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Archive pour la catégorie 'par actrices'

Le Contrôleur des wagons lits – de Richard Eichberg – 1935

Posté : 11 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, EICHBERG Richard | Pas de commentaires »

Le Contrôleur des wagons lits

Avec un tel titre, on pouvait s’attendre à une comédie jouant avec l’exiguïté et l’atmosphère si particulière des trains de nuit. Et il se trouve que j’aime les films de trains. Qui plus est, le personnage principal est une jeune femme interprétée par Danielle Darrieux. Et il se trouve aussi que j’adore Danielle Darrieux, et que l’idée de la voir s’amouracher dans un wagon lit me semblait plein de promesses…

Or, les scènes dans ce fameux trains de nuit sont rares, et relativement courtes : une première séquence qui permet simplement de présenter l’autre personnage principal, le fameux contrôleur que joue Albert Préjean, puis une autre au milieu du film qui permet de réunir les différents protagonistes dans un grand jeu du chat et de la souris qui ne tient pas ses promesses. Et c’est tout.

C’est donc en restant sur notre faim qu’on termine Le Contrôleur des wagons lits, version française d’un film allemand tourné (par le même cinéaste teuton) avec une autre distribution. Le film n’est pas déplaisant, et on prend même un certain plaisir à suivre cette succession de quiproquos autour d’un directeur de firme automobile (Lucien Baroux) et d’un contrôleur-inventeur qui veut lui vendre un nouveau carburateur.

Rien de bien original quand même. Une séquence, quand même, séduit particulièrement : celle du club tyrolien, plein de vie et de rythme. Pour le reste, c’est une comédie de situation sans grande originalité qui vaut surtout pour la présence de Darrieux.

Victoria – de Justine Triet – 2016

Posté : 4 septembre, 2023 @ 8:00 dans 2010-2019, EFIRA Virginie, TRIET Justine | Pas de commentaires »

Victoria

En attendant de découvrir la Palme d’Or 2023, il est bon de se replonger dans les premiers films de Justine Triet, cinéaste qui, dès ce deuxième long métrage, dévoile à la fois un univers très personnel, et une maîtrise assez impressionnante.

L’histoire de cette jeune avocate dont toute la vie semble être une fuite en avant absolument pas maîtrisée ressemble sur le papier à beaucoup d’autres films français récents. Mais le résultat est un film qui ne ressemble à aucun autre, par sa manière de toucher la vérité en flirtant avec la comédie, par la distance que la cinéaste place avec les emmerdes de son héroïne, par son utilisation formidable de chansons rares et fascinantes, ou encore par ce qu’elle révèle de son actrice principale.

Virginie Efira, dont les habitués de ce blog savent à quel point je la considère comme très grande, et qui prend ici une toute nouvelle dimension. Plutôt habituée aux comédies romantiques, la voilà qui s’empare d’un grand rôle complexe où son sens de la nuance éclate littéralement. Touchante et drôle dans la même scène, dans le même instant, elle est formidable en femme libre mais totalement enfermée dans une course dont elle a perdu toute maîtrise.

Dès les premières minutes, Justine Triet crée une ambiance atypique, faisant se côtoyer le grotesque, l’ironie et le tragique. Dans ce mariage qui ouvre le film, et qui semble si parfait au premier coup d’œil, avec ces invités bien habillés et ces belles tablées dans l’orangerie, Justine Triet multiplie les détails qui tranchent avec la perfection affichée : ce voisin de table assommant, la présence d’un singe, la témoin à la robe gênante… Et cet incident qu’elle met en scène (sans le filmer) sans le moindre effet dramatique.

Mine de rien, Justine Triet joue avec les clichés, renverse les situations attendues, confronte des réalités inconciliables. Victoria répète ad nauseum à tous ceux à qui elle se livre que le sexe ne l’intéresse plus, mais multiplie les plans culs (foireux et irrésistibles). Ses amis ont tous quelque chose de dérangeant (dont Melvil Poupaud, certes marqué a posteriori par sa prestation en mari violent dans le récent L’Amour et les forêts)… Finalement, c’est d’un ex-dealer, joué par le parfait Vincent Lacoste, que viennent les vrais moments de calme et de liberté.

