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Archive pour la catégorie '1895-1919'

Le Secret du bonheur / Victoire (Victory) – de Maurice Tourneur – 1919

Posté : 11 avril, 2014 @ 1:49 dans 1895-1919, FILMS MUETS, TOURNEUR Maurice | Pas de commentaires »

Le Secret du bonheur

Victory est l’unique adaptation d’un roman de Joseph Conrad que le romancier ait pu voir. Tous les autres films inspirés de son œuvre, de Agent secret à Apocalypse Now en passant par Lord Jim et pas mal d’autres, ont été tournés des années après sa mort. La première rencontre entre le romancier et le cinéma est un coup de maître. Un peu naïf sur le papier, un peu improbable dans son propos, le film est constamment tiré vers le haut par le talent de Maurice Tourneur, et la force de sa mise en scène.

C’est l’histoire d’un oisif solitaire, qui vit en reclus (avec un serviteur quand même, on a un standing ou on n’en a pas…) dans une île déserte et paradisiaque, désireux de vivre selon les préceptes d’un père qui a écrit dans un livre qu’il lit et relit à longueur de journée que le secret du bonheur était de vivre en évitant tout contact avec la société, sans aimer qui que ce soit, et sans avoir à tuer qui que ce soit… Bien sûr, à l’occasion d’un séjour dans la société, c’est l’amour et la mort qu’il rencontrera.

Ce qui frappe surtout dans ce film, c’est la violence avec laquelle le personnage principal d’Axel Heyst (Jack Holt) découvre les rapports humains dans ce qu’ils ont de plus extrêmes. L’histoire d’amour est charmante, mais elle n’existe qu’en réaction aux accès de violence, dont certains sont franchement glaçants. Une petite musicienne ballottée entre des employeurs  tyranniques et un logeur libidineux, un trio de louches aventuriers vivant de meurtres et de vols… et deux scènes d’exécution (dont une en flash-back) qui se répondent avec une brutalité rare, les visages des victimes étant plongés dans des brasiers…

Dans le rôle, secondaire, de l’un de ces bandits, Lon Chaney vampe la caméra. Dans le rôle de Ricardo, un second couteau (au sens propre), il vole sans peine la vedette à des acteurs principaux que, d’ailleurs, l’histoire a plongé dans l’anonymat. En 1919, Lon Chaney n’est pas encore une star, mais il a déjà une solide réputation de second rôle capable d’adopter n’importe quel maquillage. Ici, il n’aborde qu’une petite moustache et un look hispanique, mais il a une présence réellement magnétique qui est le signe d’un immense acteur de cinéma.

• Le film fait partie du coffret « Hommage à Maurice Tourneur » consacré à la période muette hollywoodienne du cinéaste, et édité par Bach Films. Avec une qualité d’image disons acceptable, et une présentation érudite de Roland Lacourbe.

Mam’zelle Charlot (A Woman) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 8 février, 2014 @ 1:07 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Mam'zelle Charlot

• Titres alternatifs (VF) : Charlot fait des siennes ; Charlot demoiselle

• Titres alternatifs (VO) : The Perfect Lady ; Charlie, the perfect lady ; Charlie and the perfect lady

On ne peut pas dire que Chaplin force son talent dans ce court qui suit immédiatement la réussite de Work, l’un des meilleurs films de sa période Essanay. Avant de revenir en grande forme avec The Bank, son film suivant, Chaplin se contente ici de recycler des idées et motifs qui font son succès depuis ses débuts à la Keystone.

La première partie s’inscrit ainsi dans la longue tradition des films de parc. Un bourgeois s’éloigne discrètement de sa femme et de sa fille (Edna Purviance) pour aller flirter avec une jeune femme. Charlot passe par là, s’intéresse à la même jeune femme, s’oppose au père, qui finit dans le lac (avec le fameux coup de pied que l’on attend plus ou moins consciemment dès que l’on voit pour la première fois l’eau du lac, tant le gag est récurrent).

