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Archive pour la catégorie 'CARRADINE John'

Le Brigand bien-aimé / Jesse James, le brigand bien-aimé (The True Story of Jesse James) – de Nicholas Ray – 1957

Posté : 15 août, 2014 @ 3:11 dans 1950-1959, CARRADINE John, RAY Nicholas, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le brigand bien-aimé Ray

Un remake du film de Henry King était-il bien nécessaire ? Sans doute pas, mais Nicholas Ray adopte une approche très différente du mythe de Jesse James, notamment dans la structure du film, avec une construction en puzzle qui tourne entièrement autour de la personnalité du bandit et de la perception qu’en ont les Américains.

Esthétiquement, cependant, les choix de Ray ne sont pas loin de ceux de King. La preuve : des stock shots du film de 1939 (dont la spectaculaire chute du cheval) sont utilisés dans le film de Ray, et se marient parfaitement à l’ensemble, malgré les deux décennies qui séparent les deux tournages. La filiation entre les deux films est assez frappante, beaucoup de séquences renvoyant directement au film de King. Surtout, il y a la participation de John Carradine, qui tenait le rôle de Robert Ford dans le film de 1939 et dans sa suite (signée Fritz Lang).

Là où Ray s’éloigne le plus de King, c’est dans sa manière de montrer la violence, sans ménager le spectateur. La toute première séquence ne laisse guère de doute, et impressionne en nous immergeant directement dans la violence la plus brutale, dans le sang et dans la boue. Le romantisme et le mythe qui entourent le personnage de Jesse James ne sont que des fantasmes dont Ray n’est pas dupe le moins du monde.

Âpre et intense, le film aurait quand même mérité des acteurs un peu plus… âpres et intenses. Aussi sympathiques Robert Wagner et Jeffrey Hunter (dans le rôle de Frank James, le frangin) soient-ils, ils font pâle figure à côté de Tyrone Power et Henry Fonda, et n’apportent jamais vraiment cette ambiguïté nécessaire à leurs rôles.

Le film, finalement, est surtout réussi pour les détails souvent anodins en apparence qu’y glisse le cinéaste, comme ces badauds qui se ruent après la mort de Jesse, volant objets et photos dans la maison endeuillée. Des petits riens inutiles pour le déroulement de l’histoire, mais qui apportent un supplément d’âme, une humanité qui justifie à elle seule l’existence de ce remake.

Le Fier rebelle (The Proud Rebel) – de Michael Curtiz – 1958

Posté : 27 juin, 2014 @ 5:22 dans 1950-1959, CARRADINE John, CURTIZ Michael, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Fier rebelle

Après avoir quitté la Warner, dont il a signé quelques-uns des plus grands chef-d’œuvre (L’Aigle des mers, Casablanca…), Michael Curtiz n’a pas signé que des grandes réussites. Mais ce Fier rebelle est sans doute l’un des plus beaux de la fin de sa carrière. Retrouvant Olivia de Havilland, son héroïne de Capitaine Blood et Robin des Bois, il signe un western simple et beau, dans la lignée de Shane : Alan Ladd y trouve un rôle similaire, celui d’un homme qui tente d’oublier son passé, et de construire une nouvelle vie pour un enfant, cette fois le sien.

Toute la grandeur d’Hollywood est là : cette capacité à transformer des torrents de bons sentiments en une œuvre intime et émouvante. Alan Ladd est un père qui traverse l’Amérique à la recherche d’un médecin qui pourrait soigner son fils, muet depuis qu’il a assisté à la mort de sa mère durant la guerre civile (joué par David Ladd, le propre fils de la star). On sait d’avance ce qui va se passer, bien sûr, surtout lorsque le père et le fils croisent la route de cette vieille fille encore magnifique jouée par Olivia De Havilland : ce qui manque à ce gamin, c’est une vraie famille, ce qu’il trouvera finalement avec un père, une mère d’adoption, une ferme, et son chien.

