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Archive pour la catégorie '1920-1929'

L’Homme du large – de Marcel L’Herbier – 1920

Posté : 20 janvier, 2012 @ 3:28 dans 1920-1929, FILMS MUETS, L'HERBIER Marcel | Pas de commentaires »

L'Homme du large

Henri Langlois, qui avait vu quelques films, considérait L’Homme du large comme « le premier exemple d’écriture cinématographique ». Un commentaire qui suffit à souligner l’importance de ce film dans l’histoire du cinéma en tant qu’art ; l’importance, aussi, de Marcel L’Herbier, immense réalisateur français qui signe ici son cinquième long métrage, et dont on ne vantera jamais assez la richesse de ses films, en particulier de sa période muette (son dernier film muet, L’Argent, peut d’ailleurs être considéré comme le sommet de sa carrière).

Adapté d’un roman méconnu de Balzac (Un drame au bord de la mer), ce splendide mélodrame rompt en effet de manière flagrante avec la production des années 10, en multipliant notamment les effets de caméra : une utilisation savante des caches ; des dialogues qui s’écrivent directement sur l’image, soulignant ainsi les sentiments des personnages et évitant les ruptures de rythme ; des parties de l’image floues pour mettre un personnage en valeur ou pour accentuer le malaise… Il y a chez L’Herbier la même richesse de construction que chez les glorieux cinéastes des années 10, mais le Français va bien plus loin : la moindre de ses images est évocatrice, et ne se contente pas d’illustrer les intertitres.

D’ailleurs, L’Homme du large aurait pu se passer d’intertitres : sa force inouïe réside dans les images, dans ce qu’elles racontent de plus, dans les sentiments et les émotions qu’elles éveillent chez le spectateur. Raconté « platement », le film aurait sans doute été un mélo un peu imbuvable. L’histoire elle-même, en effet, utilise des ficelles qui ne sont pas de la plus grande finesse.

Le film est en fait un long flash-back : les souvenirs d’un marin vieillissant qui a fait vœu de silence, et qui se remémore ses heureuses années. Il y a bien longtemps, Nolff (Roger Karl) était marié et avait une fille et un fils. Ce fils (interprété par la vedette de la plupart des films muets de L’Herbier, Jaque-Catelain), qu’il destinait à devenir un fier marin comme lui, grandit avec la haine de la mer, et une attirance trouble pour les plaisirs coupables de la ville, attirance que son meilleur ami (interprété par un tout jeunôt Charles Boyer, encore loin de ses années de gloire) est là pour attiser…

A l’opposée de son frère fainéant et égoïste, la fille de Nolff (Marcelle Pradot, la femme de L’Herbier) fait tout pour ramener son petit frère à la raison. Mais lorsque le jeune homme se laisse aller à la luxure dans un cabaret glauque où tous les vices sont permis et pratiqués, alors que sa mère (Claire Prélia, la véritable mère de Marcelle Pradot) est sur son lit de mort, la famille atteint le point de non-retour…

On pourrait s’amuser des personnages souvent caricaturaux, ou de l’épilogue miraculeux (dans le sens premier du terme)… Mais non, la mise en scène de L’Herbier est d’une beauté telle que ces caricaturent deviennent terriblement touchants, voire inquiétantes quand le jeune homme se laisse dominer par ses démons. L’interprétation exceptionnelle de tous les comédiens fait aussi beaucoup pour la force du film.

Fiction magnifique, L’Homme du large est aussi l’un des films qui illustrent le mieux la Bretagne des pêcheurs (avec l’impressionnant Finis Terrae de Jean Epstein, peut-être) : L’Herbier a choisi de tourner en décors naturels, sur les côtes bretonnes et dans la campagne alentour, et ce choix lui inspire des plans d’une beauté rude et familière à la fois. C’est cette manière de mêler un réalisme extrême à une stylisation toujours inspirée qui fait de ce film l’un des chef d’œuvre du cinéaste, et du cinéma du début des années 20.

