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Archive pour la catégorie 'par acteurs'

Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) – de Vincente Minnelli – 1952

Posté : 19 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DOUGLAS Kirk, MINNELLI Vincente | Pas de commentaires »

Les Ensorcelés

Un passage, dans The Bad and the Beautiful (à tout prendre, le titre original est quand même plus beau et mystérieux que sa traduction française), a toujours été pour moi une sorte de symbole de la cruauté, du cynisme et du chacun pour soi. Celle où le producteur joué par Kirk Douglas sort d’une réunion avec les décideurs du studio en affichant un large sourire soulagé, expliquant à son ami réalisateur (Barry Sullivan) qu’il a obtenu les fonds pour tourner le film dont ce dernier rêvait depuis longtemps (sourire enthousiaste du réalisateur), que la grande star du moment acceptait le rôle (re-sourire enthousiaste)… tout comme un grand réalisateur habitué des grosses productions (sourire figé).

Ce passage cruel et bouleversant marque un tournant dans le récit : celui où la passion de ses hommes et femmes qui fabriquent le rêve hollywoodien se teinte irrémédiablement de cruauté. Et ce personnage de Douglas, le producteur Jonathan Shields, est sans doute l’incarnation la plus troublante et authentique de ce qu’incarne Hollywood, ou plutôt de ce qu’il incarnait dans son âge d’or : une sorte d’île entièrement tournée vers le cinéma, où l’argent coule à flots, mais où la soif créatrice reste le centre de tout.

C’est toute la force et toute la beauté du film de Minnelli, qui dresse le portrait amoureux d’un homme odieux et souvent inhumain. Filmer Hollywood dans ce qu’elle a de plus rude, et en faire un chant d’amour au cinéma américain… Equation impossible qui fait de The Bad and the Beautiful le plus beau film consacré à Hollywood, le plus complexe, le plus audacieux, le plus romanesque, le plus enthousiaste et le plus critique. Tout ça dans le même mouvement.

Jonathan Shiels/Kirk Douglas, producteur ambitieux et mégalo, passionné et impitoyable, est aussi et avant tout un grand amoureux du cinéma, totalement habité par son art. Une sorte de synthèse des grands producteurs de l’époque (comme Selznick) qui n’hésite jamais vraiment à écraser ceux qui l’entourent pour le bien d’un film. Un homme monstrueux et d’une sincérité totale qui finit par se retrouver isolé.

Le film commence d’ailleurs comme ça : le réalisateur susmentionné (Barry Sullivan), un scénariste joué par Dick Powell, et une star interprétée par Lana Turner, tous d’anciens proches de Shields, refusent catégoriquement d’entendre même parler d’un projet porté par leur ancien ami. Et puis tous se retrouvent devant le seul à être resté fidèle au producteur (Walter Pidgeon), chacun racontant l’un après l’autre ce qui l’a amené à détester Shields…

La narration en longs flash-backs successifs n’est pas nouvelle bien sûr : Citizen Kane en est l’exemple le plus célèbre), et elle est particulièrement à la mode à cette époque (Mankiewicz s’en fera une spécialité, notamment avec La Comtesse aux pieds nus, autre très grand film, beau et cruel, sur Hollywood). Elle trouve quand même ici une sorte de perfection, une manière de relancer constamment le récit, et de complexifier les personnages, inoubliables.

Kirk Douglas trouve là l’un de ses plus grands rôles (il les enchaîne, c’est vrai, ces années-là), devenant l’incarnation idéale de la fièvre créatrice, dans une scène où le mégalo inspiré de Selznick cède la place à l’inventif visiblement inspiré de Val Lewton, précieux producteur de quelques classiques fauchés de l’épouvante comme La Féline, film auquel Minnelli fait un clin d’œil réjouissant.

Grand film sur Hollywood, grand film tout court… The Bad and the Beautiful fait partie de ces classiques qui semblent se bonifier avec l’âge, et qui interdit tout jugement définitif sur Hollywood, machine à rêver ou machine à briser. Quand le film et son sujet ne font plus qu’un… Un chef d’œuvre, pour l’éternité, qu’on aurait envie de montrer aux producteurs hollywoodiens actuels. C’est une idée, ça, tiens : et si on leur imposait un permis avec maîtrise obligatoire de Minnelli ?