La suite n’est guère plus originale. Charlot rencontre la fille de sa victime (sans savoir qui elle est) qui l’emmène chez elle. L’idylle est parfaite jusqu’au retour du père. Là, Charlot prend la fuite, et finit par se déguiser en une élégante jeune femme, se débarrassant ainsi de sa moustache.

Ce n’est pas une première non plus : à deux reprises durant sa période Keyston, Chaplin s’était habillé en femme, dans The Masquerader et A Busy Day, deux curiosités pourtant très différentes.

Rien d’original, donc, mais le rythme est assez imparable, et le film contient de belles idées de comédie. Pas vraiment dans la première partie, dans le parc, où Chaplin se contente de recycler des gags et des situations souvent vues auparavant. Mais dans la dernière partie, lorsqu’il revêt ses vêtements de femme, oubliant d’abord sa moustache et ses trop grands godillots, le génie de Chaplin éclate enfin.

On sent bien que ces dix dernières minutes sont la raison d’être du film : Chaplin avait visiblement envie de secouer la vieille morale bien pensante de l’époque, en filmant un tranquille père de famille qui flirte avec un travesti (sans le savoir, quand même). Le double inversé du baiser entre Charlot et une Edna déguisée en homme dans Charlot machiniste, en quelque sorte…

Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein) – d’Ernst Lubitsch – 1918

Posté : 5 avril, 2013 @ 6:11 dans 1895-1919, FILMS MUETS, LUBITSCH Ernst | Pas de commentaires »

Je ne voudrais pas être un homme (Ich möchte kein Mann sein) – d’Ernst Lubitsch - 1918 dans 1895-1919 je-ne-voudrais-pas-etre-un-homme

Ce film de jeunesse de Lubitsch est loin de la sophistication de ses grands chefs-d’œuvre à venir, y compris muets (L’Eventail de Lady Windermere…), mais c’est une comédie charmante, déjà bien plus élaborée que Quand j’étais mort, marivaudage tourné deux ans plus tôt, et qui est le plus ancien de ses films qui nous soient connu.

Cette fois encore, Lubitsch adopte une construction ouvertement théâtrale, en trois actes clairement annoncés. Premier acte : une jeune femme qui a envie de s’amuser comme un homme souffre des réprimandes constantes de ses tuteurs. Deuxième acte : elle décide de se déguiser en homme pour pouvoir s’amuser dans une boîte de nuit où l’alcool coule à flot. Troisième acte : son tuteur, qui la prend toujours pour un homme, tombe sous son charme…
Le début de ce moyen métrage est, justement, un peu trop théâtral : la caméra reste frontale et statique, la mise en scène peu inspirée, et le jeu des comédiens trop caricatural.

Mais ces défauts disparaissent comme par magie, et l’action s’accélère, tandis que l’héroïne arrive dans la boîte de nuit, et qu’elle se laisser griser par l’alcool. On retrouve alors le rythme saisissant de Lubitsch.

Le ton est très léger, mais politiquement très incorrect, et surprenant. Lubitsch, sous des allures de farce, aborde la confusion des genres, ou l’homosexualité. C’est vif et drôle, et jamais donneur de leçon. Ce Lubitsch-là n’est pas un sommet, mais c’est une étape importante dans l’évolution du cinéaste. Une belle curiosité.

Le Veinard (Lucky Dog) – de Jess Dobbins – 1917

Posté : 12 janvier, 2013 @ 11:55 dans 1895-1919, COURTS MÉTRAGES, DOBBINS Jess, FILMS MUETS, LAUREL et HARDY | Pas de commentaires »

Le Veinard (Lucky Dog) – de Jess Dobbins – 1917 dans 1895-1919 le-veinard

Il y a eu une vie avant Laurel et Hardy pour Stan Laurel, gagman réputé du jeune Hollywood, et espoir pour les studios de trouver un concurrent sérieux à Chaplin. La comparaison n’est pas fortuite : Laurel, qui fut le remplaçant de Chaplin dans la troupe de Karno, est ici bien plus proche de Charlot que du personnage qu’il trouvera quelques années après avec son comparse Oliver Hardy, dans ce qui reste le plus grand tandem comique de l’histoire du cinéma.

