans son éternel personnage de bonne un peu écervelée, et facilement effrayée, elle est assez irrésistible, avec cette manie qu’elle a d’utiliser des mots à mauvais escient. Petit effet comique assuré, même par l’intermédiaire d’intertitres (le film est muet). Le plaisir qu’on prend devant cette petite chose doit beaucoup à sa présence.

Le Village du péché / Les joyeuses commères de Riazan (Baby rjasanskije) – d’Olga Preobrajenskaïa et Ivan Pravov – 1927

Posté : 13 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, PRAVOV Ivan, PREOBRAJENSKAÏA Olga | Pas de commentaires »

Le Village du péché

Tourné dix ans après la révolution russe, on ne peut pas dire que ce film mette vraiment en valeur le monde paysan, souvent magnifié dans les films soviétiques des premiers temps. C’est même à se demander comment Le Village du péché a pu surmonter l’écueil de la censure, tant il donne une image archaïque et patriarcale de cette Russie rurale.

Bien sûr, l’histoire commence en 1914, avant la révolution donc, pour se terminer quatre ans plus tard. Mais de cette révolution, on ne verra rien, si ce n’est ce château réapproprié pour être transformé en orphelinat par le personnage le plus fort du film. Pas l’héroïne, mais sa belle-sœur. Mais rembobinons un peu…

L’histoire commence donc en 1914, dans une famille de fermiers très traditionnels. Il y a le père, homme vieillissant et austère, qui mène son petit monde avec autorité, bien décidé, notamment, à choisir avec qui se marieront ses enfants. Bonne nouvelle pour le fils Ivan : le choix se porte sur celle dont il est tombé amoureux au détour d’une promenade.

La fille Wassilisa a moins de chance : le père refuse catégoriquement qu’elle épouse le forgeron dont elle est amoureuse. Trop pauvre, pas assez comme il faut. Alors elle se rebelle, et part s’installer avec son forgeron, qui promet de l’aimer comme s’ils étaient mariés. Pas suffisamment, au regard de la société locale si bien pensante.

Pendant ce temps, Ivan et sa femme Anna profitent de leur bonheur. Mais août 1914 arrive. La déclaration de guerre, Ivan est appelé à combattre. Le temps passe, le jeune homme ne donne plus de nouvelles. Le père, qui n’est pas seulement autoritaire, mais aussi alcoolique et dénué de scrupule, viole sa belle-fille, qui donne naissance à un enfant. Et qui c’est qui revient ? Ivan bien sûr…

C’est un mélo tragique que signent les deux réalisateurs. C’est surtout un film d’un féminisme désespéré, une charge violente et forte contre le patriarcat et le sort réservé aux femmes, qui représentent à la fois la victime de cette société qui conduit dans l’impasse (le personnage d’Anna, très dans la tradition) et son seul espoir (celui de Wallilisa, plus libre et plus lumineux).

Beau film, bouleversant, qui dresse aussi une peinture passionnante de ce monde rural disparu, avec de longues scènes consacrées au folklore local et aux gestes quotidiens des femmes qui lavent le linge ou confectionnent des tissus. Scènes d’un réalisme confondant, tournées dans les décors réels de l’histoire.

On notera enfin la belle partition musicale du film restauré par Lobster, qui comprend des chants de femmes enregistrés vers 1950 à Riazan, la ville où se déroule l’histoire, et qui soulignent joliment les scènes de folklore, renforçant le sentiment d’immersion dans ce monde en pleine mutation.

La Proie du vent – de René Clair – 1926

Posté : 8 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, CLAIR René, FILMS MUETS, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Proie du vent

Voilà un film parfait pour illustrer la manière dont la mise en scène peut transcender un sujet. Celui de La Proie du vent aurait pu accoucher d’une petite chose anodine et sans grande conséquence. René Clair en fait un modèle de virtuosité, un film profondément immersif qui fait de la vitesse et de l’action les motifs principaux.

