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Archive pour la catégorie 'par actrices'

Le Diable et les dix commandements – de Julien Duvivier – 1962

Posté : 17 mai, 2022 @ 8:00 dans 1960-1969, DARRIEUX Danielle, DUVIVIER Julien | Pas de commentaires »

Le Diable et les dix commandements

Entre Duvivier et la religion, c’est une longue histoire d’amour et de défiance. D’amour d’abord, avec quelques films marqués par la foi. Puis de défiance, de plus en plus marquée, jusqu’à ce que son cinéma devienne l’un des symboles d’un athéisme joyeusement irrespectueux. Il y a eu Don Camillo bien sûr, mais aussi ce film à sketch, inégal par essence, mais traversé par une constante ironie.

Le procédé narratif très vague et la voix off du diable en personne (Claude Rich, tout en suavité) ne sont que prétextes à une suite de saynètes dévoilant ce que l’homme (et la femme) a de moins glorieux. Encore que, là aussi, les péchés ne sont pas tous traités de la même manière. Et celui qui commet un homicide est finalement filmé avec nettement plus de compréhension que celle qui se donne pour un bijou. Entre les tables de la loi et la morale qu’assume Duvivier, il y a parfois un monde…

Une dizaine d’histoires de suivent, donc, inégales mais marquées par des dialogues souvent réjouissants (signés tantôt Jeansson, tantôt Barjavel, tantôt Audiard) et une distribution exceptionnelle. Ce qui est inhérent au genre du film à sketchs. On ne va pas se lancer ici dans un name dropping qui n’en finirait pas. Mais un film où un tout jeune Delon rencontre sa mère naturelle interprétée par Danielle Darrieux ne peut pas être inintéressant.

Et ce face à face est l’un des plus grands moments du film : Delon, jeune étudiant fatigué des engueulades constantes de ses parents (Madeleine Robinson et Georges Wilson), qui apprend que sa vraie mère est une actrice (Darrieux, donc), qu’il s’empresse d’aller rencontrer, et qui se révèle un sommet d’égoïsme et d’inconséquence. Elle est formidable, Darrieux, tout en désinvolture glaçante. Et la scène où Delon retrouve ceux qui l’ont élevé est un très joli moment de tendresse filiale.

Dans les autres segments, Duvivier va un peu dans tous les sens. Il offre surtout des rôles taillés sur mesure pour ses acteurs. On retiendra notamment Michel Simon, truculent en homme à tout faire d’un couvent, jurant comme un charretier, qui réalise que l’évêque qui vient en visite est un copain d’enfance perdu de vue depuis si longtemps. Ou Louis De Funès en braqueur volé par sa victime (Brialy). Ou Aznavour en jeune prêtre défroqué jurant de venger sa sœur, prostituée par un sale type joué par Lino Ventura.

Entre le très léger et le très sombre, c’est un peu les montagnes russes que propose Duvivier. Avec quelques moments moins convaincants, comme ce « bon dieu » joué par Fernandel qui débarque dans une maison de montagne, comme un clin d’œil au moine de L’Auberge rouge. Mais cette suite d’histoires incarnées par une bonne partie de ce que le cinéma français compte de grands acteurs est assez réjouissant.

L’Aventure de Mme Muir (The Ghost and Mrs Muir) – de Joseph L. Mankiewicz – 1947

Posté : 26 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, MANKIEWICZ Joseph L., TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

L'Aventure de Mme Muir

The Ghost and Mrs Muir… Ou comment la magie du cinéma transforme une histoire toute en guimauve en sommet indémodable de délicatesse. Bien avant Demi Moore, Patrick Swayze et leur tour à poterie ruisselant de désir, Gene Tierney, Rex Harrison et un simple portrait accroché faisaient croire à une histoire d’amour entre un fantôme et une jeune femme bien vivante. Et procuraient une émotion qui ne perd rien de sa force, vision après vision.

Encore un tableau, serait-on tenter de dire, tant la filmographie de Gene Tierney semble indissociable de la peinture (dans Laura, mais aussi Le Château du Dragon…). Il faut dire que le visage de l’actrice, si pur soit-il, est habité par ce je ne sais quoi de douloureusement nostalgique, d’un passé mystérieux et inaccessible.

La manière dont ce tableau crée l’atmosphère ici est remarquable : en arrivant dans sa nouvelle maison surplombant la mer, Gene Tierney ouvre une porte donnant sur une pièce plongée dans l’obscurité, où un simple rayon de lumière éclaire un visage fantomatique, celui d’un tableau représentant un marin mort depuis longtemps, et dont la présence ne cessera d’habiter les lieux. Jusqu’à ce qu’il apparaisse réellement.

