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Archive pour la catégorie 'par actrices'

Qu’elle était verte ma vallée (How green was my valley) – de John Ford – 1941

Posté : 8 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FORD John, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Qu'elle était verte ma vallée

Dernier film tourné avant l’engagement militaire de Ford, How green… est une sorte de couronnement de cette période, tant dans le fond que pour le style. Ford enchaîne alors les films immenses. Comme Les Raisins de la colère, Les Hommes de la mer et quelques autres, cette adaptation d’un roman de Richard Llewellyn est à la fois un film d’un réalisme total dans sa manière de filmer les mineurs, et une sorte de fable, à sa manière.

Contrairement à ses précédents films, disons « sociaux », celui-ci se détache d’une réalité trop actuelle. L’histoire est racontée par un homme qui quitte la vallée où il a grandi, et qui évoque ses souvenirs d’enfance : ceux de l’harmonie familiale, des premiers émois, des drames et des joies, tous nombreux et immenses.

La clé du film repose dans une phrase que prononce le narrateur, évoquant le souvenir de ces caramels dont le goût se prolongeait des heures… « C’est en tout cas le souvenir que j’en ai. » Tout est ainsi, comme exacerbé par la mémoire d’un enfant devenu grand, avec la sensibilité et l’innocence du regard enfantin.

Visuellement splendide, dans ce décor quasi unique du coron menant à la mine, How green… est aussi l’un des plus beaux films sur l’enfance qui s’achève. Belle prestation du débutant Roddy McDowall, pierre angulaire autour duquel tout le film s’articule. C’est son monde à lui qui s’effrite, c’est sa vision de cette vallée idéale que l’on découvre, cette gaieté qui s’évapore en même temps que l’innocence…

Donald Crisp, Barry Fitzgerard, Anna Lee, Sara Allgood, et Maureen O’Hara qu’il dirige pour la première fois… Ford réunit quelques-uns de ses acteurs de prédilection, dans une communauté comme il les aime. Mais une communauté où la joie (et la comédie parfois) cache aussi des rancœurs, des mesquineries, et une vraie cruauté.

Grand film plein de paradoxes, où la religion est omniprésente, bienfaisante… et capable des pires cruautés. Où l’école est le seul moyen d’espérer un avenir meilleur, mais s’avère un lieu de sévices. Ou la tradition est la garantie de l’unité… mais pousse au malheur. Eloge de la famille et de l’individu, qui évoque la grandeur naissante des syndicats…

How green… est une merveille, belle à pleurer, c’est aussi l’un des films qui dit le mieux la complexité et la sincérité de Ford, traditionaliste humaniste. Un cinéaste qui filme en tout cas mieux que quiconque le temps qui passe, et les cendres qu’il laisse.

Napoléon – de Sacha Guitry – 1955

Posté : 26 décembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, GUITRY Sacha | Pas de commentaires »

Napoléon

Le grand œuvre de Guitry : trois heures d’une fresque ambitieuse consacrée à l’Empereur. Et rien ne manque, ou presque, de son parcours, de sa naissance en Corse à sa mort sur une autre île, celle de Sainte-Hélène.

Trois heures de déclaration d’amour, mais avec le cynisme rigolard de Guitry. Il oublie certains épisodes à dessein ? Il le reconnaît lui-même : « D’autres s’en souviendront ». Parce que Guitry, bien sûr, est omniprésent, s’accordant le rôle qui lui va le mieux : celui de raconteur. Talleyrand en l’occurrence, qui raconte à ses proches, à sa manière et en voix off, la vie d’un grand homme qui a mal fini.

Cette construction à la Guitry, avec cette voix qui donne le rythme et permet tous les raccourcis, permet aussi une pointe d’humour et d’audace, dans la manière parfois d’évoquer plus que de raconter, à l’image de ces batailles caricaturales, où le triomphe de Napoléon est symbolisé par les soldats qui avancent sans être même effleuré par le feu ennemi.

