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Archive pour la catégorie 'par acteurs'

Expendables 4 (Expend4bles) – de Scott Waugh – 2023

Posté : 17 mai, 2024 @ 8:00 dans 2020-2029, ACTION US (1980-…), STALLONE Sylvester, WAUGH Scott | Pas de commentaires »

Expendables 4

Une performance d’acteur, ou d’actrice, peut sauver un film. En l’occurrence celle de Megan Fox, comédienne que je découvre tardivement, étant passé à côté de tous les films de Michael Bay qu’elle a tournés. Sa prestation dans ce quatrième volet de la saga créée par Stallone donne furieusement envie de rattraper ce retard, et de profiter autant que possible de la puissance de son jeu, du trouble et de l’émotion qu’elle fait ressentir derrière ses aspects d’action-hero…

Oh !… Si on peut plus rire, maintenant. On ne va quand même pas prendre au sérieux cette suite qui a bien failli ne jamais exister, et qui aurait mieux de ne pas ! Parce que non, il n’y a à peu près rien à sauver ici. Et certainement pas la prestation incroyablement piteuse de Megan Fox, qui atteint une sorte de perfection dans la caricature de la poupée inexpressive. Tiens, en parlant de poupée, une sorte d’inverse absolu de Margot Robbie (rapport à Barbie).

Presque dix ans se sont écoulés depuis le troisième Expendables, déjà mou du genou. Le concept plutôt excitant du premier film a fait pshiit. En guise de vétérans du cinéma d’action, on a quelques seconds couteaux pas si vieux, un guest dont la carrière est en roue libre (Andy Garcia… bien loin de ses glorieux débuts), une poignée de spécialistes des arts martiaux (dont Tony Jaa), quelques jeunes remarquablement dénués de charisme, et surtout un Stallone fatigué qui passe la main à Jason Statham.

Les deux tiers du films se résument d’ailleurs à un one-man-show de Statham, qui affronte seul une armée de tueurs, variant les manières de dézinguer pour éviter la lassitude… qui pointe quand même très souvent le bout de son nez, à peine troublée par une lourde sensation de grand n’importe quoi. Un moment, quand même, nous sort de notre léthargie : le dérapage contrôlé que Statham fait faire à un porte-container en pleine mer. Si, si.

Pour le reste, l’histoire est con, la complaisance face à la violence un peu gênante, le plaisir de retrouver Stallone est bien fugace. C’est suffisamment rythmé (ou frénétique) pour qu’on ne s’ennuie pas vraiment. Mais pas assez incarné pour qu’on s’intéresse. Il est définitivement temps de raccrocher

Le Grand Saut (The Hudsucker Proxy) – de Joel et Ethan Coen – 1994

Posté : 11 mai, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, COEN Ethan, COEN Joel, FANTASTIQUE/SF, NEWMAN Paul | Pas de commentaires »

Le Grand Saut

Après Sang pour Sang (première claque), Arizona Junior (premier délire), Miller’s Crossing (premier grand choc esthétique) et Barton Fink (Palme d’Or – entre autres – et immense enthousiasme personnel), Le Grand Saut avait fait l’effet d’une douche froide lors de sa sortie il y a quelques années (trente ans ? Sérieusement?). Les frères Coen auraient fait un faux pas ?

Le revoir aujourd’hui m’oblige à revoir assez catégoriquement la position ferme et indiscutable que je tenais depuis lors, selon laquelle Le Grand Saut serait une petite chose sympathique et rigolote mais un peu maladroite et sans grand intérêt. Il se trouve que devant cette petite chose sympathique et rigolote, etc., je me suis laissé emporter avec gourmandise et enthousiasme, comme devant un bon Capra.

Bon, d’accord : presque comme devant un bon Capra. Disons devant des élèves très, très doués qui rendraient le meilleur des hommages à l’un de leurs maîtres. Capra en l’occurrence, dont l’ombre des chefs d’œuvre plane constamment sur ce conte de Noël, social et philosophique, cruel et loufoque, magique, les Coen lâchent la bride au grotesque pour mieux souligner le cynisme du monde qu’ils décrivent.

