Play it again, Sam

tout le cinéma que j’aime

Archive pour la catégorie 'DOCUMENTAIRE'

Voyage à travers le cinéma français – de Bertrand Tavernier – 2016

Posté : 22 novembre, 2018 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, TAVERNIER Bertrand | Pas de commentaires »

Voyage à travers le cinéma français

Qu’on aime ou pas le cinéaste (et moi je l’aime), Bertrand Tavernier est l’un des plus grands amoureux du cinéma du monde. Un cinéphile acharné dont la passion et les connaissances encyclopédiques semblent sans fin, l’équivalent français d’un Martin Scorsese en quelque sorte.

La comparaison n’est pas choisie au hasard : jusque dans son titre, ce Voyage à travers le cinéma français est une déclinaison revendiquée du grand-œuvre cinéphile de Scorsese, réalisé dans les années 90, Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain. Dans ce long cheminement thématique au fil de ses souvenirs personnels de spectateur, Scorsese dessinait une histoire forcément très subjective du cinéma américain, celui qui l’a inspiré.

Tavernier va peut-être plus loin encore dans la subjectivité. Son film, qui évoque le cinéma français jusqu’au début des années 1970 (son parti pris est d’arrêter au moment où lui-même devient réalisateur), parle en fait autant de lui-même que du cinéma. Cet exercice, loin de tomber dans l’autocélébration, s’avère être un merveilleux révélateur de ce que les films peuvent avoir de plus beau.

Forcément, il y a des manques, des absences, des impasses, des choix contestables. En trois heures, impossible d’évoquer toutes la richesse de ce cinéma français si riche. Mais le choix du cœur fait mouche dès les premières secondes. Le film s’ouvre par une succession d’extraits, très courts, de L’Atalante, Casque d’Or, Le Jour se lève, Panique… Une poignée de plans, sans commentaire, dont la simple présence et l’agencement donnent d’emblée l’envie de tous les revoir.

C’est tout Tavernier, ça : une gourmandise communicative. Même s’il n’était pas un cinéaste passionnant, Tavernier serait tout de même un passeur exceptionnel qui parle mieux que quiconque de Jacques Becker, cinéaste majeur du cinéma français et de son propre panthéon. C’est à lui qu’il consacre la première partie de son film, racontant que, à 6 ans, son premier choc était un film policier qu’il a tardivement (25 ans plus tard) identifié comme étant un film de Becker (Dernier atout).

Ce premier choc, il n’en gardait que des images nettes, dont il a longtemps ignoré de quel film elles étaient tirées. En commençant son documentaire par ces images, et cette découverte tardive, Tavernier se met immédiatement dans la poche les cinéphiles qui ont connu ce genre de redécouverte, l’émotion immense de retrouver par hasard un film qui nous a marqué si profondément. Pour moi, ça a été Le Reptile, comme je l’évoquais dans ma chronique il n’y a pas si longtemps. Mais tous les cinéphiles ont eu des chocs similaires.

Tavernier signe aussi une magnifique déclaration d’amour à Jean Gabin. Celui de l’avant-guerre bien sûr, qui enchaîna en cinq ans dix des plus grands films du cinéma français, mais aussi celui de l’après-guerre, qu’il réhabilite intelligemment et efficacement, démontrant que, jusqu’au bout, et malgré une tendance à s’entourer de réalisateurs et de techniciens avec lesquels il se sentait bien au risque de paraître pantouflard, Gabin a fait des films passionnants. Oui.

Pendant trois heures, Tavernier passe d’une personnalité à une autre au fil de ses souvenirs personnels, tirant un fil qui mène à un autre. On ne sera pas surpris d’y croiser Meville, que Tavernier a connu personnellement, assistant à ses engueulades avec Belmondo ou Ventura. Ou Godard. Ou Sautet.