Nul besoin de trucage savant pour créer l’illusion. Il n’y en a d’ailleurs aucun, juste le pouvoir de la mise en scène, cette magie du cinéma qui suffit à faire comprendre en un plan que Rex Harrison n’est pas de ce monde, et à imposer ce constat comme une évidence, d’un naturel qui emporte tout. Ce sentiment d’évidence est de toutes les scènes, avec un Mankiewicz d’une délicatesse folle, à la mise en scène parfaitement fluide.

L’histoire, impossible, coule avec le naturel et l’évidence du destin en marche, flagrant dès la première séquence réjouissante : l’émancipation de Gene Tierney, jeune veuve qui quitte sa belle-mère et sa belle-sœur castratrices, avec lesquelles elle vit depuis un an. Gene Tierney est superbe, bien sûr. Et le film a la pureté et la beauté de ces contes d’enfance que l’on redécouvre à tout âge, avec le même bonheur.

La Péniche de l’amour (Moontide) – d’Archie Mayo – 1942

Posté : 25 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, GABIN Jean, LUPINO Ida (actrice), MAYO Archie L. | Pas de commentaires »

La Péniche de l'amour

La carrière hollywoodienne de Jean Gabin, pendant l’occupation, se limite en gros à Moontide (il y a tourné deux films, en fait, mais l’autre, L’Imposteur, est réalisé par son vieux comparse Julien Duvivier et participe à l’effort de guerre, disons donc qu’il ne compte qu’à moitié). C’est donc une vraie curiosité, dans laquelle Gabin trouve un rôle dans la lignée de ceux qui ont fait sa gloire, mais avec un regard hollywoodien… et une belle chevelure blonde.

Un rôle taillé pour lui, donc : un docker qui pense être le meurtrier d’un homme, tué lors d’une de ses innombrables soirées de beuverie. Il ne fait d’ailleurs pas les choses à moitié, éclusant des choppes de whisky et de saké, histoire que son amnésie passagère soit crédible. A vrai dire, elle l’est assez moyennement : survivre à une telle quantité d’alcool est en soi assez miraculeux.

Le film n’est, de fait, pas d’une finesse extrême. L’identité du tueur est bien vite évidente, l’histoire d’amour manque de subtilité, la plupart des personnages sont monoblocs… Et le naturel habituel de Gabin tombe souvent à plat dans une langue qui n’est pas la sienne. Malgré tout, Moontide est un film très attachant, en partie pour sa jolie naïveté.

Le principal décor de l’histoire fait beaucoup pour cette réussite. Non pas une péniche, mais une barge, transformée en cocon romantique coupé (y compris physiquement) du monde, pour le docker paumé et une jeune femme qu’il a sauvée du suicide, jouée par Ida Lupino. Presque une abstraction : on ne saura rien de son passé, Gabin lui-même refusant de l’écouter lorsqu’elle veut se confier.

Là encore, la vision du couple n’est pas la plus subtile ni la plus avant-gardiste qui soit : la belle Ida comprendra bien vite que ce qu’attend un homme, c’est que sa femme tienne la maison et l’accueille après la journée de boulot avec une belle robe sexy. Mais oui, voilà qui est parlé ! Remettons dans le contexte, comme on dit…

Pas avant-gardiste, non, mais attachant par sa bonhomie, par la manière aussi de réduire l’intrigue à quelques personnages qui tournent autour de la barge, ne laissant que de brèves scènes à d’autres personnages plus secondaires. Beau casting, d’ailleurs, avec Thomas Mitchell et Claude Rains notamment.

Presque un huis clos, d’où émergent toutefois quelques scènes « extérieures » baignées de brumes, comme si rien d’autre n’existait que cette barge, seul bonheur possible pour nos deux tourtereaux. On retiendra surtout une implacable poursuite dans la nuit, sur une jetée, ou l’aboiement d’un chien qui annonce le danger…Soudaines montées dramatiques dans un film qui, par ailleurs, ressemble plus à une fable bon enfant, malgré son sujet.