Tous les poncifs de la famille américaine sont là, pourtant, élevés en idéaux absolus. Ça devrait agacer, mais non : le film est une splendeur, superbement photographié par Tedd McCord qui souligne les passages les plus intimes par des couleurs chaudes d’un romantisme absolu. Curtiz, lui, n’a rien perdu de son talent : son sens du cadre et du rythme est intact, tout comme sa capacité à offrir de grands moments aux plus petits seconds rôles.

C’est le cas avec John Carradine, qui parvient à marquer le film de son empreinte alors qu’il n’apparaît que dans une courte scène dans les premières minutes, sans le moindre impact sur l’histoire. Mais cette simple scène (Carradine quittant la ville croise Ladd et son fils qui arrivent) suffit à dévoiler le caractère de Ladd, sa lassitude, et ses liens si forts avec son fils.

Tout le casting est parfait, d’ailleurs autour du couple de stars : Henry Hull en juge grande gueule mais bon fond, Cecil Kellaway en médecin au grand cœur, Dean Jagger dans le rôle incontournable du gros éleveur machiavélique (un rôle qui devait être tenu par Adolphe Menjou) ou encore le jeune Harry Dean Stanton en petite frappe…

Mais il y a surtout le chien, loin d’être un simple élément de décor : véritable star du film, il est le moteur de l’histoire, la source des scènes les plus émouvantes et les plus douloureuses. Les plus surprenantes aussi, lorsque Curtiz le filme longuement à l’action dans ses œuvres de chien de berger d’exception. A se demander même, par moments, si Curtiz n’a pas tourné ce film uniquement pour mettre ce chien en scène… Ce serait bien sûr oublier que Le Fier rebelle est une réussite à tous les niveaux.

• Le film a été édité chez Artus, généralement plus habitué à dénicher des séries B, voire C, D ou Z. En bonus, une présentation par Eddy Moine, aussi érudit que son papa.

Le retour de Frank James (The Return of Frank James) – de Fritz Lang – 1940

Posté : 5 février, 2014 @ 2:31 dans 1940-1949, CARRADINE John, LANG Fritz, TIERNEY Gene, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le Retour de Frank James

1939, année de la résurrection du western, a été marquée par de nombreux triomphes du genre, à la fois artistiques et populaires. C’est le cas de Jesse James, le brigand bien-aimé, chef d’œuvre signé Henry King à la distribution impressionnante. Un an après ce succès, Zanuck met en chantier une suite, qu’il confie à Fritz Lang, qui avait déjà dirigé Henry Fonda dans J’ai le droit de vivre.

Pas de tromperie sur la marchandise : Le Retour de Frank James est bien la suite directe du film de King. La toute première scène est d’ailleurs tirée de Jesse James : on y reconnaît Tyrone Power, lorsqu’il se fait tirer dans le dos par le lâche Bob Ford, joué par John Carradine. Le rôle de Power s’arrête là, bien sûr. Mais Lang retrouve une demi-douzaine de comédiens du premier film autour de Henry Fonda, personnage un peu en retrait dans le film de King qui prend une toute autre carrure ici : Carradine, Donald Meek, Henry Hull, J. Edward Bromberg, Ernest Whitman.

Pourtant, sur ce projet hyper balisé, dans un univers dont un autre que lui a posé les bases, Lang signe encore une fois un film qui porte indéniablement sa marque. De cette suite d’un western génial, le cinéaste fait une réflexion toute personnelle sur la justice, sur la place de l’individu face au poids de la société : des thèmes on ne peut plus langiens qui reviennent film après film, y compris dans ses premières années hollywoodiennes.

