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Archive pour la catégorie 'GABIN Jean'

Le Chat – de Pierre Granier-Deferre – 1971

Posté : 6 avril, 2020 @ 8:00 dans 1970-1979, d'après Simenon, GABIN Jean, GRANIER-DEFERRE Pierre | Pas de commentaires »

Le Chat

Comment deux êtres qui se sont aimés en arrivent à se détruire l’un l’autre parce qu’ils ne se supportent plus et sont incapables de se séparer. Grand face-à-face entre deux stars immenses et prématurément vieillis. Signoret et Gabin, couple rude et tragique, dont la beauté évaporée plane constamment sur le film, et sur leurs destins.

Pierre Granier-Deferre réussit son adaptation de Simenon, et signe un film sombre, désespéré, et d’une sécheresse radicale. Rien de romantique, bien sûr, dans ce film aux images froides et laides. Un parti pris qui est le sujet même du film, comme ces maisons que l’on détruit, comme autant de bribes de jeunesse qui s’enfuient.

Signoret et Gabin vivent dans un pavillon de banlieue qui fut « la maison du bonheur », avant de devenir celle de la rancœur. Ils se sont aimés, ils se sont installés dans cette banlieue verdoyante. Ils ne se supportent plus, la banlieue est devenue un vaste chantier de reconstruction, qui fait table rase du passé. L’expropriation guette, la tragédie aussi.

Signoret est seule, triste, et vit dans un passé plein d’illusions. Gabin, lui, est juste fatigué, et n’en a vraiment plus rien à foutre. De rien, si ce n’est de son chat, qui occupe désormais toute la place dans sa vie. Tous deux sont formidables, douloureux, glaçants…

Qui d’autre qu’eux pouvaient jouer ce couple ? Il fallait leur passé, leur beauté et leur jeunesse si marquantes, et aussi ces années qui les ont marqués trop tôt et qu’ils n’ont jamais cherché à cacher, les arborant non comme une gloire ni comme un fardeau, mais comme un fait simple et incontournable.

Granier-Deferre filme ses personnages sans affect, sans en rajouter. Le face-à-face est terrible parce qu’il est le plus souvent taiseux. Les dialogues (de Pascal Jardin) sont brillants, mais ce sont les silences qui sont les plus forts. Ce silence las de Gabin, et ce silence de Signoret qui ressemble à un hurlement.

Pas le meilleur film à se regarder en couple un 14 février, non. Mais un face-à-face inoubliable.

Pépé le Moko – de Julien Duvivier – 1937

Posté : 4 avril, 2020 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, DUVIVIER Julien, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Pépé le Moko

Avec Pépé le Moko, Gabin est au cœur d’une incroyable succession de chefs-d’œuvre : une dizaine des plus grands films du cinéma français concentrés sur cinq ans et son nom. Pépé le Moko est sa dernière collaboration d’avant-guerre avec Duvivier, le grand Duvivier, cinéaste formidable qui sait aussi bien filmer les acteurs que les décors, aussi à l’aise pour filmer l’action que curieux des autres cultures.

C’est évidemment la raison d’être de Pépé le Moko nous plonger dans les dédales grouillants de vie de la Casbah d’Alger, cette ville-monde si proche et si loin de Paris, que le personnage de Gabin crève de ne pouvoir revoir. La Casbah, que de riches touristes adipeux et grotesques visitent comme s’ils étaient à la foire. Tout le contraire de Duvivier.

Dans le cinéma (et la France) de ces années 30, le regard de Duvivier est précieux, et singulier. Son propos tient plus de l’ethnologie que d’une curiosité teintée d’esprit colonialiste, et la vision qu’il offre de la Casbah, avec sa caméra qui se perd dans la foule, est fascinante de réalité. Qui d’autre que lui aurait associé à Vincent Scotto un compositeur algérien (Mohamed Iguerbouchène), pour la musique de son film

Duvivier, grand cinéaste du monde, comme on parle de « musique du monde ». Grand cinéaste tout court aussi, qui filme merveilleusement ce Pépé, gangster charismatique qui contribue à faire de Gabin un mythe, et sa superbe cour. Saturnin Fabre, Gabriel Gabrio (« Ça va… »), Charpin, Dalio,… et Mireille Balin en incarnation du destin en marche.