Comédiennes (The Marriage Circles) – de Ernst Lubitsch – 1924

Posté : 20 novembre, 2011 @ 10:09 dans 1920-1929, FILMS MUETS, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Comédiennes (The Marriage Circles) – de Ernst Lubitsch – 1924 dans 1920-1929 comediennes

Un an avant L’Eventail de Lady Windermere, son plus beau film muet (et peut-être son plus beau film tout court), son plus élégant aussi, Lubitsch signe l’une de ces « sex comedies » qui étaient à la mode à l’époque (et dont l’un des spécialistes était Cecil B. De Mille). Arrivé à Hollywood l’année précédente, le cinéaste allemand ne se contente toutefois pas de rentrer dans le moule des studios : après l’expérience en demi-teinte de Rosita, le film qu’il a tourné l’année précédente pour Mary Pickford (c’est la star qui l’avait fait venir en Amérique), Comédiennes est son premier film hollywoodien réellement personnel.

La fameuse « Lubitsch touch », son sens du rythme, l’élégance et l’intelligence de sa mise en scène, et sa manière toute personnelle d’utiliser le plus anodin des objets… tout est là déjà, formidablement maîtrisé, dès les premières images : un gros plan sur les pieds d’Adolphe Menjou au sortir du lit… Dans cette scène d’ouverture, une simple paire de chaussettes en dit plus sur le couple qu’il forme avec l’impossible Marie Prevost. Il faut voir le film, aussi, pour comprendre comment à quel point le plan fixe d’un œuf à la coque et d’une tasse de chocolat peut être évocateur.

L’Eventail… renforcera encore ce penchant à « faire parler » les objets, ou accessoires. Mais dans Comédiennes, Lubitsch fait déjà preuve d’une inventivité et d’une intelligence de chaque plan. C’est d’ailleurs cette Lubitsch touch qui fait tout le sel du film, basé sur une histoire assez conventionnelle : le bonheur d’un couple est menacé par l’intrusion de la meilleure amie de madame, qui a des vues sur monsieur. Ajoutez à cela le mari de la meilleure amie, qui n’a qu’une envie : se débarrasser de sa femme ; et le meilleur ami du premier mari, qui est secrètement amoureux de sa femme à lui (vous suivez ?)… et vous aurez les recettes d’un pur vaudeville riche en quiproquos, amants dans le placard et portes qui claquent.

La mise en scène tire continuellement ce scénario vers le haut : le film est une étourdissante fantaisie, où les portes ne cessent de s’ouvrir et se fermer (classique, chez Lubitsch), et d’où émergent un quinté d’acteurs aux personnalités particulièrement fortes, à commencer par Monte Blue (le mari heureux mais tenté par l’amie de sa femme), espèce de grand dadais continuellement dépassé par les événements. Le contraste entre les deux amies, jouées par la garce Marie Prevost et la douce et émouvante Florence Vidor, est également très fort. Creighton Hale, lui, dans le rôle de l’ami secrètement amoureux, est la caution humoristique du film, loin du cynisme de Menjou (voir la scène cruelle où il refuse la tendresse que lui réclame sa femme, désespérée), dans un rôle qui évoque celui qu’il tenait dans L’Opinion publique.

Lubitsch, d’ailleurs, n’a jamais caché l’admiration qu’il avait pour le chef d’œuvre de Chaplin. Son inspiration se fait sentir à plusieurs reprises dans le film, notamment dans ce plan, a priori anodin, où Adolphe Menjou se rase en regardant la rue en contrebas par la fenêtre, « jumeau » d’un plan quasiment identique dans L’Opinion Publique.

Il est énormément question d’amour, bien sûr : de la difficulté de préserver l’amour, du manque d’amour, ou de l’amour secret… The Marriage Circles est-il pour autant un vrai film romantique ? Pas si sûr… Même si le couple aimant surmonte toutes les épreuves, il a laissé la suspicion et le doute s’insérer dans son quotidien. Quant au couple qui semble promis à se former, il n’a rien d’idyllique… Le seul qui sort réellement vainqueur de cette histoire, finalement, c’est celui qui a obtenu le divorce et peut jouir pleinement de sa liberté enfin regagnée. On fait mieux comme romantisme…

Les Quatre Fils (Four Sons) – de John Ford – 1928

Posté : 10 novembre, 2011 @ 7:17 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John | Pas de commentaires »

Les quatre fils

Encore un chef d’œuvre, pour Ford, qui filme avec une inspiration inouïe ce mélodrame au cœur d’un charmant village de Bavière. En fait de drame champêtre, c’est un film profondément émouvant sur les ravages de la guerre que Ford nous propose ici. De la guerre, on ne verra d’ailleurs quasiment rien : uniquement une courte scène presque irréelle, baignée dans la brume de la campagne française. On ne perdra rien, par contre, des émotions de « maman » Bernle, mère aimante de quatre grands garçons, qui les verra partir l’un après l’autre pour le front.