Tavernier remet aussi dans la lumière des cinéastes plus oubliés comme Edmond T. Gréville. Plus surprenant, il déclare son admiration pour Eddie Constantine, ce qui donne aussi très envie de jeter un œil sur toute une partie du cinéma français qui, a priori, n’attire plus personne. Il évoque l’importance du producteur Georges de Beauregard. Ou celle du compositeur Maurice Jaubert, notamment pour la musique inoubliable de Quai des Brumes

Forcément, c’est frustrant à force d’être fragmentaire. Mais c’est aussi totalement réjouissant. Ce voyage là donne envie d’aimer les films, d’aimer ceux qui les ont faits, d’aimer Tavernier lui-même. Et de se plonger au plus vite dans la série documentaire qui prolonge et complète ce long métrage.

Watchtower over tomorrow (id.) – de John Cromwell, Harold F. Kress (et Alfred Hitchcock) – 1945

Posté : 25 mars, 2018 @ 8:00 dans 1940-1949, COURTS MÉTRAGES, CROMWELL John, DOCUMENTAIRE, HITCHCOCK Alfred, KRESS Harold F. | Pas de commentaires »

Watchtower over tomorrow

Ce court documentaire (une quinzaine de minutes) est produit au lendemain de la seconde guerre mondiale dans le but d’expliquer au public l’intérêt des Nations Unies, alors sur le point d’être créés, pour éviter une troisième guerre mondiale.

« Why can’t we organize a world where the people could work and live in peace ? » interroge la voix off de John Nesbitt, tandis que les images d’Américains vivant tranquillement s’enchaînent.

Forcément très didactique, le film mélange habilement images documentaires et stock shots, avec la vision d’une mappemonde qui revient régulièrement pour rappeler l’enjeu planétaire du projet, et quelques séquences tournées pour l’occasion. Un procédé efficace qui donne de la vie au film, entre deux séquences purement explicatives.

On y voit notamment Lionel Stander, en ouvrier indélicat qui lit le journal par-dessus l’épaule de l’employé de bureau Grant Mitchell, dans le bus qui les ramènent tous deux à leurs domiciles. Les deux hommes se lancent alors dans une discussion autour de ce projet de Nations Unies, avant que le narrateur, toujours en voix off, ne les interpelle.

Signé John Cromwell et Harold F. Kress, co-écrit par Ben Hecht, le film a bénéficié de l’apport d’Hitchcock. De quelle manière ? Il semble que sa participation ait surtout concerné l’écriture du film, plus que la mise en scène elle-même, même si les sources ne sont pas très claires à ce sujet.

Memory of the Camps (id.) – de Sidney Bernstein (et Alfred Hitchcock) – 1945/1985

Posté : 19 février, 2018 @ 8:00 dans 1940-1949, 1980-1989, BERNSTEIN Sidney, DOCUMENTAIRE, HITCHCOCK Alfred | Pas de commentaires »

Memory of the camps

Des documentaires sur la Shoah et sur les camps de concentration, il y en a eu beaucoup. Celui-ci est sans doute l’un des plus traumatisants. A l’exception de la courte introduction, qui rappelle qu’Hitler a été élu par les Allemands, le film n’est constitué que d’images tournées par les armées Alliées lors de la libération des camps. Les troupes anglaises et américaines surtout, mais aussi par les Soviétiques à Dachau pour ce qui devait être la dernière bobine, aujourd’hui disparue.

Le film n’a jamais été exploité en salles. Il est même tombé dans l’oubli durant quatre décennies, avant que les bobines originales soient retrouvées, avec des documents indiquant ce que voulait en faire le producteur Sidney Bernstein. Ce dernier était alors le chef de la section cinéma des Forces Alliés à Londres, et c’est à lui qu’on a confié la « mise en valeur » des images tournées dans les camps. A l’époque, Bernstein et Alfred Hitchcock sont proches : les deux hommes souhaitent créer leur propre maison de production, à l’issue du contrat de Hitch avec Selznick. C’est donc tout naturellement que le réalisateur est impliqué dans ce projet.

Son rôle officiel est celui de « treatment advisor », un consultant qui n’a peut-être travaillé au projet qu’en amont. Quoi qu’il en soit, son apport au documentaire est décisif : c’est lui qui suggère à Bernstein de privilégier les très longs plans sans coupure, qui permettent de contextualiser l’horreur, de placer les corps des victimes et des survivants dans l’environnement des camps. Un choix radical qui contribue largement au sentiment d’horreur total que donne le film.