A vrai dire, on n’est pas si loin de Barton Fink. A ceci près que l’esprit de Kafka laisse la place à celle de George Bailey, le héros de La Vie est belle, l’une des références très évidentes de The Hudsucker Proxy (le titre original a autrement plus de gueule que sa « traduction » française). Et que le torturé John Turturro cède la place à l’innocent Tim Robbins, réincarnation réjouissante du James Stewart première époque.

Il est assez génial, Robbins, et totalement irrésistible lorsqu’il brandit le croquis de sa grande invention : un cercle parfait sur une feuille blanche, et son large sourire face à une assemblée de vieux poussiéreux, réunis autour d’une autre réincarnation, celle du cynique Lionel Barrymore (celui de La Vie est belle, pas celui de Vous ne l’emporterez pas avec vous). Et pas n’importe quelle réincarnation : Paul Newman lui-même, royal en grand méchant cartoonesque.

Comment résister à un cinéma si généreux, si joyeusement référencé, et si incarné ? Cela semblait très facile en 1994. Beaucoup moins aujourd’hui. Les Coen ont sans doute fait des faux pas (j’en ai en tête, que je ne vais pas tarder à vérifier). Mais ce n’est pas ici qu’ils ont commencé.

Un si doux visage (Angel Face) – d’Otto Preminger – 1952

Posté : 24 avril, 2024 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, MITCHUM Robert, PREMINGER Otto | Pas de commentaires »

Un si doux visage

Il a l’air si cool, si détaché, si sûr de lui et si supérieur… Mais dieu que cet homme a le don pour s’enticher des femmes qu’il ne faut pas ! C’est le Robert Mitchum des premiers temps bien sûr, celui de La Griffe du Passé et de tant d’autres grands films noirs qui creusaient un même sillon avec un même bonheur.

L’acteur lui-même disait s’en lasser. Pas le spectateur, et certainement pas devant un film comme Un si doux visage, nouvelle variation sur un même thème, et nouveau bijou noir et cynique. Cette fois, c’est Jean Simmons qui fait tourner la tête d’un Mitchum pas même dupe de lui-même.

C’est qu’il ne faut pas longtemps à ce mâle si enclin à prendre la vie comme elle vient et son bonheur pour acquis pour comprendre que délaisser sa douce petite amie pour une soirée avec cette brune piquante et pas claire de Jean Simmons n’est pas la chose la plus intelligente qu’il ait faite de sa vie…

Mitchum en antihéros enfermé par sa propre faute dans une spirale dont il ne peut plus sortirOn a déjà vu ça une dizaine de fois avant ça. Mais Preminger, qui s’est approprié ce sujet plus ou moins imposé par la RKO de Howard Hugues, s’attache moins à l’atmosphère habituelle du film noir qu’aux petites nuances qui font la différence.

A commencer par le personnage féminin, qui malgré son machiavélisme et sa duplicité, garde une bouleversante innocence. Ou quelque chose de désespéré qui y ressemble beaucoup. Et le regard faussement bravache et vraiment paumé de Mitchum. Et ce mélange de cynisme et de simplicité, qui rompt avec les atmosphères angoissantes des précédents films de la star.

C’est d’ailleurs la fin d’un cycle pour Mitchum, qui dès lors s’efforcera de changer de style et de genre film après film, refusant désormais de se laisser enfermer dans ce type de personnages qui lui collent à la peau. Il retrouvera ainsi Preminger peu après pour un film assez radicalement différent : La Rivière sans retour. Une petite chose plutôt pas mal, aussi.