La représentation de la Casbah est formidable. Mais le film fonctionne tout autant pour la force de ses personnages, et de leurs rapports compliqués, avec des dialogues (géniaux) signés Henri Jeanson, qui soulignent la frustration de ces hommes, comme prisonniers d’un monde qui n’est pas le leur.

Réjouissants face-à-face aussi entre Pépé et Slimane (Lucas Gridoux), le flic dont on sent bien que sa proie et lui s’aiment tout en se livrant à un jeu mortel. Et la chanson qu’entonne Fréhel en écoutant un disque de sa propre voix, gros plan de son visage en larmes, superbe et déchirant.

Leur dernière nuit – de Georges Lacombe – 1953

Posté : 1 avril, 2020 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GABIN Jean, LACOMBE Georges | Pas de commentaires »

Leur dernière nuit

Gabin, à la croisée des chemins. Son passage à vide (relatif) d’après-guerre n’est pas une accumulation de navets, loin de là : l’année d’avant, par exemple, il a tourné Le Plaisir et La Vérité sur Bébé Donge, deux films formidables. Mais quand même : l’époque des grandes classiques d’avant-guerre est déjà loin, et Gabin cherche un nouveau souffle, qu’il trouvera vraiment l’année suivante, avec Razzia sur la chnouf.

Leur dernière nuit, tourné à la fin de cette période « creuse », fait partie de ses films totalement oubliés. Pas un grand film, clairement. Mais vraiment pas honteux. La mise en scène de Lacombe est efficace, à défaut d’être spectaculaire, avec une simplicité et une économie de moyens qui collent bien au personnage de Gabin, bibliothécaire qui cache une double vie inattendue, et qui devient bientôt une proie résignée.

La résignation : qui mieux que Gabin pour l’incarner ? Une fois encore, il est bouleversant. Ce regard qu’il lance à la nuit lors d’une soirée en tête à tête avec Madeleine Robinson, et ce « Dommage, quand même… » dénué de toute illusion.

Le film manque parfois de souffle, le noir et blanc est tristounet, et la première partie manque de ferveur… Mais il y a comme ça quelques très beaux moments de cinéma, autour de ce beau couple qui se consomme hors champs, on le sait par un soudain tutoiement d’une tendresse inattendue. On le sent par ce « J’aime bien les violettes » lancé par un Gabin qui baisse la garde…

Et la fin, bouleversante, dont la force doit encore beaucoup à l’incarnation de Gabin. Grand acteur, pour bon film.

Coeur de Lilas – d’Anatole Litvak – 1932

Posté : 18 février, 2020 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1930-1939, GABIN Jean, LITVAK Anatole | Pas de commentaires »

Cœur de Lilas

Dès la première scène, on perçoit dans ce film une ambition inhabituelle, et une approche singulière. Tout commence par un long plan qui part d’une colonne de soldats en marche pour s’attacher en route aux jeux d’enfants dans les terrains vagues de la banlieue parisienne, et qui nous amènent tardivement vers un cadavre jeté là…

Après ce début magistral, on n’est pas encore dans le vif du sujet. Suit une longue séquence d’enquête et d’interrogatoire, qui nous mènera à son tour sur les lieux principaux du film, et avec les personnages principaux qui, enfin, entrent en scène. Et quelle entrée en scène !

Ces lieux, on les découvre par de superbes travellings, et un plan en plongée qui dévoile ce quartier crasseux que Fréhel présente avec l’une de ses chansons « réalistes » qui ont fait sa réputation. Les chansons, d’ailleurs, jouent un rôle primordial dans ce film.

On n’est pas dans la comédie musicale, mais à trois reprises, des chansons viennent ponctuer le film. Jamais gratuitement : toujours pour créer le malaise, illustrer les sentiments, ou relancer le suspense. Il y a ainsi cette joyeuse chanson de mariage menée par Fernandel (dans une courte apparition) qui déclenche l’hilarité des convives et sème le trouble chez les jeunes mariés, illustrant par la même occasion la romance contrariée des personnages principaux.

