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Archive pour la catégorie 'MITCHUM Robert'

Thunder road (id.) – d’Arthur Ripley – 1958

Posté : 21 décembre, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, MITCHUM Robert, RIPLEY Arthur D. | Pas de commentaires »

Thunder Road

Même s’il n’est pas totalement abouti, il y a une belle ambition et une atmosphère vraiment originale dans ce drôle de film noir, ultime réalisation d’un cinéaste qui n’aura signé qu’une poignée de longs métrages (dont le pas terrible L’Evadée). Celui-ci, d’ailleurs, est parfois attribué en partie à Robert Mitchum, star, producteur, auteur de l’histoire originale et co-auteur de la chanson principale.

L’acteur s’offre un rôle assez différent de son emploi habituel dans le genre : un chauffeur, ou plutôt un transporteur, chargé d’amener à bon port l’alcool fabriqué clandestinement par son père, et par ses aïeux depuis des générations. Un « métier » à hauts risques, dont il s’est promis de garder à bonne distance son petit frère, joué par… le fils de Mitchum.

Le fils de Mitchum qui interprète le frère de Mitchum ? A priori, il faut reconnaître que ça colle plutôt bien : ces deux-là ont clairement un air de famille, et la différence d’âge est évidente mais pas flagrante au point d’imposer le saut d’une génération. N’empêche : le simple fait de savoir qu’ils ne sont pas frères, mais père et fils, crée un sentiment bizarre qui pèse un peu sur leurs nombreuses scènes communes.

Cette curiosité mise à part, il y a une belle atmosphère dans ce film qui oscille constamment entre le film de genre et la peinture sociale d’une vallée oubliée par le progrès, dont les habitants cherchent à retenir les vieilles habitudes, contre l’irruption violente de l’ordre et de la modernité.

Ripley n’est pas un immense cinéaste, et tout n’est pas parfait dans son film. Les scènes de jour sont ainsi, pour la plupart, assez plates et molles. Mais dès que la nuit se fait à l’écran, il se produit une sorte de miracle. Comme si l’obscurité ôtait toute contrainte au réalisateur, qui s’autorise alors des pauses fascinantes et magnifiques.

Une série de gros plans à la lueur d’un feu lors d’un conciliabule sous haute tension. Un face-à-face romantique et lourd de présages lors d’une soirée pluvieuse. L’ultime regard de deux frères qui se savent à l’heure des adieux. Ou la vision lointaine d’une lente cohorte de voitures dont on ne voit que les phares allumées, et dont on sait qu’elles transportent ce qui reste de l’être aimé… Inégal et parfois maladroit, Thunder Road est surtout habité par ce genre de scènes belles et mélancoliques.

Racket (The Racket) – de John Cromwell – 1951

Posté : 18 septembre, 2016 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, CROMWELL John, MITCHUM Robert, RYAN Robert | Pas de commentaires »

Racket

Il y a de bien belles idées dans ce noir méconnu. En vrac : un attentat contre la famille d’un flic qui n’est pas sans évoquer le Règlement de comptes de Fritz Lang (tourné deux ans plus tard), une course poursuite haletante qui se termine sur le toit d’un parking, un homme de loi véreux pour qui les notions de bien et de mal se décident aux intérêts qu’il peut en titrer, ou encore un jeune flic droit et courageux qui volerait presque la vedette au vrai héros du film.

Ce héros pourtant, c’est Bob Mitchum, impeccable en policier incorruptible. On peut le préférer en anti-héros victime du destin, rôle qu’il a tenu dans une quantité de films noirs plus mémorables encore que celui-ci, mais il y a toujours chez Mitchum ce petit quelque chose quasi-imperceptible qui fait de chacune de ses scènes un pur moment de cinéma, même si lui paraît ne rien faire pour cela.

Pour revenir au jeune flic, second rôle joliment dessiné, c’est clairement l’une des belles surprises du film. Surtout qu’il est joué par William Talman, tellement marqué par son rôle de tueur psychopathe à l’œil mort du Voyage de la Peur (qu’il tournera lui aussi deux ans plus tard) que ses premières scènes sèment le trouble. A tort bien sûr : Talman est ici un vrai chevalier blanc, brave et tragique.