Et c’est beau de voir les visages de ces personnages qui ne cherchent qu’à afficher l’image de l’épanouissement, et d’où les fêlures et défauts ne surgissent que par petits éclats. Ces éclats de vérité qui font la beauté de ce film, et du cinéma de Justine Triet. Vivement la Palme d’Or…

Dédé – de René Guissart – 1934

Posté : 3 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, GUISSART René | Pas de commentaires »

Dédé

Une envie de légèreté, une envie de musique et de danse… Et me voilà devant ce Dédé, adaptation effectivement pleine de légèreté, de musique et de danse d’une opérette qui elle-même devait être… etc. Bref, pas de quoi se fouler un neurone. Pas de quoi crier au génie non plus, d’ailleurs : le spectacle est tout juste joyeux, porté par des acteurs qui semblent prendre beaucoup de plaisir. Au moins autant que nous…

Il y a Danielle Darrieux, toute jeune et fraîche, dans un rôle charmant et assez creux. Il y a surtout Albert Préjean, tout aussi creux mais beaucoup plus bondissant, qui roule les r quand il chante et surjoue la joie de vivre. Un peu comme un Maurice Chevalier, qu’on imagine parfaitement dans ce rôle. Ce qui n’est étonnant : sur scène, dix ans plus tôt, c’est Chevalier qui jouait le rôle, et c’est même là qu’il a chanté le fameux « Dans la vie faut pas s’en faire », tube que reprend Préjean.

L’histoire se passe en grande partie dans une boutique de chaussures, mais on est loin, très loin de The Shop around the corner. A l’élégance romantique de Lubitsch, le réalisateur René Guissart (que je découvre) préfère une surenchère de jovialité, tournant chaque situation à la farce. Il y est question de tromperies, de dettes, d’amours déçus et de machisme éhonté. Tout ça accuse son âge, particulièrement lorsque le très digne notaire joué par Louis Baron fils se met à parler comme un jeune (de l’époque), mais ça se laisse voir avec un plaisir modeste mais bien réel.

Pour résumer et faire simple, cette opérette filmée est sympathique. A l’image du gentil cocu interprété par René Bergeron, qui ne cesse de se faire balader, mais que Guissart filme avec empathie, faisant même de lui le personnage le plus attachant de cette entreprise très anodine. Juste ce dont j’avais envie…

L’Amour et les forêts – de Valérie Donzelli – 2023

Posté : 12 juillet, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, DONZELLI Valérie, EFIRA Virginie | Pas de commentaires »

L'Amour et les forêts

C’est devenu presque une évidence sur ce blog : Virginie Efira est une actrice d’une justesse et d’une intensité incomparables. La Vivien Leigh du XXIe siècle, ai-je déjà avancé, et je confirme une nouvelle fois après avoir vu, et ressenti profondément, ce film sur une relation toxique, un couple qui semble heureux mais qui se révèle être une véritable prison pour l’épouse littéralement enfermée et terrorisée par un mari possessif jusqu’à la maladie.

Elle est une nouvelle exceptionnelle, donc. Mais il faut aussi souligner la prestation glaçante de Melvil Poupaud, qui réussit à glisser une troublante humanité, et même une authentique fragilité dans son incarnation d’un homme odieux, tyrannique et dangereux, capable on le sent d’allonger à tous moments la sinistre liste des femmes mortes sous les coups de leurs conjoints.

C’est tout le sujet de ce film fort, belle adaptation du roman d’Eric Reinhardt qui rend palpable ces tragédies quotidiennes et révoltantes. Pourtant, la violence physique reste le plus longtemps absente. Mais c’est une autre forme de violence que filme Valérie Donzelli : l’emprise de plus en plus étouffante de cet homme sur sa femme, qui transforme peu à peu une belle histoire d’amour en un calvaire que tout le monde voit venir. Tout le monde, sauf la principale intéressée.