Nous sommes en 1914, alors que « l’ancien monde », comme le définit un carton au début du film, vit ses dernières heures : des heures d’insouciance qui disparaissent d’un revers de la main, à l’image de la gifle que donne un officier autoritaire à Joseph, le plus insouciant des fils Bernle. Cette gifle n’est pas anodine : elle résume à elle seule ce qui attend ce village si paisible alors que la Grande Guerre est sur le point d’éclater. C’est aussi la perte de l’innocence qui est au cœur du film, à travers le quotidien de ce village si typique, presque caricatural ; Ford ne fera pas autre chose avec Qu’elle était verte ma vallée, autre chef d’œuvre pittoresque sur la perte de l’innocence.

La figure bonhomme et magnifique du facteur illustre joliment cette perte d’identité. Lui qui ouvre le film, silhouette joviale, grosses moustaches avenantes et sourire communicatif, heureux d’apporter des nouvelles qui, dans le vieux monde, ne peuvent être que bonnes… C’est lui aussi qui devra apporter ces sinistres lettres cernées de noir, qui annoncent à la population la perte d’un proche. Les habitants, jadis aussi soudés qu’une famille, voient avec soulagement et un brin d’égoïsme bien compréhensible passer ce messager de mort devant eux sans s’arrêter…

Le facteur, lui, a la silhouette qui se voûte et la démarche lourde, assommé par le poids de ses nouvelles. Maman Bernle symbolise à elle seule les pertes subies par tout un peuple : trois de ses fils mourront au front ; quant au quatrième, il sera considéré comme un traître parce qu’il est parti vivre en Amérique avant le conflit, et qu’il s’est battu contre l’Allemagne. Dur ? Oh, on pleure, bien sûr, devant le triste destin de cette mère aimante (qui n’a rien à « envier » à la mère du soldat Ryan !), mais Four Sons n’est pas un film sinistre, bien au contraire.

Femme forte et profondément bonne (jouée avec beaucoup de pudeur et d’émotion contenue par Margaret Mann), maman Bernle n’est pas du genre à se laisser abattre, remerciant Dieu « pour tous ses bienfaits », même après avoir perdu son plus jeune fils. On pourrait être agacés par cette ferveur absolue, mais non, c’est juste profondément émouvant.

Ford a aussi le bon goût de terminer son film sur un brusque changement de ton, qui évoque L’Aurore (et ce n’est sans doute pas un hasard : le chef d’œuvre de Murnau est sorti l’année précédente, et il semble certain que Ford a rencontré Murnau, tous deux travaillant alors pour la Fox), lorsque Maman Bernle arrive à New York, ville monstrueuse bien éloignée de la Bavière, où tout est possible, l’aliénation comme la renaissance.

Le Réquisitoire (Manslaughter) – de Cecil B. De Mille – 1922

Posté : 10 novembre, 2011 @ 4:10 dans 1920-1929, De MILLE Cecil B., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Réquisitoire

Cecil B. De Mille n’y va pas de main morte avec ce mélodrame qui n’a jamais peur d’aller trop loin. On a donc une riche héritière, Lydia (Leatrice Joy), frivole et amateur de vitesse, qui ne prend rien au sérieux. Surtout pas ce procureur, Dan (Thomas Meighan), qui l’aime et qui fait tout pour convaincre Lydia qu’elle vaut mieux que cette vie de débauche digne de la pire époque romaine (ce qui nous donne droit à quelques séquences romaines illustratives et indigestes, heureusement courtes). Sauf qu’à un moment, Lydia va trop loin : son égoïsme envoie une pauvre mère de famille en prison, et coûte la vie d’un policier. Alors Dan réalise que pour sauver Lydia d’elle-même, il ne reste qu’une option : la prison. Mais en faisant condamner celle qu’il aime, « c’est mon cœur que j’envoie en prison », et Dan sombre dans l’alcool. Jusqu’à ce que Lydia trouve la voie de la rédemption…

