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Archive pour la catégorie 'par actrices'

Bigamie (The Bigamist) – d’Ida Lupino – 1953

Posté : 23 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, LUPINO Ida, LUPINO Ida (actrice) | Pas de commentaires »

Bigamie

Tout est dans le titre, et on ne peut pas dire que ce soit le titre le plus porteur de promesses de l’histoire du cinéma. La promesse d’une soirée « dossier de l’écran », plutôt : faits et méfaits de la bigamie, ou comment un homme peut mentir pendant toute une vie pour assouvir ses désirs à lui. La surprise n’en est que plus forte : The Bigamist est un beau film, à la fois sensible et très ancré dans la réalité. Du cinéma qui ne triche pas, avec une vraie fibre sociale, et une délicatesse infinie.

Derrière la caméra : Ida Lupino, passionnante actrice devenue passionnante réalisatrice. The Bigamist, sixième de ses films (le dernier pour le cinéma avant un ultime long métrage treize ans plus tard), est aussi le seul dans lequel elle se dirige elle-même. Elle retrouve aussi Edmond O’Brien, excellent comédien qu’elle avait déjà dirigée dans Le Voyage de la peur, son précédent film. O’Brien n’est jamais si bien que quand il joue les Américains sans histoire. C’est le cas ici.

Et c’est l’une des forces du film : O’Brien est un type bien, mari fidèle et aimant, chef d’entreprise qui passe une grande partie de son temps en déplacement, pour jouer les représentants de commerce. Mais il s’ennuie, seul loin de son foyer. Et chez lui, il se sent délaissé par une épouse, Joan Fontaine, qui vit mal le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Alors un dimanche de grande solitude, il se laisse aller à aborder une inconnue qui a l’air aussi désespérément seule que lui. C’est là qu’Ida Lupino entre en scène.

C’est à peu près à ce moment que la douce épouse se décide à vouloir adopter un enfant. Le mari ne veut faire souffrir personne, et il les aime sincèrement et profondément, toutes les deux. Peu à peu, il s’installe avec Ida à Los Angeles, tout en continuant sa vie normale avec Joan, à San Francisco. Comment en est-il arrivé ? C’est ce qu’aimerait comprendre le responsable de l’agence d’adoption (joué par Edmung Gwenn), qui enquête sur la moralité du couple. C’est ce que le film nous montre par de longs flash-backs.

Si The Bigamist est si réussi, c’est grâce à la pudeur extrême de la cinéaste, et par le refus de simplifier la situation. Inutile de chercher : il n’y a pas l’ombre d’un salaud, aucune mesquinerie chez les personnages. Pas non plus de jugement de la part de la cinéaste, qui filme une impasse avec une immense empathie pour tous ses personnages.

Tiraillée entre deux belles personnes (et deux belles actrices), Edmond O’Brien est formidable en homme incapable de se résoudre à faire souffrir les femmes qu’il aime. Un peu victime du sort aussi : lorsqu’il semble décidé à dire la vérité, un événement vient la rendre impossible à avouer. Mais avant tout, c’est la bonté qui se dégage de ce film au sujet si rare. Jusque dans les dernières minutes, très belles.

Terreur à Silver City / La Ville d’argent (Silver City) – de Byron Haskin – 1951

Posté : 21 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, HASKIN Byron, WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur à Silver City

C’est bien la première fois que Byron Haskin me procure autre chose qu’un aimable ennui. Ce western porté par Edmond O’Brien (comme Les Rivaux du rail l’année suivante) séduit même dès ses toutes premières images, d’abord par l’originalité de ses cadres, puis par la vivacité de ses scènes de poursuite. Deux qualités que Haskin ne cessera de renouveler jusqu’à la fin du film.

Edmond O’Brien, justement, se révèle contre toute attente un excellent choix pour ce personnage sans cesse rattrapé par un méfait commis par amour. Oh ! Pas un meurtre, non : la seule hypothèse que notre héros aurait pu tuer un homme lui tire un sourire amusé. C’est que la violence, si vive soit-elle, est (en tout cas jusqu’à la dernière partie du film) bon enfant. Joyeuse, presque.