Le film est à la fois très ample et ambitieux, avec de nombreux décors et beaucoup de figurants, et très simples dans sa facture. Presque figé même, par moments. Avant d’être une grande fresque, Napoléon reste toujours un « Guitry », où le verbe est plus important que l’image. Le réalisateur, cela dit, est parfois très inspiré (la prise de Moscou en flammes, simple et belle). Lorsqu’il ne se contente pas d’une mise en scène purement fonctionnelle.

Le casting est évidemment exceptionnel. Beaucoup de stars ne font que passer (ou trépasser) : quelques minutes à peine pour Jean Gabin (tout en perruque en maréchal Lannes), Erich Von Stroheim (à peine reconnaissable en Beethoven) ou Orson Welles (ogresque en Hudson Lowe), un peu plus pour Serge Reggiani (Lucien Bonaparte) ou Yves Montand (le maréchal Lefebvre)… Les femmes de Napoléon ont finalement le beau rôle : Danielle Darrieux totalement libérée, et surtout Michèle Morgan, très émouvante dans le rôle de Joséphine.

La meilleure idée du film, c’est peut-être d’avoir confié le rôle titre à deux acteurs : Daniel Gélin pour la jeunesse de Bonaparte, Raymond Pellegrin pour la maturité de l’Empereur. Ils ne se ressemblent pas vraiment, mais ce procédé évoque plus qu’il ne montre vraiment l’évolution, la bascule de l’homme… Du pur Guitry, qu’on a quand même le droit de préférer plus intime (modeste n’étant pas le mot le plus juste).

La Prisonnière du Désert (The Searchers) – de John Ford – 1956

Posté : 21 novembre, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, BOND Ward, FORD John, MILES Vera, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Prisonnière du désert

The Searchers serait l’un des plus grands westerns de toute l’histoire du western, affirment certains. A revoir le film pour la énième fois (et la première fois depuis longtemps), il faut bien reconnaître que : a) c’est vrai ; b) c’est réducteur. The Searchers est l’un des grands chefs d’œuvre du western, mais aussi un immense film tout court, et l’un des plus beaux films en couleurs. L’un de ceux où la couleur est le mieux utilisée, déclenchant à elle seule (et dans les superbes compositions d’images) des torrents d’émotion.

A revoir le film, aussi, ce qui frappe le plus, c’est l’importance du hors champs. Les morts, la violence, et même les discussions cruciales… Quasiment toutes les actions marquantes de l’histoire se déroulent en dehors du champs, ou hors de portée de voix. The Searchers donne le sentiment d’être un film ample et spectaculaire. Pourtant, Ford élude l’action pour se focaliser sur les visages, les corps, les âmes de ses personnages.

Et il offre au passage à John Wayne son plus grand rôle, sans doute : celui d’un homme qui ne trouve pas la paix, ni le repos. Un homme lancé sur la piste d’Indiens qui ont enlevé sa jeune nièce et massacré sa famille. Une quête qui dure des années… Ford filme le temps qui passe en donnant corps aux saisons. Les images sont d’une beauté renversante.

Visuellement, formellement, Ford renoue avec ses grands films d’avant-guerre, y ajoutant des couleurs, flamboyantes ou glaciales. C’est peut-être le plus abouti de tous films. On y trouve tous ses thèmes et motifs (le rapport aux morts, l’obsession, et même une scène de bal), ses acteurs fétiches (Ward Bond, Olive Carey, Hank Worden, Ken Curtis, John Qualen, Harry Carey Jr…), Monument Valley bien sûr, filmé comme jamais.

C’est comme si toute l’œuvre de Ford, en tout cas son œuvre westernienne, atteignait son apogée ici. Un bémol, un seul dans ce chef d’œuvre ultime : le personnage de Debbie, devenue grande sous les traits de Natalie Wood, qui peine à rendre crédible son tiraillement entre sa vie de Comanche et ses liens de sang. Qu’importe : ce qui marque surtout, c’est le regard de John Wayne, sombre et douloureux.

Et cette démarche, chancelante, un peu paumée, dans l’encadrement de cette porte qui se reforme sur un Monument Valley soudain étouffant… Magnifique.