Il y a aussi le fameux « La Môme Caoutchouc », chanson plutôt rigolote que Jean Gabin transforme en menace pesante et impressionnante. Jean Gabin, alors débutant, mais déjà extraordinaire dans le rôle secondaire du mauvais garçon, qui dévore l’écran face à André Luguet, pourtant excellent dans le rôle du flic infiltré dans les bas quartiers pour confondre celle qu’il croit responsable du meurtre.

Elle, c’est la Lilas, que joue Marcelle Romée, actrice au destin tragique (elle mourra cette même année 1932) dont on est incapable de dire si la détresse abyssale de son personnage révèle une actrice exceptionnelle ou une femme abîmée par la vie. Ce personnage dont le premier réflexe après avoir été secourue par André Luguet est de se déshabiller pour s’offrir à son défenseur, sans un mot et résignée…

Il y a dans Cœur de Lilas une audace rare, qui garde 90 ans toute sa puissance. Et si le film reste aussi passionnant, c’est aussi grâce à la mise en scène d’Anatole Litvak, d’une virtuosité et d’un dynamisme tout simplement exceptionnels. Une bagarre incroyable entre Luguet et Gabin dont on ne voit que des ombres et les regards des témoins. Des travellings au plus près de visages qui se tancent du regard. La course désespérée de Lilas et ces visages déformés en surimpression…

Le film est plein de ces moments inoubliables d’une force sidérante. Avec aussi quelques moments d’une beauté simple et poétique : ces allers-retours en bus d’un terminus à l’autre, comme une parenthèse pour deux êtres dont on sait qu’ils n’ont pas d’avenir commun ; le petit matin aux halles, plein de vie et d’espoir… Parenthèse hors du temps dans un film aussi virtuose qu’ancré dans la réalité, avec ces plongées dans la rue qui dévoilent la foule qui se sauve devant une descente de flics, et les prostituées au travail.

La force et la beauté du film sont peut-être le mieux résumés lors de la noce, dans ce douloureux face-à-face entre Marcelle Romée et André Luguet, séparés par la chenille enfiévrée des invités du mariage, et dont tout ce qu’ils auraient à se dire ne passe plus que par les regards. Cœur de Lilas est un film incroyable, exceptionnel et bouleversant.

La Vérité sur Bébé Donge – d’Henri Decoin – 1952

Posté : 18 mai, 2019 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, d'après Simenon, DARRIEUX Danielle, DECOIN Henri, GABIN Jean | Pas de commentaires »

La Vérité sur Bébé Donge

Le ton, la construction, les personnages, les dialogues, l’interprétation… Le film est d’une modernité hallucinante, et suffit à démontrer à quel point le jugement des jeunes loups de la Nouvelle Vague était excessif, voire absurde, sur leurs aînés. Certes, Henri Decoin n’a pas fait que des chefs d’œuvre, mais celui-ci en est un. Et Gabin, qui a parfois eu une tendance à la facilité, est ici magnifique, tout en retenue, en pudeur et en douleur. Raide dingue de Danielle Darrieux, et on le comprend, qui souffle le chaud (brûlant) et le froid (glacial).

C’est un film d’une étonnante modernité, dont le personnage principal est un homme d’un autre temps, figure du mâle dominant à l’ancienne, qui ne voit pas le mal de coucher à gauche et à droite ou de gifler sa femme. Faut bien que ça rentre dans sa caboche… Un type d’un autre temps, donc, marié à une femme également d’un autre temps, sans doute trop en avance dans cette société patriarcale implacable. Une jeune femme romantique et libre, détruite par cet homme (et cette société) psychologiquement si brutal.

D’une puissance folle sur le fond, La Vérité sur Bébé Donge est aussi un film magnifique dans sa forme, avec ses flash-backs audacieux, ce refus de la grandiloquence, cette caméra qui sait être virtuose (passant d’un personnage à l’autre, d’une conversation à l’autre, avec une extraordinaire fluidité lors d’une belle scène de réception), ces dialogues dits par des acteurs qui annoncent très paradoxalement ceux de la Nouvelle Vague dans leur manière de scander les mots.