On retrouve aussi, très présent, un autre motif omniprésent dans le cinéma de Lang : l’importance de la presse, et la manipulation de la vérité. Pour son tout premier rôle au cinéma, la toute jeune Gene Tierney incarne ainsi une jeune journaliste qui se fait manipuler par Frank James. Quant à l’éditeur de journal déjà présent dans le premier film (Henry Hull), sa gazette semble n’être qu’une tribune très libre et très contestable qui fait bien de cas des faits…

Dans ce film, plus encore que dans le précédent, on joue avec l’Histoire, avec la réalité. Décidé à venger son frère, Frank James retrouve Bob Ford et son frère dans un petit théâtre où ils tiennent leurs propres rôles dans une pièce qui revisite très librement la mort de Jesse James. Cette séquence, superbement filmée et éclairée, est l’une des plus belles du film, confrontation dramatique entre la réalité et la fiction.

Le film n’est pas avare en poursuites, en fusillades et en action, mais le scénario prend une autre direction dans le dernier tiers, transformant le western en un film de prétoire où chaque personnage trouve sa place. Ce pourrait être bancal. Et le fait est que des trois westerns de Lang (il enchaînera avec Les Pionniers de la Western Union et tournera quelques années plus tard l’excellent L’Ange des maudits), celui-ci n’est pas le plus fort. Mais ce petit film langien, émaillé de belles idées, est passionnant.

• DVD dans la collection Western de Légende de Sidonis, avec des présentations par Bertrand Tavernier et Patrick Brion. Ce dernier évoque d’ailleurs le film de King, en affirmant qu’il ne montre pas la mort de Jesse James. Ce qui tend à démontrer qu’il existe plusieurs versions du film de King, puisque celle que j’ai vue récemment montre bel et bien Jesse James se faire tuer.

Le Brigand bien-aimé (Jesse James) – de Henry King – 1939

Posté : 3 février, 2014 @ 6:25 dans 1930-1939, CARRADINE John, KING Henry, WESTERNS | Pas de commentaires »

Le brigand bien aimé

1939 est une année miraculeuse pour le western. Artistiquement mort depuis la fin du muet, le genre se limitait jusqu’alors à une interminable série de nanars pour la plupart sans la moindre ambition. Et puis cette année-là, une poignée de grands cinéastes offrent au western une nouvelle jeunesse, et en font l’un des genres majeurs du cinéma américain, ce qu’il ne cessera plus d’être dans les quinze années qui viennent : c’est l’année du Stagecoach de John Ford bien sûr, mais aussi de Pacific Express de Cecil B. De Mille, et de ce Jesse James signé par un Henry King très inspiré.

Ce modèle de western revisite le mythe du célèbre brigand. Le film de King évite tout angélisme, mais c’est un anti-héros romantique et profondément américain qu’il filme ici. C’est aussi, et surtout, l’histoire d’amour entre le plus célèbre des bandits, et l’Amérique. Il y a quelque chose du Tom Joad des Raisins de la colère dans ce personnage victime de son époque, mais qui sait aussi saisir les opportunités d’un pays qui est à la fois une terre d’accueil et un environnement impitoyable.

« Si la légende est plus belle que l’histoire, imprimez la légende » pourrait être l’épitaphe de ce chef d’œuvre, qui annonce par bien des aspects L’Homme qui tua Liberty Valance. Et pas seulement parce qu’on y retrouve un personnage très semblable de journaliste fort en gueule.

Le film de King, comme plus tard celui de Ford, évoque un pays sauvage sur le point de laisser la place à la civilisation et à l’ordre. Il parle d’un pays qui avance dans son histoire, du progrès en marche et de ses victimes. En l’occurrence, celles du chemin de fer, souvent montré dans les westerns comme le grand œuvre qui a unifié l’Amérique, mais dont King montre le sombre revers avec beaucoup plus de cynisme.