Madame de Coventry / Par la chair et par l’épée (Lady Godiva of Coventry) – de Arthur Lubin – 1955

Posté : 13 juillet, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, EASTWOOD Clint (acteur), LUBIN Arthur, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

Lady Godiva

Le chemin d’une intégrale peut être jonché d’étapes dont on se serait bien passées… Celle de Clint Eastwood passe aussi par ses apparitions de jeunesse: trois plans très dispensables d’un Clint de 25 ans en soldat saxon, dans ce film en costumes dont on sent bien qu’il n’existe que pour l’unique scène sans costume.

On résume l’histoire… Dans une Angleterre où les tensions sont grandes entre Normands et Saxons, Lady Godiva épouse un prince saxon et le conduit à tendre la main à son ennemi de toujours. Punie par la faute d’un méchant Normand, elle accepte la sentence: chevaucher nue dans les rues de sa ville, persuadée qu’aucun Saxon ne lui fera l’affront de l’observer, et que ce respect convaincra le roi de la loyauté de son peuple.

Lady Godiva étant interprétée par Maureen O’Hara, en pleine gloire post-L’Homme tranquille (Victor McLaglen est d’ailleurs à l’affiche, lui aussi), et cette image de la jeune femme chevauchant nue servant d’affiche au film, l’intérêt commercial est tout trouvé… et tant pis si cette posture voyeuriste va à l’encontre du sujet même du film.

Pas une réussite, non. Scènes de combats mollement filmées, humour bas du front, personnages sans envergure… Maureen O’Hara est parfaite, dans un rôle qu’elle connaît par cœur, celui d’une jeune jeune épouse déterminée et joyeusement dominatrice. Mais le héros est joué par George Nader, assez mauvais et le charisme d’un coq. Son regard fixant désespérément ce lit conjugal qu’il rêve de rejoindre pourrait être savoureux, mais non.

Pas grand chose à se mettre sous la dent dans ce film paresseux, qui rappelle que, à quelques exceptions près, Arthur Lubin est un réalisateur franchement pas enthousiasmant. Et Clint Eastwood là-dedans ? Trois plans, dont un de nuit avec Maureen O’Hara.

La Horde sauvage (The Maverick Queen) – de Joe Kane – 1956

Posté : 29 juin, 2020 @ 8:00 dans 1950-1959, KANE Joseph, STANWYCK Barbara, WESTERNS | Pas de commentaires »

La Horde sauvage

Une histoire assez convenue, mais un western finalement très original, que l’on doit à Joe Kane, cinéaste à la réputation pas transcendante. Sa mise en scène, d’ailleurs, n’est pas toujours irréprochable. Dans la première partie, surtout, les scènes dialoguées s’avèrent inutilement longues, et sans éclat.

Il faut donc un peu de temps pour se laisser embarquer dans cette Horde sauvage (pas grand-chose à voir avec celle de Peckinpah), surtout avec une image tronquée en 4/3 (ah ! les ravages de la télévision) qui nous privent de la moitié du cadre, ou presque. On ne peut donc qu’imaginer la composition des plans, et l’utilisation que fait Kane des décors naturels de montagnes, beaux et originaux.

Le film est d’ailleurs plein de détails originaux. le grand méchant, qui son temps à être désarmé. Le même, joué par un Scott Brady très massif, torse nu et le regard concupiscent posé sur la jolie Mary Murphy. Le héros (Barry Sullivan) qui disparaît du film pendant près de trente minutes. Ou, bien sûr, la place réservée aux femmes, fortes et prédominantes dans l’action.

Un rôle sur mesure pour la grande Barbara Stanwyck, décidément très à l’aise dans le western. En compagnonne de route de Butch Cassidy et du Sundance Kid (très loin de l’interprétation qu’en donneront Newman et Redford), elle apporte ce mélange de force et de sensibilité ravalée que l’on retrouvera dans 40 guns (où elle aura de nouveau Sullivan comme partenaire).