Le Plaisir – de Max Ophüls – 1952

Posté : 18 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Le Plaisir

Après La Ronde, Ophüls signe une autre variation autour du film à sketchs, et nous plonge cette fois dans l’univers de Maupassant, avec la même réussite exceptionnelle. Le Plaisir, ensemble de trois histoires aux atmosphères et aux durées très différentes (une bonne heure pour le segment central, une quinzaine de minutes pour les deux autres), est une merveille esthétique, et porte en lui toute la beauté, la nuance et la fragilité de l’être humain. Rien que ça.

Formellement, cette adaptation de Maupassant porte indéniablement la marque d’Ophüls. Une marque flagrante avant même la première image, avec cette voix off omniprésente (celle de Jean Servais prêtant son timbre à l’écrivain lui-même) qui commente et assure les transitions en s’adressant directement au spectateur, avant de prendre corps dans le dernier segment.

Surtout, la virtuosité du cinéaste est éclatante, aussi frappante dans un extraordinaire plan-séquence endiablé au cœur d’un bal parisien, que dans les allées d’une église rurale célébrant une première communion… Ophüls, à grand renfort de mouvements d’appareils fluides et virevoltants, capte l’atmosphère et l’énergie des lieux.

Mais avant tout, il en capte les sentiments, les émotions : cette émotion qui prend les pensionnaires d’une « maison » confrontées soudainement à la pureté d’une jeune fille de la campagne et de chants religieux. Ou celle à fleur de peau d’une vieille épouse délaissée prenant soin de son mari, ancien séducteur qui se perd chaque soir dans des parodies de jeunesse retrouvée.

Il y a dans Le Plaisir quelques-unes des plus belles images du cinéma d’Ophüls. D’abord, l’irruption de ce danseur au visage figé, dansant comme un pantin mystérieux dans ce bal plein de vie, dans le premier segment Le Masque. Puis ces fameuses pensionnaires d’une maison de plaisir qui s’arrêtent pour cueillir des fleurs dans un champs aux herbes hautes, sous le regard d’un Jean Gabin au cœur gros dans la deuxième histoire, La Maison Tellier.

La troisième, Le Modèle, est sans doute plus anecdotique, au moins visuellement. Plus cruelle que vraiment émouvante en tout cas. Mais elle complète plutôt bien la vision finalement assez cynique qu’offrent Maupassant et Ophüls de ce « plaisir » qui donne son titre au film : un plaisir basé sur des faux-semblants, des regrets ou des erreurs… Un homme qui court après sa jeunesse perdue. Un autre qui tente de retenir une parenthèse enchantée. Un dernier qui se ment sur ses propres sentiments…

Le film est bouillonnant de vie. Il n’en est pas moins grave et profond. Et la distribution, comme dans La Ronde, est impressionnante. On retrouve d’ailleurs une partie des mêmes : Simone Simon, Daniel Gélin, et surtout Danielle Darrieux (qu’Ophüls retrouvera une dernière fois pour un autre chef d’œuvre, Madame de…). Et puis Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Louis Seigner ou Pierre Brasseur. Et puis Gabin, en bon rustaud campagnard gentiment lourdaud, et très émouvant. Cette même année, Darrieux et lui se retrouvent pour un autre film important : La Vérité sur Bébé Donge.

La Proie du vent – de René Clair – 1926

Posté : 8 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, CLAIR René, FILMS MUETS, VANEL Charles | Pas de commentaires »

La Proie du vent

Voilà un film parfait pour illustrer la manière dont la mise en scène peut transcender un sujet. Celui de La Proie du vent aurait pu accoucher d’une petite chose anodine et sans grande conséquence. René Clair en fait un modèle de virtuosité, un film profondément immersif qui fait de la vitesse et de l’action les motifs principaux.

Le film intrigue dès les premières minutes, qui narrent deux histoires sans rapport apparent en séquences parallèles. D’une part, les voyages d’un aviateur à qui est confié le soin d’ouvrir une nouvelle ligne commerciale. D’autre part, le désespoir d’une jeune femme jetée au fond d’un cachot avec sa mère mourante, dans un pays d’Europe de l’Est en pleine révolution. Ce n’est pas la Russie mais un pays imaginaire du nom de « Libanie », mais l’ombre de la Révolution de 1917 plane : le film est produit par Albatros, la compagnie des Russes blancs installés à Paris.