Les gros plans sur les visages dévastés, les milliers de corps décharnés que l’on déverse dans des fosses communes, la colère des survivants qui crient leurs haines à leurs anciens bourreaux forcés de « nettoyer » leurs atrocités (même avec une bande son partiellement perdue, les cris silencieux de ces femmes sont difficilement soutenables), la terrible mécanique de l’horreur mise en place pendant des années… Tout cela forme une vérité insupportable qui éclate sans fard, plein écran, mais sans complaisance non plus.

En 1985, Trevor Howard a enregistré un commentaire écrit en 1945. A l’époque de la réconciliation, sans doute n’aurait-il pas été écrit de la même manière. Au lendemain de la libération, il était non seulement question de dévoiler l’ampleur de l’horreur, mais aussi de mettre ceux qui n’ont rien dit devant leur responsabilité, à commencer par l’ensemble du peuple allemand : « Personne ne pouvait ignorer ce qui se passait », affirme-t-il.

Même 70 ans après, ces images restent en tout cas traumatisantes. Malgré tout ce qu’on a lu, entendu, vu… Difficile, encore, de comprendre l’ampleur de cette horreur.

Taris, roi de l’eau / La Natation par Jean Taris – de Jean Vigo – 1931

Posté : 19 septembre, 2017 @ 8:00 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, VIGO Jean | Pas de commentaires »

Taris roi de l'eau

Avant de passer au presque long métrage avec son Zéro de conduite, Jean Vigo signe ce petit documentaire d’à peine dix minutes consacré au champion de natation Jean Tarif, qu’il filme lors de ses entraînements et met en scène pour présenter ses techniques de nage.

Ce court métrage serait anecdotique si Vigo n’y utilisait pas à peu près toutes les possibilités de l’art cinématographique, avec des innovations formelles et techniques qui, aujourd’hui encore, continuent à fasciner.
Gros plans, ralentis, marche arrière, surimpressions… Toutes les techniques sont bonnes pour plonger le spectateur, littéralement, dans le bain de la piscine où le film a été tourné, au plus près d’un homme totalement à l’aise dans l’élément liquide.

Franchement, les explications de Taris concernant le crawl n’ont pas le moindre intérêt. Mais la beauté formelle des images et l’enchaînement des plan a quelque chose de poétique et d’hypnotisant.

O.J. Simpson : Made in America (id.) – de Ezra Edelman – 2016

Posté : 4 septembre, 2017 @ 8:00 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, EDELMAN Ezra, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

OJ Simpson Made in America

Presque 8 heures : c’est la durée de cet extraordinaire documentaire oscarisé qui revient sur l’hallucinante trajectoire d’O.J. Simpson, mini-série en cinq épisodes admirablement construits et captivants.

On croyait tout savoir sur le destin de cette ancienne star du football américain reconvertie en acteur (remarqué dans la série des Naked Gun), et définitivement rentré dans l’histoire après les meurtres de son ancienne femme et d’un ami, pour lesquels il a été acquitté contre toute attente à l’issue d’un procès stupéfiant, avant d’être finalement condamné pour un improbable braquage.

On croyait tout savoir, mais on était loin du compte. A travers cinq épisodes de 90 bonnes minutes, Ezra Edelman se donne le temps de revenir sur cette destinée hors norme, et inscrit le parcours de Simpson dans l’histoire récente des Etats-Unis.

Ce qui fascine d’abord dans cette vie, c’est la manière dont ce gamin d’une famille noire modeste a profité de sa notoriété de sportif non pas pour faire entendre la voix des noirs, mais pour s’imposer dans une société où les noirs, justement, n’avaient pas leur place. Ambition profondément égoïste ou militantisme déguisé ? Simpson n’a visiblement jamais été un vrai militant, mais il y a pourtant un postulat audacieux et finalement engagé dans sa volonté d’abolir la couleur de peau.