Un peu fouillis et sans grande originalité, ce court métrage se contente de recycler un humour vu en cent fois mieux chez Chaplin (le jeu avec le chapeau notamment, qui ressemble vraiment à du sous-Chaplin, ou encore cette manière canaille de botter le cul de méchants physiquement plus imposants que lui).

Laurel est un jeune homme qui se retrouve à la rue et fait ami-ami avec un corniaud. Il fait plusieurs rencontres, notamment avec un voleur bedonnant et patibulaire.

Et c’est là le principal intérêt du film, la seule raison, même, pour laquelle il a laissé une trace dans l’histoire. Car ce voleur est interprété par un certain Oliver Hardy. Ce film marque la première rencontre des futurs Laurel et Hardy. Mais ni l’un, ni l’autre, ne s’approche de près ou de loin de leurs futurs personnages. On ne peut pas dire que c’est là que naît le tandem.

Mais quand même… quand on sait le nombre de films que ces deux-là feront ensemble par la suite, on ne peut que reconnaître à ce court très mineur un petit intérêt historique.

Embrasse-moi idiot (A Fool there was) – de Frank Powell – 1915

Posté : 12 décembre, 2012 @ 1:25 dans 1895-1919, FILMS MUETS, POWELL Frank | Pas de commentaires »

A fool there was

Un diplomate américain, riche et reconnu, lâche femme et enfant pour céder aux avances d’une vamp qui en a poussé plus d’un à la ruine… ou à la mort.

Theda Bara, l’une des premières femmes fatales de l’histoire du cinéma, invente la « vamp » au milieu des années 10, particulièrement avec ce film qui accuse le poids du siècle écoulé depuis sa sortie, mais qui ne manque pas d’intérêt. La cruauté des sentiments, surtout, est particulièrement frappante. La Vamp est une pure ordure, qui assiste sans la moindre émotion au suicide d’un jeune homme raide dingue d’elle.

Quant à la « victime » au cœur de ce film, richissime émissaire américain cédant aux attraits de la chair, c’est une sorte de DSK sans orgueil ni arrogance. La chair est faible, et le diplomate perd totalement sa superbe, suivant la Vamp comme un jeune chiot qui sait qu’il fait une connerie… Difficile, quand même, de prendre en pitié un type aussi faible et aussi dénué de fierté. Sa déchéance est aussi terrible que celle du héros du Rachat suprême, le film de Cecil B. De Mille.

S’il échappe au traditionnel plan large et fixe, face caméra, la mise en scène reste quand même plus proche du roman photo que du grand film de cinéma. Et puis il y a ici une fâcheuse tendance à ne pas savoir couper quand il le faudrait. Même si le film dure à peine plus d’une heure, certaines séquences gagneraient à être écourtées, voire complètement supprimées, comme ces plans qui reviennent sans cesse, et qui nous montrent la famille modèle du diplomate (toujours avec un sourire béat… on se croirait dans la maison du bonheur de Céline Dion), en contrepoint de la triste luxure du pêcheur.

Là où le film a aussi beaucoup vieilli, mis à part l’outrance de la déchéance (les dernières séquences sont tout de même énormes !), c’est par le symbolisme outrancier qui paraît aujourd’hui très maladroit. Comme ce plan où John, qui a laissé passer toutes les chances que sa femme lui a laissées, est filmé derrière les barreaux d’un escalier… Looouuuuuuurd.

Charlot apprenti (Work) – de Charles Chaplin – 1915

Posté : 23 septembre, 2012 @ 2:46 dans 1895-1919, CHAPLIN Charles, COURTS MÉTRAGES, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Charlot apprenti

• Titres alternatifs (VO) : The Paperhanger, The Plumber, Charlie at work, Only a working man

• Titre alternatif (VF) : Charlot travaille, Charlot plombier, Charlot trimardeur

Trame classique, mais énorme numéro de Chaplin, génial et irrésistible dans cette petite comédie franchement drôle, malgré une réalisation encore très plan-plan. L’imagination de l’auteur-acteur est entièrement tournée vers le gag ; le soin du cadre n’a de sens que s’il sert l’humour.