Bref. Comment donc ces deux intrigues vont-elles se rencontrer ? Par le biais d’un atterrissage forcé dans le parc d’un château au cœur d’une immense forêt, épisode trop beau pour être vraiment vrai, surtout que l’aviateur (Charles Vanel, la gueule d’un mec sur le point de faire de grosses bêtises) tombe amoureux de la maîtresse des lieux, amour qui semble réciproque, et lui aussi trop beau pour être vrai.

Ce qui compte, ce n’est pas tant l’histoire, dont on voit arriver le rebondissement gros comme une maison mais ce que fait René Clair des séquences de suspense, ou d’action. Les scènes aérienne d’abord, réalisées avec l’aide d’Albert Préjean, qui se contente de jouer les figurants entre deux réglages de séquences spectaculaires vues du ciel. Et plus encore les moments de doutes et de tensions, dont Clair fait des morceaux de bravoure qui nous plongent dans les interrogations de son héros.

Une scène, notamment, impressionne. Celle où Vanel observe derrière sa fenêtre le rai de lumière de la chambre d’en face, derrière lequel son cerveau rongé par la jalousie imagine le pire des scénarios. Ou cette pseudo-course poursuite d’une virtuosité assez dingue, où tout est vitesse et intensité. C’est brillant, jamais gratuit, toujours au service non de l’intrigue, mais de l’impression : avec ce film, René Clair semble déjà avoir tout compris au langage cinématographique, comme art de créer de la sensation.

Killers of the Flower Moon (id.) – de Martin Scorsese – 2023

Posté : 4 novembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, * Thrillers US (1980-…), 2020-2029, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin, WESTERNS | Pas de commentaires »

Killers of the Flower Moon

Le film américain le plus excitant de l’année, forcément : Scorsese, quatre ans après The Irishman, et avec De Niro, et avec Di Caprio, et d’après un livre-enquête absolument formidable de David Grann, qui se lit comme un roman comme on dit… Bref : l’attente était immense. Et le résultat à la hauteur : Killers of the Flower Moon n’est pas seulement le plus beau titre de film américain de l’année, il est aussi l’un des plus beaux, et l’un des plus ambitieux.

C’est d’ailleurs ce qui saute aux yeux le premier : l’extrême ambition du film, l’ampleur de la mise en scène. Scorsese, 80 ans au compteur, signe un film comme on n’en fait quasiment plus. Et c’est cette impression qui persiste longtemps après la projection : voir Killers of the Flower Moon donne le sentiment de découvrir un vieux classique indémodable, l’un de ces chefs d’œuvre que l’on voit et revoit au cours d’une vie, sans que jamais il ne paraisse usé par le temps.

Ces dernières années, le cinéma de Scorsese tendait de plus en plus vers ce classicisme classieux, aux antipodes des chocs esthétiques radicaux que furent Taxi Driver, Les Affranchis ou Casino, la quintessence de son art. Killers of the Flower Moon est très loin de ces jalons incontournables et géniaux. Mais le film n’est pas moins passionnant : Scorsese flirte cette fois avec les grands maîtres hollywoodiens, à la manière d’un Clint Eastwood, mais avec une ampleur bien plus importantes.

On pense forcément à Sergio Leone et à Il était une fois dans l’Ouest, dans la scène de la gare qui amène le personnage de Leonardo Di Caprio (et le spectateur) dans cette petite ville de western. Mais il y a aussi beaucoup de John Ford, voire de King Vidor, dans cette manière de filmer des communautés qui s’entrechoquent, une histoire en marche, et une violence omniprésente sans jamais occuper le premier plan.