Dès les premières images, la cruauté de ce progrès que personne n’arrêtera apparaît, avec le génial Brian Donlevy, agent sans scrupule chargé d’exproprier à moindre coût, et en utilisant n’importe quels moyens, les fermiers installés sur le tracé de la future voie ferrée. La famille de Jesse James est de ceux-là. C’est le début d’un engrenage fatal. Jesse James (Tyrone Power) et son frère Frank (Henry Fonda, en retrait), qui ont résisté, sont obligés de fuir, leur mère (Jane Darwell, qui sera justement celle de Tom Joad dans le film de Ford l’année suivante), est tuée, et les deux frères deviennent vite les hors-la-loi les plus recherchés du pays.

A grands coups d’ellipses magnifiques, le film retrace un parcours de dix années marquées par la violence et la tragédie, par des rencontres avec des hommes sans morale et sans courage (Donald Meek, et John Carradine en Bob Ford) et quelques belles relations qui illustrent ce qui aurait pu être dans un meilleur monde : une femme belle et aimante, une famille à peine esquissée, un shérif bienveillant (Randolph Scott) qui entame avec Jesse James une relation à la De Niro/Pacino dans Heat.

Quant à la mise en scène de King, elle est absolument magnifique. Aussi inspiré dans les passages intimes que dans les spectaculaires morceaux de bravoure (notamment une fuite à cheval, au sommet d’une falaise), le cinéaste fait plus que redonner ses lettres de noblesse au western : il en signe l’un des grands chef d’œuvre.

Le succès du film incitera les producteurs à lancer une suite dès l’année suivante : ce sera Le Retour de Frank James, toujours avec Henry Fonda, John Carradine, Donald Meek et quelques autres, qui sera le premier des trois westerns réalisés par Fritz Lang.

Les Pionniers de la Western Union (Western Union) – de Fritz Lang – 1941

Posté : 27 janvier, 2014 @ 5:49 dans 1940-1949, CARRADINE John, LANG Fritz, WESTERNS | Pas de commentaires »

Les Pionniers de la Western Union

Ce deuxième western de Lang s’inscrit dans une tradition particulièrement riche du genre : les wersterns consacrés à la construction de l’Union. Dans cette belle lignée, on retrouve surtout les grands films évoquant les débuts du chemin de fer. On pense d’ailleurs beaucoup à Pacific Express, chef d’œuvre tourné à la même époque, mais aussi aux films de Ford, du Cheval de fer à La Charge héroïque. Dans ce baptême du feu de Lang, dans un genre où on ne l’attendait pas forcément, on croise d’ailleurs des visages très fordiens : John Carradine et même Francis Ford au détour d’une scène.

Comme Ford, Lang met du pittoresque dans cette histoire d’honneur où la femme tente vainement de trouver sa place. Le contremaître chiqueur, le cuisinier au bout du rouleau, son « gardien » à moitié scalpé… autant de gueules qui semblent effectivement sorties d’un western du grand Ford.

Mais Les Pionniers… annoncent aussi, avec vingt-cinq ans d’avance, la vision qu’aura Leone du genre. Le (beau) personnage de Randolph Scott, surtout, préfigure d’une manière étonnante celui de l’homme sans nom. Même cigarillo, même mutisme, même mystère sur son passé, même aplomb face à quatre bandits armés. Le personnage est fascinant, face à un Robert Young dont l’interprétation inattendue est remarquable.

Western souvent mésestimé, Les Pionniers… est pourtant un pur Fritz Lang. Dès la première séquence, sa vision de l’humanité est là, sans concession. Dans ce grand pays ouvert à toutes les bonnes volontés, terre d’espérances pour les plus faibles, la loi du plus fort règne. Les êtres affaiblis sont condamnés. Le cheval boiteux, l’homme blessé… tous deux semblent condamnés à une mort certaine. Pire, même : une mort logique.

Le personnage de John Carradine participe du même principe cynique. Médecin dévoué et attachant, il voit tous les patients qu’il tente de soigner mourir les uns après les autres.

Quant au duel final, il est l’un des plus beaux que l’on ait pu voir. Parce qu’il ne ressemble à aucun autre. Spectaculaire et banal, jouissif et tragique.