Bigamie (The Bigamist) – d’Ida Lupino – 1953

Posté : 23 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, LUPINO Ida, LUPINO Ida (actrice) | Pas de commentaires »

Bigamie

Tout est dans le titre, et on ne peut pas dire que ce soit le titre le plus porteur de promesses de l’histoire du cinéma. La promesse d’une soirée « dossier de l’écran », plutôt : faits et méfaits de la bigamie, ou comment un homme peut mentir pendant toute une vie pour assouvir ses désirs à lui. La surprise n’en est que plus forte : The Bigamist est un beau film, à la fois sensible et très ancré dans la réalité. Du cinéma qui ne triche pas, avec une vraie fibre sociale, et une délicatesse infinie.

Derrière la caméra : Ida Lupino, passionnante actrice devenue passionnante réalisatrice. The Bigamist, sixième de ses films (le dernier pour le cinéma avant un ultime long métrage treize ans plus tard), est aussi le seul dans lequel elle se dirige elle-même. Elle retrouve aussi Edmond O’Brien, excellent comédien qu’elle avait déjà dirigée dans Le Voyage de la peur, son précédent film. O’Brien n’est jamais si bien que quand il joue les Américains sans histoire. C’est le cas ici.

Et c’est l’une des forces du film : O’Brien est un type bien, mari fidèle et aimant, chef d’entreprise qui passe une grande partie de son temps en déplacement, pour jouer les représentants de commerce. Mais il s’ennuie, seul loin de son foyer. Et chez lui, il se sent délaissé par une épouse, Joan Fontaine, qui vit mal le fait de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Alors un dimanche de grande solitude, il se laisse aller à aborder une inconnue qui a l’air aussi désespérément seule que lui. C’est là qu’Ida Lupino entre en scène.

C’est à peu près à ce moment que la douce épouse se décide à vouloir adopter un enfant. Le mari ne veut faire souffrir personne, et il les aime sincèrement et profondément, toutes les deux. Peu à peu, il s’installe avec Ida à Los Angeles, tout en continuant sa vie normale avec Joan, à San Francisco. Comment en est-il arrivé ? C’est ce qu’aimerait comprendre le responsable de l’agence d’adoption (joué par Edmung Gwenn), qui enquête sur la moralité du couple. C’est ce que le film nous montre par de longs flash-backs.

Si The Bigamist est si réussi, c’est grâce à la pudeur extrême de la cinéaste, et par le refus de simplifier la situation. Inutile de chercher : il n’y a pas l’ombre d’un salaud, aucune mesquinerie chez les personnages. Pas non plus de jugement de la part de la cinéaste, qui filme une impasse avec une immense empathie pour tous ses personnages.

Tiraillée entre deux belles personnes (et deux belles actrices), Edmond O’Brien est formidable en homme incapable de se résoudre à faire souffrir les femmes qu’il aime. Un peu victime du sort aussi : lorsqu’il semble décidé à dire la vérité, un événement vient la rendre impossible à avouer. Mais avant tout, c’est la bonté qui se dégage de ce film au sujet si rare. Jusque dans les dernières minutes, très belles.

Terreur à Silver City / La Ville d’argent (Silver City) – de Byron Haskin – 1951

Posté : 21 décembre, 2021 @ 8:00 dans 1950-1959, DE CARLO Yvonne, HASKIN Byron, WESTERNS | Pas de commentaires »

Terreur à Silver City

C’est bien la première fois que Byron Haskin me procure autre chose qu’un aimable ennui. Ce western porté par Edmond O’Brien (comme Les Rivaux du rail l’année suivante) séduit même dès ses toutes premières images, d’abord par l’originalité de ses cadres, puis par la vivacité de ses scènes de poursuite. Deux qualités que Haskin ne cessera de renouveler jusqu’à la fin du film.

Edmond O’Brien, justement, se révèle contre toute attente un excellent choix pour ce personnage sans cesse rattrapé par un méfait commis par amour. Oh ! Pas un meurtre, non : la seule hypothèse que notre héros aurait pu tuer un homme lui tire un sourire amusé. C’est que la violence, si vive soit-elle, est (en tout cas jusqu’à la dernière partie du film) bon enfant. Joyeuse, presque.

La plupart du temps, c’est à coup de poings, de barres de bois, ou de cailloux qu’on règle ses comptes. Malgré une poignée de scènes franchement rigolardes (lorsque notre héros récupère ses hommes ivres dans le saloon et les entasse dans un chariot), l’action ne porte pourtant pas à rire. Dès la première séquence, qui se conclue par une très spectaculaire course-poursuite à cheval puis sur un train en marche, une belle intensité se dégage de ce western.