Autre bon choix de casting : le toujours formidable Robert Ryan. Et autant Mitchum et Talman sont de vrais gentils, autant Ryan est ici une pure ordure, qui règle ses comptes et ses problèmes à coups de flingues grâce à son armée de tueurs. Ce n’est pas pour autant un méchant totalement monolithique. Il y a même un petit côté pathétique qui serait presque touchant (j’ai dit « presque »), dans ce personnage de caïd déjà dépassé par un crime organisé qui se modernise et se complexifie en misant plus sur la politique que sur la violence.

Il manque sans doute à Racket un liant, une fluidité qu’aurait sans doute donné un scénario moins bavard (les dix premières minutes sont un peu lourdes) et un réalisateur plus intense que John Cromwell, plus connu pour ses bluettes ou ses films lacrymaux (on lui doit l’une des versions du Petit Lord Fauntleroy, en 1936) que pour ses films noirs. Etonnamment à l’aise dans les scènes d’action et de suspense, il peine à donner corps à ce polar en pays corrompu.

A l’Ouest du Pecos (West of the Pecos) – de Edward Killy – 1945

Posté : 26 avril, 2015 @ 6:15 dans 1940-1949, KILLY Edward, MITCHUM Robert, WESTERNS | Pas de commentaires »

A l'Ouest du Pecos

Robert Mitchum n’est pas encore tout à fait une star lorsqu’il tourne ce petit western : il le deviendra quelques mois plus tard avec le triomphe des Forçats de la gloire de Wellman. Mais, même dans un film aussi mineur que celui-ci, le mythe Mitchum est déjà en marche : sa présence massive et fragile à la fois, son dégagement apparent et son intensité incroyable sont bel et bien là…

Cela dit, West of the Pecos n’est pas une date importante dans sa riche filmographie. Dans cette production sans grande ambition, les personnages sont tous parfaitement monolythiques. Les méchants sont très méchants, les braves gens sont très braves, Mitchum est très héroïque, et Barbara Hale est charmante.

On est dans l’éternel affrontement des petits contre les grands, mais l’histoire semble à peine intéresser le réalisateur, entièrement tourné vers le ressort comique du film : Barbara Hale se faisant passer pour un garçon aux yeux de tous, y compris d’un Mitchum dont, forcément, elle est tombée raide dingue…

Evidemment, cela donne quelques scènes gentiment amusantes. Mais Edward Killy ne fait jamais le choix franc de la comédie, hésitant constamment entre légèreté et gravité. Ce n’est pas mémorable, mais cela reste franchement sympathique…

* DVD chez Sidonis/Calysta dans la collection « Westerns de Légende », avec une présentation de Patrick Brion.

Le Grand Sommeil (The Big Sleep) – de Michael Winner – 1978

Posté : 30 août, 2014 @ 5:23 dans * Polars US (1960-1979), 1970-1979, MITCHUM Robert, STEWART James, WINNER Michael | Pas de commentaires »

Le Grand Sommeil Winner

Ce Grand Sommeil version 78 n’a à peu près qu’un intérêt : ce film est l’unique occasion de voir Robert Mitchum et James Stewart se donner la réplique. Un intérêt qui se limite donc à deux petites séquences de deux minutes, décevantes à tous points de vue. Même si Mitchum, qui a à peu près trente ans de trop pour jouer Marlowe, continue à enchaîner les rôles à cette époque, tous les deux sont loin de leur âge d’or. Et leur face à face, filmé sans le moindre talent, sonne particulièrement faux, devenant l’un des rendez-vous manqués les plus insupportables de toute l’histoire du cinéma.

Pas besoin de chercher loin pour trouver le fautif : Michael Winner, qui ose signer un scénario qui se contente de surfer entre celui du film de 46 (en tout cas dans la première partie) et le roman de Chandler en essayant de le rendre plus limpide, est surtout un réalisateur calamiteux. Même s’il a fait illusion avec une poignée de films (L’Homme de la loi), Winner révèle un « talent » à la hauteur des téléfilms de l’époque : visuellement affreux (usant des zooms et de petits flash backs en insert), et incapables d’installer une ambiance.

Autant dire que la comparaison, inévitable, avec le monument de Hawks est pour le moins cruelle. Soyons honnête : Winner n’essaie pas de rivaliser avec son aîné, et fait des choix à peu près systématiquement opposés. Alors que le film de Hawks ne reposait que sur l’atmosphère, au détriment souvent de la compréhension de l’histoire, Winner semble lui ne s’intéresser qu’à l’intrigue.

