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Archive pour la catégorie 'VANEL Charles'

Carrefour – de Kurt Bernhardt – 1938

Posté : 27 avril, 2017 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, BERNHARDT Curtis, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Carrefour

Bernhardt entre directement dans le vif du sujet avec ce film formidable qui plante d’emblée le décor : nous sommes quelques années après la Grande Guerre, et le personnage principal est un riche industriel, vétéran des tranchés où il a été sérieusement blessé. Mais est-il vraiment celui qu’il prétend être ? Mieux : est-il vraiment celui qu’il croit être ?

Car le monsieur, interprété par un Charles Vanel absolument génial, est sorti amnésique de ses années de guerre. Et ce qu’il sait de son propre passé, il le sait parce qu’on lui a raconté. Quand le film commence, on le découvre en proie à un maître chanteur persuadé qu’il est en fait un ancien gangster…

Suit ce qu’on est plus habitué à trouver à la fin des films : une longue et passionnante séquence de procès, où tous les personnages du drame sont introduits les uns après les autres, modèle assez génial de construction cinématographique. Et ce n’est que le début d’un drame particulièrement prenant qui trouve son équilibre parfait entre film noir et portrait intime d’un homme qui doute de sa propre identité.

Vanel est formidable, donc, aussi bien dans ses scènes dialoguées que dans ce regard à travers lequel il fait passer des émotions et des tourments abyssaux. Et puis il y a ces acteurs de complément qui faisaient toute la richesse du cinéma français de l’entre-guerre, à commencer par Jules Berry, inoubliable en salaud gesticulant, et Suzy Prim, touchante en femme de la nuit pleurant son ancien amant.

Mais la plus belle scène, c’est peut-être ce face-à-face tout en non dit entre Charles Vanel et celle dont il se demande si elle est sa mère (jouée par Marcelle Géniat). Un moment magique, de pure émotion, magnifiée par les acteurs et par une mise en scène au cordeau. Et c’est déchirant.

Au nom de la loi – de Maurice Tourneur – 1931

Posté : 9 novembre, 2016 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, TOURNEUR Maurice, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Au nom de la loi

Revenu en France depuis l’avènement du parlant, Tourneur père s’est plutôt bien acclimaté aux méthodes de son pays natal. Comme Justin de Marseille, autre grande réussite de cette époque, Au nom de la loi, adaptation d’un roman policier, est un film dont l’audace et la splendeur visuelle rappellent les grandes heures de son œuvre muette.

Tourneur y filme des images sidérantes des bas-fonds de Paris et de lieux « interlopes » comme on disait alors, où la pègre se livre à ses basses besognes. Des lieux plein de dangers où on sent que la violence peut surgir de n’importe où. Une vision réaliste, mais pleine de belles idées de cinéma : ces chaussures qui bougent derrière un rideau, font froid dans le dos avant de révéler qu’elles sont en fait mues par… des chatons.

Il y a là une vision étonnante aussi des relations entre policiers et truands, d’une dureté qui frappe les esprits (les scènes de fusillades et d’empoignades sont d’une brutalité étonnante pour l’époque). Mais après un interrogatoire musclé et tendu, le flic Charles Vanel offre au suspect qu’il a durement cuisiné un verre de vin… Il y a une sorte de respect entre les uns et les autres, tous fréquentant les mêmes lieux, connaissant les mêmes personnes, et naviguant dans les mêmes eaux.

On ne trouvera d’ailleurs pas grand monde pour accuser ce jeune policier qui flirte avec la principale suspecte, quitte à oublier son devoir… Passionnant « polar », Au nom de la loi est aussi une formidable galerie de portraits souvent troubles. Un chef d’œuvre à redécouvrir.