Le film intrigue dès les premières minutes, qui narrent deux histoires sans rapport apparent en séquences parallèles. D’une part, les voyages d’un aviateur à qui est confié le soin d’ouvrir une nouvelle ligne commerciale. D’autre part, le désespoir d’une jeune femme jetée au fond d’un cachot avec sa mère mourante, dans un pays d’Europe de l’Est en pleine révolution. Ce n’est pas la Russie mais un pays imaginaire du nom de « Libanie », mais l’ombre de la Révolution de 1917 plane : le film est produit par Albatros, la compagnie des Russes blancs installés à Paris.

Bref. Comment donc ces deux intrigues vont-elles se rencontrer ? Par le biais d’un atterrissage forcé dans le parc d’un château au cœur d’une immense forêt, épisode trop beau pour être vraiment vrai, surtout que l’aviateur (Charles Vanel, la gueule d’un mec sur le point de faire de grosses bêtises) tombe amoureux de la maîtresse des lieux, amour qui semble réciproque, et lui aussi trop beau pour être vrai.

Ce qui compte, ce n’est pas tant l’histoire, dont on voit arriver le rebondissement gros comme une maison mais ce que fait René Clair des séquences de suspense, ou d’action. Les scènes aérienne d’abord, réalisées avec l’aide d’Albert Préjean, qui se contente de jouer les figurants entre deux réglages de séquences spectaculaires vues du ciel. Et plus encore les moments de doutes et de tensions, dont Clair fait des morceaux de bravoure qui nous plongent dans les interrogations de son héros.

Une scène, notamment, impressionne. Celle où Vanel observe derrière sa fenêtre le rai de lumière de la chambre d’en face, derrière lequel son cerveau rongé par la jalousie imagine le pire des scénarios. Ou cette pseudo-course poursuite d’une virtuosité assez dingue, où tout est vitesse et intensité. C’est brillant, jamais gratuit, toujours au service non de l’intrigue, mais de l’impression : avec ce film, René Clair semble déjà avoir tout compris au langage cinématographique, comme art de créer de la sensation.

Sumurun (id.) – d’Ernst Lubitsch – 1920

Posté : 27 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Sumurun

Ambiance 1001 nuits pour Lubitsch, qui s’essaye à la fantaisie orientale à grand spectacle. Pas a priori l’univers où on imagine le mieux cet esthète dont on n’allait pas tarder à découvrir la finesse et l’esprit. Il est loin d’être un débutant quand il tourne Sumurun. Mais même dans ses films les plus réputés jusque là comme La Princesse aux huîtres ou La Poupée, son cinéma a un aspect ouvertement outrancier qui a nettement plus mal passé l’épreuve du temps que ses chefs d’œuvre à venir.

Sumurun hésite constamment entre plusieurs tentations. Il y a d’abord celle du grand film d’aventure à gros budget, avec des centaines de figurants et des décors spectaculaires. Et sur ce point, Lubitsch se montre étonnamment à l’aise, avec une ampleur dans ses images de foule qui ne sont pas loin d’évoquer le Walsh du Voleur de Bagdad. Curieusement aussi, le film se montre nettement plus statique dans les scènes d’intérieur, beaucoup plus convenues.

Le film hésite aussi entre le drame sombre et violent, et la fantaisie légère et comique. Et là, c’est bien plus problématique. On a constamment le sentiment d’être entre deux chaises. Et les grands perdants sont l’émotion, et le rire. Lubitsch hésitait visiblement entre les deux, il n’atteint ni l’un ni l’autre.

Pas désagréable pour autant, Sumurun réserve quelques beaux moments, notamment la course désespérée d’une Pola Negri très impliquée à travers les rues pleines de charme de cette petite ville au milieu du désert. C’est aussi, me semble-t-il, la dernière fois que Lubitsch s’offre un rôle, lui qui avait commencé acteur avant de passer de l’autre côté de la caméra. Et c’est peut-être son meilleur : celui d’un bossu, amoureux éconduit, douloureusement pathétique, à qui reviennent les plus belles scènes.