Là, il fallait le talent d’une Virginie Efira pour maintenir ce fragile équilibre entre la femme intelligente et déterminée, et cette épouse qui réalise trop tard que son prince charmant l’enferme dans une maison qui ressemble bien plus à un cachot qu’à un palais. C’est révoltant, glaçant, et très dur par moments. Et c’est filmé avec un mélange de crudité et de fantaisie par une Valérie Donzelli qui raconte son film au plus près de son héroïne.

La fantaisie de la réalisatrice prend les formes d’une séance chantée et désenchantée, scène faussement légère qui, à la manière de Jacques Demy, marque une rupture radicale dans la vie de la jeune femme. Ou d’une étonnante balade dans la forêt avec un amant d’un jour interprété par un Bertrand Belin hors du temps, comme une bouffée d’air désespérée avant la noyade. Dans le fond et dans la forme, L’Amour et les forêts est un film puissant.

Les Ecumeurs (The Spoilers) – de Ray Enright – 1942

Posté : 22 avril, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, DIETRICH Marlene, ENRIGHT Ray, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Ecumeurs

Marlene Dietrich, John Wayne, Randolph Scott (sans oublier le vétéran Harry Carey)… Quelle affiche, quand même, que celle des Ecumeurs. La même d’ailleurs que celle de Pittsburgh, qui sera tourné quelques mois plus tard par Lewis Seiler. Mais cette affiche spectaculaire est quand même à nuancer…

D’abord, Marlene semble la quasi-caricature d’elle-même, jouant une énième fois la reine du saloon, et l’objet de toutes les convoitises. Ensuite, Wayne est encore un peu jeunot, manquant de cette présence inouïe qu’il aura dans tous ses films, y compris les moins bons, quelques années plus tard. Enfin, Scott n’est pas encore la grande figure westernienne qu’il deviendra dans sa maturité. Il reste l’acteur de comédie de ses débuts, le sourire constamment aux lèvres quelle que soit la situation.

Ce sourire pose rapidement problème, parce qu’il ne colle pas à son personnage pour le moins trouble, ni même à une histoire qui aurait mérité plus de noirceur, plus de gravité. Le sujet est sombre : la spoliation des terres dont on été victimes des prospecteurs en Alaska vers 1900, sous le couvert d’une pseudo-loi face à laquelle les individus se heurtaient à un dénis de leurs droits. L’histoire est passionnante, et édifiante, le rythme est impeccable… mais pourquoi diriger les acteurs avec tant de légèreté, quand le sujet est si sombre ?

Cette approche, presque de comédie, fait passer Enright à côté d’un film qui s’annonçait pourtant spectaculaire. Il est impressionnant, ce premier plan, montrant un train traversant la ville boueuse et bondée de monde de prospecteurs. Comme sont impressionnants toutes les scènes d’ensemble, cette manière de filmer la vie dans ce coin du monde, avec des moyens qui semblent importants : des décors magnifiques, des dizaines de figurants, de la boue partout, de la vie, du mouvement…

Impressionnante aussi, la grande scène de bagarre, d’une grande brutalité, et mettant en scène dans de nombreux plans très percutants les acteurs eux-mêmes, qui donnent beaucoup de leur personne. Alors oui, on prend un certain plaisir à voir ces trois grands noms se livrer à un dangereux triangle amoureux, mais avec le sentiment constant de passer à côté de quelque chose autrement plus grand.

Un peu comme cette scène courte et étonnante où le personnage de Marlene Dietrich croise dans son saloon un homme qui lui explique être en train d’écrire une histoire, qui sera celle de The Shooting of Dan McGrew, un fameux poème narratif évoquant la vie des pionniers en Alaska (et dont Tex Avery tirera son Shooting of Dan McGoo), étrange clin d’œil furtif et sans conséquence, qui ouvre des perspectives sans rien en faire.