• Le film est disponible dans la collection Westerns de légendes, chez Sidonis.

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe [sans jamais oser le demander] (Everything you always wanted to know about sex [but were afraid to ask]) – de Woody Allen – 1972

Posté : 17 novembre, 2013 @ 11:22 dans 1970-1979, ALLEN Woody, CARRADINE John | Pas de commentaires »

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe [sans jamais oser le demander] (Everything you always wanted to know about sex [but were afraid to ask]) – de Woody Allen – 1972 dans 1970-1979 tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-le-sexe

Plus encore que Bananas, son précédent film (dans lequel le génie allenien affleurait déjà à travers quelques aphorismes), Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe porte l’empreinte du Woody Allen première époque : le gagman et l’homme de stand-up.

Le film est une succession de six sketchs inspiré à Allen par le livre à succès du docteur David Reuben, dont il se moque gentiment. Le seul fil conducteur : le sexe, sous tous ses aspects. Et pas forcément avec l’approche la plus fine. Woody lui-même semble plus désireux de peaufiner un personnage vaguement inspiré de Chaplin et de Groucho Marx, que d’écrire des dialogues qui font mouche. Pas grand-chose à se mettre sous la dent, de ce côté-là.

Pas non plus la peine de chercher une quelconque émotion : Allen joue clairement la carte du grand n’importe quoi. Le résultat est pour le moins inégal, se révélant parfois pénible, comme dans cette parodie de film d’horreur où John Carradine est une sorte de Frankenstein du sexe, et où Woody doit affronter un sein gigantesque qui menace la ville comme l’araignée géante de Tarantula

Gênante aussi, cette parodie de jeu télévisé où de vieux messieurs dévoilent leurs perversions sexuelles face à la caméra. Où cet autre sketch racontant l’histoire d’amour entre un médecin bien marié et un mouton. Au moins Gene Wilder est-il formidable dans ce rôle impossible.

Le premier sketch, finalement, est le plus réussi : Allen, en bouffon du roi, tente de forcer la ceinture de chasteté de la reine. Du pur burlesque, plutôt efficace. C’est là aussi que l’on trouve ce qui ressemble le plus à l’aspiration d’un autre cinéma : une citation inattendue de shakespeare par un Woodu Allen ouvertement clownesque.

Ailleurs, on le retrouve en amant italien cherchant désespérément à faire jouir sa femme (plutôt pas mal), et surtout en spermatozoïde se préparant pour l’éjaculation. A défaut d’être particulièrement drôle ici, Woody Allen s’amuse…

Crime passionnel (Fallen Angel) – d’Otto Preminger – 1945

Posté : 4 novembre, 2013 @ 3:17 dans * Films noirs (1935-1959), 1940-1949, CARRADINE John, PREMINGER Otto | Pas de commentaires »

Crime passionnel (Fallen Angel) – d’Otto Preminger – 1945 dans * Films noirs (1935-1959) crime-passionnel

Crime passionnel a souvent été comparé avec Laura, le précédent film de Preminger, tourné quelques mois seulement avant avec le même acteur (Dana Andrews), le même chef-opérateur (Joseph LaShelle) et le même compositeur (Bernard Herrmann).

Mais ce nouveau film noir se démarque très nettement du film précédent. L’une des spécificités, qui peut paraître anecdotique mais qui ne l’est pas, c’est le décor : l’ambiance n’est pas urbaine cette fois, l’intrigue se déroulant dans une petite ville de province, en bord de mer, qui se résume à l’écran à un petit bar et une poignée de lieux clés.

Preminger joue avec les codes du film noir, avec ce loser pas vraiment magnifique qui tombe sous la coupe d’une femme fatale, jouée par Linda Darnell, dans un nouveau rôle de garce manipulatrice. Mais une manipulatrice de bas étage : il y a dans la femme fatale comme dans le « héros » du film une médiocrité étonnante. Elle n’est finalement qu’une paumée un peu salope sur les bords prête à coucher à quiconque lui apportera une bague au doigt et un foyer.