La plupart du temps, c’est à coup de poings, de barres de bois, ou de cailloux qu’on règle ses comptes. Malgré une poignée de scènes franchement rigolardes (lorsque notre héros récupère ses hommes ivres dans le saloon et les entasse dans un chariot), l’action ne porte pourtant pas à rire. Dès la première séquence, qui se conclue par une très spectaculaire course-poursuite à cheval puis sur un train en marche, une belle intensité se dégage de ce western.

O’Brien, donc, est un bon choix parce qu’il a à la fois la tête bonhomme d’un gars bien, et la carrure volontaire d’un homme que rien n’arrête. Le contrepoint parfait à Yvonne de Carlo, dont les yeux verts et les tenues vives sont superbement mis en valeur par les belles couleurs du film. Femme de tête dont chaque apparition donne littéralement un coup de fouet au récit.

Elle est la fille d’un mineur ayant découvert un très riche filon, et qu’Edmond O’Brien accepte à contre-cœur d’aider. Bien sûr, ce filon va éveiller bien des convoitises, notamment celle d’un riche propriétaire assez loin des poncifs du genre, campé avec sa malice habituelle par le très Irish Barry Fitzgerald.

Tout n’est pas parfait dans ce film : la petite frappe est assez caricaturale, le personnage de l’ancien ami paraît bien brouillon. Mais les qualités l’emportent largement : la beauté des scènes de nuit, l’originalité du ton, la vivacité de l’action, ou la course-poursuite finale, superbe et impressionnante, qui passe par l’intérieur d’une scierie, Edmond O’Brien flirtant dangereusement avec les machines en marche. Et puis un film où les deux personnages féminins (l’autre étant jouée par Laura Elliott) tiennent tête aux hommes en gueulant plus fort qu’eux ne peut pas être foncièrement mauvais.

Scène de la rue (Street Scene) – de King Vidor – 1931

Posté : 24 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, SIDNEY Sylvia, VIDOR King | Pas de commentaires »

Scène de la rue

Un quartier populaire de New York, un été caniculaire… La caméra de King Vidor ne quitte jamais le perron d’un immeuble modeste, où les locataires se croisent, papotent, cancanent, ou se déchirent, dans cette adaptation d’une pièce à succès d’Elmer Price, Prix Pulitzer en 1929.

Street Scene n’échappe d’ailleurs pas à l’aspect théâtral de l’entreprise, avec sa stricte unité de lieu et de temps : trois scènes clairement définies, entrecoupées par des ellipses fortes en tension dramatique ; l’une laissant en suspens le destin d’une femme sur le point d’accoucher ; l’autre celui d’une autre femme gravement blessée.

King Vidor, grand cinéaste du mouvement et de la foule, relève un vrai défi avec ce dispositif théâtral qui se concentre sur un décor de quelques mètres carrés seulement, avec beaucoup d’enjeux hors champs. Il s’en tire avec les honneurs, même si on le sent contraint par ce parti-pris.

Mais il donne de la vie à cette petite communauté, bien servi par de beaux acteurs : Sylvia Sidney en jeune femme femme tragique et forte, Beulah Bondi en commère affreuse, John Qualen en brave concierge… Surtout, c’est dans les détails qu’on retrouve le talent du cinéaste : dans cette série de plans inauguraux qui rendent palpables la chaleur accablante, ou dans celle du premier « entracte » qui suggère la nuit qui passe, préfigurant les images de voisins dans Fenêtre sur cour, bien plus tard.

Mais c’est dans les deux scènes de foule que le réalisateur du bien nommé La Foule rappelle vraiment le grand cinéaste qu’il est : deux séquences où le drame attire les curieux, libère les passions morbides… et dont Vidor fait le cadre idéal pour isoler ses héros, comme prisonniers d’un environnement étouffant et mesquin.

Pas le chef d’œuvre de Vidor, non, mais un film intense et sensible, et ancré dans une réalisé sans concession, et sans illusion.

La Montagne des neuf Spencer (Spencer’s mountain) – de Delmer Daves – 1963

Posté : 8 février, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, DAVES Delmer, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

La Montagne des Neuf Spencer

La fin de carrière de Delmer Daves n’est pas la plus réputée de ses périodes, souvent oubliée au profit de ses glorieuses années 50, marquées par une belle série de grands westerns. On y trouve pourtant quelques perles, comme cette Montagne des neuf Spencer.