Il a tort, elle est bien trop complexe pour qu’on s’y intéresse vraiment si rien de séduisant ne nous y incite. Et il n’y a vraiment rien, pas même un plan un peu torché, pour habiter cette histoire platement illustrée, et qui manque cruellement de rythme. Mitchum promène sa dégaine fatiguée au milieu d’un casting totalement à côté de la plaque, et tristement terne comparé à Lauren Bacall et aux géniaux seconds rôles du film de Hawks. Le voir faire le boulot devant une caméra aussi paresseuse, lui qui a tourné pour les plus grands, à quelque chose de franchement déprimant.

Et même si au détour d’une réplique en voix off (« Je remarquai que ma télé était allumée. J’étais pas là. C’était donc quelqu’un d’autre. ») ou d’un meurtre filmé en ombre chinoise, Winner réussit à réveiller ponctuellement l’intérêt, son adaptation de Chandler est la plupart du temps pénible…

La Fille de Ryan (Ryan’s daughter) – de David Lean – 1970

Posté : 26 décembre, 2013 @ 10:48 dans 1970-1979, LEAN David, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

La Fille de Ryan

Après une série de grands classiques, David Lean signe un nouveau chef-d’œuvre. Beaucoup plus méconnu que Lawrence d’Arabie ou Docteur Jivago, La Fille de Ryan relève pourtant de la même ambition : réaliser un grand film romanesque et intime à la fois, dans un pays déchiré par l’histoire en marche. Le résultat : une transposition à peine voilée de Madame Bovary, et l’un des films les plus beaux, les plus forts, sur l’Irlande des années 10.

Comme dans tous ses films, le lieu joue un rôle majeur. En l’occurrence, une petite ville de la côte irlandaise, sous domination anglaise, durant la Grande Guerre. On est loin de Dublin, où des affrontements sanglants se multiplient pour l’Indépendance. On est loin aussi du conflit qui fait rage sur le continent. De ces combats, on ne verra rien, mais ils sont pourtant omniprésents, pesant sur les habitants de cette terre déchirée (dans tous les sens du terme) et éloignée de tout, dont Lean signe un portrait formidable.

Les paysages, austères et magnifiques à la fois, romantiques et dangereux, donnent le ton du film. Son village est un lieu désœuvré, qui se cherche un héros. Coupés du monde et de ses enjeux, les villageois vivent repliés sur eux-mêmes. Ils ne se réveilleront que lorsqu’un leader indépendantiste choisira leur plage pour récupérer des armes destinées aux rebelles. Cela se passe lors d’une journée de tempête hyper spectaculaire, que Lean a mis plusieurs mois à tourner. Il y met en scène une unité soudaine qui s’improvise d’une manière totalement romantique face aux éléments. C’est magnifique, fulgurant et tragique à la fois.

La Fille de Ryan est aussi un film intime, peuplé de personnages fascinants : celui du prêtre (imposant Trevor Howard, à mille lieues de Brève rencontre) ; ou celui, bouleversant, de Michael « l’idiot du village » interprété par John Mills, visage grotesque et corps déformé, présence omniprésente qui se révèle le plus conscient des drames qui se nouent). C’est aussi une belle et complexe histoire d’amour.

Une jeune villageoise tombe amoureuse d’un homme plus âgé que lui qu’elle épouse, mais qui réalise vite qu’il lui manque quelque chose. Lean filme le couple constamment séparé par quelque chose : une porte, une chemise, ou simplement de la musique trop forte… Ce quelque chose qui lui manque, elle le trouve auprès d’un officier anglais en garnison, avec qui elle vit une passion sulgurante. Devant la caméra de Lean, tout disparaît autour d’eux : le décor s’efface, pour ne laisser la place qu’aux deux corps qui s’enlacent…

Dans le rôle principal, Sarah Miles est une belle héroïne romantique, emportée par le souffle de son époque. Dans celui de son mari, Robert Mitchum trouve l’un de ses très grands rôles. S’il est un film qui prouve définitivement que la star n’est pas le je-m’en-foutiste qu’il affirmait être, c’est bien celui-là. Son interprétation de cet instit effacé et trop doux, est absolument magnifique.