Lui se définit lui-même comme un raté, un type plein d’idées foireuses et sans le sou, prêt à tout pour un mariage qu’il sait condamné d’avance. Prêt à tout, même à séduire une jeune femme pleine de principe, et à l’épouser, dans le seul but de mettre la main sur son argent.

Il y a quelque chose de fascinant dans la manière qu’a Preminger de filmer la médiocrité de Dana Andrews. Cynique lorsqu’il met ses talents de beau parleur au service d’un « médium » qui affirme communiquer avec les proches disparus des habitants (un joli rôle pour John Carradine). Perdant tout amour-propre lorsqu’il cède à son attirance purement physique pour Linda Darnell : un désir qui vaut à Preminger un plan sublime, les visages des deux acteurs qui envahissent littéralement l’écran pour un premier baiser baigné d’ombre et ouvertement sexuel.

Immense, Dana Andrews ose jouer le minable détestable sans jamais rien faire pour tenter de rendre son personnage plus sympathique qu’il ne l’est. Pathétique, perdu, odieux, il est omniprésent ou presque dans ce film magnifiquement réalisé. Les sublimes travellings et la caméra qui semble envelopper les comédiens, dans des décors particulièrement réussis, créent une intimité presque dérangeante, et souligne le mal-être de ces personnages qui n’attendent plus grand-chose, se raccrochant à ce qu’ils ont, à ce qu’ils veulent, ou à ce qu’ils croient avoir.

Entre Laura et Mark Dixon détective, Crime passionnel est un jalon méconnu, mais majeur, de la collaboration entre Dana Andrews et Otto Preminger.

Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) – d’Elia Kazan – 1976

Posté : 6 septembre, 2013 @ 1:39 dans 1970-1979, CARRADINE John, CURTIS Tony, DE NIRO Robert, KAZAN Elia, MITCHUM Robert | Pas de commentaires »

Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) – d’Elia Kazan – 1976 dans 1970-1979 le-dernier-nabab

Elia Kazan savait-il que The Last Tycoon serait son dernier film ? Il y a en tout cas des allures de testament cinématographique dans cette magnifique adaptation d’un roman de Fitzgerald. Dans le cadre du Hollywood des années 30, celui de la jeunesse de Kazan, c’est un film profondément mélancolique, l’histoire d’un amour disparu, que De Niro tente de retrouver à travers le personnage quasi-fantasmé de Katherine Moore, sosie de sa défunte femme.

Dans le rôle, Ingrid Boulting n’a pas eu bonne presse à l’époque de la sortie. Son interprétation vaporeuse en a surpris plus d’elle. A tort : elle tient davantage du fantasme que de l’héroïne classique. Sa première apparition affiche la couleur : après un tremblement de terre qui surprend le producteur interprété par DeNiro dans son sommeil, elle entre en scène chevauchant une tête géante dérivant dans un décor de cinéma inondé par un torrent…

Producteur à l’ancienne, à l’époque où les producteurs étaient les maîtres absolus et disposaient à leur convenance des réalisateurs comme des scénaristes, Monroe Stahr est inspiré par Irving Thalberg, le jeune maître à penser de la MGM dans les années 20 et 30. Il est aussi le symbole d’un Hollywood déjà condamné à disparaître, alors que le studio est secoué par la grogne des scénaristes, sur le point de créer leur syndicat. La toute puissance du producteur qui ne vit que pour les films est remise en cause. L’ère des financiers et des avocats se profile.

Stahr/DeNiro représente aussi toute la complexité de ce système de l’âge d’or d’Hollywood : un vrai amoureux de cinéma qui connaît mieux que quiconque les clés d’un bon film (la période a donné un paquet de grandes réussites, quand même…), mais qui se révèle sans pitié, obligeant un grand écrivain perdu dans un Hollywood qu’il ne comprend pas (Donald Pleasance, sans doute inspiré de Fitzgerald lui-même) à travailler avec de jeunes scénaristes aux ordres, ou virant sans ménagement d’un plateau un réalisateur (Dana Andrews) incapable de canaliser la star capricieuse jouée par Jeanne Moreau.