Le documentaire s’appuie grandement sur cette ambition, qu’il met en parallèle avec la condition des noirs dans le Los Angeles des années 60 à 90, jusqu’aux émeutes qui ont suivi le passage à tabac de Rodney King, peu avant le meurtre de Nicole, l’ex-femme d’O.J. Pas question pour autant de faire du documentaire une histoire de la lutte des noirs américains : le contexte racial n’est là que pour éclairer a posteriori l’hallucinant procès qui a abouti à l’acquittement incroyable d’O.J. Simpson en 1995.

Riche en images d’archives (à tel point qu’on se dit que micros et caméras sont décidément partout aux Etats-Unis, que ce soit sur les terrains de sports, dans les maisons ou dans les tribunaux) et en témoignages (amis et anciens amis, familles des victimes… mêmes les flics montrés du doigt pour leur incompétence ou leur racisme avérés prennent la parole), le docu est d’une extraordinaire précision, et fait comprendre toute la complexité du personnage.

O.J. Simpson est un homme fascinant. Un meurtrier, sans doute, dont on ne cache rien de la sauvagerie des meurtres. Mais aussi un homme séduisant et affable, autant que manipulateur et, d’une certaine façon, pathétique. Pathétiques, en tout cas, les années qui ont suivi son acquittement, cette façon qu’il a eu de tomber le masque, de s’exhiber dans des frasques inattendues de bad boy, avant d’être rattrapé par le destin.

Sur sa chute aussi hallucinante que son acquittement, on aurait voulu en voir plus, malgré la durée dès considérable du docu. Comment un type revenu de l’enfer a-t-il pu se laisser entraîner dans une telle affaire ? Car en guise de braquage, il s’agit d’une virée digne des Pieds Nickelés initiée par O.J. lui-même pour récupérer des objets personnels dont des profiteurs se seraient emparés durant ses années de purgatoire. Du grand n’importe quoi, pour un destin hallucinant jusqu’au bout.

Au bout du bout, la justice ne sort pas grandie de cette histoire. Après l’avoir innocenté pour d’absurdes raisons d’un meurtre sauvage que beaucoup (jusqu’à ses plus proches) sont persuadés qu’il a commis, O.J. Simpson a finalement été condamné à 33 ans de prison pour une quasi-peccadille qui, étonnamment, rendait ce probable monstre plus humain que jamais…

A propos de Nice – de Jean Vigo et Boris Kaufman – 1930

Posté : 15 septembre, 2016 @ 2:50 dans 1930-1939, COURTS MÉTRAGES, DOCUMENTAIRE, FILMS MUETS, KAUFMAN Boris, VIGO Jean | Pas de commentaires »

A propos de Nice

Premier film de Jean Vigo, ce montage virtuose d’images muettes tournées avec son complice Boris Kaufman dans les rues de Nice a été réalisé dans le cadre d’une série de films dédiés à plusieurs villes françaises. Au-delà de l’intérêt historique évident (on assiste bien aux premiers pas d’un cinéaste majeur – malgré sa très courte carrière), le film dévoile déjà le cynisme et la lucidité du jeune réalisateur.

Le film a, à première vue, un petit côté carte postale dont Vigo se joue habilement. Cette ville, il l’a découverte lors de son enfance difficile lorsque, malade, il avait été envoyé en cure dans le Sud de la France. La vision qu’il porte sur les riches oisifs qui peuplent les beaux quartiers niçois ne fait guère de doute : des contre-plongées cruelles soulignent les artifices de femmes vieillissantes trop fardées ; une série de plans successifs montre des hommes paressant sur des chaises.

Les images sont fortes, mais c’est surtout le montage qui donne le ton. Montage qui met en parallèle les riches s’abandonnant au soleil et les pauvres reclus dans des ruelles sales et privées de lumière ; ou encore une parade fleurie et festive, et le travail des petites gens qui cueillent ces mêmes fleurs en se cassant le dos. Pas toujours très délicat (surtout lorsqu’à un plan de fête répond le cortège d’un enterrement), mais diablement efficace.