La Liste noire (Guilty by Suspicion) – d’Irwin Winkler – 1991

Posté : 21 avril, 2024 @ 8:00 dans 1990-1999, DE NIRO Robert, WINKLER Irwin | Pas de commentaires »

La Liste noire

Producteur des Affranchis (et de beaucoup d’autres films, dont Rocky et Raging Bull), Irwin Winkler devient réalisateur au début des années 1990 sous le parrainage de Robert De Niro, qui interprète dans son premier film un réalisateur à succès dont la carrière est stoppée nette par la chasse aux sorcières en 1951.

Le scénario, écrit par Winkler lui-même, est excellent, entièrement basé sur la trajectoire contrariée de ce success-man qui évolue dans le Hollywood de l’âge d’or comme un demi-dieu que rien ne peut contrarier, et que des soupçons de communiste ramènent brutalement sur terre.

C’est passionnant, édifiant, révoltant, et mené avec un sens très sûr du drame, jusqu’à un final qui provoque immanquablement des frissons. Et puis il y a De Niro, parfait dans le rôle de cet homme tiraillé entre sa conscience et son envie de travailler. Et Annette Bening dans celui de sa conscience, pardon, de son ex-femme.

Passionnant, donc. Ne manquerait plus qu’un peu de folie pour bousculer ce film qui a le mérite de donner corps à une période très trouble de l’histoire américaine, mais qui aurait mériter un cinéaste au style moins lisse que celui de Winkler. Un Scorsese par exemple, qui fait une apparition clin d’œil en pote de De Niro.

On sent d’ailleurs que Winkler lorgne par moments sur le style de Scorsese, lorsqu’il fait glisser sa caméra d’une table à une autre dans un restaurant bondé, dans une scène qui évoque fugacement (et sans la même intensité) Les Affranchis.

La Liste noire remplit en tout cas son cahier des charges, dénonçant les dérives et la cruauté aveugle du maccarthysme, et signant le portrait d’un homme à la croisée des chemins, tiraillé entre sa bonne conscience (son ex-femme et son fils) et son tentateur (le tout puissant Daryl Zanuck). Passionnant, donc.

L’Enigmatique Monsieur D. (Foreign Intrigue) – de Sheldon Reynolds – 1956

Posté : 19 avril, 2024 @ 8:00 dans * Espionnage, * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, MITCHUM Robert, REYNOLDS Sheldon | Pas de commentaires »

L'Enigmatique monsieur D

Curieux film que ce Foreign Intrigue, que Mitchum tourne alors qu’il est au sommet de sa gloire, après La Nuit du Chasseur et avant Dieu seul le sait. Curieux, parce que c’est une curiosité passée jusqu’à présent totalement sous mes radars. Curieux aussi parce que le film est tourné en Europe. Parce qu’il se situe à la croisée du film noir et du film d’espionnage tendance paranoïa. Curieux enfin parce qu’il est le prolongement d’une série télé.

Foreign Intrigue : c’est aussi le titre de cette série créée par Sheldon Reynolds, et qui n’a jamais été diffusée en France. Mais aux Etats-Unis, elle a visiblement remporté un franc succès. Assez en tout cas pour permettre à Reynolds, crédité comme producteur, scénariste et réalisateur, de mener à bien ce projet, sans les acteurs de la série, mais avec une méga star à leur place.

Bon… côté casting, on a un peu l’impression que Mitchum a empoché tout le magot. Impérial, il est l’un des rares à s’imposer vraiment, face à des acteurs de plusieurs nationalités (dont Ingrid Thulin, la future interprète de Bergman dans Les Fraises sauvages) qui n’ont au fond qu’un point commun : celui de donner le sentiment de ne pas être dans leur élément. Ce casting bancal n’aide pas, il faut bien l’admettre.

Bancal, le film l’est clairement, Reynolds se montrant tantôt piètre metteur en scène (la scène d’ouverture, muette, sonne particulièrement faux jusqu’à l’arrivée de Mitchum), tantôt inspiré (une fuite dans les ruelles obscures de Vienne). Là, dans ses meilleurs moments, le film s’inscrit dans la lignée du Troisième Homme, classique vers lequel Reynolds lorgne ostensiblement.