On est d’abord frappé par les superbes décors naturels, vastes plaines entourées de montagnes spectaculaires qui dominent chaque plan, comme des ombres protectrices, mais aussi comme une barrière que beaucoup de franchiront jamais. C’est là que vivent les Spencer depuis plusieurs générations, dans une communauté de travailleurs qui mènent une vie simple et harmonieuse.

La génération actuelle, c’est huit enfants autour des parents, Maureen O’Hara et Henry Fonda. Huit enfants dont l’aîné (James McArthur) a une chance de devenir le premier Spencer à quitter la vallée pour aller à l’université. C’est toute l’histoire de ce film qui frappe aussi, et surtout, par l’extrême bonté qui s’en dégage.

C’est le quotidien, l’entraide, l’amour, l’affection que filme Delmer Daves. Sans jamais tomber dans une quelconque mièvrerie, ou dans des drames trop faciles, il filme l’empathie, la bonté, sans animosité, sans méchant. Uniquement des personnes attachants, profondément humains et sympathiques jusque dans leurs défauts (si ce n’est une petite garce, plus paumée que vraiment machiavélique).

Maureen O’Hara et Henry Fonda forment un couple superbe, heureux de ce qu’il a. Dans cette communauté très religieuse, Fonda le jouisseur pourrait être une brebis galeuse. C’est juste un homme qui a trouvé son paradis sur terre, et qui vit son bonheur avec une générosité de chaque instant. Me voilà ému aux larmes devant tant de simplicité et de bonté. Daves a simplement signé un beau film.

Le Ciel peut attendre (Heaven can wait) – d’Ernst Lubitsch – 1943

Posté : 27 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, LUBITSCH Ernst, TIERNEY Gene | 2 commentaires »

Le Ciel peut attendre

Un homme arrive aux portes de l’enfer, où il est sûr d’être admis après une vie qu’il estime avoir été pleine d’écarts. Il raconte quelques grandes étapes de cette vie au Diable, qui écoute avec un regard plein d’une tendresse amusée ce qui, au bout du compte, ressemble quand même beaucoup à une grande et belle histoire d’amour.

De cette introduction rigolarde et ironique, qui sert aussi de fil rouge au récit, Lubitsch retient moins la dimension fantastique qu’une occasion d’égratigner, comme il l’a souvent fait, le moralisme et le puritanisme tellement installés dans l’Amérique qui l’a adopté et dont il est devenu l’un des cinéastes les plus importants.

Il s’en sert aussi pour raconter cette histoire d’amour avec des ellipses audacieuses, qui lui donnent une dimension rarement vu : une histoire à l’échelle d’une vie. Il y a des drames, des grands événements, qui rythment cette vie, mais on n’en voit le plus souvent rien, ou si peu. En retrouvant les personnages systématiquement plusieurs années après, c’est l’effet du temps passé que l’on découvre.

Entre Gene Tierney et Don Ameche, Lubitsch saisit l’infinie tendresse, sous le regard bienveillant et roublard de Charles Coburn. Il n’est pas parfait, Don Ameche, tellement attaché à son idée de l’anticonformisme. Mais elle est si belle, Gene Tierney, avec ce regard si plein de liberté. D’ailleurs, a-t-elle été filmée aussi bien (en couleurs, en tout cas) ? On comprend que ce nigaud de Don Ameche soit prêt à se damner pour elle, et on comprend que ce bon bougre de Diable (Laird Cregar) soit si compréhensif…

Lubitsch a fait des films plus élégants, d’autres plus drôles, certains même plus inventifs. Mais il y a dans ce Heaven can wait une simplicité, une tendresse et une pureté qui vous emportent, toujours et encore.

La Route au Tabac (Tobacco Road) – de John Ford – 1941

Posté : 22 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

La Route au tabac

Sur le papier, Tobacco Road est une sorte de film jumeau des Raisins de la colère, un an après le succès de ce dernier. C’est l’histoire d’une famille miséreuse qui se débat pour garder sa terre sur « Tobacco Road », ancienne route fertile à la grande époque du Sud producteur de coton, où survivent dans des taudis ou dans les ruines des grandes propriétés les descendants de vieilles familles jadis prospères.