Monroe Stahr est à l’image de ce Hollywood recréé à l’écran dans toute sa complexité, à la fois terriblement séduisant et terrible tout court. Kazan n’est pas dupe, lui qui a connu les sommets d’Hollywood comme ses revers, après son fameux témoignage devant la commission des activités anti-américaines. Est-ce pour cela que l’un des personnages les plus sympathiques, le moins altéré par le cynisme hollywoodien, est un communiste, interprété par Jack Nicholson ?

Le film est beau parce que le personnage de DeNiro, en pleine perdition, est très émouvant. Mais aussi parce que derrière le cynisme et la critique d’un système, on sent une certaine nostalgie de cette époque disparue : The Last Tycoon est aussi une déclaration d’amour pour le cinéma et ses acteurs, avec une affiche magnifique qui semble réunir toutes les générations d’acteurs.

John Carradine sert de guide à travers les décors du studio. Tony Curtis, formidable, joue avec sa propre image. Robert Mitchum n’avait plus été aussi bon depuis des années. Ray Milland et Dana Andrews échappent pour un temps aux nanars qu’ils enchaînent alors pour des rôles en retrait mais marquants.

Ces monstres sacrés, stars d’un Hollywood déjà disparu, semblent passer le flambeau à DeNiro, fascinant dans sa raideur. L’acteur est sans doute celui qui incarne le mieux le nouvel Hollywood. Pourtant, c’est le Hollywood de l’Âge d’Or dont il est le symbole dans ce film. Qu’importe le système finalement. A la fin du film, avant de quitter ce studio pour lequel il a tout donné, il lance face caméra : « Je viens de faire du cinéma ». Et la phrase résonne comme un adieu du réalisateur. C’est bouleversant.

L’Egyptien (The Egyptian) – de Michael Curtiz – 1954

Posté : 20 mai, 2013 @ 3:21 dans 1950-1959, CARRADINE John, CURTIZ Michael, TIERNEY Gene | Pas de commentaires »

L’Egyptien (The Egyptian) – de Michael Curtiz – 1954 dans 1950-1959 legyptien

La filmographie de Michael Curtiz en dehors de la Warner, où il a signé ses plus grands chef d’œuvre (des Aventures de Robin des Bois à Casablanca, le gars les a enchaînés pendant près de vingt ans) n’a pas vraiment bonne réputation. Et c’est vrai que, loin du studio de ses débuts hollywoodiens, Curtiz semble avoir perdu une partie de son talent, ce qui a fait penser que le vrai génie était la fameuse atmosphère Warner, plutôt que le cinéaste lui-même.

C’est évidemment injuste, et la réussite de certains films plus tardifs vient réhabiliter Curtiz : Les Comancheros par exemple, ou Le Fier rebelle, côté westerns. Cet Egyptien est également hautement recommandable. Curtiz réussit à ne pas se laisser étouffer par son énorme budget, ses décors pharaoniques et ses milliers de figurants. Il réussit ce qu’il faisait si bien à la Warner : il crée une vraie atmosphère, et donne à son film un rythme exceptionnel, sans le moindre temps mort.

C’est sans doute l’un des meilleurs péplums de cette période, un film où, comme souvent, le destin personnel d’un homme est intimement lié à celui de leur civilisation. Et où, comme souvent, la distribution est prestigieuse : Jean Simmons, Victor Mature, Gene Tierney (dans un rôle totalement inintéressant, mais Gene Tierney quand même…), Peter Ustinov, John Carradine, Michael Wilding… et dans le rôle principal un certain Edmund Pardom.