Exemple le plus frappant : la première séquence, qui nous montre Charlot, employé d’un artisan tapissier, qui tire avec peine une charrette qu’on imagine trèèèèèèèès lourde, dans laquelle paresse son patron. Pour figurer une pente à 45°, la caméra se penche d’autant. C’est techniquement d’une simplicité extrême, mais il fallait le génie de mime de Chaplin pour qu’on y croit.

Pour le reste, lorsque les ouvriers arrivent dans la maison où ils doivent refaire le papier peint, la caméra reste la plupart du temps statique, filmant les personnages en pied et embrassant toute la pièce… Du théâtre filmé, quoi. Pourtant, il y a dans ce court métrage très classique un rythme et une imagination débordante qui sont totalement irrésistibles.

Charlot, qui multiplie les maladresses ou qui prend des allures de dandy tout en manquant totalement de savoir-vivre, est à mourir de rire. Edna Purviance, entre agacement et amusement, est à croquer. Les travailleurs sont les souffre-douleurs. Et les bourgeois finiront par rendre les armes… Bref, on est en terrain connu, mais c’est tellement bon !

Gretchen the Greenhorn (id.) – de Chester M. Franklin et Sidney Franklin – 1916

Posté : 20 août, 2012 @ 5:25 dans 1895-1919, FILMS MUETS, FRANKLIN Chester M., FRANKLIN Sidney | Pas de commentaires »

Gretchen the greenhorn

Très joli film avec Dorothy Gish en tête d’affiche, sans sa sœur pour une fois. Réalisé par deux frères qui font preuve d’une belle inventivité visuelle, avec une utilisation très inspirée des cadrages, des caches, et de la pénombre. Point d’orgue de ce petit film qui supporte très bien l’épreuve du temps : un mariage génialement filmé par une suite de gros plans sur des visages expressifs (et des mains) isolés sur un fond totalement noir. Original et génial, même près d’un siècle après.

Gretchen the Greenhorn a pour toile de fond une sorte d’auberge espagnoles dans laquelle cohabitent des immigrés venus des quatre coins d’Europe et d’Amérique, à New York. Gretchen (la frangine Gish) y retrouve son père, honnête artisan venu tenter sa chance en Amérique, qui n’a jamais fait fortune, mais qui a gardé un cœur immense. La preuve : il partage son repas avec les enfants affamés d’une pauvre voisine.

Il y a là un jeune Italien, qui tombe amoureux de Gretchen ; une veuve américaine entourée d’enfants et sans le sou ; et bientôt un étrange propriétaire de bateau, joué par un Eugene Pallette presque svelte (difficile à imaginer, oui), qui profitera de la naïveté du père de Gretchen pour en faire le complice malgré lui de sa bande de faux-monnayeurs.

Belle peinture de ce petit groupe qui symbolise la diversité des immigrés, qui se retrouvent pourtant autour d’une même misère. Solidaires pour faire face à la dure réalité du « rêve américain ». C’est l’univers qui a tant inspiré Chaplin, décrit ici d’une manière un peu plus dramatique, mais tout aussi vivante.

Le rythme du film est étonnant : entre sourire et frisson, les Franklin ne laissent aucune seconde de répit aux spectateurs. Et puis, visuellement, c’est constamment inventif, en particulier pour l’utilisation des caches. Et ce dès les premiers plans, modèles du genre. D’abord, Dorothy Gish assise, rêveuse, en fond de cale d’un bateau l’amenant en Amérique. Puis, son père apparaît dans une petite vignette découpée en bas de l’écran. L’image s’agrandit peu à peu, alors qu’il se lève de son lit et se dirige vers la caméra. Son visage souriant finit par occuper tout l’écran. C’est à la fois simple et virtuose, et tout le film est à l’avenant.