Mais le film est adapté d’une pièce de théâtre, elle-même tirée d’un roman. L’origine théâtrale se fait étrangement sentir dans les premières scènes, avec un jeu outré et des dialogues qui semblent ne pas tenir compte des grands espaces qu’offre le cinéma. « Faisons comme si on ne l’avait pas vu, soyons naturels », crient les personnages à portée de voix du nouveau venu…

Surtout, il y a un humour décalé qui vient probablement de la pièce, en tout cas en partie, et qui donne au film un ton étrange, déroutant. Ford filme ça avec une certaine légèreté, voire avec une franche dérision. Pourtant, la misère qu’il décrit est par certains aspects plus terrible encore que dans son adaptation de Steinbeck, qui au moins révélait une superbe humanité collective.

Il n’en est rien ici. Derrière la farce, Ford met en scène de vrais dégénérés qui passent leur vie à hurler, mentir, se voler, se tromper, s’humilier. Quelle famille ! Le père et la mère se cachent pour ne pas partager leur nourriture avec les enfants. La fille, jouée par Gene Tierney, est une sorte de nympho attardée. Le fils, lui, est un gamin demeuré et odieux, que veut épouser une veuve bigote, et qui hurle des horreurs au nez de ses parents… On est loin de la famille Joad !

S’il faut résumer, Tobacco Road est plutôt un ratage pour Ford, miné par quelques moments gênants : Gene Tierney et Ward Bond rampant dans la poussière l’un vers l’autre, dans une sorte de danse de pré-accouplement motivée par des navets… Un moment qu’on découvre avec des yeux ronds d’étonnement, disons.

Mais il faut aussi rendre au film une certaine justice. Il y a dans Tobacco Road quelques très belles scènes. Les larmes dans les yeux de Charley Grapewin (déjà Grandpa Joad dans Les Raisins…, et formidable dans un rôle typique du cinéma de Ford), le face-à-face silencieux avec sa femme (jouée par Elizabeth Patterson), le regard bienveillant de « l’ange gardien » (court rôle pour Dana Andrews)…

Esthétiquement, c’est même une réussite éclatante. Les images sont superbes, Ford filmant ces taudis comme les symboles d’un paradis perdu. La scène où le couple Lester quitte la maison et se dirige, le pas lourd, vers l’hospice, longeant en ombres chinoises des clôtures tellement fordiennes, est une image belle et déchirante.

Révolte à Dublin (The Plough and the Stars) – de John Ford – 1936

Posté : 15 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, FORD John, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Révolte à Dublin

Le Mouchard avait été un triomphe. C’est tout logiquement que la RKO a confié à Ford la réalisation de cette adaptation d’une pièce triomphale de Sean O’Casey, auteur que le cinéaste admirait (il lui avait proposé, en vain, d’écrire le scénario du Mouchard). Le contexte est le même, la lutte pour l’indépendance de l’Irlande, et on retrouve la même opposition entre la volonté jusqu’au-boutiste et la fragilité de l’individu.

Après la lâcheté inconsciente de Gypo dans le film précédent, Ford s’intéresse au regard des femmes. « Les hommes sont faits pour se battre, les femmes pour pleurer », lance Barbara Stanwyck, qui passe effectivement tout le film la larme à l’œil, filmée en gros plan. On lui doit sans doute le plan le plus fort du film, lorsque les premiers coups de feu retentissent et qu’on n’en voit que sa réaction à elle, dans une chambre un peu triste fermée sur l’extérieur.

The Plough and the Stars évoque les premières heures de la lutte : en 1916, lorsqu’une poignée d’hommes a occupé le bureau de Poste de Dublin dans une bataille sanglante et vouée à l’échec. Mais un échec fondateur, moment historique dont Ford tire un film étrange et inégal.

Pour la dimension historique, on retiendra surtout un drapeau arraché qui flotte dans le ciel avant de redescendre. Et, moins symbolique mais plus dynamique, une superbe poursuite sur les toits de Dublin. Pour le reste, la reconstitution de cette prise de la Poste manque étonnamment de souffle, expédiée en quelques plans fonctionnels.

On retrouve davantage la patte de Ford dans quelques scènes nocturnes, dans sa peinture des mères sacrificielles filmées comme des piétas, et surtout dans l’humour qu’il instille dans ses scènes de bar, d’où émerge la révélation du film : Barry Fitzgerald, l’un des rares comédiens de la pièce de théâtre à retrouver son rôle à l’écran. Ford le réutilisera à plusieurs reprises, toujours dans des rôles semblables de joyeux pochards à l’accent irlandais énorme, jusqu’à L’Homme tranquille.