La Scandaleuse de Berlin (A foreign Affair) – de Billy Wilder – 1948

Posté : 16 mai, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, WILDER Billy | Pas de commentaires »

La Scandaleuse de Berlin

Treize ans avant Un, deux, trois, Wilder posait déjà ses caméras dans le Berlin de l’après-guerre. Mais cette fois-là, dans l’immédiat après-guerre. Pas encore celui de la reconstruction, ni même des deux Allemagnes : celui d’un Berlin en ruines, occupé par les troupes des différentes armées vainqueurs.

Ce n’est pas le premier film effectivement tourné dans les ruines de Berlin. Mais ce Wilder est l’un des plus impressionnants. Ne serait-ce que pour son aspect documentaire, la vision qu’il offre de cette capitale ravagée et de sa population dépendante du marché noir, le film est important.

Il l’est aussi, tout simplement, parce que c’est une grande réussite où l’humour léger, le cynisme et la gravité de Wilder se retrouvent autour d’un triangle amoureux décapant : la chanteuse de cabaret au passé trouble (Marlene Dietrich, qui d’autre), l’officier américain un peu magouilleur et beau parleur (John Lund, très bien), et la congresswoman trop guindée, venue explorer le oral des troupes américaines.

Jean Arthur, dans un rôle qu’on image comme un clin d’œil à M. Smith au Sénat, est une grande actrice comique. Irrésistible quand elle met trois plombes à plier ses lunettes avant de daigner jeter un œil aux ruines que son avion survole. Hilarante quand elle se fait passer pour une « Gretchen » écervelée. Touchante quand, totalement bourrée, elle s’abandonne à celui qu’elle aime. Et puis tragique et superbement filmée, profil sombre couvert d’ombre, lorsqu’elle réalise la tromperie…

C’est avant tout à travers son regard qu’on découvre la vie de ce Berlin exsangue. Wilder sait lui donner de la vie et de la gravité dans le même mouvement. Les scènes dans le cabaret, surtout, sont absolument magnifiques, caves sombres toutes en ombres et en recoins, dont Wilder fait un écrin sur mesure pour Marlene, fascinante comme toujours. Fascinante et troublante, parce que le scénario (co-écrit avec le fidèle Charles Brackett) ne l’épargne pas, et n’atténue pas la responsabilité individuelle au nom de la responsabilité collective.

Une comédie, oui, mais grave et profonde. Un grand cru de Wilder.

Mauvaise graine – de Billy Wilder (et Alexander Esway) – 1934

Posté : 5 mai, 2020 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DARRIEUX Danielle, ESWAY Alexander, WILDER Billy | Pas de commentaires »

Mauvaise graine

Comme Lang, Wilder est passé par la France en fuyant le nazisme. C’est même là qu’il réalise son premier film, avant de partir pour Hollywood, où ses talents de scénaristes ont déjà été remarqués. Il mettra en revanche huit ans avant de repasser derrière la caméra…

Ce coup d’essai est pourtant, déjà, l’œuvre d’un grand cinéaste, un film plein de vivacité, à la maîtrise formelle impressionnante. Qu’il utilise les surimpressions pour souligner le trouble de son héros marchants dans les rues de Paris, ou le montage alterné pour faire monter le suspense lors d’une belle séquence de poursuite automobile… Wilder maîtrise parfaitement son sujet.

On peut même déjà parler d’une vraie signature. Pas encore celle de ses grands chefs d’œuvre : l’influence de Lubitsch n’est pas encore passée par là. Mais dans sa manière d’utiliser le montage et les ellipses courtes, Wilder donne un ton singulier à son film, l’art de ne pas filmer cet instant précis où les décisions sont prises… Des choix de mise en scène qui rythment constamment l’action.

Beau scénario, aussi, qui flirte à la fois avec la comédie et le film d’action, avec cette histoire d’un jeune homme trop gâté que son père veut remettre dans le droit chemin, mais qui se perd avec une bande de voleurs de voitures. Il y rencontre une toute jeune femme, dont le visage accroche déjà la caméra : Danielle Darrieux, 16 ans à peine, le visage encore un peu poupin.