Les Croix de bois – de Raymond Bernard – 1932

Posté : 5 avril, 2014 @ 3:42 dans 1930-1939, BERNARD Raymond, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Les Croix de bois

Cette adaptation d’un roman de Roland Dorgelès est d’un réalisme saisissant. En suivant au plus près le quotidien d’un jeune étudiant engagé volontaire, qui se retrouve soudainement au cœur des combats, sans y être vraiment préparé, Raymond Bernard nous plonge au cœur du chaos. Des explosions et détonations au loin, des batailles dont on n’a qu’une vision tronquée et souvent incompréhensible, des enjeux grotesques, des morts par dizaines pour avancer de quelques mètres et reprendre un village dont il ne reste que des ruines, ou un cimetière aux trous béants qui semble n’attendre que ces soldats perdus…

La Grande Guerre est encore fraîche dans les esprits, et plusieurs comédiens ont réellement connu l’enfer des tranchées : Pierre Blanchar lui-même, mais aussi Charles Vanel et Antonin Artaud, que l’on avait déjà vu dans Verdun, vision d’histoire. Raymond Bernard a d’ailleurs choisi de tourner dans des décors réels, recreusant des tranchées dont il restait encore des traces profondément marquées.

Le film est une chronique de la guerre, et ne raconte pas à proprement parler une histoire. Mais le cinéaste utilise pleinement le langage cinématographique. Le son encore jeune pour commencer, qui tient une place prépondérante (les explosions omniprésentes, le cri de ce soldat blessé abandonné dans le no man’s land, les coups de pioches des Allemands qui creusent une galerie sous la tranchée…). Mais aussi le montage et les gros plans qui soulignent constamment la peur, et même les surimpressions, utilisées pour invoquer la mort, elle aussi omniprésente.

Raymond Bernard excelle à faire ressentir cette peur, et la proximité de la mort. Même dans les quelques moments d’accalmie, où la vie semble reprendre ses droits.

Grand cinéaste, Bernard est peut-être moins à l’aise ici lorsqu’il s’agit de diriger ses acteurs. Dans les scènes dialoguées, en tout cas, trop souvent faites de tirades romantiques à l’excès, que Pierre Blanchar surtout débite avec une emphase imbuvable. Mais dans ses silences, l’acteur, comme l’ensemble de la distribution, est formidable.

Les Misérables – de Raymond Bernard – 1933

Posté : 24 janvier, 2014 @ 1:37 dans 1930-1939, BERNARD Raymond, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Les Misérables 1

1ère partie : une tempête sous un crâne

Ce n’est ni la première, ni la dernière adaptation du roman de Victor Hugo : Capellani et Fescourt, notamment, sont passés avant lui. Mais Raymond Bernard signe sans doute le meilleur des nombreux Misérables. Un chef d’œuvre ambitieux qui restitue avec faste et inspiration l’atmosphère de ce monument, aussi bien que l’époque, la France de la première moitié du 19ème siècle, dont les décors de Jean Perrier nous livrent une vision aussi séduisante qu’effrayante.

Des décors exceptionnels qui sont formidablement bien utilisés, dès ces premières images qui mettant en scène le bagnard Jean Valjean soutenant à force de bras une statue qu’on devine trèèèèès lourde. L’aspect mythique et universelle de l’histoire pourrait desservir le film et amenuiser sa force. De fait, dans les premières minutes, on se surprend à attendre les différents épisodes de la vie de ce bagnard libéré après 19 ans : sa rencontre avec le bon évêque, le vol des couverts en argent, sa surprise devant la bonté absolue de sa victime, le naturel qui revient au galop face au petit ramoneur qu’il détrousse… et puis les remords.

Mais dans le rôle de Valjean, Harry Baur est immense, brute que la société a privée d’humanité, mais qui trouve une seconde chance, et une nouvelle vie.

Cette première partie est marquée par le destin tragique de Fantine, le personnage le plus désespérant de ce film d’une grande cruauté. La séquence de l’affrontement avec le bourgeois souligne, peut-être mieux qu’aucune autre, l’inhumanité de cette France aux traditions médiévales encore bien vivaces.