Gabin est formidable parce qu’il ose jouer un homme qui ressemble à tous ses personnages de l’époque, mais qui au fond est odieux. Et Danielle Darrieux est sublime parce qu’elle sait être pleine de vie, puis livide, comme morte. Avec cette adaptation de Simenon, Decoin prouve une bonne fois pour toute que les jeunes loups des Cahiers ont un peu vite sacrifié tout un pan du cinéma français, qui recèle quelques perles brutes.

Le Rouge est mis – de Gilles Grangier – 1957

Posté : 6 janvier, 2019 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1950-1959, GABIN Jean, GRANGIER Gilles | Pas de commentaires »

Le Rouge est mis

Gabin en braqueur à l’apparence bourgeoise, Lino Ventura en petite frappe dangereuse, Annie Girardot en jeune femme fatale, Paul Frankeur en comparse un peu lâche, Marcel Bozzufi en petit frère encombrant… On est en terrain connu avec ce polar adapté par lui-même d’un roman d’Auguste Le Breton, dont on sait d’emblée qu’il se terminera mal.

Rien de surprenant ? Au contraire. Il y a dans ce film des tas de détails que la caméra de Grangier sait admirablement capter, et qui donnent un ton différent, original, à cet excellent polar. Un bref passage dans un marché populaire plein de vie, une discussion inattendue autour d’actions qui montent ou qui baissent, ou encore une scène totalement inutile avec des cyclistes du dimanche que Gabin regarde partir avec une bienveillance un rien nostalgique…

Il y a de la vie dans Le Rouge est mis. Un savoir faire évident, une efficacité imparable, mais surtout de la vie, que l’on ressent dans chaque scène, et qui a pour effet de renforcer les émotions. Lors du braquage qui ouvre le film, le sentiment de danger est ainsi palpable, sentiment plus fort encore lors de la course poursuite avec les motards de la police. Les face-à-face entre Girardot et Bozzuffi sont elles aussi très fortes, dans un tout autre registre. Jusqu’à la séquence finale, haletante, désespérée et forcément tragique.

Quant à Gabin, il est formidable. A la fois totalement lui-même tel qu’on se l’imagine, et toujours un peu différent : une manière d’être à la fois dur, voire dénué d’empathie, mais aussi humain voire fragile. Il faut voir son regard surpris après s’être pris une giffle par sa mère, ou son regard implorant lorsqu’il rattrape enfin Ventura dans la dernière séquence. Toujours grand, Gabin. Et devant la caméra de Grangier, c’est du bonheur.

Deux hommes dans la ville – de José Giovanni – 1973

Posté : 15 octobre, 2018 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1970-1979, GABIN Jean, GIOVANNI José | Pas de commentaires »

Deux hommes dans la ville

La diffusion de votre film sera suivie d’un débat sur la peine de mort. Rendez-vous avec nos invités dans deux petites heures… Oui, voilà un film taillé pour les Dossiers de l’Ecran. Dommage seulement qu’il passe, un peu, à côté de son sujet.

La charge de Giovanni est sans appel, et pas toujours dans la nuance. Sauf que ce qu’il démonte, c’est peut-être moins la peine de mort en elle-même que le système judiciaire et policier, qui broie des hommes et interdit toute réinsertion. C’est aussi la bêtise et la mesquinerie.

Mais de la peine de mort, il n’est question qu’en pointillés, jusqu’à la dernière partie. Le plaidoyer de l’avocate ? Il est beau… et convenu. Un certain Badinter sera autrement plus marquant, et ce ne sera pas du cinéma. Giovanni, cela dit, a au moins le courage de mettre les pieds dans le plat, dans cette France pas encore prête à tourner la page de la trancheuse.

Le plus marquant, dans cette fin de film, c’est toute la longue dernière séquence, froide et méticuleuse, qui illustre justement un système froid et méticuleux. De cette longue et terrible séquence, ce sont les regards des deux acteurs, qui se croisent enfin après être restés longtemps baissés, qui frappent le plus.