Et elle est violente, cette histoire (authentique)… Au début du XXe siècle, le peuple indien des Osages est devenu le plus riche d’Amérique après que du pétrole a été découvert dans les terres arides sur lesquelles les colons les avaient parqués. De quoi aviver la convoitise de familles blanches qui se découvraient des passions pour ce peuple et ses filles, parfaites épouses. Ou d’une administration qui assigne aux riches Indiens des tuteurs pour surveiller cette fortune…

Lorsque le film commence, les morts suspectes se multiplient au sein des Osages. On pourrait s’attendre à ce que Scorsese s’appuie sur ce déchaînement de violences. Il n’en fait rien, refuse de jouer sur un faux suspense (on comprend d’emblée qui est l’instigateur de ces crimes) et se concentre sur ses personnages, notamment sur l’étonnant couple formé par Lily Gladstone (merveilleuse, la révélation du film) et Leonardo Di Caprio (dont l’interprétation intense mais très excessive est plus problématique, et moins tenue).

Au fil de ce film-fleuve (3h30), l’univers semble se refermer autour de ce couple complexe, au cœur des crimes, dont sont victimes tous les membres de sa famille à elle. Plus les meurtres s’accumulent, plus les signes de culpabilité semblent évidents, plus ces deux-là s’aiment, d’un amour que l’on devine sincère malgré l’horreur et l’absurdité. Deux êtres qui s’enferment dans une sorte de dénis fascinant.

Et puis il y a Robert De Niro, figure du Mal diamétralement opposée aux gangsters qu’il a interprété pour Scorsese. Il est extraordinaire dans le rôle de ce patriarche aux faux airs de grand-père idéal, retors et machiavélique. D’une justesse absolue, De Niro livre l’une de ses très grandes performances d’acteur, l’une de ses plus belles depuis plus de vingt-cinq ans. Son dixième rôle pour Scorsese rappelle à quel point cette association-là est précieuse dans l’histoire récente du cinéma.

Une aventure de Buffalo Bill (The Plainsman) – de Cecil B. De Mille – 1936

Posté : 21 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1930-1939, COOPER Gary, De MILLE Cecil B., WESTERNS | Pas de commentaires »

Une aventure de Buffalo Bill

Le titre français est doublement trompeur. D’abord, le héros n’est pas Buffalo Bill : le plus célèbre des tueurs de bisons est bien là, mais il ne tient qu’un second rôle au côté du véritable pilier du film, Wild Bill Hickock. Sans doute moins ancré dans les esprits français, et moins bankable par la même occasion.

Surtout, ce titre semble annoncer un western assez classique, basé sur un épisode héroïque de la vie d’une légende de l’Ouest. Comme on en verra des tas dans les années 40 ou 50. Mais l’ambition de Cecil B. De Mille est toute autre : à travers le parcours de Wild Bill et des compagnons qui croisent régulièrement sa route (Bill Cody et Calamity Jane, surtout), c’est rien moins que toute la mythologie de l’Ouest qu’il cherche à porter à l’écran.

L’ambition est grande, et l’approche décomplexée. Le texte qui ouvre le film (après un générique à la manière spectaculaire que reprendra George Lucas pour ses Star Wars) annonce la couleur : le film qu’on va voir condense en une seule histoire « plusieurs années, plusieurs vies, et des événements d’époques différentes ». Une entrée en matière simple et maligne qui permet d’anticiper et de balayer d’un revers de la main les fines bouches historiques.

Dans cette histoire, qui s’ouvre sur le dernier jour de Lincoln, on assistera donc, en vrac, à la ruée sur les Black Hills, au massacre de Little Big Horn, à l’assassinat de Wild Bill… Qu’importe la vérité historique : De Mille présente son film comme un hommage à un certain état d’esprit. Et comme un pur film de cinéma, tel qu’il le conçoit, avec pour seules contraintes celles du grand spectacle, de l’efficacité et de l’émotion.

Et dans ce domaine, De Mille est l’un des plus grands. Même en noir et blanc, même avec un format classique loin du Cinemascope, même avec des transparences encore imparfaites… le grand spectacle est de tous les plans, tous les instants. De Mille voulait faire de son hommage aux pionniers de l’Ouest une narration cohérente : il le fait avec une fluidité absolument parfaite, avec un sens du rythme parfait.