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966

Posté : 7 octobre, 2013 @ 2:45 dans 1960-1969, HAWKS Howard, MITCHUM Robert, WAYNE John, WESTERNS | Pas de commentaires »

El Dorado (id.) – de Howard Hawks – 1966 dans 1960-1969 el-dorado

Curieuse fin de carrière pour Hawks, dont les deux derniers films sont des westerns qui déclinent les thèmes de Rio Bravo. Avant Rio Lobo, dont l’histoire en sera tout de même plus éloignée, El Dorado peut même être considéré comme le remake officiel de son chef d’œuvre de 1959. John Wayne qui fait équipe avec un alcoolique, un vieillard, un gamin et une belle jeune femme dans une prison assiégée… on a déjà vu ça quelque part.

Mais Hawks réussit un petit miracle. Sans être totalement aussi abouti que Rio Bravo, El Dorado, malgré tous les points communs avec son modèle (jusqu’à la fameuse goutte de sang dans la bière, remplacée par un piano aux fausses notes), évite toute sensation de redite. D’où cela vient-il ? Du fait que les rôles sont inversés peut-être : cette fois, c’est le shérif qui est alcoolique. Du fait, aussi, que seul Wayne reprend du service : Dean Martin est remplacé par Robert Mitchum, qui donne une autre dimension à son personnage.

Mais la vraie originalité vient peut-être du fait que, cette fois, la ville est clairement filmée dans son environnement. Dans Rio Bravo, Hawks n’en sortait jamais. Ici, il n’arrive à ce qui correspond au début de son précédent western qu’après un long prologue dans les vastes plaines environnantes, qui nous fait voyager d’une ville à l’autre. Dès le générique, d’ailleurs, suite de dessins représentant des cow-boys au travail, des attaques d’Indiens ou des caravanes sur les chemins, Hawks place son western sous le signe des grands espaces.

Cela peut sembler anecdotique, mais ce choix donne un ton différent au film, et une autre vérité aux personnages, dont on ressent la fatigue et la lassitude. John Wayne, dans un rôle apparemment semblable à celui de John T. Chance, n’est plus tout à fait le même. En sept ans, il a pris du poids, et un vrai coup de vieux. Il paraît plus fragile, moins « magnifique ». Et puis Hawks qui adjoint un vrai partenaire, un jeunôt lui : c’est James Caan, que le cinéaste avait déjà dirigé dans son précédent film, Ligne rouge 7000, et qui apporte une fraîcheur et un dynamisme qui tranchent avec la lassitude des personnages de Wayne et Mitchum.

Rio Bravo était un pur bonheur de cinéma, l’un de ces films mythiques totalement hors du temps. El Dorado est plus imparfait, mais aussi plus complexe, abordant plus cruellement les signes du temps qui passe.

• Le film vient de sortir en blue ray chez Universal. La qualité est irréprochable, mais par le moindre bonus à l’horizon.

Macao (id.) – de Josef Von Sternberg et Nicholas Ray – 1952

Posté : 12 septembre, 2013 @ 1:51 dans * Films noirs (1935-1959), 1950-1959, MITCHUM Robert, RAY Nicholas, VON STERNBERG Josef | Pas de commentaires »

Macao (id.) – de Josef Von Sternberg et Nicholas Ray – 1952 dans * Films noirs (1935-1959) macao

L’avant-dernier film réalisé par le grand Von Sternberg marque à la fois le retour aux sources et le début de la fin pour le cinéaste de Morocco, le pygmalion de Marlene Dietrich, réalisateur qui semble courir après ses années perdues depuis l’émancipation de sa muse. Au fil des ans, Sternberg a enchaîné par mal de déceptions professionnelles, et son inspiration s’est révélée en dent de scie. Sa réputation est celle d’un cinéaste difficile, souvent en conflit avec ses comédiennes et ses producteurs.

Avec Macao, le réalisateur renoue avec l’Extrême Orient, qui lui a particulièrement réussi par le passé. L’atmosphère de Macao, comme celle de Shanghaï dans d’autres de ses films (Shanghai Express, Shanghai Gesture), est pour beaucoup dans la réussite du film. Sternberg y filme des hommes et des femmes perdus loin de chez eux, des aventuriers qui cachent un passé dont on ne saura rien, mais qui errent comme des âmes en peine à la recherche désespérée d’une seconde chance. Des personnages totalement sternbergien, donc.

Ce qui compte ici, c’est l’atmosphère, et ces moments de grâce que Sternberg arrive à faire surgir comme par miracles : une extraordinaire intimité entre Jane Russell et Robert Mitchum à bord d’un bateau ; des ruelles qui se confondent avec la mer et qui rappellent constamment à ces exilés qu’ils sont loin de chez eux ; un cabaret qui permet de noyer son spleen dans des volutes de fumée et des verres d’alcool.