Dans ce Nice, jamais les riches des cartes postales et les pauvres des bas-fonds ne se croisent. A une exception près : un plan fugitif dans lequel une femme se détourne avec un dégoût manifeste d’une mendiante qui s’approche de lui. Pas sûr que ce film soit un chant d’amour à Nice.

Bad 25 (id.) – de Spike Lee – 2012

Posté : 3 novembre, 2015 @ 2:49 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, LEE Spike, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Bad 25

Depuis une vingtaine d’années, Spike Lee alterne films de fiction et documentaires, tout en gardant une vraie cohérence dans le choix de ses sujets: un portrait du footballeur Jim Brown, une série de films sur les effets de l’ouragan Katrina… Lee reste l’étendard de la population noire américaine. Le voir s’intéresser au King of the Pop Michael Jackson n’est donc pas exactement une surprise…

Commandé à Lee à l’occasion des 25 ans de l’album Bad, Bad 25 est un film de montage, constitué essentiellement d’images d’archives, souvent rares, et d’interviews d’époque. L’unique bémol vient d’ailleurs des images tournées pour le film : des entretiens avec des proches de Michael, qui tendent tous vers cette apogée détestable, une longue série de gros plans interminables sur ces proches qui tentent de retenir leurs larmes à l’évocation de la mort de Michael. Totalement impudique et outrancier.

Vraiment dommage, parce que ce docu a par ailleurs de la gueule. Même si les images ne sont pas de lui, Spike Lee transforme ce film de commande en une œuvre finalement très personnelle, grâce à un montage original et totalement subjectif.

Portrait d’une mégastar au sommet et forcément en plein doute (comment faire mieux après le triomphe historiqie de Thriller, son précédent album), Bad 25 plonge au cœur du processus créatif de l’artiste, les images d’archives et les interviews évoquant à tout de rôle toutes les chansons de l’album : les dessous de leur écriture, leur enregistrement, la manière dont elles ont été accueillies…

Pas besoin d’être un immense admirateur de Michael Jackson (bon… mieux vaut quand même ne pas y être allergique): ce docu habité et passionnant apporte un regard neuf et sur la gestation d’un monument de la musique pop.

20 000 jours sur Terre (20,000 days on Earth) – de Ian Forsyth et Jane Pollard – 2014

Posté : 26 avril, 2015 @ 6:28 dans 2010-2019, DOCUMENTAIRE, FORSYTH Ian, POLLARD Jane | Pas de commentaires »

20000 jours sur Terre

Il aura mis du temps, Nick Cave, avant de se retrouver au cœur d’un film. Pourtant, il y a toujours eu quelque chose de profondément cinématographique dans la musique du génial rockeur-bluesman. Pas uniquement dans sa manière de raconter des histoires dans ses chansons, mais aussi et surtout dans l’atmosphère qu’elles dégagent, et dans les émotions dramatiques qu’elles créent.

D’ailleurs, l’Australien a souvent flirté avec l’écran. Il y a vingt ans déjà, sa chanson « Red Right Hand » était utilisée dans une scène-clé de la saison 2 de X-Files. Tout récemment, c’est curieusement la même chanson qui sert de générique et plante l’ambiance de la série Peaky Blinders. Deux exemples, deux séries majeures de leur temps…

On l’a connu scénariste, aussi, prolongeant enfin au cinéma son univers sombre (The Proposition). Cette fois, il est à la fois l’auteur, l’acteur, le compositeur, et le sujet d’un film aussi envoûtant que ses plus grandes chansons. On ose à peine parler de documentaire, avec 20 000 jours sur Terre, même s’il s’agit bien du portrait d’un artiste qui se libre et se laisse découvrir comme jamais…

Mais de quelle manière ! Loin de tout ce qu’on peut imaginer et de tout ce qu’on a pu voir dans le domaine du documentaire musical, le film est une sorte d’errance dans le cerveau et dans le cœur de Nick Cave. Fiction ou réalité ? Les réalisateurs et leur sujet ne cachent pas qu’il y a beaucoup d’invention dans ce qui est dit et montré. Pourtant, entre les moments volés et les images parfaitement « mises en scène », la sensation de découvrir la vérité la plus sincère et la plus nue de Cave est grande, souvent troublante.