Les grands moyens dont il dispose (décors impressionnants, figurants par centaines) étoufferaient le talent de bien des réalisateurs. Lui les utilise pleinement (ces moyens se voient clairement à l’écran), mais toujours au service du mouvement, de l’action et des personnages. Régulièrement, sa caméra embrasse les décors dans ce qu’ils ont de grands et bouillonnants, pour se recentrer sur les visages rapprochés de deux personnages, sans que plus rien d’autre n’existe.

C’est historiquement très discutable. Les héros ont le cœur pur et les amitiés sincères, sans grand défaut apparent. Du pur cinéma hollywoodien, donc. Mais dans ce qu’il a de meilleur, enthousiasmant, passionnant, et même émouvant. Gary Cooper est impérial en Wild Bill flamboyant. Jean Arthur touchante en Calamity Jane énamourée. Même le bien terne James Ellison séduit en Buffalo Bill rangé des affaires…

The Plainsman (le titre original, nettement plus convainquant dans ce qu’il évoque une idée de l’Ouest plutôt qu’un unique personnage) m’avait laissé un souvenir très fort dans mon adolescence, un western épique fondateur de ma cinéphilie. Le revoir bien des années après laisse une impression tout aussi forte, et donne l’envie de revoir l’autre grand western épique de De Mille, le tout aussi passionnant Pacific Express.

20 000 lieues sous les mers (20.000 leagues under the sea) – de Richard Fleischer – 1954

Posté : 9 octobre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DOUGLAS Kirk, FLEISCHER Richard | Pas de commentaires »

20 000 lieues sous les mers

Il y a des classiques qui ne prennent pas une ride, même 70 ans après, et même chez Disney. Cette grosse production familiale reste même la plus enthousiasmante de toutes les adaptations de l’œuvre de Jules Verne. Et dans ces années 50, elles sont nombreuses.

Mes souvenirs du roman ne sont pas suffisamment frais pour trancher la question de la fidélité. Le fait est que Ned Lang a pour l’éternité le dynamisme insolent de Kirk Douglas, et le capitaine Nemo le flegme désabusé de James Mason. Et le Nautilus ce design-là, très inspiré des constructions d’Eiffel.

Revoir le film trente ans après a quelque chose de rare, parce que les scènes clés sont à la hauteur des souvenirs qui en étaient restés. Le combat avec le poulpe géant bien sûr, qui reste spectaculaire et admirablement tendu malgré le côté artisanal et carton-pâte (ou plutôt caoutchouc-pâte) des effets spéciaux. Ou encore le fameux « duo » chanté/dansé entre Kirk Douglas et sa compagne otarie, assez irrésistible.

Il fallait un réalisateur de l’envergure de Richard Fleischer pour transcender ce genre de morceaux de bravoure. Ou pour se sortir avec les honneurs de séquences aussi casse-gueule que l’île aux cannibales, ou la chasse sous-marine. Fleischer qui, après s’être imposé comme un grand maître du film noir (à budgets modestes), à l’instar d’Anthony Mann, prouvait qu’il était également à l’aise à la tête d’une production aussi prestigieuse.

Grand film d’aventure familial, 20 000 lieues sous les mers est aussi un film dans l’air du temps, qui porte les angoisses et les grandes questions liées à l’atome, dans une décennie ou l’ombre d’un conflit nucléaire plane sur une grande partie du cinéma américain. Je dois bien avouer que cette dimension m’avait totalement échappé enfant. Elle est pourtant centrale dans ce film qui passe du drame le plus sombre à la comédie la plus légère avec une belle aisance.

Mission Impossible : Dead Reckoning, part 1 (id.) – de Christophe McQuarrie – 2023

Posté : 4 octobre, 2023 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), CRUISE Tom, McQUARRIE Christopher | Pas de commentaires »

Mission Impossible Dead Reckoning part 1

Le sentiment que me procure la saga Mission Impossible ne fait que se renforcer depuis que Christopher McQuarrie est devenu le yes-man de Tom Cruise : voilà bel et bien et définitivement les films d’action les plus ébouriffants et les plus enthousiasmants qui soient, mais quand Cruise redeviendra-t-il cet acteur qui savait surprendre et se mettre en danger ?