Ce curieux mélo s’apparente à un intrus dans la filmo muette de De Mille, souvent irrévérencieuse et pas loin d’être amorale. Il y a au contraire, dans Manslaughter, tout ce qui rendra parfois De Mille insupportable dans ses grandes fresques à venir : un moralisme gonflant (l’alcool, c’est mal), et une foi inébranlable dans les institutions. Parce que, finalement, quoi de mieux que quelques années en prison pour vous remettre dans le droit chemin ? Hein ?! Faut dire qu’elles ont l’air sympa, les prisons de De Mille. La prison pour femmes en tout cas : une espèce de village vacances où tout le monde doit travailler, certes, mais sous le regard bienveillant de gardiennes-copines, et main dans la main avec des tas de gentilles copines qui seront contentes de vous voir retrouver la liberté, mais un peu tristes quand même de vous voir partir…

On a l’air de se moquer, là, mais une fois ces (énormes) réserves posées, il faut bien constater que Manslaughter est une nouvelle fois l’œuvre d’un grand cinéaste particulièrement inspiré, d’un strict point de vue formel. Le scénario peut ne pas convaincre, mais le film se regarde avec un vrai plaisir. Même si on peut lui préférer les audaces et la liberté de la série de films consacrés aux couples et aux tromperies, qu’il venait alors de réaliser (notamment La Proie pour l’Ombre, déjà chroniqué sur ce blog).

Tartuffe (id.) – de Friedrich Wilhelm Murnau – 1925

Posté : 9 novembre, 2011 @ 11:45 dans 1920-1929, FILMS MUETS, MURNAU Friedrich W. | Pas de commentaires »

Tartuffe

Décidément pas mon Murnau préféré… Tourné entre deux grands classiques (Le Dernier des Hommes et Faust), cet avant-dernier film allemand du cinéaste est une adaptation inattendue, et fidèle, de la pièce de Molière. Fidèle, à ceci près que la pièce en elle-même est présentée comme un « film dans le film », qu’un jeune homme déguisé en forain projette à son grand-père pour lui faire comprendre que sa fidèle servante est en fait une méchante femme qui le manipule pour toucher son héritage.

Il y a d’ailleurs dans Tartuffe, long métrage excédant à peine les soixante minutes, deux films bien distincts : la partie contemporaine (quinze minutes au début, cinq à la fin), qui se résume à trois personnages, et qui porte indéniablement la patte du futur cinéaste de L’Aurore, jeu brillant sur les ombres et les gros plans, merveille de montage, vif et enlevé, proche de l’expressionnisme. Et puis la partie « film dans le film », à la lumière vive, aux décors de carton-pâte qui semblent tout droit sortis des productions françaises des années 1900, comédiens outranciers…

En fait de comédiens qui en font trop, c’est surtout Emil Jannings qui porte les lauriers. Bouleversant dans Le Dernier des Hommes, Jannings est caricatural, ici : ogre libidineux et repoussant qui ne parvient à tromper que le naïf chef de maison, convaincu que ce Tartuffe est un homme saint, pur, et désintéressé. Sans doute les excès de l’acteur illustrent assez fidèlement le propos de Molière, mais quand même… ce drame bourgeois, sans ennuyer véritablement, finit par n’inspirer qu’un intérêt poli.

Reste quelques jolis plans (la scène du petit-déjeuner surplombant la propriété, Tartuffe découvrant le visage de son « disciple » dans un reflet alors qu’il s’apprêtait à sauter sur la femme de ce dernier…), et une charge virulente contre les intégristes de la religion.

Les Moineaux (Sparrows) – de William Beaudine – 1926

Posté : 30 septembre, 2011 @ 8:45 dans 1920-1929, BEAUDINE William, FILMS MUETS, PICKFORD Mary | Pas de commentaires »

Sparrows

Voilà l’un des grands chef d’œuvre du muet, un film terrifiant et d’une grande cruauté, que Charles Laughton avait sans aucun doute en tête lorsqu’il a réalisé La Nuit du Chasseur. La comparaison est facile, mais il est difficile de ne pas la faire, tant on sent l’influence que Sparrows a eu sur le classique de Laughton. Mary Pickford, qui joue une adolescente alors qu’elle a déjà 33 ans, trouve là sans doute le rôle le plus fort de toute sa carrière, dans ce qui est peut-être son meilleur film.