L’histoire du film commence de manière assez classique : le chanteur demande aux réalisateurs de filmer ses sessions d’enregistrement de son dernier album (le sublime « Push the sky away »). Les images qui en sont tirées sont magnifiques, et auraient pu donner un remarquable making-of. Avec la bénédiction de Cave, Iain Forsyth et Jane Pollard décident d’en faire tout autre chose : un portrait intime qui évite consciencieusement tous les passages obligés du portrait intime, tous les codes d’une manière générale…

Un long dialogue avec un psy (authentique), une étonnante séquence dans les archives personnelles du chanteur (avec de vrais archivistes), des rencontres avec ses fidèles musiciens… Les réalisateurs créent des moments d’intimités rares et souvent bouleversants. Ils invoquent aussi d’inattendues rencontres, quasi-fantômatiques, lors fascinantes virées en voiture sous la pluie de Brighton.

Il y a l’acteur Ray Winstone (vedette de The Proposition, qu’il a écrit), avec qui il confronte son approche d’artiste. Il y a aussi le guitariste Blixa Bargeld, ancien fidèle parmi les fidèles qui l’a quitté il y a quelques années, et qu’il retrouve dans une gêne apparente qui dissimule mal une vraie tendresse réciproque. Il y a surtout la chanteuse Kylie Minogue, avec qui il a fait un petit tube en 1997 (le très beau « Wild the roses grow », sur l’hallucinant album « Murder Ballads »), et dont l’apparition est curieusement émouvante.

Dans ses rapports aux autres, à son passé et à ceux qui l’entourent ; dans sa manière de se livrer dans de longues tirades ou dans de soudains silences ; dans le rôle central donné à sa musique… 20 000 jours sur Terre est un film absolument magnifique. Un documentaire sur Nick Cave ? En tout cas une oeuvre qui porte bel et bien la marque du plus grand chanteur du monde. En tout cas depuis Johnny Cash, l’une de ses inspirations dont l’ombre plane également sur le film.

* DVD chez Carlotta, avec de beaux suppléments, notamment une série de scènes coupées montrant Cave au travail, et un duo live du chanteur avec Kylie Minogue.

Nanouk l’Esquimau (Nanook of the North) – de Robert Flaherty – 1922

Posté : 1 avril, 2015 @ 4:18 dans 1920-1929, DOCUMENTAIRE, FILMS MUETS, FLAHERTY Robert | Pas de commentaires »

Nanouk l'Esquimau

Le film de Flaherty est considéré comme le tout premier « vrai » documentaire. Que ce terme soit adapté ou non, qu’importe : Nanouk est de toute façon une petite merveille, autant qu’un document incomparable concernant le quotidien de ces Esquimaux du grand Nord canadien auprès desquels le néo-cinéaste a passé une dizaine d’années avant de décider de fixer leur mode de vie sur la pellicule.

Quelques regards face-caméra, des scènes dont on devine qu’elles ont été rejouées pour un montage plus dynamique, un enchaînement d’épreuves auxquelles sont confrontés Nanouk et sa famille pour une montée en puissance dramatique… Ce n’est pas à un travail d’anthropologue que se livre Flaherty, qui utilise tous les outils cinématographiques à sa disposition pour signer un vrai film. Pas une fiction bien sûr, mais pas totalement un documentaire non plus.

Dans la préface qui ouvre le film, Flaherty explique avoir voulu évoquer l’ensemble du peuple esquimau à travers le seul parcours de Nanouk, ce chasseur au visage incroyable, à la fois sombre et facétieux. C’est ce personnage qui, scène après scène, doit chasser le phoque à travers la glace, traverser de vastes étendues blanches avec ses chiens, sauter d’un bloc de glace à l’autre sur une eau gelée, transporter sa famille dans une pirogue dont on se demande comment elle fait pour tous les contenir, ou se livrer à un face à face impressionnant avec un gigantesque morse…

Les scènes s’enchaînent sans réel lien logique, mais dans un même mouvement fascinant. Avec pour point d’orgue la construction d’un igloo dans les règles de l’art, tâche guère spectaculaire dont on n’aurait pas imaginé qu’elle aurait pu être si fascinante… notamment lorsque Nanouk appose la dernière touche à son oeuvre : une « fenêtre » découpée dans la glace !