LIVRE : Henri ou Henry – de Didier Decoin – 2006

Posté : 1 avril, 2023 @ 8:00 dans DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, LIVRES | Pas de commentaires »

LIVRE Henri ou Henry

Une petite frustration : le peu de place que Didier Decoin accorde au cinéma de son père. Il est question de Danielle Darrieux bien sûr, avec qui Decoin père a formé l’un des plus beaux couples du cinéma français. Mais Si Didier parle de Danielle, c’est avant tout pour évoquer son père en tant qu’éternel amoureux.

Homme à femmes, Henri ? L’homme a enchaîné les conquêtes, mais son fils souligne surtout le fait que pour lui, chaque femme a été le grand amour d’une vie. Un amoureux total, qui envisageait chaque relation comme celle qui l’accompagnerait jusqu’à son dernier souffle.

Un homme entier, passionné, multiple… Decoin fils évoque le parcours de Decoin père (avant qu’il devienne père, et avant qu’il devienne cinéaste). Tanneur de fourrures quand il était minot, grand nageur sélectionné aux Jeux Olympiques de 1912, militaire durant la Grande Guerre, journaliste sportif… le livre de Didier Decoin évoque l’incroyable parcours d’un homme qui semble avoir eu mille vies avant de devenir celui que la postérité a retenu.

Parcours fascinant, livre passionnant, dans lequel l’actuel président de l’Académie Goncourt signe une déclaration d’amour enthousiasmant à ce père disparu depuis si longtemps, livrant l’image d’un homme bien, d’un passionné, d’un père aimant. Parmi les surprises, notons le film mort-né que Henri et Didier ont failli faire ensemble. Un épisode de leur vie commune que l’on découvre avec beaucoup d’émotions…

Retour à l’aube – d’Henri Decoin – 1938

Posté : 12 mars, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Retour à l'aube

Elle est simple, cette histoire : la jeune et jolie femme du chef d’une petite gare découvre la ville et ses tentations, au risque de se perdre. Simple, et semblable à tant d’autres films qui opposent l’innocence des jeunes filles de la campagne au cynisme des citadins.

Le fond du film n’est guère différent. Mais pour ce qui est de la forme… Decoin signe une petite merveille, à la fois légère et grave, anodine et d’une intensité folle. La jeune fille, c’est Danielle Darrieux forcément, la muse incontournable du réalisateur à cette époque (à moins que ce ne soit le contraire). Le couple représente alors une sorte d’idéal de cinéma, et Retour à l’aube est l’un de leurs chefs d’œuvre.

Elle est merveilleuse, Darrieux, dans le rôle de cette jeune innocente confrontée aux tentations, aux doutes, aux drames, en une seule soirée qui vaut une vie, tout ça à cause d’un train raté pour deux minutes. « Deux minutes m’ont perdue… On croit que ce n’est rien, deux minutes… » Le regard de Darrieux, ses lèvres en suspension, ses cris paniqués… Le genre de rôle qui suffit à faire la réputation d’une actrice. Elle en aura d’autres, des rôles marquants, mais celui-ci est magnifique.

Decoin, grand cinéaste et grand amoureux, ne la quitte pas un instant. Il la filme avec passion. Il filme aussi l’effet qu’elle fait sur les autres et c’est aussi beau : les regrets des employés d’un hôtel qui la regardent partie les menottes aux poignets, les réflexions pleines de désirs de riches peu reluisants, le trouble de policiers pas si inflexibles, celui d’un grand voleur et grand séducteur, et la vulnérabilité tardive d’un mari pas si froid…

Il est beau ce film, parce que Darrieux est grande, et parce que Decoin, cinéaste décidément précieux et trop peu reconnu, filme chaque situation, si anodine soit-elle, comme s’il s’agissait du sommet du film. C’est la marque de ses plus belles réussites. C’est de cette passion totale que naît les torrents d’émotion que suscite Retour à l’aube. Une merveille. Point.