O’Brien, donc, est un bon choix parce qu’il a à la fois la tête bonhomme d’un gars bien, et la carrure volontaire d’un homme que rien n’arrête. Le contrepoint parfait à Yvonne de Carlo, dont les yeux verts et les tenues vives sont superbement mis en valeur par les belles couleurs du film. Femme de tête dont chaque apparition donne littéralement un coup de fouet au récit.

Elle est la fille d’un mineur ayant découvert un très riche filon, et qu’Edmond O’Brien accepte à contre-cœur d’aider. Bien sûr, ce filon va éveiller bien des convoitises, notamment celle d’un riche propriétaire assez loin des poncifs du genre, campé avec sa malice habituelle par le très Irish Barry Fitzgerald.

Tout n’est pas parfait dans ce film : la petite frappe est assez caricaturale, le personnage de l’ancien ami paraît bien brouillon. Mais les qualités l’emportent largement : la beauté des scènes de nuit, l’originalité du ton, la vivacité de l’action, ou la course-poursuite finale, superbe et impressionnante, qui passe par l’intérieur d’une scierie, Edmond O’Brien flirtant dangereusement avec les machines en marche. Et puis un film où les deux personnages féminins (l’autre étant jouée par Laura Elliott) tiennent tête aux hommes en gueulant plus fort qu’eux ne peut pas être foncièrement mauvais.

Scène de la rue (Street Scene) – de King Vidor – 1931

Posté : 24 février, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, SIDNEY Sylvia, VIDOR King | Pas de commentaires »

Scène de la rue

Un quartier populaire de New York, un été caniculaire… La caméra de King Vidor ne quitte jamais le perron d’un immeuble modeste, où les locataires se croisent, papotent, cancanent, ou se déchirent, dans cette adaptation d’une pièce à succès d’Elmer Price, Prix Pulitzer en 1929.

Street Scene n’échappe d’ailleurs pas à l’aspect théâtral de l’entreprise, avec sa stricte unité de lieu et de temps : trois scènes clairement définies, entrecoupées par des ellipses fortes en tension dramatique ; l’une laissant en suspens le destin d’une femme sur le point d’accoucher ; l’autre celui d’une autre femme gravement blessée.

King Vidor, grand cinéaste du mouvement et de la foule, relève un vrai défi avec ce dispositif théâtral qui se concentre sur un décor de quelques mètres carrés seulement, avec beaucoup d’enjeux hors champs. Il s’en tire avec les honneurs, même si on le sent contraint par ce parti-pris.

Mais il donne de la vie à cette petite communauté, bien servi par de beaux acteurs : Sylvia Sidney en jeune femme femme tragique et forte, Beulah Bondi en commère affreuse, John Qualen en brave concierge… Surtout, c’est dans les détails qu’on retrouve le talent du cinéaste : dans cette série de plans inauguraux qui rendent palpables la chaleur accablante, ou dans celle du premier « entracte » qui suggère la nuit qui passe, préfigurant les images de voisins dans Fenêtre sur cour, bien plus tard.

Mais c’est dans les deux scènes de foule que le réalisateur du bien nommé La Foule rappelle vraiment le grand cinéaste qu’il est : deux séquences où le drame attire les curieux, libère les passions morbides… et dont Vidor fait le cadre idéal pour isoler ses héros, comme prisonniers d’un environnement étouffant et mesquin.

Pas le chef d’œuvre de Vidor, non, mais un film intense et sensible, et ancré dans une réalisé sans concession, et sans illusion.

La Montagne des neuf Spencer (Spencer’s mountain) – de Delmer Daves – 1963

Posté : 8 février, 2021 @ 8:00 dans 1960-1969, DAVES Delmer, O'HARA Maureen | Pas de commentaires »

La Montagne des Neuf Spencer

La fin de carrière de Delmer Daves n’est pas la plus réputée de ses périodes, souvent oubliée au profit de ses glorieuses années 50, marquées par une belle série de grands westerns. On y trouve pourtant quelques perles, comme cette Montagne des neuf Spencer.

On est d’abord frappé par les superbes décors naturels, vastes plaines entourées de montagnes spectaculaires qui dominent chaque plan, comme des ombres protectrices, mais aussi comme une barrière que beaucoup de franchiront jamais. C’est là que vivent les Spencer depuis plusieurs générations, dans une communauté de travailleurs qui mènent une vie simple et harmonieuse.