Le film est plein de légéreté, et met en scène un peuple visiblement joyeux et particulièrement apte à l’insouciance. C’est aussi une oeuvre parfois rude, qui ne cache rien de la rigueur de cette vie faite de dangers et de menace, où la chasse est un moyen de vivre et de survivre. Un film qui soulève le coeur même, par moments, et qui ne nous épargne rien de la chasse, de la découpe des animaux à peine morts, dont nos héros dévorent la chair crue encore chaude de vie.

Ils semblent tellement différents de nous, Nanouk et ses proches. Pourtant, Flaherty réussit à créer une étrange proximité entre ses « personnages » et les spectateurs, qui les suivraient au bout de la banquise. Plus de 90 ans plus tard, cette proximité n’a rien perdu de son attrait.

Premier amour (Pierwsza milosc) – de Krzysztof Kieslowski – 1974

Posté : 8 février, 2011 @ 4:43 dans 1970-1979, DOCUMENTAIRE, KIESLOWSKI Krzysztof, TÉLÉVISION | Pas de commentaires »

Premier amour

Documentaire ou fiction ? Premier amour n’est ni vraiment l’un, ni vraiment l’autre. C’est en tout cas un parfait film de transition pour le jeune Kieslowski, entre son passé de documentariste et ses films de fiction à venir. La narration est clairement celle d’une fiction, mais il n’y a dans ce moyen métrage d’à peine une heure aucun ressort dramatique marqué. Les deux personnages principaux vivent, simplement, les débuts de leur vie d’adulte devant une caméra qui les filme au plus près. A travers eux, c’est toute la société polonaise de l’avant-Solidarnosc qui apparaît avec toutes ses difficultés, tout son mal de vivre.

Le mariage des deux tourtereaux n’a ainsi rien d’une grande fête où la musique et l’alcool coulent à flots. C’est plutôt une triste cérémonie rituelle qui marque le passage à l’âge adulte, le début d’un parcours personnel dont peu de personnes sortent comblés : durant ce mariage, les parents du jeune couple lui souhaitent « une meilleure vie que celle que j’ai eue ». Visiblement sans trop y croire. L’avenir n’est pas rose dans la Pologne des années 70.

Le film donne vraiment l’impression de s’immerger dans cette société qui n’a rien de séduisante. Pourtant, on ne voit quasiment rien de la Pologne de cette époque. Ni les rues, ni les maisons, ni les passants, ou presque… Les très gros plans dévorent l’écran, à l’exclusion de tout véritable décors, ou presque. Une façade par ci, un parc pour enfants par là, guère plus… Kieslowski sait que c’est à travers les personnages et leur vérité qu’il décrira le mieux les réalités de la Pologne. Le cinéaste se tourne déjà vers la fiction pure.

Avec des non-acteurs qui jouent leurs propres rôles devant la caméra, Kieslowski signe un film visuellement très laid (y’a pas, je préfère quand même nettement La double vie de Véronique), mais étrangement fascinant, qui crée une atmosphère à la fois triste et désespérée (où est le salut ? où sont les rêves dans ce pays rongé par une administration à la Kafka, et d’énormes problèmes de logement ?), et ouvertement tourné vers l’avenir. Les enfants, les bébés même, sont omniprésents dans le film. L’avenir du pays, ce sont eux. Kieslowski ne se fait pas d’illusion sur la société dans laquelle il vit. Mais il croit visiblement en la possibilité d’un nouveau départ…

123
 

Kiefer Sutherland Filmographie |
LE PIANO un film de Lévon ... |
Twilight, The vampire diari... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | CABINE OF THE DEAD
| film streaming
| inderalfr