L’intrigue lui est postérieure de dix ans, mais la manière de filmer cette Europe de l’après-guerre (et pas seulement Vienne) rappelle l’atmosphère du chef d’œuvre de Carol Reed. Certes avec une réussite plus nuancée, mais avec une vision assez passionnante. Et avec la couleur.

Cette enquête mystérieuse à travers l’Europe, sur les traces d’un faux millionnaire mort en emportant ses secrets, culmine dans une dernière séquence qui réunit toutes les qualités et les défauts du film : un rendez-vous plein de suspense dans une ruelle sombre, une scène bizarre et fascinante, improbable et enthousiasmante.

La Vengeance du Shérif (Young Billy Young) – de Burt Kennedy – 1969

Posté : 11 janvier, 2024 @ 8:00 dans 1960-1969, KENNEDY Burt, MITCHUM Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

 

La Vengeance du shérif

Burt Kennedy est un veau. Un peu comme Andrew McLaglen, autre grand spécialiste du western dans les années 60, qui a eu la chance d’avoir un carnet d’adresse de dingue. Un peu aussi comme les tireurs de son film qui, systématiquement, ratent leur cible, si évidente soit-elle.

Burt Kennedy est un veau, et c’est le premier constat. Le deuxième, maintenant : Burt Kennedy a vu Rio Bravo et Et pour quelques dollars de plus, et il s’est dit que faire un mix des deux serait une bonne chose pour signer un chouette western et être dans l’air du temps.

Et un troisième constat, histoire d’être complet : Burt Kennedy est un veau très inspiré par Hawks et Leone, mais c’est aussi un réalisateur dont on ne peut douter de la sincérité, ni du fait qu’il a l’ambition de faire du grand cinéma.

Alors oui, c’est raté : Young Billy Young est du « sous-… » à peu près tout. Du sous-Hawks, du sous-Sergio Leone, du sous-grand rôle torturé de Robert Mitchum… Un western qui pêche constamment par son manque de rythme, l’incapacité de Kennedy à planter une atmosphère ou une quelconque rugosité à son récit. Mais c’est aussi un western généreux, parsemé de quelques images inventives.

Un plan résume cette ambitionL’image d’une pianiste qui se reflète dans la vitre d’un corbillard dont on sort le cercueil, révélant peu à peu l’arrière-plan, et dévoilant l’arrivée de trois cavaliers… Trois images, trois niveaux en un seul plan fixe. Burt Kennedy est un cinéaste maladroit, qui n’a pas la maîtrise d’un Ford, d’un Wellman ou d’un Hawks, mais ce n’est pas un cinéaste paresseux.

Bref, on a fortement envie de s’accrocher aux quelques bonnes idées, d’oublier le manque de liant, les interminables plans inutiles de déplacements, de ne pas se dire qu’on rien demander d’autre à Angie Dickinson que de rejouer son rôle de Rio Bravo, de se concentrer sur le fait que Robert Mitchum est impérialOn a envie d’aimer ce film. On va se contenter de ne pas en dire trop de mal, et de vite l’oublier.

Une balle signée X (No name on the bullet) – de Jack Arnold – 1959

Posté : 13 décembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, ARNOLD Jack, MURPHY Audie, WESTERNS | Pas de commentaires »

Une balle signée X

Les talents de Jack Arnold (qui sont grands, L’Homme qui rétrécit et quelques autres petits classiques en attestent) dépassent le simple cadre des films d’épouvante aux modestes budgets et en noir et blanc qui ont fait sa réputation éternelle. On lui doit aussi, notamment, une poignée de très bons westerns dont celui-ci, qui réinvente efficacement un thème très classique du genre.

Ou comment l’arrivée d’un étranger à la réputation de tueur va bouleverser le quotidien d’une petite ville de l’Ouest… Cet étranger, c’est Audie Murphy, dont le visage poupin surprend même les habitants qui le voient débarquer. C’est donc ce gamin, le fameux tueur qui fait trembler la région ? Le choix de Murphy est étonnant, et constitue l’une des belles idées du film : ce décalage entre l’apparence calme et sympathique du gars, et les émois que sa simple présence provoque.