Gabin et Delon, quand même, ça a de la gueule. Delon qui produit un film contre la peine de mort… Rien que cette incongruité, cela mérite le détour ! Et puis il est encore très acteur, à cette époque. Sa composition est juste et forte, et la plupart du temps pleine de nuances, elle. Quant à Gabin, son air fatigué et pas si désabusé que ça fait des merveilles. OK, il est dans un registre qu’il connaît par cœur, et ne surprend pas vraiment. Mais bon, c’est le patron, quand même.

Face à eux, le casting est pas mal : Michel Bouquet en authentique salaud (et flic), Victor Lanoux en gangster jovial, Bernard Giraudeau en fiston en colère, et Gérard Depardieu très jeune et très chien fou en petite frappe.

Rien de renversant, certes : Giovanni est sincère et généreux (il faut dire qu’il fut lui-même un condamné à mort, avant d’être gracié), mais pas un cinéaste très inspiré. Cela dit, il fait le job sans génie, mais avec efficacité, et avec une belle musique de Philippe Sarde pour emballer tout ça, et finir de nous plomber le moral.

Le Pacha – de Georges Lautner – 1969

Posté : 15 mars, 2018 @ 8:00 dans * Polars/noirs France, 1960-1969, GABIN Jean, LAUTNER Georges | Pas de commentaires »

Le Pacha

Soyons positif, ne retenons que le meilleur : le personnage de flic de Gabin qui réussit à sortir du tout-venant de sa filmographie d’alors en passant son temps à évoquer son enfance ; une manière étonnante de s’amuser des brutalités policières (oui, il y a du second degré… enfin je pense) ; le soin inhabituel apporté aux décors, et particulièrement à ce bureau tout en vitres et en lignes géométriques ; et surtout la scène musicale avec Gainsbourg, lorsque Gabin débarque dans un studio en pleine cession d’enregistrement.

Le face à face entre Gabin et Gainsbourg est forcément historique et mythique, même s’il ne passe que par l’image, sans s’inscrire directement dans l’histoire. Ces deux monstres que tout sépare le sont effectivement (séparés), par la vitre du studio d’enregistrement. Pourtant, c’est le moment le plus marquant du film, la seule scène vraiment bien filmée.

S’il y avait du mauvais esprit sur ce blog, on soulignerait que ce passage est l’un des rares, voire le seul, où le réalisateur Lautner prend le pas sur son dialoguiste Michel Audiard. Il est alors au sommet, Audiard, et les dialogues qu’il signe pour Le Pacha sont effectivement aux petits oignons, mémorables même pour certains. Sauf qu’ils n’existent que pour eux-mêmes, comme s’ils étaient écrits indépendamment du scénario.

L’impression, désagréable au possible, qui en ressort, c’est que Audiard fait le malin, et que toutes ses punchlines semblent clignoter avec une grande flèche qui dirait « regarde comme c’est génial ! » Tellement lourd que ça en devient pénible, y compris la fameuse réplique pour laquelle Le Pacha est resté célèbre, lancée par Gabin (qui ne jurait que par Audiard à cette époque) à Robert Dalban : « Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner. » Mémorable, certes, mais qui arrive comme un cheveu sur la soupe.

Une réplique, quand même, est réjouissante : la toute dernière, sur le fil, quand l’histoire est terminée, en voix off, comme un drôle d’hommage de Gabin à son ami disparu : « Albert les Galoches, la terreur des Ardennes, le bonheur des dames, mon pote !… L’empereur des cons… »

Les Misérables – de Jean-Paul Le Chanois – 1958

Posté : 13 mars, 2018 @ 8:00 dans 1950-1959, GABIN Jean, LE CHANOIS Jean-Paul | Pas de commentaires »

Les Misérables 1958

A revoir cette version, je peux confirmer ce que je pensais déjà : Raymond Bernard a sans doute réalisé la meilleure adaptation des Misérables. Vingt-cinq ans plus tard, Jean-Paul Le Chanois a les moyens de ses ambitions, un casting époustouflant, une histoire évidemment hors du commun. Et s’il ne lui manquait que le talent ?