Passionnant mais inégal ce film, dont on imagine bien ce qu’il a pu représenter d’important pour Ford, pourtant moins intéressé par l’héroïsme des Irlandais que par leurs aspects les moins glorieux : le romantisme exclusif de Barbara Stanwyck, bien sûr, mais aussi cette étonnante séquence centrale, où les Dublinois profitent du chaos pour piller les magasins. Étonnant.

Qu’elle était verte ma vallée (How green was my valley) – de John Ford – 1941

Posté : 8 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FORD John, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Qu'elle était verte ma vallée

Dernier film tourné avant l’engagement militaire de Ford, How green… est une sorte de couronnement de cette période, tant dans le fond que pour le style. Ford enchaîne alors les films immenses. Comme Les Raisins de la colère, Les Hommes de la mer et quelques autres, cette adaptation d’un roman de Richard Llewellyn est à la fois un film d’un réalisme total dans sa manière de filmer les mineurs, et une sorte de fable, à sa manière.

Contrairement à ses précédents films, disons « sociaux », celui-ci se détache d’une réalité trop actuelle. L’histoire est racontée par un homme qui quitte la vallée où il a grandi, et qui évoque ses souvenirs d’enfance : ceux de l’harmonie familiale, des premiers émois, des drames et des joies, tous nombreux et immenses.

La clé du film repose dans une phrase que prononce le narrateur, évoquant le souvenir de ces caramels dont le goût se prolongeait des heures… « C’est en tout cas le souvenir que j’en ai. » Tout est ainsi, comme exacerbé par la mémoire d’un enfant devenu grand, avec la sensibilité et l’innocence du regard enfantin.

Visuellement splendide, dans ce décor quasi unique du coron menant à la mine, How green… est aussi l’un des plus beaux films sur l’enfance qui s’achève. Belle prestation du débutant Roddy McDowall, pierre angulaire autour duquel tout le film s’articule. C’est son monde à lui qui s’effrite, c’est sa vision de cette vallée idéale que l’on découvre, cette gaieté qui s’évapore en même temps que l’innocence…

Donald Crisp, Barry Fitzgerard, Anna Lee, Sara Allgood, et Maureen O’Hara qu’il dirige pour la première fois… Ford réunit quelques-uns de ses acteurs de prédilection, dans une communauté comme il les aime. Mais une communauté où la joie (et la comédie parfois) cache aussi des rancœurs, des mesquineries, et une vraie cruauté.

Grand film plein de paradoxes, où la religion est omniprésente, bienfaisante… et capable des pires cruautés. Où l’école est le seul moyen d’espérer un avenir meilleur, mais s’avère un lieu de sévices. Ou la tradition est la garantie de l’unité… mais pousse au malheur. Eloge de la famille et de l’individu, qui évoque la grandeur naissante des syndicats…

How green… est une merveille, belle à pleurer, c’est aussi l’un des films qui dit le mieux la complexité et la sincérité de Ford, traditionaliste humaniste. Un cinéaste qui filme en tout cas mieux que quiconque le temps qui passe, et les cendres qu’il laisse.

Napoléon – de Sacha Guitry – 1955

Posté : 26 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Napoléon

Le grand œuvre de Guitry : trois heures d’une fresque ambitieuse consacrée à l’Empereur. Et rien ne manque, ou presque, de son parcours, de sa naissance en Corse à sa mort sur une autre île, celle de Sainte-Hélène.

Trois heures de déclaration d’amour, mais avec le cynisme rigolard de Guitry. Il oublie certains épisodes à dessein ? Il le reconnaît lui-même : « D’autres s’en souviendront ». Parce que Guitry, bien sûr, est omniprésent, s’accordant le rôle qui lui va le mieux : celui de raconteur. Talleyrand en l’occurrence, qui raconte à ses proches, à sa manière et en voix off, la vie d’un grand homme qui a mal fini.

Cette construction à la Guitry, avec cette voix qui donne le rythme et permet tous les raccourcis, permet aussi une pointe d’humour et d’audace, dans la manière parfois d’évoquer plus que de raconter, à l’image de ces batailles caricaturales, où le triomphe de Napoléon est symbolisé par les soldats qui avancent sans être même effleuré par le feu ennemi.