Le film d’Arnold inverse habilement la notion de « whodunit ». Il ne s’agit pas à proprement parler de découvrir qui est le coupable, mais plutôt : qui est la victime. Pour qui ce tueur est-il arrivé en ville ? La réponse n’a guère d’intérêt. Ce qui en a en revanche, c’est la manière dont ce doute instille les esprits des bons citoyens, révélant peu à peu leur mauvaise conscience, leurs secrets enfouis. « Tout le monde a un ennemi. Tout le monde », assène Murphy.

La mauvaise conscience populaire est un thème courant, mais souvent annexe dans le western (dans des classiques aussi différents que L’Etrange incident ou L’Homme des hautes plaines). Ici, elle est le sujet même du film, Arnold s’attachant à filmer la manière dont la culpabilité et la peur s’emparent des habitants, les uns après les autres. Comme un virus que la seule présence d’un Audie Murphy laconique et rigolard propage.

Le film est concis et percutant : 1h17, remarquablement construit. En Cinemascope et Technicolor, Arnold signe un western conceptuel qui dézingue sans en avoir l’air la bonne conscience de l’Amérique. Grand petit film.

Pêcheur d’Islande – de Jacques de Baroncelli – 1924

Posté : 25 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1920-1929, DE BARONCELLI Jacques, FILMS MUETS, VANEL Charles | Pas de commentaires »

Pêcheur d'Islande

Comme la passion et les espoirs de la pauvre Gaud, qui attend désespérément que son rustre de marin lui déclare son amour, le film de Jacques de Baroncelli souffle constamment le chaud et le froid, et nous fait passer d’un désintérêt poli à un enthousiasme fervent. L’effet des embruns bretons, sans doute…

Gaud, jeune femme de Paimpol au visage taillée pour la tragédie… Les drames, d’ailleurs, s’accumulent autour d’elle. C’est le destin des femmes bretonnes, qui se retrouvent au pied de la croix des veuves, d’où l’on voit le mieux les bateaux rentrer au port… ou ne pas rentrer. Tout un symbole, donc, cette Gaud, qui a le regard triste et débordant d’amour de Sandra Milowanoff, jeune actrice révélée chez Louis Feuillade, et qui connaîtra une brève mais belle carrière jusqu’à la fin du muet.

Jusqu’à Dans la nuit à vrai dire, le film que réalisera Charles Vanel en 1929. Et c’est justement Charles Vanel qui interprète ici le marin rustre, celui qui ne se décide pas à déclarer son amour. Grand acteur, décidément, y compris dans ses jeunes années, où sa forte stature ne dissimule qu’à moitié une grande sensibilité ravalée. Il est formidable Vanel, dans ses doutes et dans ses obstinations, dans sa manière d’éviter le regard de Gaud, et de regarder la Mer, son autre amour.

Le vrai personnage principal de cette adaptation du roman de Pierre Loti (Charles Vanel jouera un rôle secondaire dans une autre adaptation, très libre, que tournera Pierre Schoendorffer trente-cinq ans plus tard), c’est elle, la mer. Et c’est peut-être un peu ambitieux pour Jacques de Baroncelli, qui n’a ni le regard poétique de Jean Epstein (Finis Terrae), ni le génie dramatique de Duvivier (La Divine Croisière), et qui ne réussit pas totalement à faire de la mer une entité vraiment forte.

Il y met les moyens pourtant (bon… pas dans le choix des maquettes de bateau, qui font très… maquettes de bateau), avec un montage savant et l’utilisation de transparences pour le coup joliment dramatiques. Les scènes les plus amples sont appliquées, un peu sages. Mais la magie opère pleinement dans quelques scènes remarquables, parfois très fugaces.