Quant à l’intrigue policière, haletante, elle reste constamment au stade du concept. D’où viennent les personnages de Russell et Mitchum ? Pourquoi le flic interprété par William Bendix (dans un rôle étonnamment « normal » pour l’immense acteur du Dahlia bleu) est-il à ce point obnubilé par le riche criminel joué par Brad Dexter ? Et de quoi ce dernier est-il accusé ? On ne le saura pas, et on ne se pose jamais vraiment la question.

Qu’importe d’ailleurs : ce que ressentent les personnages, perclus de peur et de mal-être, est flagrant. Aussi chaleureux soient-ils, les décors de cette ville si loin de New York (le port d’attache évoqué constamment par tous) leur rappellent qu’ils sont des parias, condamnés à errer loin de chez eux.

La réputation de Sternberg, ainsi que ses relations avec Jane Russell (la protéger de la RKO) et Gloria Grahame (sublime actrice trop méconnue, dans un rôle en retrait mais auquel elle apporte une profondeur qu’aucune autre n’aurait su lui donner), ont incité les producteurs à déposséder le cinéaste de son film, et à le confier à Nicholas Ray, qui a tourné certaines scènes et supervisé le montage. La meilleure manière de condamner un film…

Pourtant, il y a quelque chose de magique dans ce Macao, qui, même si on est loin de ses glorieuses réussites des années 30, porte malgré tout la patte de Sternberg. Impossible de dire ce qu’aurait été le film si le cinéaste en avait eu le contrôle total. Mais en l’état, ce film d’aventure étonnamment intime est un bijou.

• Le film existe en DVD, dans la collection bleue consacrée à la RKO par les Editions Montparnasse, avec une introduction par le toujours passionné Serge Bromberg.

Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) – d’Elia Kazan – 1976

Posté : 6 septembre, 2013 @ 1:39 dans 1970-1979, CARRADINE John, CURTIS Tony, DE NIRO Robert, KAZAN Elia, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) – d’Elia Kazan – 1976 dans 1970-1979 le-dernier-nabab

Elia Kazan savait-il que The Last Tycoon serait son dernier film ? Il y a en tout cas des allures de testament cinématographique dans cette magnifique adaptation d’un roman de Fitzgerald. Dans le cadre du Hollywood des années 30, celui de la jeunesse de Kazan, c’est un film profondément mélancolique, l’histoire d’un amour disparu, que De Niro tente de retrouver à travers le personnage quasi-fantasmé de Katherine Moore, sosie de sa défunte femme.

Dans le rôle, Ingrid Boulting n’a pas eu bonne presse à l’époque de la sortie. Son interprétation vaporeuse en a surpris plus d’elle. A tort : elle tient davantage du fantasme que de l’héroïne classique. Sa première apparition affiche la couleur : après un tremblement de terre qui surprend le producteur interprété par DeNiro dans son sommeil, elle entre en scène chevauchant une tête géante dérivant dans un décor de cinéma inondé par un torrent…

Producteur à l’ancienne, à l’époque où les producteurs étaient les maîtres absolus et disposaient à leur convenance des réalisateurs comme des scénaristes, Monroe Stahr est inspiré par Irving Thalberg, le jeune maître à penser de la MGM dans les années 20 et 30. Il est aussi le symbole d’un Hollywood déjà condamné à disparaître, alors que le studio est secoué par la grogne des scénaristes, sur le point de créer leur syndicat. La toute puissance du producteur qui ne vit que pour les films est remise en cause. L’ère des financiers et des avocats se profile.

Stahr/DeNiro représente aussi toute la complexité de ce système de l’âge d’or d’Hollywood : un vrai amoureux de cinéma qui connaît mieux que quiconque les clés d’un bon film (la période a donné un paquet de grandes réussites, quand même…), mais qui se révèle sans pitié, obligeant un grand écrivain perdu dans un Hollywood qu’il ne comprend pas (Donald Pleasance, sans doute inspiré de Fitzgerald lui-même) à travailler avec de jeunes scénaristes aux ordres, ou virant sans ménagement d’un plateau un réalisateur (Dana Andrews) incapable de canaliser la star capricieuse jouée par Jeanne Moreau.