Bonnes à tuer – d’Henri Decoin – 1954

Posté : 26 février, 2023 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

Bonnes à tuer

Henri Decoin, homme à femmes, aurait-il projeté ses propres fantasmes dans ce film ? Il y met en scène un homme qui réunit lors d’une soirée dans un bel appartement dominant la ville, toutes les femmes qui ont compté dans sa vie (dont Danielle Darrieux, ex-compagne du cinéaste). Une soirée à l’atmosphère étrange, un peu malsaine, où l’hôte se met en scène en démiurge s’amusant des réactions de sa cour…

Le personnage que joue Michel Auclair est aux antipodes du cinéaste, éternel amoureux. Lui est un jeune ambitieux et arrogant dont on sait dès le début qu’il a prévu de tuer l’une des femmes, et que l’issue du film sera effectivement fatale. Mais quelle est sa cible ? Laquelle de ses quatre conquêtes, qu’il invite ensemble malgré tout ce qui les oppose, pour ce qu’il dit être la pendaison de crémaillère du luxueux appartement avec terrasse surplombant Paris, qu’il s’est offert comme le symbole de son ascension fulgurante.

L’essentiel du film se concentre dans cet appartement, et sur cette terrasse, sur cette soirée étrangement tendue. Mais ce qui fascine, c’est moins cette tension (avec sa conclusion attendue), ou le fait de faire d’un personnage antipathique le pivot du film (Auclair est très bien, d’ailleurs), que les personnalités si dissemblables des quatre femmes. Quatre femmes radicalement différentes, presque limitées à un type, au bord de la caricature : la douce (Danielle Darrieux, merveilleuse), l’hyper-sexuée (Corinne Calvet), la vamp mystérieuse (Miriam di San servolo), et la jeune ingénue délurée (Lyla Rocco).

La construction du film est étonnante. Essentiellement linéaire, il est parsemé de plusieurs flash-backs, adoptant chacun le point de vue de l’une des femmes. L’un d’eux est remarquable, et rompt avec l’habituel classicisme tout en élégance et en efficacité qui domine par ailleurs : celui où la jeune ingénue raconte une soirée telle que son esprit embrumé d’alcool l’a vécu. Là, Decoin dévoile une autre facette de son talent, passionnante, qui aurait mérité d’être développée.

La Tour des ambitieux (Executive Suite) – de Robert Wise – 1954

Posté : 6 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, STANWYCK Barbara, WISE Robert | Pas de commentaires »

La Tour des ambitieux

Robert Wise est un cinéaste souvent ambitieux, et toujours appliqué. Le voilà qui nous plonge dans les coulisses d’un grand groupe industriel, côté grands pontes. Les rouages d’une grande entreprise capitaliste, les petits accords et combines, les ambitions dévorantes, la recherche du profit au prix de son âme parfois… Il y a dans La Tour des ambitieux quelque chose qui annonce le fameux Margin Call de JC Chandor. Comparer ces deux films n’est pas anodin.

Cela met en évidence à la fois l’exceptionnelle réussite du film de Chandor, et l’évolution du regard hollywoodien (en tout cas dans ce qu’Hollywood fait de mieux). En 1954, le cynisme est déjà mis en scène frontalement, et le monde de l’entreprise est déjà une jungle très cruelle, dont tout le monde ne sort pas indemne. Mais le film de Wise, malgré sa complexité, simplifie tout de même assez radicalement le propos en le résumant à une seule opposition : la seule recherche du profit, contre l’amour du travail bien fait.

C’est un peu court tout de même pour être totalement convainquant, mais c’est autour de cette opposition que tourne toute l’intrigue, l’histoire d’une difficile succession après la mort subite du président d’une grande entreprise, qui n’avait pas officiellement désigné son dauphin. D’un côté, le clan du mal (l’ultra capitalisme) incarné par l’homme aux diagrammes, Fredric March, dont le personnage n’a aucune vie privée connue. De l’autre, le clan du bien (un créateur), un homme de terrain proche des ouvriers et disponible pour sa famille joué par William Holden.