Ce sentiment est d’autant plus fort que cet épisode 7 (ou plutôt 7A, avant la sortie du 7B l’été prochain) a beau être jouissif comme aucun autre film d’action depuis Fallout, il donne pour la première fois l’impression de ronronner, en citant d’autres films de la saga : la tempête de sable de Ghost Protocole notamment, mais surtout le premier opus, dont on retrouve un personnage oublié depuis, celui de Kittridge (« Kittridge, you’ve never seen me very upset ! »).

On pourrait voir ça comme une manière de boucler la boucle, cette mission en deux films ayant été annoncée un temps comme un ultime baroud pour Ethan Hunt (mais Cruise semble être revenu depuis sur ses bonnes intentions… peut-être que le box-office en demi-teinte lui fera entendre raison après tout). Mais cela sonne surtout comme une incapacité à se réinventer, comme si, presque trente ans après, on avait fait le tour.

Il faut dire aussi que la saga n’avait pas été conçue comme la série cohérente qu’elle est devenue sous la houlette de JJ Abrams, puis McQuarrie, mais comme une sorte d’anthologie qui consisterait à confier chaque épisode à un cinéaste à la personnalité forte, chacun devant réinventer le personnage de Hunt, et la manière de filmer l’action. En cela, le très mal aimé épisode 2 signé John Woo reste sans doute le plus radical de tous les films de la série…

Avec McQuarrie, on est loin de ces audaces. Et Cruise s’enferme de plus en plus dans un processus de surenchère qui ne peut pas être sans fin. Comment pourrait-il aller plus haut que le Burj Khalifa ? Comment pourrait-il faire plus dangereux que s’accrocher à un avion cargo qui décolle ? Le plus beau, c’est qu’il y arrive encore, avec une poignée de séquences hallucinantes…

Deux d’entre elles, surtout, marquent les esprits. La plus immersive : celle où, à moto, il saute d’une falaise avant d’ouvrir son parachute, séquence filmée au plus près de l’acteur-cascadeur, assez incroyable. La plus inventive : celle où Hayley Atwell et lui traversent à la verticale les wagons d’un train accroché dans le vide, moment de suspens assez classique sur le papier, mais totalement réinventé à l’écran.

Mais même ces moments exceptionnels, si bluffants soient-ils, n’arrivent plus à totalement nous surprendre. Un peu sur le principe : oui, c’est dingue, mais on n’en attend pas moins… La saga continue à innover, à repousser les limites, mais une sorte d’habitude s’est installée, qui est le signe qu’il serait peut-être temps de passer à autre chose.

Un autre signe que Cruise s’installe dans une logique routinière très personnelle : on avait déjà remarqué qu’il ne mangeait jamais, mais voilà qu’il est désormais totalement désexué, franchissant encore une étape dans ce sens après Top Gun : Maverick. Ça n’a pas toujours été le cas : il y avait une certaine sensualité dans les rapports de son personnage avec Emmanuelle Béart ou Thandie Newton, dans les premiers films. Ici, pas le moindre trouble manifeste entre Hunt et le personnage joué par Hayley Atwell.

Personnage que l’on découvre ici, et qui prend d’emblée une importance centrale, repoussant au second plan celui autrement plus passionnant, et troublant, de Rebecca Ferguson, qui était pourtant le plus enthousiasmant des derniers épisodes. Comme si ce personnage dirigeait la saga vers des zones plus incertaines dont le duo Cruise/McQuarrie ne voulait pas.

La grande originalité du film, c’est sans doute la nature du grand méchant. Et ce grand méchant, ce n’est pas le personnage dangereux et (encore) mystérieux d’Essai Morales, sorte de nemesis de Hunt dont le prochain film nous dévoilera sans doute les secrets. Non, le grand méchant est… une intelligence artificielle, plongeant la saga dans une actualité qui, pour le coup, est assez troublante.

C’est sans doute la première fois que j’écris une chronique aussi négative sur un film qui, finalement, m’a procuré tant de plaisir. Voilà toute l’ambivalence de la carrière récente de Tom Cruise, acteur dont je ne me lasserai jamais de revoir les grands films, d’Eyes Wide Shut à Collateral, acteur dont j’attends chaque nouveau film d’action avec impatience (et Dead Reckoning Part 2 ne fera pas exception), mais acteur qui, à 60 ans bien tapé, pourrait peut-être enfin se réinventer ?