La génération actuelle, c’est huit enfants autour des parents, Maureen O’Hara et Henry Fonda. Huit enfants dont l’aîné (James McArthur) a une chance de devenir le premier Spencer à quitter la vallée pour aller à l’université. C’est toute l’histoire de ce film qui frappe aussi, et surtout, par l’extrême bonté qui s’en dégage.

C’est le quotidien, l’entraide, l’amour, l’affection que filme Delmer Daves. Sans jamais tomber dans une quelconque mièvrerie, ou dans des drames trop faciles, il filme l’empathie, la bonté, sans animosité, sans méchant. Uniquement des personnes attachants, profondément humains et sympathiques jusque dans leurs défauts (si ce n’est une petite garce, plus paumée que vraiment machiavélique).

Maureen O’Hara et Henry Fonda forment un couple superbe, heureux de ce qu’il a. Dans cette communauté très religieuse, Fonda le jouisseur pourrait être une brebis galeuse. C’est juste un homme qui a trouvé son paradis sur terre, et qui vit son bonheur avec une générosité de chaque instant. Me voilà ému aux larmes devant tant de simplicité et de bonté. Daves a simplement signé un beau film.

Le Ciel peut attendre (Heaven can wait) – d’Ernst Lubitsch – 1943

Posté : 27 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, FANTASTIQUE/SF, LUBITSCH Ernst, TIERNEY Gene | 2 commentaires »

Le Ciel peut attendre

Un homme arrive aux portes de l’enfer, où il est sûr d’être admis après une vie qu’il estime avoir été pleine d’écarts. Il raconte quelques grandes étapes de cette vie au Diable, qui écoute avec un regard plein d’une tendresse amusée ce qui, au bout du compte, ressemble quand même beaucoup à une grande et belle histoire d’amour.

De cette introduction rigolarde et ironique, qui sert aussi de fil rouge au récit, Lubitsch retient moins la dimension fantastique qu’une occasion d’égratigner, comme il l’a souvent fait, le moralisme et le puritanisme tellement installés dans l’Amérique qui l’a adopté et dont il est devenu l’un des cinéastes les plus importants.

Il s’en sert aussi pour raconter cette histoire d’amour avec des ellipses audacieuses, qui lui donnent une dimension rarement vu : une histoire à l’échelle d’une vie. Il y a des drames, des grands événements, qui rythment cette vie, mais on n’en voit le plus souvent rien, ou si peu. En retrouvant les personnages systématiquement plusieurs années après, c’est l’effet du temps passé que l’on découvre.

Entre Gene Tierney et Don Ameche, Lubitsch saisit l’infinie tendresse, sous le regard bienveillant et roublard de Charles Coburn. Il n’est pas parfait, Don Ameche, tellement attaché à son idée de l’anticonformisme. Mais elle est si belle, Gene Tierney, avec ce regard si plein de liberté. D’ailleurs, a-t-elle été filmée aussi bien (en couleurs, en tout cas) ? On comprend que ce nigaud de Don Ameche soit prêt à se damner pour elle, et on comprend que ce bon bougre de Diable (Laird Cregar) soit si compréhensif…

Lubitsch a fait des films plus élégants, d’autres plus drôles, certains même plus inventifs. Mais il y a dans ce Heaven can wait une simplicité, une tendresse et une pureté qui vous emportent, toujours et encore.

La Route au Tabac (Tobacco Road) – de John Ford – 1941

Posté : 22 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

La Route au tabac

Sur le papier, Tobacco Road est une sorte de film jumeau des Raisins de la colère, un an après le succès de ce dernier. C’est l’histoire d’une famille miséreuse qui se débat pour garder sa terre sur « Tobacco Road », ancienne route fertile à la grande époque du Sud producteur de coton, où survivent dans des taudis ou dans les ruines des grandes propriétés les descendants de vieilles familles jadis prospères.

Mais le film est adapté d’une pièce de théâtre, elle-même tirée d’un roman. L’origine théâtrale se fait étrangement sentir dans les premières scènes, avec un jeu outré et des dialogues qui semblent ne pas tenir compte des grands espaces qu’offre le cinéma. « Faisons comme si on ne l’avait pas vu, soyons naturels », crient les personnages à portée de voix du nouveau venu…

Surtout, il y a un humour décalé qui vient probablement de la pièce, en tout cas en partie, et qui donne au film un ton étrange, déroutant. Ford filme ça avec une certaine légèreté, voire avec une franche dérision. Pourtant, la misère qu’il décrit est par certains aspects plus terrible encore que dans son adaptation de Steinbeck, qui au moins révélait une superbe humanité collective.