Entre les deux, une demi-douzaine de personnages qui hésitent, confrontés à leurs propres questionnements, hésitant entre soumission et probité. Et quel casting ! Barbara Stanwyck, Louis Calhern, Walter Pidgeon, Paul Douglas, Dean Jagger, mais aussi June Allyson, Nina Foch et Shelley Winters dans des rôles d’amoureuses qui n’existent que pour leurs hommes… Vraiment, on a fait démonstration plus légère.

Mais Wise est un cinéaste appliqué, donc, et parfois même très inspiré. L’utilisation de la caméra subjective dans la première partie, qui adopte le point de vue du PDG jusqu’à sa mort, est au moins originale à défaut d’être réellement convaincante (jamais été très fan de la vision subjective). L’absence de musique, y compris dans le générique, est plus originale encore, et nettement plus percutante, comme ces cloches qui sonnent régulièrement et assourdissent l’action.

Et puis, malgré toutes ses limites et facilités, le scénario est d’une efficacité imparable, lent crescendo menant à la réunion finale qui cristallise en un unique débat les deux points de vue du film, jusqu’au plaidoyer d’un William Holden qui endosse subitement les frusques d’un personnage à la Capra. C’est le tout premier scénario signé Ernest Lehman, dont la filmographie comptera quelques monuments du cinéma comme Sabrina, La Mort aux trousses ou Le Grand Chantage sur un thème pas si éloigné.

L’Affaire des poisons – de Henri Decoin – 1955

Posté : 3 février, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri | Pas de commentaires »

L'Affaire des poisons

Decoin s’empare de la fameuse affaire des poisons qui a bousculé la cour de Louis XIV. Des faits réels reconstitués à partir d’archives retrouvées tardivement, affirme un carton avant le générique de début, à la manière des dossiers secrets du FBI qui étaient alors en vogue à Hollywood.

Le film est en tout cas l’occasion de constater que la reconstitution d’époque n’est sans doute pas le domaine dans lequel Decoin est le plus à l’aise. Le film n’est pas inintéressant, loin de là. Il y a même quelques images très fortes, particulièrement liées au travail de la police : un bonnet de bébé que l’on déterre d’une sépulture improvisée, une planque face à la boutique de suspects… Il y a là une manière étonnamment moderne de présenter la routine de l’enquêteur, interprété par Pierre Mondy.

Le contraste entre ses méthodes d’investigation et l’usage de la torture est particulièrement saisissante, comme le sont les deux séquences d’exécution qui ouvrent et referment le film, se répondant avec une grande cruauté et avec une ironie mordante, dans sa manière de présenter le bon peuple de Paris.

Mais cette reconstitution a ses limites, parce qu’elle souffre de décors trop théâtraux, de couleurs trop vives, et de l’impression globale d’être dans un sorte de vision schématisée de ce Paris de Louis XIV. Cela dit, cette limite ressemble de plus en plus à un parti-pris, avec une certaine radicalité pas totalement convaincante, mais intrigante.

Le film vaut pour son atmosphère, pour la mesquinerie de ses personnages, envieux et haineux, pour leur rapport au bien, au mal et à la religion. Paul Meurisse en prêtre adorateur du diable, Viviane Romance en diseuse de bonne aventure, et surtout Danielle Darrieux, pour la dernière fois devant la caméra de son ancien pygmalion, formidable dans la peau de la Montespan, cette ancienne favorite supplantée dans le cœur du roi par une jeune femme beaucoup plus jeune qu’elle.

Mine de rien, avec ce personnage, Decoin fait de son film une étude cruelle et cynique sur la place de la femme dans cette société, sur ce temps qui passe, impitoyable. Bancal, mais plutôt séduisant, au final.

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