Le personnage principal est particulièrement complexe et réussi : un type bien qui se destine à la médecine pour les pauvres, devient un proche du pharaon (dont il apprendra qu’il est le demi-frère), et finit par trahir toutes ses valeurs et tous ses proches pour l’amour d’une femme qui profite de lui, avant de trouver la rédemption, mais trop tard, grâce à une femme qui l’aime vraiment.

Il y a tout ce qu’on aime dans cet Egyptien : de l’amour, de la trahison, une amitié complexe (avec l’incontournable Victor Mature), le souffle du destin, des moments de bravoure (notamment l’attaque d’un lion). Curtiz, par contre, échoue lorsqu’il s’agit d’évoquer les troubles de cette époque marquée par le choc des religions. La violence et l’intolérance ne sont qu’évoquées et, malgré une séquence de chaos assez impressionnante, restent à l’état de simple toile de fond. Sur ce sujet, le Agora d’Amenabar sera nettement plus convaincant.

La Chevauchée fantastique (Stagecoach) – de John Ford – 1939

Posté : 19 avril, 2013 @ 1:12 dans 1930-1939, CARRADINE John, FORD John, WAYNE John, WESTERNS | 1 commentaire »

La Chevauchée fantastique (Stagecoach) – de John Ford – 1939 dans 1930-1939 la-chevauchee-fantastique-1

Que dire sur ce monument du western ? Treize ans après Trois sublimes canailles, Ford renoue avec un genre qu’il avait totalement délaissé depuis la fin du muet. Avec ces retrouvailles, le cinéaste signe une espèce de western définitif, qui rassemble toutes les grandes figures du genre : attaque d’Indiens, cavalerie à la charge, duel dans la nuit.

Surtout, Ford réunit dans une diligence tous les personnages typés du genre westernien : le hors-la-loi, le médecin alcoolique, le joueur de poker, le banquier hautain, le petit homme un peu lâche, la femme du monde qui arrive dans l’Ouest pour retrouver son mari, le shérif, le conducteur débonnaire, et la « fille » au passé sulfureux.

De ces stéréotypes, Ford fait des personnages à part entière, extraordinairement bien écrits et vivants. Le cinéaste a un vrai génie pour donner de la consistance au moindre second rôle de ses films, et pour créer des communautés éphémères, qui ont tout d’une vrai famille, avec ses attirances, ses inimitiés, ses engueulades, ses coups bas. Il est ici épaulé par des acteurs absolument formidables. De Claire Trevor (très émouvante) à Thomas Mitchell (forcément attachant), en passant par John Carradine (forcément fourbe), Berton Churchill (forcément détestable) ou Andy Devine (forcément bon bougre), que des grands acteurs, dans des rôles taillés sur mesure. Et que des habitués du cinéma de Ford.

la-chevauchee-fantastique-2 dans CARRADINE John

Et puis il y a John Wayne, bien sûr. L’acteur avait déjà fait quelques panouilles pour Ford à la fin du muet (notamment dans Hangman’s house), et avait déjà tenu la vedette de La Piste des géants pour Walsh, en 1930. Mais depuis près de dix ans, il enchaînait les westerns de série B (C ? D ?…) assez miteuses. C’est bien dans Stagecoach que Wayne devient un acteur puissant. Et une star par la même occasion.

D’ailleurs, on sent bien que Ford a décidé de faire de Wayne une star : l’acteur apparaît pour la première fois dans un travelling qui se termine en gros plan sur son visage impressionnant. Ce plan spectaculaire est de ceux qui créent les légendes…

Wayne est le vrai pivot d’un film qui combine merveilleusement l’intime et le spectaculaire, l’exiguïté de cette diligence avec l’immensité de Monument Valley, les drames personnels des personnages et les guerres indiennes qui font rage. Stagecoach est l’un des chef d’œuvre de Ford (et du western). De cette accumulation de figures obligées, Ford a tiré un film très personnel, et constamment inspiré. Un classique incontournable, oui.

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