The Roaring Road (id.) – de James Cruze – 1919

Posté : 22 mai, 2012 @ 11:35 dans 1895-1919, CRUZE James, FILMS MUETS | Pas de commentaires »

The Roaring Road

C’est l’un des grands succès de Wallace Reid, acteur qui connut son heure de gloire au temps du muet, le plus souvent avec des films se déroulant dans l’univers des courses automobiles, avant de connaître la déchéance à cause de son addiction aux médicaments, suite justement à un accident de voiture (il mourra d’ailleurs prématurément en 1923, à l’âge de 32 ans).

Prototype de ce genre de films, The Roaring Road suit les aventures d’un pilote de seconde zone qui rêve de conduire l’une des voitures de course de son grand constructeur de patron, tout en convoitant la fille de ce dernier. Il finira par remporter une prestigieuse course sur piste, puis à battre le record de vitesse sur route entre Los Angeles et San Francisco, doublant un train sur le fil, dans ce qui reste la meilleure scène du film.

Et de loin : pour sympathique qu’il soit, le film souffre quelque peu d’une réalisation plan-plan sans grande inspiration, et d’un manque de rythme. Embêtant pour un film qui parle de l’amour de la vitesse… Seule cette grande séquence de la course entre le train et la voiture est réellement mémorable, en particulier ces plans où le grand patron, joué par Theodore Roberts, encourage du geste son pilote qui pulvérise un record sans même s’en rendre compte.

Wallace Reid est très sympathique dans ce rôle de pilote grande gueule et sûr de lui, personnage qu’il connaît par cœur et que le public adorait. Pourtant, c’est bien Theodore Roberts, en ancien coureur devenu patron surnommé « The Bear », qui lui vole la vedette. Bourru mais attachant, il livre une performance légère et pleine d’humour, comme on les aime.

Le film rencontrera un franc succès, à tel point que les acteurs se retrouveront l’année suivante pour une suite, plus réussie encore : Excuse my dust.

Le Rachat suprême (The Whispering Chorus) – de Cecil B. De Mille – 1918

Posté : 28 avril, 2012 @ 11:01 dans 1895-1919, De MILLE Cecil B., FILMS MUETS | Pas de commentaires »

Le Rachat suprême

Voler, c’est mal. John Tremble, le « héros » de ce mélodrame muet particulièrement cruel signé De Mille va s’en rendre compte bien amèrement, et en payer le prix fort…

Petit comptable sans le sou, tiraillé entre son mauvais ange et sa bonne conscience (qui apparaissent tout au long du film en surimpression : un visage d’homme pour le mal ; une douce femme pour le bien… De Mille ne fait pas exactement dans la légèreté, ici), il hésite entre mener une existence miséreuse mais honnête, vie dans laquelle il ne peut offrir ce qu’il souhaite à sa femme (Kathlyn Williams) et sa mère (la très digne Edythe Chapman) ; ou céder à la tentation en jouant au jeu d’argent et en volant de l’argent à son riche patron.

L’homme est faible, et souvent dominé par ses basses pulsions, dans la filmographie muette de De Mille. Tremble passe donc du côté obscur, et le piège ne tarde pas à se refermer sur lui. Acculé, il décide de disparaître, ce qui n’est pas le rebondissement le plus réussi du film : le départ semble bien précipité, alors qu’on ne ressent pas vraiment une pression énorme peser sur les épaules de notre pauvre héros.

Ce n’est pas non plus le rebondissement le plus spectaculaire, car la suite est tout bonnement incroyable. Réfugié dans les bois, Tremble découvre un cadavre qu’il « pêche » au bout de sa ligne, et qu’il décide de rendre méconnaissable pour le faire passer pour lui. Considéré comme mort, il refait sa vie dans les docks, devient estropié, et finit par être accusé de son propre meurtre, pendant que sa femme se remarie avec l’homme qui l’a fait arrêter (le très charismatique Elliot Dexter, un habitué du cinéma de De Mille). Et ce n’est pas fini…

Trop, c’est trop ? Non : De Mille signe un film hyper sombre, mais extrêmement poignant. Si le couple formé par Kathlyn Williams et Elliot Dexter est touchant, on sent De Mille bien plus ému par les rapports filiaux que par les relations maritales : il n’y guère de passion au sein du couple Tremble, et jamais le fuyard ne donne l’impression de regretter sa vie d’homme marié. C’est par contre le souvenir douloureux de sa mère qui le pousse à revenir.