Il n’a en tout cas pas celui de donner du souffle à ce film qui, plus il devrait être spectaculaire, plus il devient terne. S’il fallait un film pour démontrer que de grands moyens ne suffisent pas pour une reconstitution historique réussie, celui-ci serait parfait.

Dans les quelques séquences nécessitant de nombreux figurants, le problème est particulièrement flagrant. Les funérailles de Lamarque ou la bataille de Waterloo semblent n’exister que comme des tableaux immobiles auxquels Le Chanois est incapable de donner de la vie. Même les barricades de Paris, pourtant théâtres d’une véritable tragédie, semblent trop propres, trop lisses.

Il y a quand même du bon : dans les moments plus intimes, Le Chanois est nettement plus à l’aise. La mort d’Eponine, notamment, est joliment cadrée et très émouvante. Et la photographie de Jacques Natteau, si elle manque de cohérence, réserve quelques très beaux moments picturaux. Dans les séquences les plus intimes, toujours.

Et puis, heureusement, il y a le casting. Bourvil en Thénardier, ça a quand même de la gueule. Bernard Blier en Javert, c’est carrément enthousiasmant, tant il est touchant dans son jusqu’au-boutisme aveugle et ravageur. Et Jean Gabin en Jean Valjean ? Eh bien c’est une évidence, et la meilleure raison pour lequel le film, même s’il agace et déçoit, réussit à séduire malgré tout.

Il est non seulement formidable dans le rôle, mais il fait partie de ces acteurs qui savent donner du liant et de la consistance à un film, dès qu’il est à l’écran. Ils ne sont pas si nombreux dans ce cas, à pouvoir sauver n’importe quoi : il y a John Wayne, et une poignée d’autres. Lui rend évidente toute la complexité, toute la force et toute la fragilité de Jean Valjean. Rien que pour lui…

Le Jour se lève – de Marcel Carné – 1939

Posté : 14 février, 2018 @ 8:00 dans * Films noirs (1935-1959), 1930-1939, CARNÉ Marcel, GABIN Jean | Pas de commentaires »

Le Jour se lève

Gabin, reclus dans sa chambre au sommet d’une tour d’habitation, observe la foule qui se masse pour assister à sa fin. Le regard embué, il se souvient des événements qui l’ont conduit là, vers ce que l’on pressent être ces derniers instants. Gabin, avant guerre, a souvent joué les prolétaires au destin tragique. Il atteint des sommets avec ce chef d’œuvre absolu, d’une beauté et d’une cruauté sidérantes.

Le film, signé par le tandem Prévert-Carné, doit aussi beaucoup aux superbes décors d’Alexandre Trauner (qui a eu l’idée de placer la chambre de Gabin au sommet d’une tour), et à la construction en longs flash-backs. Une construction tellement inhabituelle à l’époque (on est deux ans avant Citizen Kane) qu’un carton placé au début du film prévient les spectateurs de ce qu’ils vont voir.

Cette construction par épisodes souligne le poids du destin, qui prend des visages parfois inattendus. Celui, en l’occurrence, de la trop douce Jacqueline Laurent. Celui, surtout, de l’inoubliable Jules Berry, extraordinaire en salaud si commun. Mais Gabin est-il si innocent, lui qui se laisse manipuler par les événements comme par la vie (travaillant sans se plaindre dans des conditions qu’il sait être fatales pour sa santé), et qui balaye d’un revers de la main la possibilité de bonheur que lui apporte Arletty, autre figure tragique.

Le regard de Gabin, les grands gestes de Berry, la nudité d’Arletty, la rondeur bonhomme de Bernard Blier, la sympathie de la foule pour cet homme condamné… Le Jour se lève donne de l’humanité à la tragédie, de la grandeur à la modestie de ces hommes et de ces femmes. Les dialogues sont magnifiques (« Il vous ressemble, il a un œil gai, et l’autre un peu triste. » « C’est vrai qu’il me ressemble… »), Carné signe l’une de ses plus belles mises en scène (le mouvement de caméra qui monte vers le lieu du drame), et Gabin a rarement été aussi bouleversant. Incontournable, indispensable.

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