Cinq cartes à abattre (Five card stud) – de Henry Hathaway – 1968
Etonnant western, basé sur une intrigue purement policière : une partie de cartes qui termine par le lynchage d’un tricheur, et les survivants qui sont retrouvés morts les uns après les autres… Qui est le coupable ? Curieux mélange des genres, plutôt séduisant à première vue, surtout que le casting est à la hauteur : Dean Martin en joueur professionnel, Robert Mitchum en pasteur inquiétant (un emploi sur mesure depuis La Nuit du chasseur), et Henry Hathaway aux commandes.
Il y a de très belles choses tout au long du film. Quelques seconds rôles originaux et très réussis (la vieille tenancière de bar ; son employé noir, joué par le jeune Yaphet Kotto, observateur attentif et désabusé du drame…), un portrait assez réussi d’une société prête à imploser sous le poids de la suspicion (la séquence de la fusillade avec le shérif et son adjoint est très réussie)…
Beaucoup de scènes très réussies, donc, mais il manque un liant à toute cette entreprise. Hathaway, cette fois, semble avoir manqué d’une vue d’ensemble, et s’être contenté de filmer une série de séquences sans lien les unes avec les autres. Cela donne une série de moments assez mémorables, mais pas un vrai film. Et puis Bob Mitchum, en caricature de lui-même, n’est jamais tout à fait convaincant : dès son apparition, on sait que c’est lui le tueur, même si Hathaway attend le dernier quart d’heure pour nous le révéler clairement.
Cinq cartes à abattre est un film bâtard. Pas parce qu’il mélange western et polar (c’est bien ce qu’il y a de plus intéressant ici), mais parce qu’on sent bien que Hathaway est tiraillé entre ses propres racines classiques, et des influences plus modernes : celles du Nouvel Hollywood naissant (avec une musique, signée Maurice Jarre, résolument contemporaine) et de la télévision (pour le rythme feuilletonant et le ton).
Reste un bel exercice de style, et une belle prestation de Dean Martin (Dino interprétant lui-même la chanson du générique). Mais dans l’œuvre majeure d’Hathaway qui touche à sa fin (il ne signera plus que quatre films), ce western est définitivement très mineur.