Les Bateliers de la Volga (The Volga Boatman) – de Cecil B. De Mille – 1926

Posté : 26 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, De MILLE Cecil B., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Les Bateliers de la Volga

Voilà un film très étonnant de la part de De Mille. D’abord pour son sujet : la révolution russe de 1917, qui colle assez mal avec ses thèmes habituels. Puis par son refus du manichéisme : pas question pour lui d’en faire un film anti-communiste, pas plus qu’anti-tsariste d’ailleurs.

Enfin, par son point de vue. La révolution, on ne la suit dans la plus grande partie du film que par le prisme d’un petit microcosme, dont on ne sort pas jusqu’à la moitié du métrage : un château qui surplombe un camp tartare sur les rives de la Volga.

Mieux encore, il résume la révolution à un triangle amoureux : un fringant officier s’apprête à épouser une jeune noble, qui tombe amoureuse d’un batelier, l’un de ces forçats qui halent les bateaux sur la Volga, appelé à devenir un leader de l’armée rouge.

Ce parti-pris peut sembler simpliste. Mais De Mille n’est pas Eisenstein, et on peut sereinement affirmer qu’il n’a guère d’appétence pour le peuple en tant que foule. Ce qui l’intéresse, ce sont les troubles de chacun, les doutes, les passions. Et c’est passionnant.

A vrai dire, la première moitié du film est aussi étonnamment bon-enfant. Il y a de la cruauté ; d’abord dans le mépris de la classe dominante, puis dans la soif de vengeance des révolutionnaires. « L’assaut » du château a ainsi un côté très hors-sol, proche de la comédie de mœurs. Une sorte d’accès de violence où le sang serait remplacé par du vin. Littéralement.

Et puis il y a une séquence qui fait la bascule, particulièrement forte. La jeune noble, en fuite avec l’ancien batelier, est arrêtée avec lui par l’armée « blanche », qui ignore qui elle est. Les soldats décident alors de profiter d’elle. Des exactions qu’elle subit, on ne voit rien, la caméra scrutant les visages des hommes qui l’entourent. Un moment d’une grande intensité.

A partir de là, fini l’aspect bon enfant. De Mille renvoie les deux camps dos à dos, filmant les actes des uns en écho à ceux des autres. Et le film se révèle assez pessimiste sur la nature humaine, tout en gardant une lueur d’espoir. Dans ce monde qui se déchire, il reste l’amour, après tout.

Le Détour (Saturday Night) – de Cecil B. De Mille – 1922

Posté : 22 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, De MILLE Cecil B., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Saturday Night

Ah ! L’ironie de ce dernier plan ! Oui, non, pas question de spoiler bien sûr, et de dévoiler la conclusion de cette romance à quatre, qui évoque l’amour pour le moins complexe lorsqu’il tente d’effacer les barrières sociales…

Le Cecil B. De Mille de cette première période étudie décidément sous toutes les coutures les mystères des rapports entre les hommes et les femmes. Avec sa fidèle complice Jeanie Macpherson, sa scénariste depuis Forfaiture, il imagine non pas un, mais deux couples contre-nature sociale.

D’abord, deux couples qui semblent si naturels. L’un sans le sou, qui se croise et se toise de part et d’autre d’une palissade. L’autre richissime : un jeune millionnaire fiancé à une riche héritière. Mais cette dernière tombe amoureuse de son chauffeur, qui n’est autre que le gars de la palissade, tandis que le riche fiancé décide d’épouser la fille de ladite palissade.

Vous suivez ? Toute la question est de savoir si, oui ou non, ces deux couples qui défient l’ordre établi ont une chance. Ou pas. Et toute la réponse repose sur ce constat implacable : on est chez De Mille, pas chez Capra. Ce qui donne une idée assez précise de l’issue de l’histoire, et de l’ironie, donc, de ce dernier plan.

Un constat, aussi, qui rappelle que le film a été tourné il y a un siècle : quel que soit le choix des uns et des autres, quel que soit le niveau social et la richesse de celui ou celle dont on tombe amoureux(se), c’est le train de vie et le quotidien de l’homme que l’on va adopter. En d’autres termes : c’est à la femme de s’adapter.