L’histoire se passe dans un marais perdu du Sud des Etats-Unis, présenté comme un Enfer sur Terre. Au milieu de marécages impossibles à traverser, un couple de fermiers odieux tout droit sorti d’un conte horrifique des frères Grimm exploite des orphelins qui lui ont été confiés, mais qu’il fait travailler durement toute la journée, les faisant dormir dans une grange sans le moindre confort, et sans soin. Le portrait semble horrible… C’est pire encore : le film ne fait l’impasse sur aucun sévices, et aucun drame. On assiste même à la mort d’un bébé, dans une scène un peu trop mystique, mais bouleversante…

Toute la première partie repose sur cette peinture d’une jeunesse brisée, et aux efforts faits par Mary Pickford et ses petits protégés (les « moineaux » du titre) pour survivre et améliorer leur quotidien, pour échapper aux brimades de leurs bourreaux ou de l’affreux fils (vraiment très laid, ce pauvre garçon) de ces derniers, aussi méchant que ses parents. La charge est d’autant plus forte que le film de William Beaudine est une charge qui était alors d’actualité : dans les années 20, ces « fermes de bébés » existaient bel et bien, et recueillaient des orphelins, aussi bien que des enfants dont les parents ne pouvaient pas s’occuper eux-mêmes. Reste juste à espérer que la cruauté présentée dans le film dépasse la réalité d’alors…

Beaudine, qui fera l’essentiel de sa carrière « parlante » en dirigeant de petites productions parfois très limites (dont le Voodoo Man déjà chroniqué sur ce blog), rappelle qu’il est l’un des grands cinéastes du muet. C’est d’une caméra virtuose qu’il filme cette histoire, bénéficiant il est vrai d’un décor extraordinaire : la reconstitution de cette ferme et du marais qui l’entoure, gothique et inquiétante, fait beaucoup pour le film. Et puis au milieu du film viennent deux rebondissements tragiques : la mort du bébé, et l’enlèvement de la fillette d’un milliardaire. Le fermier se voit confier la garde de la petite fille, pendant que ses kidnappeurs récupèrent la rançon. Mais effrayé par l’arrivée possible de la police, le fermier décide de tuer l’enfant… Ce qui décide Mollie (Mary Pickford) à s’enfuir avec sa bande de gamins, tentant leur chance à travers les marais et leurs dangers…

Et c’est un autre film qui commence, plus fort encore : Beaudine tire le meilleur de son effrayant décor, utilisant la pénombre et les puits de lumière de ces sous-bois, la profondeur de champs (magnifique plan avec les enfants en file indienne à l’arrière plan, tandis qu’on découvre d’inquiétants crocodiles au premier plan) ou le montage alterné (le course du chien qui se rapproche dangereusement et rapidement des enfants) comme les plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. Toute cette deuxième partie se regarde presque sans respirer, tant la tension est palpable.

C’est du très, très grand cinéma. Le happy end est un peu convenu, c’est vrai, mais qu’importe. Les horreurs de la première partie, et le suspense terrible de la seconde partie risquent de ne pas vous sortir de la tête avant longtemps. Promis…

Le Cheval de fer (The Iron Horse) – de John Ford – 1924

Posté : 14 septembre, 2011 @ 9:38 dans 1920-1929, FILMS MUETS, FORD John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Cheval de fer

En 1924, John Ford est un jeune cinéaste de tout juste 30 ans qui s’est déjà taillé une belle réputation en dirigeant des stars de l’époque comme Harry Carey ou Tom Mix, lorsque la Fox lui confie les rênes de cette très grosse production. C’est l’époque de la démesure et de la surenchère à Hollywood, où les producteurs n’hésitent pas à engager des milliers de figurants pour une seule scène, où des villes entières peuvent être construites, où un Douglas Fairbanks « bigger than life », fantasme préféré de l’Amérique, triomphe dans d’immenses productions comme Le Voleur de Bagdad, de Raoul Walsh.

C’est d’ailleurs pour répondre à La Caravane vers l’Ouest, première méga-production westernienne que James Cruze réalisait alors pour la Paramount, que William Fox a lancé le projet du Cheval de Fer, grande fresque sur la construction du premier chemin de fer traversant toute l’Amérique, de l’Atlantique au Pacifique. Confier ce projet gigantesque à un réalisateur aussi jeune que Ford était un pari (même si le cinéaste a déjà plusieurs dizaines de films à son actif). Pari réussi, puisque le film a rapporté plus de 2 millions de dollars (énorme pour l’époque, et pour un budget 5 à 7 fois inférieur selon les sources), et qu’il a définitivement assis la réputation de Ford.