Wilder a donc commencé sa carrière de réalisateur en dirigeant Darrieux, en France. Et dire que ce film reste une curiosité largement oubliée…

Vivre libre (This land is mine) – de Jean Renoir – 1943

Posté : 22 avril, 2020 @ 8:00 dans 1940-1949, O'HARA Maureen, RENOIR Jean | Pas de commentaires »

Vivre libre

De sa décennie américaine (six longs métrages, au bas mot intéressants), Vivre libre représente sa participation à l’effort de guerre, pour Jean Renoir : un film tourné pour soutenir le moral des pays occupés, et valoriser les actes de résistance que l’occupant présente comme des actes de terrorisme.

C’est un genre en soi, ces années-là à Hollywood, et forcément pas le plus personnel des films pour Renoir, dont le nom n’a sans doute jamais été aussi discret au générique, ce qui n’est sans doute pas anodin. Renoir est, pour le coup, un réalisateur au service du studio, et du message.

Pas que le film soit inintéressant, d’ailleurs. Renoir y glisse même sa vision humaniste : celle de La Grande Illusion par moments, ce refus de verser dans un manichéisme trop facile. Renoir ne croit pas en cet héroïsme va-t-en-guerre. Le film met en scène des personnages qui s’accomplissent dans le fait d’être simplement honnêtes vis à vis de ce qu’ils sont vraiment.

Pour un film de propagande, Vivre Libre se révèle d’ailleurs franchement plombant, tant il évite cette note d’héroïsme magnifique qui peuple le cinéma hollywoodien. Choisir Charles Laughton pour jouer le rôle principal veut dire quelque chose : vieux garçon dominé par une mère castratrice, trop conscient d’être un lâche, pas même capable d’avouer son amour à Maureen O’Hara (d’autres que lui hésiteraient, c’est vrai)…

L’histoire se passe dans l’Europe occupée, sans que le pays soit clairement identifié. Et sans que le film en rajoute sur les exactions et les actes de terreur, il est question de liberté, de libre arbitre, de la difficulté d’être en accord avec soi-même, de survivants rongés par la culpabilités ou de condamnés moralement libérés…

Renoir, pour son deuxième film américain, se plie plutôt bien au style d’Hollywood, signant quelques belles scènes très américaines dans leur manière de filmer l’Europe : une poursuite sur les toits notamment, ou une scène tragique et haletante dans un dépôt de trains… Pas le Renoir le plus personnel, c’est sûr, mais un Renoir passionnant, tout de même.

Quelques jours avec moi – de Claude Sautet – 1988

Posté : 28 mars, 2020 @ 8:00 dans 1980-1989, DARRIEUX Danielle, SAUTET Claude | Pas de commentaires »

Quelques jours avec moi

Après l’échec de Garçon, Claude Sautet s’offre une sorte de nouveau départ avec son film suivant. Exit Jean-Lou Dabadie, le scénariste de ses plus grands succès. Sautet écrit Quelques jours avec moi avec Jacques Fieschi (et Jérôme Tonnerre), qui sera le scénariste de ses trois derniers films, sorte de triptyque informel et superbe, qui est aussi, de l’avis très éclairé de moi-même l’apothéose de sa carrière.

Avec Daniel Auteuil, qu’il retrouvera pour Un Cœur en hiverSautet trouve un nouveau double idéal, handicapé du sentiment très loin de ce qu’était Yves Montand. Auteuil chez Sautet, c’est un peu L’Etranger de Camus : un homme qui traverse sa vie comme un spectateur, étranger à lui-même et à ceux qui l’entourent. Profondément dépressif ? En manque total d’empathie ? Confronté à un ennui sidéral ? Tout ça, et rien de ça à la fois. Le personnage d’Auteuil est une énigme fascinante dont la passivité bouscule l’ordre bien étable, et qui révèle paradoxalement ce qu’il y a de meilleur chez les autres.