On y croise d’autres personnages qui seront au cœur des films suivants : Javert, les Thénardier, Cosette. Elle est surtout marquée, comme son titre l’indique, par la « tempête sous le crâne » de Valjean, devenu l’honorable monsieur Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer : doit-il se livrer pour sauver un innocent, ou aller chercher la petite Cosette qui, seule, pourrait sauver sa mère ? C’est ce dilemme impossible qui inspire les passages les plus forts, ces gros plans déchirants de Harry Baur, entrecoupés par le martyre de Fantine. Puis, ce petit travelling bouleversant qui souligne la décision prise par l’ancien forçat.

Les Misérables 2

2ème partie : Les Thénardiers

La deuxième partie commence là où la première se termine : redevenu Valjean, l’ex-maire de Montreuil est désormais en fuite, et arrive chez les Thénardier pour récupérer Cosette. Il y découvre avec horreur les conditions de vie de la fille tant désirée par la malheureuse Fantine…

Dès les premières images, on est une nouvelle fois frappé par le travail réalisé sur les décors, et par la manière dont ils sont utilisés pour créer une atmosphère. On est clairement dans l’univers de Hugo, mais on sent aussi l’influence de Dickens. A moins que ce ne soit le contraire : on jurerait que David Lean, en réalisant son diptyque dickensien (Les Grandes Espérances et Oliver Twist) a été influencé par l’imagerie créée par Raymond Bernard. Même Thénardier, dans ce deuxième film, semble préfigurer le Fagin du film de Lean.

Les bases sont déjà posées, et l’heure n’est pas à la conclusion… Dans ce deuxième film, Bernard souligne, avec davantage de violence et de cruauté peut-être, la mesquinerie et la méchanceté de ces hommes et femmes dont il filme les destins si douloureux. Les Thénardier sont des monstres chez qui rien n’est à sauver. Mais on devine chez eux une douleur troublante, même si elle n’est atténuée par aucune ébauche d’humanité : leur haine viscérale est le fruit de leur misère.

Ce deuxième film est plus dépouillé que le premier, qui était une suite de nombreux moments forts. Cet aspect presque feuilletonant disparaît. Au profit d’une tension plus forte, constamment palpable. La séquence où Valjean part avec Cosette est ainsi un modèle de mise en scène, un face à face monté sans la moindre note de musique, auquel on assiste le souffle coupé. Même tension absolue lors du guet-apens, où l’on retrouve la sauvagerie du Valjean ancien forçat, et dont on sait qu’il débouchera sur les retrouvailles avec Javert.

Dans le rôle de ce flic obsédé par Valjean, Charles Vanel est formidable, froid et implacable comme le glaive de la justice. Quant à Harry Baur, plus en retrait dans ce deuxième film, il n’en est pas moins extraordinaire, apportant puissance et douleur à ce personnage extraordinaire, confronté à des drames terribles, mais aussi aux problèmes quotidiens d’un père de famille, dont la fille grandit, et aspire à d’autres choses… Même pour Jean Valjean, le temps passe, douloureux.

Les Misérables 3

3ème partie : Liberté, liberté chérie

Dès le début de cette ultime partie, on sent un changement radical dans le ton que Bernard donne à son film. Pour la première fois, le destin de Jean Valjean est bousculé par l’Histoire en marche. Non plus simplement par les injustices de la société, mais par les soubresauts de cette époque trouble, en l’occurrence la révolte populaire de 1835, à Paris.

Cette révolte menée par les étudiants, dont Marius, le fiancé de Cosette, occupe une bonne partie du film. Raymond Bernard y adopte un style incisif et plein de mouvements, qui préfigure un certain cinéma vérité et l’utilisation de la caméra portée. Les séquences de fusillades entre les révoltés et les Dragons sont impressionnantes et brutales. La violence est palpable, le sang gicle vraiment, et les morts sont déchirantes.
Celle de Gavroche, bien sûr, est l’un des grands moments de cette fresque hors du commun. Long moment au suspense d’autant plus terrible qu’on en connaît évidemment l’issue tragique. C’est l’innocence fauchée par la force que Victor Hugo avait imaginée, et que Raymond Bernard filme avec puissance.