Le film est à la fois très ample et ambitieux, avec de nombreux décors et beaucoup de figurants, et très simples dans sa facture. Presque figé même, par moments. Avant d’être une grande fresque, Napoléon reste toujours un « Guitry », où le verbe est plus important que l’image. Le réalisateur, cela dit, est parfois très inspiré (la prise de Moscou en flammes, simple et belle). Lorsqu’il ne se contente pas d’une mise en scène purement fonctionnelle.

Le casting est évidemment exceptionnel. Beaucoup de stars ne font que passer (ou trépasser) : quelques minutes à peine pour Jean Gabin (tout en perruque en maréchal Lannes), Erich Von Stroheim (à peine reconnaissable en Beethoven) ou Orson Welles (ogresque en Hudson Lowe), un peu plus pour Serge Reggiani (Lucien Bonaparte) ou Yves Montand (le maréchal Lefebvre)… Les femmes de Napoléon ont finalement le beau rôle : Danielle Darrieux totalement libérée, et surtout Michèle Morgan, très émouvante dans le rôle de Joséphine.

La meilleure idée du film, c’est peut-être d’avoir confié le rôle titre à deux acteurs : Daniel Gélin pour la jeunesse de Bonaparte, Raymond Pellegrin pour la maturité de l’Empereur. Ils ne se ressemblent pas vraiment, mais ce procédé évoque plus qu’il ne montre vraiment l’évolution, la bascule de l’homme… Du pur Guitry, qu’on a quand même le droit de préférer plus intime (modeste n’étant pas le mot le plus juste).

La Prisonnière du Désert (The Searchers) – de John Ford – 1956

Posté : 21 novembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, FORD John, MILES Vera, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Prisonnière du désert

The Searchers serait l’un des plus grands westerns de toute l’histoire du western, affirment certains. A revoir le film pour la énième fois (et la première fois depuis longtemps), il faut bien reconnaître que : a) c’est vrai ; b) c’est réducteur. The Searchers est l’un des grands chefs d’œuvre du western, mais aussi un immense film tout court, et l’un des plus beaux films en couleurs. L’un de ceux où la couleur est le mieux utilisée, déclenchant à elle seule (et dans les superbes compositions d’images) des torrents d’émotion.

A revoir le film, aussi, ce qui frappe le plus, c’est l’importance du hors champs. Les morts, la violence, et même les discussions cruciales… Quasiment toutes les actions marquantes de l’histoire se déroulent en dehors du champs, ou hors de portée de voix. The Searchers donne le sentiment d’être un film ample et spectaculaire. Pourtant, Ford élude l’action pour se focaliser sur les visages, les corps, les âmes de ses personnages.

Et il offre au passage à John Wayne son plus grand rôle, sans doute : celui d’un homme qui ne trouve pas la paix, ni le repos. Un homme lancé sur la piste d’Indiens qui ont enlevé sa jeune nièce et massacré sa famille. Une quête qui dure des années… Ford filme le temps qui passe en donnant corps aux saisons. Les images sont d’une beauté renversante.

Visuellement, formellement, Ford renoue avec ses grands films d’avant-guerre, y ajoutant des couleurs, flamboyantes ou glaciales. C’est peut-être le plus abouti de tous films. On y trouve tous ses thèmes et motifs (le rapport aux morts, l’obsession, et même une scène de bal), ses acteurs fétiches (Ward Bond, Olive Carey, Hank Worden, Ken Curtis, John Qualen, Harry Carey Jr…), Monument Valley bien sûr, filmé comme jamais.

C’est comme si toute l’œuvre de Ford, en tout cas son œuvre westernienne, atteignait son apogée ici. Un bémol, un seul dans ce chef d’œuvre ultime : le personnage de Debbie, devenue grande sous les traits de Natalie Wood, qui peine à rendre crédible son tiraillement entre sa vie de Comanche et ses liens de sang. Qu’importe : ce qui marque surtout, c’est le regard de John Wayne, sombre et douloureux.

Et cette démarche, chancelante, un peu paumée, dans l’encadrement de cette porte qui se reforme sur un Monument Valley soudain étouffant… Magnifique.

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