Héritier d’une grande chaîne de supermarchés, taciturne, sans plaisir ni déplaisir, là sans être vraiment là. A Sandrine Bonnaire, la femme de ménage vaguement délinquante, à qui il tend une sorte de guet-apens parce qu’il n’imagine pas simplement l’inviter, il fait ce début de confession : « Vous êtes la première personne à qui j’ai envie de parler depuis des années. »

Il est étranger, mais pourtant d’une disponibilité extrême, aussi naturel avec le très beauf Jean-Pierre Castaldi qu’avec le notable beau parleur Jean-Pierre Marielle. Attirant les extrêmes et la sympathie de tous comme par magie. Y compris celle de Vincent Lindon, qui s’étonne lui-même de ne pas être jaloux de celui qui passe pourtant ses journées et une partie de ses nuits avec celle qu’il aime.

Etrange électron libre, qui attire tout ce petit monde autour de lui, catalyseur des amitiés les plus improbables. Quelques jours avec moi est une œuvre à part dans la filmo de Sautet, qui laisse libre cours à un sens inattendu de la fantaisie. Au cœur du film, il y a notamment cette fête hallucinante, où se retrouvent petits délinquants et chef de police, patron et ouvriers, dans un immense appartement rempli de meubles de jardins. Hors du temps, hors des conventions.

C’est drôle, c’est envoûtant, c’est poignant aussi. Les acteurs sont géniaux. Marielle est immense, Auteuil gagne une dimension encore inédite. Bonnaire est d’une liberté insolente. Et en plus, il y a Danielle Darrieux, grande, même avec un rôle très secondaire. Quelques jours avec moi : un très grand Sautet, de ceux que l’on revoit avec un plaisir qui ne fait que croître.

Péché mortel (Leave Her to Heaven) – de John M. Stahl – 1945

Posté : 18 mars, 2020 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, STAHL John M., TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

Péché mortel

Ah ! Ce Technicolor flamboyant… Ah ! Ces décors de lacs et de montagnes si romantiques… Ah ! Ce coup de foudre irrésistible dans un train… John Stahl connaît son affaire en matière de romantisme, lui qui a signé tant de grands mélos (dont plusieurs ont inspiré les chefs d’œuvre de Douglas Sirk)…

Pourtant, il ne faut pas longtemps pour resentir un curieux trouble. D’où vient-il ? De quelques silences trop appuyés, de trois fois rien, du regard de Gene Tierney surtout, si profond, si vibrant, mais avec une petite ombre qui ne fait que gagner en intensité, en même temps que le trouble grandit.

Gene Tierney, la belle jeune femme si amoureuse, et Cornel Wilde, le romancier si bon, auraient pu être les héros d’une grande romance hollywoodienne, dans ces si beaux décors. Mais on comprend vite qu’ils sont les anti-héros d’un vrai film noir, malgré ces couleurs si chaudes. Et Gene Tierney est de ces personnages qui ont fait la grandeur du genre.

Pas une femme fatale telle qu’on se l’imagine, mais une femme malade et dangereuse tout de même, une amoureuse totale, exclusive, qui ne veut rien d’autre que l’homme qu’elle aime. Et surtout pas un adolescent handicapé ou une sœur qui lui ferait de l’ombre…

Elle est extraordinaire, Gene Tierney. Elle, l’actrice douce et fragile, se transforme en une sorte de monstre chez qui les fêlures côtoient de très près la noirceur la plus abyssale. Quand elle aime, plus rien d’autre n’existe… ou ne doit exister. Ca flirte avec le romantisme le plus pur, pour tomber dans la noirceur la plus totale.

Stahl crée la tension dans une série de scènes de famille qui pourraient être anodines, pour faire éclater le drame dans une scène d’une cruauté rare : celle du lac, où le visage impassible de Gene Tierney glace le sang. Une autre suivra, tout aussi mémorable, en haut d’un escalier.

Jeanne Crain, la petite sœur, et Cornel Wilde, l’élu/victime, font bien pâle figure face à ce monstre si magnétique. Mais cette discrétion souligne parfaitement la domination de Gene Tierney. Et quand les dernières images arrivent, bouleversantes, on se dit qu’ils l’ont bien mérité, ce final de mélo, avec tous ces violons et ce coucher de soleil si éclatant…

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