Il n’en est rien ici. Derrière la farce, Ford met en scène de vrais dégénérés qui passent leur vie à hurler, mentir, se voler, se tromper, s’humilier. Quelle famille ! Le père et la mère se cachent pour ne pas partager leur nourriture avec les enfants. La fille, jouée par Gene Tierney, est une sorte de nympho attardée. Le fils, lui, est un gamin demeuré et odieux, que veut épouser une veuve bigote, et qui hurle des horreurs au nez de ses parents… On est loin de la famille Joad !

S’il faut résumer, Tobacco Road est plutôt un ratage pour Ford, miné par quelques moments gênants : Gene Tierney et Ward Bond rampant dans la poussière l’un vers l’autre, dans une sorte de danse de pré-accouplement motivée par des navets… Un moment qu’on découvre avec des yeux ronds d’étonnement, disons.

Mais il faut aussi rendre au film une certaine justice. Il y a dans Tobacco Road quelques très belles scènes. Les larmes dans les yeux de Charley Grapewin (déjà Grandpa Joad dans Les Raisins…, et formidable dans un rôle typique du cinéma de Ford), le face-à-face silencieux avec sa femme (jouée par Elizabeth Patterson), le regard bienveillant de « l’ange gardien » (court rôle pour Dana Andrews)…

Esthétiquement, c’est même une réussite éclatante. Les images sont superbes, Ford filmant ces taudis comme les symboles d’un paradis perdu. La scène où le couple Lester quitte la maison et se dirige, le pas lourd, vers l’hospice, longeant en ombres chinoises des clôtures tellement fordiennes, est une image belle et déchirante.

Révolte à Dublin (The Plough and the Stars) – de John Ford – 1936

Posté : 15 janvier, 2021 @ 8:00 dans 1930-1939, FORD John, STANWYCK Barbara | Pas de commentaires »

Révolte à Dublin

Le Mouchard avait été un triomphe. C’est tout logiquement que la RKO a confié à Ford la réalisation de cette adaptation d’une pièce triomphale de Sean O’Casey, auteur que le cinéaste admirait (il lui avait proposé, en vain, d’écrire le scénario du Mouchard). Le contexte est le même, la lutte pour l’indépendance de l’Irlande, et on retrouve la même opposition entre la volonté jusqu’au-boutiste et la fragilité de l’individu.

Après la lâcheté inconsciente de Gypo dans le film précédent, Ford s’intéresse au regard des femmes. « Les hommes sont faits pour se battre, les femmes pour pleurer », lance Barbara Stanwyck, qui passe effectivement tout le film la larme à l’œil, filmée en gros plan. On lui doit sans doute le plan le plus fort du film, lorsque les premiers coups de feu retentissent et qu’on n’en voit que sa réaction à elle, dans une chambre un peu triste fermée sur l’extérieur.

The Plough and the Stars évoque les premières heures de la lutte : en 1916, lorsqu’une poignée d’hommes a occupé le bureau de Poste de Dublin dans une bataille sanglante et vouée à l’échec. Mais un échec fondateur, moment historique dont Ford tire un film étrange et inégal.

Pour la dimension historique, on retiendra surtout un drapeau arraché qui flotte dans le ciel avant de redescendre. Et, moins symbolique mais plus dynamique, une superbe poursuite sur les toits de Dublin. Pour le reste, la reconstitution de cette prise de la Poste manque étonnamment de souffle, expédiée en quelques plans fonctionnels.

On retrouve davantage la patte de Ford dans quelques scènes nocturnes, dans sa peinture des mères sacrificielles filmées comme des piétas, et surtout dans l’humour qu’il instille dans ses scènes de bar, d’où émerge la révélation du film : Barry Fitzgerald, l’un des rares comédiens de la pièce de théâtre à retrouver son rôle à l’écran. Ford le réutilisera à plusieurs reprises, toujours dans des rôles semblables de joyeux pochards à l’accent irlandais énorme, jusqu’à L’Homme tranquille.

Passionnant mais inégal ce film, dont on imagine bien ce qu’il a pu représenter d’important pour Ford, pourtant moins intéressé par l’héroïsme des Irlandais que par leurs aspects les moins glorieux : le romantisme exclusif de Barbara Stanwyck, bien sûr, mais aussi cette étonnante séquence centrale, où les Dublinois profitent du chaos pour piller les magasins. Étonnant.

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