L’un des deux plus beaux moments du film est d’ailleurs les retrouvailles entre la vieille mère et ce fils qu’elle ne reconnaît pas, un passage déchirant. L’autre, c’est cette scène où Jane Tremble, remariée, envisage de sacrifier cette vie de famille qui s’annonce, par fidélité pour son ancien mari. La caresse qu’elle esquisse au fantôme de son enfant pas encore né est bouleversante.

Régénération (Regeneration) – de Raoul Walsh – 1915

Posté : 9 avril, 2012 @ 4:56 dans * Films de gangsters, 1895-1919, FILMS MUETS, WALSH Raoul | Pas de commentaires »

Regeneration

Bon sang, quel rythme ! On est en 1915, et Raoul Walsh est un jeune cinéaste qui n’a à son actif qu’une poignée de courts métrages (tous perdus), lorsqu’il signe ce petit miracle, considéré comme le premier film de gangster de long métrage. Régénératon peut en effet être vu comme la matrice de nombreux films du genre, qui se tourneront dans les décennies à venir (et dont Walsh sera d’ailleurs l’un des spécialistes, notamment avec James Cagney), et jusqu’à Il était une fois en Amérique.

Le film de Walsh, comme beaucoup plus tard celui de Leone, suit le destin d’un gangster de son enfance à sa vie d’adulte. Le héros est un orphelin qui grandit dans les bas-fonds, devient chef de gang, et trouve la rédemption grâce à sa rencontre avec une jeune femme de bonne famille qui consacre son temps et son argent pour aider les laissés-pour-compte.

C’est le premier long métrage de Walsh, mais son extraordinaire sens du rythme, qui sera sa marque tout au long de sa carrière, est déjà là. Le film est une espèce de chef-d’œuvre d’une modernité incroyable. Sans doute plus que n’importe quel autre cinéaste de son époque, Walsh maîtrise l’art de la mise en scène et le tourne tout entier vers le public.

L’utilisation du montage alterné met en valeur le contraste entre la haute société et la lie de l’humanité, et avec quelle efficacité ! Il sert aussi à accélérer toujours plus le rythme, jusqu’à une longue séquence finale d’une brutalité extrême, et d’une virtuosité totale.

Entre temps, on aura eu droit à quelques bagarres mémorables, à des voitures lancées à pleine vitesse, et surtout à l’incendie d’un bateau qui, près d’un siècle plus tard, reste l’un des plus impressionnants qu’on ait pu voir.

Les moments « en creux » sont tout aussi réussis, en partie grâce à l’acteur principal, l’incroyable Rockcliffe Fellowes, sorte de Brando avant l’heure dont le jeu détaché est lui aussi d’une troublante modernité. Autour de lui, quelques gueules improbables qui semblent avoir inspiré Chester Gould pour son « bestiaire » de Dick Tracy.

Cinéaste déjà maître d’un art dont il sera l’un des meilleurs représentants pendant un demi siècle, Walsh est aussi convaincant dans les séquences spectaculaires que dans la direction d’acteur ou dans les scènes de transition. Son utilisation de la caméra est merveilleuse. Le film contient notamment quelques travellings à montrer aujourd’hui encore dans les écoles de cinéma : la caméra qui s’approche d’un enfant, passant entre les gueules déformés d’un couple d’adultes qui se déchire ; ou encore ce travelling arrière qui part d’un groupe de musiciens pour dévoiler peu à peu l’effervescence qui règne au sein d’un music-hall mal fâmé…

Régénération, spectaculaire, humain et émouvant, est une suite presque ininterrompue de grands moments de cinéma. Un chef d’œuvre ? Oui. Et l’un des tout premiers, encore…

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