Casino (id.) – de Martin Scorsese – 1995

Posté : 27 septembre, 2023 @ 8:00 dans * Films de gangsters, 1990-1999, DE NIRO Robert, SCORSESE Martin | Pas de commentaires »

Casino

Les Affranchis ou Casino ? Casino ou Les Affranchis ? Me voilà bien incapable de dire lequel des deux est le plus abouti, le plus fou, le plus audacieux. Le fait est que, tournés à cinq ans d’écart, voilà peut-être les deux chefs d’œuvre de Scorsese, deux films jumeaux dans lesquels le style du cinéaste trouve sa forme la plus parfaite.

Cela tient à la virtuosité du gars bien sûr. Cela tient aussi à son casting exceptionnel, le trio Robert De Niro-Sharon Stone-Joe Pesci en tête. Cela tient surtout, peut-être, au montage hallucinant signé par l’indispensable Thelma Schoonmaker. Le montage, dans les grands films de Scorsese, est au cœur de leur réussite. Il donne à l’ensemble disparate voire foutraque des images un mouvement d’une pureté et d’une évidence extraordinaire.

Il permet aussi toutes les audaces, scènes hyperdécoupées ou plans séquences virtuoses, déluges de violence et pauses romantiques ou dramatiques… Visuellement, Scorsese semble tout se permettre, ouvrant son film sur des effets spéciaux inattendus, puis par une longue séquence dévoilant par des voix off bavardes et fascinantes le fonctionnement d’un casino et les enjeux de l’histoire…

On retrouve la même virtuosité que dans le précédent film de gangsters du cinéaste, la même vision de la mafia, les mêmes tourments humains aussi. Mais Casino n’est pas une simple copie, ni même un prolongement. Scorsese s’y approche plus que jamais peut-être de la tragédie grecque, dans ce qu’elle a de plus exceptionnelle et humaine à la fois.

Sam Rothstein (De Niro, très grand) est une espèce de demi-dieu, de souverain en son royaume : le Las Vegas des années 1970, sous la coupe d’une mafia qui ne dit pas son nom mais qui impose sa loi. Un homme de confiance, qui a tout pour atteindre les sommets. Mais il a un ami d’enfance encombrant, Nicky, caïd de la pègre aux pulsions mortelles (Pesci, aussi flippant que dans Les Affranchis). Et il tombe amoureux de la femme qu’il ne faut pas, Ginger.

Avec cette figure tragique, superbe et pathétique, Sharon Stone trouve le rôle de sa vie, le seul peut-être digne du statut qui était le sien après Basic Instinct. Scorsese en fait le moteur principal de son drame, la figure autour de laquelle tout le film se concentre bientôt. Et sans y paraître, c’est tout le rythme du montage qui oscille en fonction de l’état d’esprit du personnage. Grand rôle, et grande interprétation.

Grand conteur, grand chef d’orchestre même, tant son cinéma est ample et brasse de multiples enjeux et personnages, Scorsese n’est sans doute jamais aussi inspiré que quand il a un décor fort à filmer : le monde de la boxe, celui du billard, les nuits de New York, le milieu de la pègre… Filmer les casinos et leurs joueurs avides offrent quelques-unes des images les plus fortes de tout son cinéma.

La police fédérale enquête (The FBI Story) – de Mervyn LeRoy – 1959

Posté : 23 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, LeROY Mervyn, MILES Vera, POLARS/NOIRS, STEWART James | Pas de commentaires »

La Police fédérale enquête

Le titre original est plus juste que sa « traduction » française : c’est l’histoire du FBI que raconte le film de LeRoy. Mais là où Clint Eastwood, dans J. Edgar, n’éludera rien de la complexité du tout puissant patron du « bureau », LeRoy signe une véritable hagiographie du FBI et de son directeur, d’où toute nuance est bannie.

Le FBI est le grand œuvre du modèle américain, et Hoover est un guide ultime, que la caméra caresse avec un respect extrême, filmant sa silhouette comme une apparition divine. Il faut voir aussi l’effet que son discours d’introduction produit sur ses ouailles. Voir le regard énamouré de James Stewart, agent du FBI qui vit ce discours comme une révélation quasi-mystique.