La main d’une veuve qui caresse celle de Gaud, la grand-mère qui assiste à travers un drap à une demande en mariage tant attendue, ou encore, et surtout, l’étonnante rencontre au large et en pleine brume avec un « vaisseau fantôme », moment où le temps semble suspendu visuellement magnifique et émotionnellement très fort.

Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) – de Vincente Minnelli – 1952

Posté : 19 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DOUGLAS Kirk, MINNELLI Vincente | Pas de commentaires »

Les Ensorcelés

Un passage, dans The Bad and the Beautiful (à tout prendre, le titre original est quand même plus beau et mystérieux que sa traduction française), a toujours été pour moi une sorte de symbole de la cruauté, du cynisme et du chacun pour soi. Celle où le producteur joué par Kirk Douglas sort d’une réunion avec les décideurs du studio en affichant un large sourire soulagé, expliquant à son ami réalisateur (Barry Sullivan) qu’il a obtenu les fonds pour tourner le film dont ce dernier rêvait depuis longtemps (sourire enthousiaste du réalisateur), que la grande star du moment acceptait le rôle (re-sourire enthousiaste)… tout comme un grand réalisateur habitué des grosses productions (sourire figé).

Ce passage cruel et bouleversant marque un tournant dans le récit : celui où la passion de ses hommes et femmes qui fabriquent le rêve hollywoodien se teinte irrémédiablement de cruauté. Et ce personnage de Douglas, le producteur Jonathan Shields, est sans doute l’incarnation la plus troublante et authentique de ce qu’incarne Hollywood, ou plutôt de ce qu’il incarnait dans son âge d’or : une sorte d’île entièrement tournée vers le cinéma, où l’argent coule à flots, mais où la soif créatrice reste le centre de tout.

C’est toute la force et toute la beauté du film de Minnelli, qui dresse le portrait amoureux d’un homme odieux et souvent inhumain. Filmer Hollywood dans ce qu’elle a de plus rude, et en faire un chant d’amour au cinéma américain… Equation impossible qui fait de The Bad and the Beautiful le plus beau film consacré à Hollywood, le plus complexe, le plus audacieux, le plus romanesque, le plus enthousiaste et le plus critique. Tout ça dans le même mouvement.

Jonathan Shiels/Kirk Douglas, producteur ambitieux et mégalo, passionné et impitoyable, est aussi et avant tout un grand amoureux du cinéma, totalement habité par son art. Une sorte de synthèse des grands producteurs de l’époque (comme Selznick) qui n’hésite jamais vraiment à écraser ceux qui l’entourent pour le bien d’un film. Un homme monstrueux et d’une sincérité totale qui finit par se retrouver isolé.

Le film commence d’ailleurs comme ça : le réalisateur susmentionné (Barry Sullivan), un scénariste joué par Dick Powell, et une star interprétée par Lana Turner, tous d’anciens proches de Shields, refusent catégoriquement d’entendre même parler d’un projet porté par leur ancien ami. Et puis tous se retrouvent devant le seul à être resté fidèle au producteur (Walter Pidgeon), chacun racontant l’un après l’autre ce qui l’a amené à détester Shields…

La narration en longs flash-backs successifs n’est pas nouvelle bien sûr : Citizen Kane en est l’exemple le plus célèbre), et elle est particulièrement à la mode à cette époque (Mankiewicz s’en fera une spécialité, notamment avec La Comtesse aux pieds nus, autre très grand film, beau et cruel, sur Hollywood). Elle trouve quand même ici une sorte de perfection, une manière de relancer constamment le récit, et de complexifier les personnages, inoubliables.

Kirk Douglas trouve là l’un de ses plus grands rôles (il les enchaîne, c’est vrai, ces années-là), devenant l’incarnation idéale de la fièvre créatrice, dans une scène où le mégalo inspiré de Selznick cède la place à l’inventif visiblement inspiré de Val Lewton, précieux producteur de quelques classiques fauchés de l’épouvante comme La Féline, film auquel Minnelli fait un clin d’œil réjouissant.