Chef d’œuvre impressionnant, le film répond à de multiples ambitions : il fait revivre avec beaucoup de réalisme le quotidien de ces pionniers, tout en racontant une histoire de vengeance et d’amour, et en évoquant le symbole que ce chantier représente pour l’unification d’un pays encore marqué par la Guerre Civile. Ford en profite d’ailleurs pour mettre en scène Lincoln, dans quelques belles séquences qui marquent profondément les esprits. Lincoln, d’ailleurs, reviendra régulièrement dans la filmographie de Ford, personnage central de Vers sa destinée, et martyr d’une nation réunifiée hantant Je n’ai pas tué Lincoln.

Bien avant de signer le traité décidant la construction du chemin de fer, dans une scène centrale du film, Lincoln apparaît dans la séquence d’ouverture. Alors qu’il n’est qu’un avocat de province, il pose un regard plein de bienveillance sur les deux personnages principaux du film, qui ne sont encore que des enfants, et dont il pressent visiblement les sentiments naissants, et le rôle qu’ils joueront dans son grand projet…

Davy et Miriam ont grandi dans la même petite ville. Mais après leur rencontre avec le futur président, leurs trajectoires se séparent. Lui est le fils d’un homme qui croît en la construction d’une ligne reliant les deux océans ; elle est la fille d’un industriel septique, persuadé qu’il s’agit d’une hérésie. Davy et son père partent pour l’Ouest, afin de trouver un passage pour le futur chemin de fer. Mais une nuit, le garçon assiste à la mort de son père, massacré par des Indiens menés par un blanc, dont il ne voit que la main mutilée. Les années passent. Lincoln décide la construction du chemin de fer et confie le chantier à deux compagnies, dont l’une est dirigée par le père de Miriam. Un jour, Davy réapparaît et entre à son service. Mais Miriam est fiancée à un homme qui complote avec un mystérieux propriétaire de terres pour faire fortune…

Difficile de dire ce qui est le plus réussi dans le film. L’histoire d’amour, même si elle est un peu attendue, apporte une touche de légèreté grâce au charme indolent de George O’Brien, que Ford dirige pour la première fois, et qui sera également le héros de Trois sublimes canailles, et l’un des acteurs réguliers du cinéaste. Quant à la force symbolique de l’histoire, sur un pays qui se retrouve, elle est immense. Mais c’est surtout la reconstitution du chantier qui est purement extraordinaire. Sa grande force est de passer par de nombreux détails qui nous plongent au cœur du film, et nous font sentir l’odeur de la poussière et de l’alcool qui, bien sûr, coule à flot.

Grands espaces hostiles, attaques d’Indiens, bagarres, fusillades, cavalcades… La caméra est toujours au cœur de l’action. Mais la séquence la plus impressionnante est peut-être celle où toute une ville déménage : au fur et à mesure que le chantier avance, la ville qui sert de base à cette société constituée par les ouvriers et tous ceux qui gravitent autour doit se déplacer ; et ce sont des milliers de personnes qui emmènent leurs objets personnels, leurs animaux, et leurs maisons en pièces détachées, ne laissant que quelques débris… et les corps enterrés de ceux qui n’ont pas survécu.

Avec ce film, qui est sans doute le plus ambitieux dans son ampleur, Ford aborde à peu près tous les thèmes qui caractériseront ses grands films à venir : l’amitié virile (notamment celle de trois hommes qui évoquent les Trois sublimes canailles avant l’heure – l’un d’eux est d’ailleurs interprété par J. Farrel MacDonald) ; la justice balbutiante d’un pays encore jeune, rendue dans un saloon (on pense évidemment au juge Roy Bean, mais aussi à Judge Priest de Ford) ; la vengeance à travers les années (La Prisonnière du Désert n’est pas si loin…) ; le deuil (avec une belle scène sur une tombe, qui évoque… à peu près tous les films de Ford)… Sous la forme d’ébauches ? Même pas… Ford signe sa première très grosse production avec une aisance confondante (comme il passera du muet au parlent sans problème). Grand cinéaste il était, grand cinéaste il est, grand cinéaste il sera.

Laquelle des trois ? (The Farmer’s Wife) – d’Alfred Hitchcock – 1928

Posté : 24 août, 2011 @ 8:44 dans 1920-1929, FILMS MUETS, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Laquelle des trois

Voici l’une des rares incursions d’Hitchcock dans la pure comédie. Comme souvent à cette époque, le jeune cinéaste adapte une pièce de théâtre qui a connu un grand succès à Londres. Le film est une commande, mais Hitchcock ne prend pas le travail à la légère. Désormais pleinement maître du langage cinématographique, il s’attache à transformer cette pièce paraît-il excessivement bavarde en une œuvre visuelle d’une fluidité parfaite, et débarrassé au maximum des intertitres de rigueur dans le muet.