C’en est parfois franchement gênant, voire risible, tant la nuance et le recul ne sont pas les points forts du film. Mais au moins LeRoy annonce-t-il la couleur dès les premières minutes. Aussi a-t-on le temps de s’y faire, et de se focaliser sur les aspects positifs. Qui ne manquent pas dans ce film finalement bien foutu et même assez passionnant.

Il y a d’abord la belle mise en scène de LeRoy, avec quelques éclats de pur cinéma. Une fusillade aussi brève que percutante. Le reflet d’hommes cagoulés dans la vitrine d’un journal. Un baiser entre les rayonnages d’une bibliothèque… Des moments qui permettent de donner du corps aux personnages : le couple ballotté par la violence qu’interprètent James Stewart et Vera Miles, trois ans avant L’Homme qui tua Liberty Valance.

A travers ce couple, LeRoy raconte les premières années du FBI au rythme, comme des chapitres successifs, des grandes enquêtes fondatrices (auxquelles le personnage de Stewart est systématiquement rattaché) : la lutte contre le Ku Klux Klan, les meurtres des Indiens Osage (ceux-là même qui sont au cœur du Killers of the Flower Moon de Scorsese), Baby Face Nelson, Dillinger…

Dieu est mort (The Fugitive) – de John Ford – 1947

Posté : 10 septembre, 2023 @ 8:00 dans 1940-1949, BOND Ward, FORD John | Pas de commentaires »

Dieu est mort

Adapté d’un roman de Graham Greene, The Fugitive a été un échec sans appel, l’un des plus cinglants de cette décennie pour John Ford. Et ce n’est pas surprenant, tant le cinéaste renonce pour une fois à toute concession dans la légèreté, signant un film grave et lent, quasiment dénué d’action, dont le rythme épouse fidèlement les affres mentales d’un homme traqué, un prêtre confronté à la peur et au doute.

L’histoire se passe dans un pays d’Amérique du Sud, où la religion a été purement et simplement interdite, et les prêtres exécutés. A l’exception d’un seul, qui erre comme une âme en peine et se cache dans une église en ruines. C’est là qu’on le découvre dans la première scène, qui justifie à elle seule l’insuccès populaire du film. The Fugitive s’ouvre en effet sur une longue scène quasi-muette, où le prêtre joué par Henry Fonda est surpris par une jeune mère célibataire (c’est tout dire de ses mœurs!), qui lui demande de baptiser son enfant…

On est d’emblée frappé par le rythme qu’adopte Ford, lent et pesant, comme empêché. Puis par l’absence totale d’humour ou de second degré. Par la symbolique des images aussi, le prêtre apparaissant d’abord par une ombre en croix qui se dessine au sol, et la jeune femme ayant le sublime visage de madone de Dolores Del Rio, douloureuse pieta dont les seuls traits procurent d’incroyables sensations.

Ford, plus encore que dans The Informer (sans doute le film le plus proche dans l’esprit de toute sa filmographie), fait un usage presque systématique de la symbolique religieuse dans ses choix de cadre, dans sa manière de filmer des personnages qui incarnent tous à leur manière le difficile rapport à la foi, à la vie et à la mort.

Fonda en prêtre qui se découvre incapable d’avoir la grandeur que sa fonction exige. Del Rio en femme aux mœurs jugées légères qui se révèle d’une pureté absolue. Et Pedro Armendariz, fascinant en officier incarnant l’autorité anti-religieuse, mais que l’on découvre menant une lutte interne contre sa propre foi. Ou encore Ward Bond, étrange dans un rôle pas très convaincant de bandit en fuite se transformant de manière très inattendue en ange gardien.

Ford affirmait que le film était l’un de ceux dont il était le plus fier. C’est en tout cas une œuvre très atypique dans sa riche filmographie. Clairement pas le plus aimable de ses films, ni le plus abouti. Mais la beauté un peu revêche des images, cette manière de filmer les visages comme des images religieuses chargées de symboles, l’ambition morale aussi… Tout ça fait de The Fugitive un film peut-être pas très attachant, mais franchement fascinant.

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