D’où deux situations pathétiques ou comiques, c’est selon : une femme de peu dont les manières ne sont que gênes pour sa belle-famille, et une riche héritière incapable de se faire aux mœurs de son mari mal dégrossi. Dans les deux cas, pour faire simple : la femme fout la honte à son homme. Qui commence à trouver le temps à long et à s’interroger sur le bien fondé de son coup de foudre.

C’est un De Mille essentiellement tourné vers les personnages, qui semble très loin de ses grandes fresques à venir. Mais son sens de l’ampleur et de l’emphase apparaît régulièrement, dans les scènes de grandes soirées, grouillantes de vie. Et comme dans tous ses meilleurs films, cette ampleur ne vient jamais écraser le récit, lui donnant au contraire un socle solide.

C’est aussi un De Mille qui, mine de rien, s’oppose à l’angélisme hollywoodien déjà en vigueur. Pas dupe, mais naïf, il signe un double romance qui dit toute la limite de l’amour à tout prix, rappelant le poids écrasant des conventions, et ramenant à chacun à ses obligations. Ce qui peut se faire avec jubilation. Ou avec l’ironie si cruelle de cette dernière image.

Le Dénonciateur (The Informer) – d’Arthur Robison – 1929

Posté : 9 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, FILMS MUETS, POLARS/NOIRS, ROBISON Arthur | Pas de commentaires »

Le Dénonciateur

J’étais jusqu’à présent totalement passé à côté du fait que Le Mouchard de John Ford, adapté d’une pièce écrite par l’un de ses cousins, était un remake. Et qui plus est d’un film assez formidable. Cinq ans avant le chef d’œuvre de Ford, et dans les dernières heures du muet, c’est un cinéaste germano-américain, Arthur Robison, qui porte à l’écran dans une production anglaise cette histoire nord-irlandaise.

Encore que, dans cette version-ci, le contexte politico-sanglant de la guerre d’indépendance irlandaise est pour le moins évacué à l’arrière-plan. Le décor est bien représentatif : celui, nocturne et grouillant de vie, d’un quartier populaire tout en briques, en misère et en humidité. Mais jamais la référence au contexte historique, prédominant dans le film de Ford, n’est clairement affiché.

L’incident à l’origine du drame, un échange de coups de feu entre deux groupes armés, peut ainsi être résumé à l’affrontement de deux gangs rivaux. La violence est la même. Quant au moteur de la dénonciation, qui donne son titre au film, ce n’est finalement rien d’autre qu’un accès de jalousie. Moins ancré dans la réalité quasi-contemporaine que le remake de 1934, le film de Robison n’en est pas moins passionnant, avec une dimension assez universelle.

Gypo Nolan est ici joué par Lars Hanson, un acteur suédois qui n’annonce en rien le Victor McLaglen génialement bas-du-front chez Ford. Lui est un homme qui fut droit, avant de se livrer à cette dénonciation aux effets dramatiques. Un brusque accès magnifiquement filmé par un incroyable travelling sortant l’homme de l’ombre et de l’isolement pour le confronter à la populace grouillante de ce bas-quartier.

Il est aussi un homme rongé par le remord, et tiraillé entre son instinct de survie et sa soif de rédemption. En 1929 comme en 1934, la rédemption et la religion ne sont pas des valeurs à prendre à la légère. Et ce sont des valeurs qui peuvent donner des conclusions pesantes, ou sublimes selon la qualité du réalisateur. Robison est doué. La fin tout en symbole de The Informer est magnifique, évoquant les grandes heures de Borzage. C’est dire.

La Découverte d’un secret (Schloss Vogelöd) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1921

Posté : 7 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Polars européens, 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

La Découverte d'un secret

C’est le Murnau d’avant les grands films : il tournerait Nosferatu l’année suivante. Un Murnau un rien moins ambitieux dans ses thèmes. Mais c’est un Murnau déjà atypique, dont on fait plus que deviner la grandeur à venir.