Effectivement, le film possède peu d’intertitres, alors même que les personnages sont particulièrement bavards. C’est le principal tour de force de cette comédie certes pas très originale, mais d’une réjouissante légèreté, avec cette petite pointe d’amoralité qu’Hitchcock aime distiller dans ses films : pas sûr que les féministes apprécient beaucoup la peinture qu’il fait des femmes et de leur place dans la société…

Le film raconte l’histoire d’un riche fermier dont la femme vient de mourir, et dont la fille se marie. Désormais seul avec son employé de ferme et sa servante, il dresse une liste des prétendantes qu’il pourrait épouser en seconde noce… et part faire ses courses. Pas franchement romantique, ni regardant, ce fermier pourtant séduisant derrière ses grandes moustaches part déclarer sa flamme aux quatre vieilles filles qu’il a repérées (oui, il y en a quatre, ce qui n’explique pas le titre français).

Mais toutes le renvoient dans ses buts, ce qui a pour effet de l’irriter franchement : pas terrible pour son image ou pour son ego. Et dire que pendant tout ce temps, alors qu’il courait après la vieille rombière, la perle absolue était sous ses yeux : sa gouvernante, charmante et dévouée, bonne femme d’intérieur et oreille attentive (la femme idéale, quoi…). Il lui faudra bien du temps pour la regarder autrement que comme une serveuse, alors que le spectateur a depuis la toute première minute compris que son bonheur était là, dans le visage pur et la délicate silhouette de Lillian Hall-Davis (qu’Hitchcock avait déjà dirigée dans The Ring).

Charmant et drôle, le film donne le sentiment d’un tournage particulièrement joyeux, avec des comédiens qui, à l’exception de la belle Lillian, jouent tous de manière légèrement (ou franchement) excessive. Le fermier lui-même (Jameson Thomas) a la moustache qui frétille à longueur de film ; l’une de ses conquêtes part à la renverse dans de grands cris effarouchés dès qu’il lui propose le bonheur conjugal ; la quatrième est une tenancière de bar vulgaire à la gueule pas possible…

Mention spéciale à Gordon Harker, dans le rôle de l’ouvrier de ferme. Déjà vu dans The Ring, cet acteur grimaçant joue merveilleusement bien les idiots sans savoir vivre. Sa prestation dans The Farmer’s Wife n’est pas très originale, mais elle est franchement réjouissante.

Scaramouche (id.) – de Rex Ingram – 1923

Posté : 5 août, 2011 @ 11:18 dans 1920-1929, FILMS MUETS, INGRAM Rex | Pas de commentaires »

Scaramouche

Le Scaramouche de George Sidney, tourné en 1952 avec Stewart Granger, est parfois présenté comme le plus grand film de cape et d’épée de l’histoire. C’est un bon film, c’est incontestable, mais il y a bien mieux, dans l’histoire du cinéma, et pas besoin de chercher loin : la première adaptation du roman de Rafael Sabatini, réalisée par Rex Ingram, lui est bien supérieur. Cette grosse production muette et ambitieuse est aussi bien plus fidèle à l’histoire de France (l’histoire se déroule sur plusieurs années pendant la Révolution française), et au roman de Sabatini.

Les duels à l’épée, certes, sont moins spectaculaires, mais la reconstitution est elle bien plus impressionnante, magnifiée par des décors somptueux et superbes qui font revivre les rues de Paris, de Rennes ou d’un petit village breton. Des décors mis en valeur par la caméra d’Ingram, l’un des cinéastes les plus importants du muet, dont le sens de la narration et de l’épopée est incontestable. Contrairement au film de Sidney, on sent le souffle de l’histoire sur ces images magnifiques.

L’histoire est celle d’André-Louis Moreau, jeune avocat fraîchement diplômé, qui revient dans son village natal pour découvrir le peuple tyrannisé par le seigneur local, qui tue froidement le meilleur ami de Moreau. Ce dernier jure de le venger, et fait appel à la justice, qui refuse de prendre partie contre le noble. Une injustice qui amène Moreau à devenir l’un des grands noms de la révolte des petites gens. Recherché, Moreau trouve refuge dans une petite troupe de théâtre qu’il amène à Paris. Il y retrouve celle qu’il aime, et qui est courtisée par son ennemi mortel. La Révolution, puis la Terreur éclateront, Moreau côtoiera Danton, croisera Bonaparte, découvrira la vérité sur ses parents, et connaîtra bien des aventures incroyables (dont la plupart ne figurent pas dans le film de 1952).