Monroe Stahr est à l’image de ce Hollywood recréé à l’écran dans toute sa complexité, à la fois terriblement séduisant et terrible tout court. Kazan n’est pas dupe, lui qui a connu les sommets d’Hollywood comme ses revers, après son fameux témoignage devant la commission des activités anti-américaines. Est-ce pour cela que l’un des personnages les plus sympathiques, le moins altéré par le cynisme hollywoodien, est un communiste, interprété par Jack Nicholson ?

Le film est beau parce que le personnage de DeNiro, en pleine perdition, est très émouvant. Mais aussi parce que derrière le cynisme et la critique d’un système, on sent une certaine nostalgie de cette époque disparue : The Last Tycoon est aussi une déclaration d’amour pour le cinéma et ses acteurs, avec une affiche magnifique qui semble réunir toutes les générations d’acteurs.

John Carradine sert de guide à travers les décors du studio. Tony Curtis, formidable, joue avec sa propre image. Robert Mitchum n’avait plus été aussi bon depuis des années. Ray Milland et Dana Andrews échappent pour un temps aux nanars qu’ils enchaînent alors pour des rôles en retrait mais marquants.

Ces monstres sacrés, stars d’un Hollywood déjà disparu, semblent passer le flambeau à DeNiro, fascinant dans sa raideur. L’acteur est sans doute celui qui incarne le mieux le nouvel Hollywood. Pourtant, c’est le Hollywood de l’Âge d’Or dont il est le symbole dans ce film. Qu’importe le système finalement. A la fin du film, avant de quitter ce studio pour lequel il a tout donné, il lance face caméra : « Je viens de faire du cinéma ». Et la phrase résonne comme un adieu du réalisateur. C’est bouleversant.

Le Médaillon (The Locket) – de John Brahm – 1946

Posté : 28 août, 2013 @ 10:21 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, BRAHM John, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

Le Médaillon (The Locket) - de John Brahm - 1946 dans * Films noirs (1935-1959) le-medaillon

John Brahm délaisse les ambiances nocturnes et brumeuses de l’Angleterre victorienne qui l’ont révélé (avec ses deux chefs d’œuvre, The Lodger et Hangover Square), pour cette production ambitieuse avec laquelle la RKO souhaitait visiblement renouer avec la grandeur qui était la sienne au moment de Citizen Kane ou de La Splendeur des Amberson. On y retrouve les jeux sur l’ombre et la lumière, l’importance des gros plans ou encore le génie la puissance du montage qui faisaient la force des deux premiers films d’Orson Welles.

Mais Le Médaillon n’est pas une vaine tentative de renouer avec une gloire déjà passée pour le studio. Et John Brahm est bien plus qu’un ersatz de Welles. Même si la filiation est évidente, Brahm est un cinéaste totalement au service de son histoire et de l’atmosphère qu’il crée. Le malaise qui ressort de son film est ainsi de plus en plus palpable, jusqu’à la dernière image.

La construction du film est un modèle encore inégalé (même si Christopher Nolan s’en est vraisemblablement inspiré pour son Inception, aussi complexe mais nettement plus tape-à-l’œil) : une série de flash-backs qui ne se succèdent pas, mais qui s’imbriquent les uns dans les autres.

Tout commence à quelques heures d’un mariage. Un étranger raconte au futur marié que celle qu’il va épouser n’est pas celle qu’elle prétend, qu’elle est malade, menteuse, voleuse… pire peut-être. Il raconte, et dans le flash-back, lui-même rencontrait un autre homme qui racontait… et ainsi sur quatre niveaux, qui nous plonge jusqu’à la source de tous les maux, jusqu’à ce moment où, alors qu’elle n’était qu’une enfant, la jeune femme a vécu ce traumatisme à l’origine de tout.

Le mouvement du film est une merveille absolue : une lente et vertigineuse plongée dans les tréfonds du passé (et de l’âme du personnage), suivie d’une toute aussi lente remontée vers le présent. Avec toutes les fêlures, tous les doutes, toutes les souffrances que cette remontée implique. Tous les espoirs, aussi. Comme le laisse penser l’un des personnages principaux, psychanalyste, Le Médaillon est un film qui, sous des allures de film noir classieux, ne parle que de psychanalyse : les flash-backs successifs permettent d’ouvrir de plus en plus de portes, et de plonger de plus en plus profond pour découvrir le traumatisme originel…

C’est brillamment réalisé, d’une grande intelligence, et toujours formidablement modeste dans le ton que Brahm adopte, jamais professoral, toujours plus proche du film de série que du film à thème.