« Puissance », c’est aussi ce qui vient à l’esprit en évoquant la prestation hallucinante de Harry Baur. Valjean vieillissant et plus déterminé que jamais, il est impressionnant (notamment lors de la longue fuite dans les égoûts) et bouleversant (lors d’une séquence nostalgique très poignante).

La dernière partie traîne bien un peu en longueur, et ce troisième film aurait gagné à être coupé de quelques minutes. Mais c’est bien le seul reproche (rajoutons quand même le personnage très caricatural et grand guignolesque du grand-père de Marius) que l’on puisse faire à cette grande fresque passionnante, sans doute la meilleure adaptation du roman de Hugo. La plus fidèle et la plus ambitieuse, en tout cas.

Dans la nuit – de Charles Vanel – 1929

Posté : 22 août, 2012 @ 10:59 dans 1920-1929, FILMS MUETS, VANEL Charles, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Dans la nuit

Celui qui fut le grand vétéran du cinéma français jusque dans les années 80 a eu une carrière longue de plus de sept décennies. On se souvient surtout de ses rôles dans Le Salaire de la peur de Clouzot, et dans La Main au collet d’Hitchcock. Mais l’histoire a un peu oublié que Charles Vanel a entamé une très prometteuse carrière de réalisateur à la toute fin du muet, carrière avortée après deux films seulement, et l’échec total de Dans la nuit, film magnifique tourné alors que le cinéma parlant se généralisait, et (à peine) sorti dans l’indifférence générale.

Rétrospectivement, on réalise à quel point Vanel aurait pu devenir un réalisateur majeur du cinéma français : son mélodrame est d’une richesse et d’une virtuosité impressionnantes. Derrière la caméra, Vanel se permet des ruptures de ton parfaitement maîtrisées, passant du naturalisme à l’expressionnisme sans jamais casser le rythme impeccable de son film.

Dans la nuit commence par la peinture presque documentaire, mais passionnante, du quotidien des mineurs du Nord de la France, belles gueules abîmées filmées longuement dans leur labeur dangereux et pénible, autant que dans leurs loisirs. Dans une séquence qui préfigure cinquante ans avant le début de Voyage au bout de l’enfer, Vanel montre les mineurs quittant leur travail pour se rendre à une noce, sublime, filmée par une caméra virevoltante, symbole de l’insouciance et du bonheur simple. Sans avoir recours aux intertitres, Vanel filme la journée qui passe dans la joie, avec les ombres qui s’allongent de plus en plus, et les visages qui se fatiguent.

Dans cette noce insouciante, Vanel annonce subrepticement le drame qui se prépare : un malaise soudain de la jeune épouse, des masques hideux qui apparaissent derrière une fenêtre, l’écran qui se couvre d’une pluie annonciatrice, cette sirène qui n’en finit pas de ramener les jeunes amoureux à la réalité, et Vanel lui-même (qui joue le mineur marié) se recouvrant le visage de savon…

Autant de signes qui annoncent l’accident de mine (filmé avec un suspense hyper efficace) qui vaudra à Vanel d’être défiguré. La seconde partie du film commence alors, plus sombre (dans tous les sens du terme), plus douloureuse, plus violente aussi. Mais toujours aussi virtuose. La peinture sociale laisse la place à un triangle amoureux tragique, et à un cruel suspense. Vanel signe un film d’une grande richesse, et quasiment un sans-faute. On lui pardonne même le rebondissement final, qui pouvait sembler original en 1929, mais qui paraît aujourd’hui bien téléphoné.

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