Grand film sur Hollywood, grand film tout court… The Bad and the Beautiful fait partie de ces classiques qui semblent se bonifier avec l’âge, et qui interdit tout jugement définitif sur Hollywood, machine à rêver ou machine à briser. Quand le film et son sujet ne font plus qu’un… Un chef d’œuvre, pour l’éternité, qu’on aurait envie de montrer aux producteurs hollywoodiens actuels. C’est une idée, ça, tiens : et si on leur imposait un permis avec maîtrise obligatoire de Minnelli ?

Le Plaisir – de Max Ophüls – 1952

Posté : 18 novembre, 2023 @ 8:00 dans 1950-1959, DARRIEUX Danielle, GABIN Jean, OPHÜLS Max | Pas de commentaires »

Le Plaisir

Après La Ronde, Ophüls signe une autre variation autour du film à sketchs, et nous plonge cette fois dans l’univers de Maupassant, avec la même réussite exceptionnelle. Le Plaisir, ensemble de trois histoires aux atmosphères et aux durées très différentes (une bonne heure pour le segment central, une quinzaine de minutes pour les deux autres), est une merveille esthétique, et porte en lui toute la beauté, la nuance et la fragilité de l’être humain. Rien que ça.

Formellement, cette adaptation de Maupassant porte indéniablement la marque d’Ophüls. Une marque flagrante avant même la première image, avec cette voix off omniprésente (celle de Jean Servais prêtant son timbre à l’écrivain lui-même) qui commente et assure les transitions en s’adressant directement au spectateur, avant de prendre corps dans le dernier segment.

Surtout, la virtuosité du cinéaste est éclatante, aussi frappante dans un extraordinaire plan-séquence endiablé au cœur d’un bal parisien, que dans les allées d’une église rurale célébrant une première communion… Ophüls, à grand renfort de mouvements d’appareils fluides et virevoltants, capte l’atmosphère et l’énergie des lieux.

Mais avant tout, il en capte les sentiments, les émotions : cette émotion qui prend les pensionnaires d’une « maison » confrontées soudainement à la pureté d’une jeune fille de la campagne et de chants religieux. Ou celle à fleur de peau d’une vieille épouse délaissée prenant soin de son mari, ancien séducteur qui se perd chaque soir dans des parodies de jeunesse retrouvée.

Il y a dans Le Plaisir quelques-unes des plus belles images du cinéma d’Ophüls. D’abord, l’irruption de ce danseur au visage figé, dansant comme un pantin mystérieux dans ce bal plein de vie, dans le premier segment Le Masque. Puis ces fameuses pensionnaires d’une maison de plaisir qui s’arrêtent pour cueillir des fleurs dans un champs aux herbes hautes, sous le regard d’un Jean Gabin au cœur gros dans la deuxième histoire, La Maison Tellier.

La troisième, Le Modèle, est sans doute plus anecdotique, au moins visuellement. Plus cruelle que vraiment émouvante en tout cas. Mais elle complète plutôt bien la vision finalement assez cynique qu’offrent Maupassant et Ophüls de ce « plaisir » qui donne son titre au film : un plaisir basé sur des faux-semblants, des regrets ou des erreurs… Un homme qui court après sa jeunesse perdue. Un autre qui tente de retenir une parenthèse enchantée. Un dernier qui se ment sur ses propres sentiments…

Le film est bouillonnant de vie. Il n’en est pas moins grave et profond. Et la distribution, comme dans La Ronde, est impressionnante. On retrouve d’ailleurs une partie des mêmes : Simone Simon, Daniel Gélin, et surtout Danielle Darrieux (qu’Ophüls retrouvera une dernière fois pour un autre chef d’œuvre, Madame de…). Et puis Madeleine Renaud, Ginette Leclerc, Louis Seigner ou Pierre Brasseur. Et puis Gabin, en bon rustaud campagnard gentiment lourdaud, et très émouvant. Cette même année, Darrieux et lui se retrouvent pour un autre film important : La Vérité sur Bébé Donge.

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