Dans une scène de rêve qui n’apporte rien à l’histoire ni au projet, si ce n’est d’offrir une vision horrifique idéale pour offrir de belles images à diffuser dans les journaux de l’époque pour le spectateur amateur de sensations offertes, l’esthétique de la première grande adaptation du roman de Bram Stocker transparaît déjà avec une puissance visuelle frappante.

Plus tard, c’est une scène d’aveu dans un bref flash-back qui marque par la rigueur et la radicalité de sa mise en scène, mélange de grandiose et de simplicité tout en symbolique. La Découverte d’un secret, qui joue avec le goût prononcé à l’époque pour les grands châteaux pleins de mystères (vogue qui trouverait une sorte d’apogée en 1922 avec The Cat and the Canary), est comme ça parsemé de visions marquantes.

Ce sont ces visions, pour la plupart très éphémères voire cinglantes, qui font la réussite du film, basé sur une histoire de mystère dont on pressent très vite le dénouement. Un lieu clos (balayé par la pluie et le vent), des personnages aux caractères très forts qui représentent tous les pans de la culture populaire (du tragique au comique), un vieux meurtre et une mystérieuse disparition…

Ce sont des ressors simples qui sont à la base du film. Et tout en ayant bien conscience d’être devant un Murnau bien mineur, au regard du sommet que représentera L’Aurore six ans et quelques milliers de kilomètres plus tard, eh bien on prend un vrai plaisir devant ce petit serial à huis clos parfaitement maîtrisé.

Sa construction en cinq actes renforce le sentiment de vitesse qui domine, comme si les rebondissements s’enchaînaient à un rythme dingue. Pourtant, le film est avant tout basé sur des temps longs et des attentes. Peu d’action finalement, à l’image de cette grande scène de chasse dont on ne voit que le départ et le retour quinze minutes plus tard sous une pluie battante, ellipse ironique qui semble confirmer au spectateur qu’il ne faut pas s’attendre à de grands mouvements spectaculaires.

Au final, il ne se passe pas grand-chose d’autre que de l’attente, des souvenirs qui remontent, des secrets qui affleurent. Avec une belle économie de moyens, Murnau signe un vrai film de genre, plein de suspense et de drames humains. Et d’humour. Mineur, mais passionnant, et réjouissant.

Le Mystère de la Tour Eiffel – de Julien Duvivier – 1928

Posté : 22 août, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1920-1929, DUVIVIER Julien, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Mystère de la Tour Eiffel

Curieux film que ce Duvivier muet, qui livre une vision à moitié parodique des serials alors très en vogue. Avec rebondissements à n’en plus finir, bandits internationaux, déguisements…

C’est l’histoire improbable d’un gang de malfaiteurs dont on ne comprend pas vraiment ce qu’est leur objectif ultime, si ce n’est celui de leur chef d’élimer celui qui se met en travers d’une fortune personnelle.

Mais qu’importe l’intrigue : elle est une excuse un peu bidon pour enchaîner les moments forts. Un peu à la manière de L’Homme de Rio finalement, que le film Duvivier semble annoncer à plus d’un titre : pour cette course effrénée qui multiplie les terrains de jeux, et pour ces cascades d’anthologie que le film nous offre.

Léger (et mineur), le film est l’une des rares comédies de Duvivier, particulièrement à l’aise lorsqu’il laisse libre court à la folie, comme dans cette scène où le « double » arrive chez lui et se laisse dévêtir, puis servir un verre, par une armée de serviteurs.

Bien plus que l’intrigue, c’est le style que Duvivier donne à son film qui procure le plaisir. On notera ainsi une très belle scène de rêve, avec ces ombres chinoises projetées, quelques trucages marrants (notamment pour le double-rôle), et des images fortes et magnifiques, comme cette caméra embarquée dans le camion de police, ou cette vue plongeante sur les lacets des Alpes.

Surtout, Duvivier filme la Tour Eiffel avec la même puissance que René Clair (Paris qui dort), lors d’une course poursuite finale hallucinante, extraordinairement vertigineuse, entre les entrelacs de la tour… dont on se demande bien ce que les méchants espèrent trouver au sommet, dans leur course désespérée.

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