Dans le rôle principal, Laraine Day est très belle et troublante. Elle ne fait rien pour cela, d’ailleurs, mais c’est justement cette manière de ne rien jouer qui rend son personnage si trouble. Brian Aherne est aussi parfait dans le rôle du psy, mais c’est un jeune acteur qui monte qui dévore l’écran. Robert Mitchum, alors en pleine éclosion, et qui allait enchaîner avec quelques-uns des plus grands films noirs : Crossfire, Out of the past… Il a déjà ce jeu faussement nonchalant et ce charme trouble qui seront sa marque.

• La collection consacrée à la RKO, chez les Editions Montparnasse, vient de s’enrichir de sept nouveaux titres, des DVD à petits prix (10 euros) avec comme unique bonus une présentation de Serge Bromberg, qui contextualise chaque film avec sa passion bien connue. Au programme, outre Le Médaillon : Double chance de Lewis Milestone, L’Autre de John Cromwell, La Femme la plus riche du monde de William A. Seiter, Haute Société de George Cukor et deux classiques de Jacques Tourneur, Vaudou et L’Homme-léopard.

Feux croisés (Crossfire) – d’Edward Dmytryk – 1947

Posté : 18 août, 2013 @ 4:29 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, DMYTRYK Edward, MITCHUM Robert, Palmes d'Or, RYAN Robert | Pas de commentaires »

Feux croisés (Crossfire) – d’Edward Dmytryk – 1947 dans * Films noirs (1935-1959) feux-croises

Ça commence comme un film noir très classique : dans une pièce plongée dans l’obscurité, des ombres se battent. On n’en voit quasiment rien, mais la violence de la scène est perceptible. Finalement, deux hommes portant uniforme laissent derrière eux un civil sans vie… Puis l’entrée en scène d’un flic revenu de tout, joué par l’excellent Robert Young, très « Maigret-esque », qui va tenter de reconstituer les dernières heures de la victime, un brave type qui a croisé la route de trois soldats fraîchement démobilisés dans un bar.

L’affiche elle-même constitue une sorte de sommet du film noir de l’époque : les trois Robert Mitchum, Ryan et Young réunis dans un même film… il y a de quoi faire saliver tous les amateurs du genre. Mais très rapidement, le film s’éloigne de l’intrigue pure. L’identité du coupable est révélée, et ce n’est pas une surprise : c’est Robert Ryan, habitué aux rôles de grands malades et de désaxés, qui interprète ici un vétéran débordant de haine contre les juifs.

Dmytryk, qui sera quelques mois après le tournage le seul réalisateur des « 10 d’Hollywood » (des professionnels du cinéma blacklistés pour avoir refusé de coopérer avec la tristement fameuse commission McCarthy), signe peut-être le premier film qui dénonce ouvertement d’antisémitisme non pas comme l’un des moteurs du nazisme, mais comme une menace intérieure réelle.

Ryan n’y est pas un psychopathe assoiffé de sang : c’est un « antisémite ordinaire » (comme on parle aujourd’hui de racisme ordinaire) qui, vraisemblablement, rejette sur les Juifs, et particulièrement sur cet homme si compréhensif et si serein qu’il rencontre au hasard d’une soirée, la responsabilité des horreurs auxquelles il a dû prendre part durant la guerre, et la mort de soldats qu’il a connus. Un type plein de haine et de morgue qui finit par déraper.

C’est la grande force du film, au-delà du récit plein de suspense : faire ressentir la triste banalité de ces destins brisés. Le flic, d’âge mur, est revenu de tout. Mais les jeunes soldats sur lesquels il enquête semblent, eux, ne pas savoir comment retrouver une vie normale après ces années de guerre.

Robert Mitchum, qui fait en quelque sorte le lien entre tous les personnages, a le rôle le moins intéressant à jouer. Il ne prend d’ailleurs qu’une part marginale dans le déroulement de l’action. Mais la présence de l’acteur, qui n’a pas encore tourné ses grands chefs d’œuvre, est déjà magnétique. Sa force tranquille, ses paupières lourdes, sa diction de trois heures du matin, habitent déjà ce film fort et intelligent, qui réussit à faire le trait d’union entre film de genre et film engagé. Pas de quoi rassurer McCarthy…

• Le DVD du film fait partie de la très riche (et très abordable) collection bleue « RKO » des Editions Montparnasse.

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