C’est à un feuilleton digne de Dumas que Rex Ingram s’attaque avec Scaramouche. Un feuilleton auquel le réalisateur apporte toutes les richesses du grand cinéma hollywoodien : un souffle lyrique, des mouvements de foule impressionnants (certaines scènes ont visiblement réuni des centaines de figurants), des décors plus beau que nature, des héros charismatiques (les hommes surtout, disons pour rester correct que les critères de beauté féminine ont peu évolué au fil des décennies…), et un ton étonnamment incorrect…

Les relations entre Moreau et son pire ennemi réservent ainsi bien des surprises. Quant à ce dernier, il est visiblement un queutard de première : de la noble la plus respectée à la villageoise la plus vulgaire, de la jeune femme sortant de l’adolescence à la quinquagénaire, pas une femme ne semble avoir échappé à son lit… On viendra dire, après, que le cinéma était prude, dans les années 20…

The Manxman (id.) – d’Alfred Hitchcock – 1929

Posté : 20 juillet, 2011 @ 9:37 dans 1920-1929, FILMS MUETS, HITCHCOCK Alfred | 2 commentaires »

The Manxman

Dernier film muet d’Hitchcock, The Manxman est aussi le plus beau. Aussi important que The Lodger (qui marquait la naissance du style-Hictchcock), The Manxman est aussi bien plus atypique dans la filmographie du jeune maître, qui signe là son seul vrai mélo, un triangle amoureux sur le fond, mais d’une beauté tout bonnement sidérante. Tourné dans les décors naturels, et sublimes, de l’île de Man (comme le titre l’indique), le film est d’un dépouillement étonnant : le jeune Hitch évite soigneusement tout rebondissement spectaculaire, ou toute tentation grand-guignol, et reste constamment dans la note juste en se focalisant exclusivement sur son trio.

Malgré le sentiment de révolte qui plane chez les pêcheurs, tout commence dans une grande insouciance, avec deux amis d’enfance qui aiment à se retrouver malgré les chemins différents qu’ils ont pris : l’un est un simple pêcheur, l’autre un avocat promis à un grand avenir. Le premier séduit la jolie fille d’un aubergiste… dont le second est secrètement amoureux. Lorsque le premier part faire fortune en Afrique, la jeune femme promet de l’attendre. Mais elle aussi est amoureuse de l’avocat, et lorsque les deux jeunes gens apprennent que leur ami est mort, ils laissent éclater leur amour. Mais leur ami n’est pas mort, et revient bientôt sur l’île…

La jeune femme n’a rien d’une femme fatale. Rien, non plus, de l’innocence absolue de certaines héroïnes hitchcockienne à venir (Joan Fontaine, en particulier). C’est une femme un peu frivole et inconséquente, rattrapée par la complexité de l’amour. C’est Anny Ondra, première blonde hitchcockienne, et l’une des plus belles (allez, je me lance : « la » plus belle), qu’Hitchcock retrouvera pour Chantage. Mais l’accent de cette actrice tchécoslovaque était bien trop marqué pour faire carrière à Hollywood (dans Chantage, Joan Barry la double). Ses deux films hitchcockiens sont donc, hélas, à peu près tout ce qu’on connaît de sa carrière. Dommage : le seul plan dans lequel tombe l’innocence de la balle, après que le pêcheur lui ait déclaré sa flamme est magnifique (un plan fixe dépouillé d’Anny Ondra, face caméra, devant le cadre de sa fenêtre, la nuit étant balayée par le faisceau du phare)…

Quant aux deux amis du film, joués par Carl Brisson (le héros de The Ring, le précédent chef d’œuvre de Hitchcock) et Malcolm Keene, leur relation illustre bien le parti-pris de Hitchcock pour ce film : leur affrontement, tant attendu, n’aura jamais lieu. Les sentiments qui unissent ces trois personnages sont plus forts que tous les ressentiments. Il s’en dégage une profonde nostalgie, résumée (douloureusement) par un dernier plan sublime. Le destin était en marche dès les premières images, et personne n’y échappe.

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